Sept Ducati, une pour chaque jour de la semaine
Publié le 26 mars 2015
En plein milieu d’un hiver qui ne veut pas mourir, Ducati a invité sept journalistes canadiens, dont votre humble serviteur, dans la grande région de San Francisco, en Californie, afin de découvrir les principales motos de sa gamme 2015. Trois machines étaient absentes de ce rendez-vous, les deux dernières nouveautés de la marque, à savoir la Panigale 1299 et la Multistrada 1200 qui ne sont pas encore arrivées sur nos côtes, mais aussi la Streetfighter 848 qui est en fin de carrière. Récit d’un séjour idyllique au Paradis des motocyclistes, pays du soleil perpétuel et des routes de rêve.
Par Didier Constant — Photos © Adam Wheeler, Joe Salas (4theriders.com) et Didier Constant — Vidéos: Ducati
Nous venons de quitter le point d’observation de Muir Beach, dans le district de Marin County, sur la légendaire Route 1 qui borde l’Océan Pacifique. Nathon, le responsable presse de Ducati, Costa, Bertrand et moi-même, roulons à un rythme très inspiré. Derrière, nos trois collègues ontariens se crachent dans les mains pour rester au contact. Ils en arrachent un peu, mais fanfaronnent, à la façon des héros du «Joe Bar Team», chaque fois que nous nous arrêtons. Ce qui arrive malheureusement trop souvent. Nous devons en effet attendre une collègue de Toronto qui n’est pas habituée à rouler à ce rythme. Elle lambine des kilomètres en arrière, entraînant le pilote de Ducati qui ferme la marche, dans sa léthargie hypnotique. Il est obligé de veiller sur elle et de la ramener à bon port sans pouvoir profiter des magnifiques routes qui s’offrent à lui.
À la décharge de notre flâneuse, elle n’a pas une très grande expérience et elle doit se demander ce qu’elle fout là, avec une bande de furieux qui n’ont aucune envie de gâcher leur plaisir à l’attendre. Il y a longtemps que j’ai réalisé que la vie était trop courte pour ne pas profiter des bons moments quand ils se présentaient. Quand je roule en groupe, ce qui est extrêmement rare, je roule pour moi, car c’est le seul moyen de profiter de l’expérience, sans aucune frustration, mais surtout de rester en vie. Et j’attends des autres qu’ils fassent la même chose. Ce n’est pas de l’égoïsme ni un manque de considération, mais un simple principe de précaution, de sécurité. «Solidaire d’accord, mais solitaire d’abord!», un leitmotiv que j’ai fait mien très tôt, à l’adolescence.
Pour ceux qui n’auraient jamais emprunté cette route légendaire, situons le décor. Nous sommes à une quarantaine de kilomètres au nord de San Francisco, un peu avant le village de Point Reyes Station. Nous nous rendons au Nick’s Cove Restaurant & Oyster Bar, un établissement réputé, situé en bordure de mer, dans un décor enchanteur. La route à cet endroit est l’une des plus belles de Californie qui en compte pourtant des dizaines. Et belle, elle l’est dans tous les sens du terme, c’est-à-dire qu’elle combine des panoramas sublimes et un tracé génial où les virages serrés succèdent aux courbes rapides à un rythme endiablé. Aucune ligne droite digne de ce nom pour relaxer. Il faut rester concentré, attentif au moindre signe. Aborder la route comme s’il s’agissait d’une épreuve. Et vivre le moment présent à fond. Tous les sens en éveil.
Sur la Monster 1200S, calé en quatrième, je profite du couple abondant du bicylindre en L pour sortir des courbes avec puissance. Dans les rares sections rectilignes, je passe la sixième, flirtant parfois avec la zone rouge. Pourtant, en regardant le compteur, j’ai l’impression de me traîner comme une larve. Jusqu’à ce que je réalise que le tableau de bord est réglé dans le système impérial. «C’est déjà mieux, me dis-je. Mais rouler plus vite ne serait pas très raisonnable!»
Il y a 24 heures, j’étais encore à Montréal, à maudire l’hiver, le froid et la saleté de neige qui envahit nos rues et nos esprits. Là, sur la côte du Pacifique, sous un soleil radieux, je me rappelle soudainement les premiers vers de «California Dreamin’» du groupe «The Mamas & The Papas»: «All the leaves are brown and the sky is gray, I’ve been for a walk on a winter’s day, I’d be safe and warm if I was in L.A., California dreamin’ on such a winter’s day».* Un morceau envoutant. Je savoure pleinement cette balade californienne, sans remords, sans arrière-pensées. Comme si c’était la dernière balade que je vivais.
Une journée, une moto!
Selon la Bible, Dieu créa la Terre en 7 jours — 6 en fait si on tient compte du fait que le septième il se reposa —, ce qui explique que le calendrier géorgien compte 7 jours, le dernier, le dimanche, étant férié. À l’occasion de cet événement exceptionnel où Ducati nous a permis d’essayer 7 de ses principales motos, j’ai souvent eu cette comparaison en tête. Comme si la firme de Borgo Panigale avait délibérément créé une moto pour chaque journée de la semaine. Dans l’esprit, à tout le moins. Si vous le voulez bien, je vais détailler pour vous mes choix de motos, en fonction des jours de la semaine.
Lundi, c’est le jour de la Panigale
Le lundi, c’est le premier jour de la semaine, nommé en hommage à la Lune. Celui qui souligne le retour au boulot. Dans mon cas, c’est habituellement la journée que je choisis pour faire de la piste et non la fin de semaine, contrairement à la majorité des gens. Le week-end, c’est sacré! Je le consacre à la famille et si je roule à moto, c’est en couple. Et pas loin. La Panigale 899 — ou la 1299 à fortiori — est une authentique pistarde. Pas une routière. Sur les merveilleuses routes 9, 35, 84 ou 92 qui déroulent leurs lacets envoutants dans les collines boisées situées au sud de San Francisco, entre Half Moon Bay, Cupertino et Santa Cruz, la Panigale, même si elle se montre efficace et très performante, ne parvient pas à rivaliser avec l’Hypermotard SP ou la Monster 1200S qui sont dans leur habitat naturel. Elle a besoin d’espace et de vitesse pour laisser son talent s’exprimer. Pour livrer le meilleur d’elle-même. À une autre époque, quand j’étais jeune et que je savais tout, j’étais convaincu que seule une sportive pouvait me faire connaître l’extase dans un tel environnement. «Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait!» — ce dicton est tout à fait approprié dans les circonstances. Aujourd’hui, à un âge vénérable — je suis le plus âgé de notre groupe — je réalise que «moins» permet parfois de faire plus. Et vice-versa. J’ai donc hâte de piloter la Panigale sur une belle piste près de chez moi afin de l’apprécier dans son environnement favori. Un de ces lundis… bientôt j’espère!
Mardi, je sors la Monster
Mardi ou jour de Mars, le dieu de la guerre chez les Romains. Pas une journée pour les gras du bide ou les mous du ciboulot! Il faut se bouger et attaquer. Et quoi de mieux pour ça qu’une Monster? Une moto iconique qui se bonifie au fil des ans et des évolutions. Qui fait rimer simplicité avec sportivité et s’avère enivrante à piloter à la limite sur les routes sinueuses. Mais laquelle choisir entre la 821 et la 1200S? Personnellement, je favoriserais la seconde. Avec son moteur puissant crachant 145 ch et gorgé de couple (92 lb-pi), la 1200S est un charme à piloter dans un tel milieu. Elle permet d’évoluer sur les rapports intermédiaires, de danser d’une courbe à l’autre en jouant de l’accélérateur et du frein, puis de s’élancer dans une accélération fulgurante pour dévorer les lignes droites à fond de six. Sa partie cycle intègre et affûtée qui s’appuie sur un cadre treillis tubulaire en acier et des suspensions Öhlins haut de gamme, réglables dans tous les sens, lui confère une tenue de route exemplaire. Le freinage à deux disques Brembo de 330 mm, à l’avant, pincés par des étriers radiaux monoblocs M50 à quatre pistons est digne des sportives de la marque dont il est issu. Sans oublier ses pneus Pirelli Diablo Rosso II qui autorisent toutes les extravagances sur route ouverte. En fait, la Monster 1200S est le compromis idéal entre un roadster et une sportive, la machine parfaite pour attaquer les routes secondaires. La Monster 821 offre presque les mêmes qualités, mais avec un peu moins de gniak. Lors de nos «équipées sauvages», j’étais quasiment toujours à fond sur la 821 pour suivre le rythme imposé par mes confrères. À contrario, j’avais de la marge avec la Monster 1200S et je prenais moins de risques dans les mêmes situations. J’étais moins à la limite.
Mercredi, je vais me balader en Hypermotard SP
Mercredi, ou journée de Mercure, le dieu du commerce, des voyages et messager des autres dieux dans la mythologie romaine. C’est la journée du mi-temps hebdomadaire dans le système éducatif français. Celle qui coupe la semaine en deux. Dans ma tendre enfance, c’était au jeudi que revenait ce rôle, mais ça a changé dans les années 70, comme beaucoup d’autres choses d’ailleurs. Ceux d’entre vous qui me suivent savent que j’ai été enseignant dans une autre vie. Et je garde de cette époque une certaine nostalgie, mais aussi certaines habitudes de vie. Pour moi, le mercredi est réservé au plaisir, à l’amusement, à la détente. Le jour idéal pour aller se balader sur des petites routes sinueuses, pour se tirer la bourre entre copains alors que tout le monde travaille. Les routes sont alors désertes et on peut s’en donner à cœur joie. Ce qui convient particulièrement à l’Hypermotard SP qui est l’arme absolue pour un Grand Prix improvisé sur une route tortueuse de votre choix. Plus que la Monster 1200S qui excelle pourtant dans ce genre d’exercice, l’Hypermotard SP se prête parfaitement à des sorties sportives menées à un rythme indécent. Tout en elle respire la performance et la délinquance. L’Hypermotard SP est une rebelle qui impose son caractère et son humeur. Avec elle, pas question de se traîner, elle ne le supporterait pas. En revanche, quand vous la brusquez, elle se livre entièrement et vous fait vivre l’extase en un tour de poignée.
Jeudi, une journée parfaite pour la Scrambler
Le jeudi tient une place particulière dans la semaine. Il est nommé en l’honneur de Jupiter, dieu le plus important de la mythologie romaine (c’est le Zeus des Grecs), qui règne sur la Terre, le Ciel et tous les êtres vivants s’y trouvant. De 1882 à 1972, le jeudi était la journée de repos de mi-semaine pour les écoliers français. Il a donné son nom à de nombreuses expressions, dont «la semaine des quatre jeudis», une semaine qui, comme l’expression l’indique, aurait comporté quatre jours de repos ou de détente. Une utopie, symbole de l’impossible. La moto qui correspond le mieux à cette description dans la gamme 2015 de Ducati est la Scrambler, à mon humble avis. Une moto que j’ai découverte à l’occasion de cet événement et qui m’a carrément bluffé. Tout d’abord, parce que je n’en attendais pas grand-chose, Ducati la décrivant comme une moto de débutant. Ce qu’elle n’est pas vraiment selon moi. Même si elle est facile à appréhender pour un pilote ayant peu ou prou d’expérience de conduite, elle n’en est pas moins une moto efficace qui ravira les pilotes expérimentés. Légère, basse de selle, maniable, vive et fun, elle est aussi rigoureuse. Sa partie cycle lui permet de faire jeu égal avec des motos plus puissantes, tout comme ses pneus Pirelli MT 60 RS à larges crampons qui, malgré leur apparence tout-terrain, s’avèrent excellents sur route. La Scrambler est une machine étonnante qui gagne à être connue. Joueuse, facile à prendre en main, elle ravira les pilotes de tous niveaux. Une belle découverte!
Vendredi, j’ai envie de l’Hyperstrada
Vendredi, jour de Vénus, la déesse de l’amour, de la séduction et de la beauté chez les Romains. Jour de l’Hyperstrada pour moi. Une moto sensuelle et désirable, à mi-chemin entre une Hypermotard et une Multistrada, capable de combiner sorties sportives et tourisme léger. Avec sa selle confortable (pour une Ducati), ses valises souples et sa partie cycle intègre elle vous mènera à la destination de votre choix en tout confort, à une allure qui vous surprendra tant vous aurez l’impression que tout est facile à son guidon. Sous ses airs de moto sage, l’Hyperstrada sait s’amuser et vous divertir. À un rythme carrément déraisonnable, sa béquille centrale a tendance à frotter, particulièrement du côté gauche, ce qui déstabilise la tenue de cap de la petite Ducati. Deux solutions s’offrent alors à vous: rendre la main ou démonter la centrale qui ne sert pas à grand-chose selon moi, si ce n’est pour graisser la chaîne plus facilement. Si vous chercher une moto de tourisme léger à la fois confortable et joueuse, essayez l’Hyperstrada, vous ne le regretterez pas.
Samedi, donnez-moi la Multistrada 1200
Dans la tradition romaine, le samedi est nommé en hommage à Saturne, dieu romain assimilé au titan Cronos de la mythologie grecque. Le samedi est la première journée de repos de la semaine, dans beaucoup de pays, vestige des Saturnales, fêtes de l’antiquité romaine qui célébraient le dieu Saturne et étaient accompagnées de réjouissances populaires. Ses fêtes qui duraient quatre jours, juste avant le solstice d’hiver, inversaient provisoirement l’ordre hiérarchique et donnaient le droit aux sujets de critiquer leurs maîtres et de se faire servir par eux. Pour cette journée de relâche, je choisis la Multistrada 1200. Même si je n’ai pas piloté la toute dernière version que notre collègue Costa Mouzouris a découverte aux îles Canaries, à la mi-mars, j’ai été conquis par la version précédente. La Multistrada 1200 offre les performances de la Monster 1200S, en plus de proposer une partie cycle d’aventurière qui lui permet de faire jeu égal avec une BMW R1200GS ou une KTM 1190 Adventure par exemple, mais en offrant des prestations dynamiques dignes d’un Superbike de la marque. Ajoutez à cela des suspensions électroniques semi-actives géniales sur le modèle S, une centrale électronique sophistiquée et un ensemble de valises bien intégré et vous obtenez une aventurière sportive avec laquelle découvrir le monde à vive allure et en tout confort, même en duo. Et ce, tous les jours de la semaine et durant les vacances.
Dimanche, je me garde la Diavel
Traditionnellement «Jour du Seigneur» dans les langues romanes, c’est celui du Soleil dans les langues anglo-saxonnes (sunday) ou germaniques (sonntag). Le moment réservé au farniente dans les contrées du sud, que ce soit en Provence, en Italie, en Grèce ou encore en Espagne, par exemple. C’est une journée sacrée réservée à la famille. Si je roule à moto, c’est toujours sur de courtes distances et pour de brefs moments. Pour ça, la Diavel est parfaite. Sa position de conduite, qui s’inspire de celle des customs, ne convient pas à mon vieux dos et je ne peux pas parcourir de longues distances à son guidon. En revanche, pour de courtes sorties musclées, la Diavel est un charme. Elle possède un moteur explosif — on a l’impression d’être aux commandes d’un gros V8 boosté crachant plus de 500 ch —, une partie cycle affûtée, malgré son orientation custom et un look qui vous fera passer pour un caïd au Dairy Queen du coin. Véritable «Power Cruiser», la Diavel, de toutes les motos de la gamme Ducati, est celle qui met le plus l’accent sur le style, au détriment de la tenue de route. Heureusement, son look et son maniement inhabituels — pour une marque italienne, on s’entend — sont supérieurs à la norme en vigueur dans le créneau des customs. De plus, son moteur hyperpuissant est l’un des plus enivrants de sa catégorie. Si votre seul but dans la vie est de voir les gens se retourner sur votre passage lorsque vous roulez, la Diavel est la moto qu’il vous faut: belle, puissante et malgré tout dotée d’une tenue de route potable.
Je rêve de la Californie
La Californie est un rêve pour de nombreux motocyclistes, particulièrement en hiver, quand le froid et la neige vous privent de votre passe-temps favori. Passer trois journées magnifiques dans la région de San Francisco, en plein mois de mars, à pouvoir rouler tout mon soûl est donc un privilège et un plaisir immense. En plus d’être fort agréable, ce lancement hors de l’ordinaire a également été riche en enseignements. En nous présentant ses machines dans cet environnement magique, Ducati nous a non seulement permis de les comparer, mais surtout de découvrir les points communs entre elles, de mesurer leur héritage génétique. Car toutes les motos du constructeur bolonais ont des gènes de sportive, de la plus humble à la plus sophistiquée. Chacune interprète sa partition à sa façon et avec ses propres atouts. Pourtant, deux d’entre elles m’ont étonné. La Scrambler et l’Hypermotard SP. La première est la vraie surprise de cet événement. C’est une moto joueuse, efficace et performante qui permettra aux débutants de s’initier aux joies de la moto et aux motocyclistes expérimentés de s’amuser ferme à son guidon. La seconde est l’arme absolue sur les routes secondaires sinueuses, une machine exceptionnelle dédiée à notre plaisir. Avec elle, pas de demie-mesure. Pas de compromis. C’est l’attaque pure, tout le temps et partout. Quant aux autres, elles sont toutes excellentes et conviendront à tous ceux qui, comme moi, ne jurent que par la conduite sportive, même en voyage. À ce sujet, si vous cherchez une aventurière au long cours capable de faire grimper votre niveau d’adrénaline sur les petites routes secondaires, allez jeter un coup d’œil à la Multistrada 1200. Un essai vous convaincra! Maintenant, à vous de choisir votre Ducati, en fonction du jour de la semaine que vous préférez. À moins que vous ayez les moyens de vous les offrir toutes…
* California Dreamin’, chanson du groupe américain «The Mamas & The Papas»
Le prix du rêve
- Ducati Diavel Carbon: 22 695$
- Ducati Hypermotard SP: 16 195$
- Ducati Hyperstrada: 14 295$
- Ducati Monster 821: 12 490$
- Ducati Monster 1200S: 17 495$
- Ducati Panigale 899: 15 995$
- Ducati Scrambler: 9 299$