Le Supermotard est à l’origine une discipline appelée « Superbikers », inventée de toutes pièces pour les besoins de l’émission « Wide World of Sports », sur le réseau de télévision américain ABC. Elle mettait aux prises les meilleurs pilotes de différentes disciplines (vitesse, motocross, dirt-track), au guidon de motos de cross modifiées dans le but de déterminer le pilote le plus polyvalent et le plus complet. Plus tard, quand ABC mit fin à l’émission, les Français ont repris le concept, l’ont renommé « Supermotard » et en ont fait une discipline à succès.
Après un certain temps, les motos de Supermotard ont commencé à trouver leur place dans la gamme des principaux constructeurs mondiaux, d’abord sur des bases de motocross monocylindres de moyenne cylindrée (400-650), puis sur des multicylindres de gros cubage s’éloignant de plus en plus des machines de course.
En 2005, au Salon de Milan, Ducati surprenait la planète moto en lançant un prototype dénommé « Hypermotard », propulsé par un bicylindre en L Ducati de 1078 cc, à deux soupapes par cylindre et refroidissement à air. Le modèle entra en production en 2007 et fut suivi par l’Hypermotard 796 en 2010.
Pour 2013, l’Hypermotard de Ducati est revu de fond en comble. Même le moteur est changé. Et pour l’occasion, Ducati a invité plusieurs journalistes du monde entier à Ronda, en Espagne, pour essayer leur dernière création.
Même si l’allure a été redessinée, il fallait garder une certaine filiation avec les modèles précédents pour rassurer les amateurs du genre. Le changement le plus visible est l’adoption d’un échappement massif placé en position abaissée, du côté droit de la machine. Puis les rétroviseurs repliables en bout de guidon des anciennes Hypermotard ont été remplacés par des modèles plus conventionnels.
L’ergonomie a été révisée afin de placer le pilote dans une position plus droite et reculée. Les repose-pieds ont été avancés de 70 mm, tandis que le postérieur du pilote a été reculé de 80 mm sur la selle, ce qui lui procure une position de conduite à mi-chemin entre celle de l’ancienne Hypermotard et la Multistrada.
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La nouvelle Hypermotard est moins nerveuse que la 1100, bien que le large guidon tubulaire relevé qui reste sensible aux interactions du pilote puisse induire des mouvements involontaires du châssis. |
Le nouveau bicylindre Testastretta 11° à quatre soupapes par cylindre est issu de la Multistrada, mais sa cylindrée a été ramenée à 821 cc. Et il s’agit désormais de la seule motorisation offerte sur l’Hypermotard. Néanmoins, le nouveau moteur est le plus puissant jamais utilisé sur cette machine. Il délivre 110 chevaux, soit 15 de plus que celui de la 1100 et 29 de plus que celui de la 796.
Cette cylindrée réduite découle d’un raccourcissement de la course par rapport à la 1100. Du coup, le couple décroit un peu, passant de 75,9 lb-pi à 65,8 lb-pi. La consommation de carburant devrait se situer entre celles des deux précédentes Hypermotard.
Au chapitre des bonnes nouvelles, les futurs propriétaires de la Hypermotard 821 seront heureux d’apprendre que l’intervalle d’entretien est passé de 24 000 à 30 000 km. Et que la capacité du réservoir à essence est passée de 12,4 à 16 litres.
Le moteur est logé dans un nouveau cadre treillis tubulaire avec une boucle arrière en aluminium moulé sous pression. La géométrie de direction a été adoucie afin d’améliorer la stabilité. Ainsi, la chasse passe de 24 à 25,5 degrés et l’empattement s’est accru de 45 mm pour s’établir à 1 500 mm.
Une avalanche de technologie s’abat aussi sur l’Hypermotard, dont l’ensemble de sécurité DSP (Ducati Safety Pack) qui comprend trois modes de conduite, un antipatinage DTC (Ducati Traction Control) à huit niveaux d’ajustement et un système ABS se réglant sur trois niveaux. Si vous n’aimez pas que l’électronique contrôle votre conduite, vous pouvez désactiver le DTC et l’ABS.
Le recours à un refroidissement au liquide et à l’électronique fait grimper le poids de la 821 de trois kilos comparativement à la 1100. Le modèle de base pèse 175 kg à sec (198 kg tous pleins faits) alors que la version sportive SP fait osciller la balance à 171 kg (194 kg tous pleins faits). Elle utilise pour cela des jantes forgées Marchesini et de multiples pièces en fibre de carbone.
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Position de conduite droite et un peu plus reculée que sur la 1100. |
La SP reçoit également une fourche inversée Marzocchi à poteaux de 50 mm, complètement ajustable (le modèle de base est équipé d’une fourche Kayaba à poteaux de 43 mm, dépourvue d’ajustement) et d’un monoamortisseur Öhlins complètement ajustable (contre un Sachs ajustable en détente et précontrainte du ressort).
À notre arrivée au complexe Ascari Race Resort, le soleil brillait, mais le thermomètre refusait de décoller du point de congélation. Le matin de notre excursion sur route, au guidon de l’Hypermotard 821 de base, il indiquait à peine deux degrés Celsius. Et au retour de cette balade, au moment de nous élancer en piste sur le circuit Ascari avec les SP, il flirtait avec les 8 degrés. Pas chaud-chaud, surtout si, comme mes collègues américains, vous avez amené votre combinaison de cuir perforée...
Assis sur la nouvelle Hypermotard, vous notez immédiatement la hauteur importante de selle (870 mm sur le modèle de base), en augmentation de 25 mm par rapport à la 1100 et de 45 mm par rapport à la 796. Sur la SP, rajoutez un autre 20 mm, soit 15 mm de plus que sur l’ancienne SP. Malgré mon 1,83 m (6 pieds), je ne parvenais pas à poser les pieds à plat sur le sol. De plus, la moto semble plus large dans sa partie médiane, probablement en raison du réservoir plus gros et plus long.
L’autre changement important c’est vous pouvez dorénavant voir la moto quand vous êtes assis dessus. Avec l’ancienne, vous étiez assis tellement en avant qu’elle disparaissait de votre champ de vision. Dorénavant, le nez, le guidon et le tableau de bord numérique sont complètement visibles.
La selle est sculptée et vous garde dans une position unique. La position de conduite est plutôt décontractée et droite, mais je n’ai pas vraiment pu attester du confort de la selle, notre prise de contact sur route n’ayant duré que 75 kilomètres, sur une chaussée lisse comme une table de billard, faite de longs virages rapides et de sections sinueuses. Dans ces conditions, mon postérieur n’a pas souffert, mais je suspecte qu’une longue sortie sur les routes du Québec le mettrait à mal.
Ducati propose trois systèmes d’échappement accessoires, allant d’une ligne complète en alliage exotique, pour la course à un embout adaptable. Mais vous n’avez pas forcément à dépenser le moindre dollar pour apprécier la sonorité agréable et pleinement audible de l’échappement d’origine.
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La SP reçoit une fourche inversée Marzocchi à poteaux de 50 mm et un monoamortisseur Öhlins complètement ajustables. |
L’effort au levier d’embrayage est plutôt léger (un embrayage à sec antidribble se cache sous le carter moteur) et la boîte de vitesse à 6 rapports est douce et précise. Le premier rapport est long, ce qui nécessite de faire glisser l’embrayage pour décoller.
Comparativement à la 1100, le twin liquide est beaucoup plus doux et ne cogne plus quand on croise sur le dernier rapport. C’est une nette amélioration que l’on appréciera en ville comme sur route ouverte.
Même si le couple de l’Hypermotard a perdu un peu d’autorité à bas régime, comparativement à la 1100, il suffit la plupart de temps de rétrograder d’un rapport ou deux pour effectuer des dépassements rapides. Le moteur tourne librement et avec caractère, spécialement lorsque vous gardez le régime dans la partie haute de la bande de puissance.
La nouvelle Hypermotard est moins nerveuse que la 1100, bien que le large guidon tubulaire relevé qui reste sensible aux interactions du pilote puisse induire des mouvements involontaires du châssis. Elle reste une moto à la direction rapide qui brillera dans un environnement urbain ou sur des routes secondaires viroleuses. Hautement maniable et agile, elle change d’angle sans effort et se montre relativement stable dans les grandes courbes rapides. La suspension d’origine est plutôt ferme, particulièrement sur les petites bosses pointues, mais cette réaction a peut-être été accentuée par les conditions glaciales dans lesquelles nous avons effectué notre sortie routière.
À cette occasion, j’ai pu tester les trois modes de conduite — Sport, Touring et Urban — pour finir par sélectionner le mode « Touring » en fin de balade. Dans le mode « Sport », la réponse de l’accélérateur électronique de type « Ride by wire » est trop abrupte. Les modes « Sport » et « Touring » donnent accès à la pleine puissance (110 ch), avec des cartographies respectivement agressive et sportive, tandis que le mode « Urban » adoucit considérablement la réponse de l’accélérateur et réduit la puissance à 75 ch, ce qui est amplement suffisant en ville, surtout quand la circulation est dense.
Les ajustements du DTC et de l’ABS sont également modifiés lorsque l’on change de mode et on peut les régler indépendamment dans chaque mode, si nécessaire. Les deux sont également débrayables.
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L'Hypermotard 821 SP est plus à l’aise sur un circuit serré, comme l’Autodrome
St-Eustache, que sur un circuit rapide comme celui de Mt-Tremblant. |
La température avait légèrement grimpé à notre retour au complexe Ascari, mais elle ne dépassait pas les 10 degrés. Pour cette séance sur piste, j’ai grimpé à bord d’une 821 SP équipée d’une ligne d’échappement course Termignoni. L’arme ultime dans cet environnement...
Plus haute et plus raide, la SP est aussi beaucoup plus « sonore » avec le Termignoni, mais elle émet une sonorité envoutante qui, malheureusement, ne passerait pas le test du sonomètre, sur route. Les caractéristiques du moteur restent semblables à celles observées sur l’Hypermotard de base, mais les modes de conduite sont différents. Sur la SP, on en retrouve trois : Race, Sport et Wet. Le mode « Race » est inédit. Il réserve l’ABS à la roue avant et limite son intervention à un niveau minimal, ce qui permet au pilote de mettre la roue arrière en dérive sans contrainte. Le mode « Wet » réduit également la puissance à 75 ch.
La SP est chaussée de pneus radiaux à gomme extrêmement collante, à savoir des Pirelli Diablo Supercorsa SP (le modèle de base roule sur des Pirelli Diablo Rosso II) qui procurent une adhérence suffisante pour frotter les repose-pieds et la béquille latérale sur l’asphalte, malgré la garde au sol accrue et la température nordique.
Pour la première séance, j’ai sélectionné le mode « Sport », question de m’adapter au circuit et aux conditions. Il offre une réponse plus douce de l’accélérateur et laisse le DTC et l’ABS intervenir plus que dans le mode « Race » (niveaux 2 et 3 respectivement). La moto tire assez fort pour rendre chaque séance en piste excitante. Elle s’inscrit en virage avec une facilité déconcertante et négocie les deux chicanes du circuit sans effort. Dans la montée puis la descente, prise plein angle, la Ducati reste imperturbable tant que je ne m’accroche pas trop au guidon à la manière d’un clown de rodéo qui prend le taureau par les cornes. En effet, le guidon large et relevé réclame du doigté, sinon, la moto se mettra à bouger. En fait, cette moto est plus à l’aise sur un circuit serré, comme l’Autodrome St-Eustache, que sur un circuit rapide comme celui de Mt-Tremblant, même si elle parviendra à donner du fil à retordre à plusieurs sportives sur les deux tracés.
La direction légère et nerveuse induit un comportement vague lorsqu’on poursuit le freinage jusque sur l’angle (trail braking en anglais), qui aurait certainement pu être réduit si j’avais pris la peine d’augmenter la précontrainte du ressort du monoamortisseur, ce que j’ai omis de faire.
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L'Hypermotard 821 SP s’inscrit en virage avec une facilité déconcertante et se montre
très vive dans les enchaînements. |
J’ai entrepris la seconde séance dans le mode « Race », avec l’ABS et le DTC réglés respectivement sur les niveaux 1 et 2. Et, franchement, je n’ai pas noté d’écart marqué avec les ajustements choisis dans la première séance. C’est principalement sur route que l’on notera de subtiles différences entre les deux modes agressifs. Sur piste, une moto de 110 ch n’a pas réellement besoin d’un contrôle de la motricité et on peut ouvrir les gaz en grand en sortie de virage sans risque de voir l’arrière décrocher. L’antipatinage s’avèrera utile sous la pluie ou dans des conditions d’adhérence limitée. Comme l’ABS d’ailleurs. Sur la piste, je n’ai pas réussi à le faire embarquer, quel que soit le mode sélectionné.
Les freins Brembo, avec leurs disques de 320 mm de diamètre et leurs étriers 4 pistons à montage radial sont dignes d’une sportive. La puissance à l’amorce du freinage est impressionnante et demande du doigté. La rétroaction est bonne et si, par inadvertance, vous sautez sur les freins, l’ABS sera là pour vous sauver la peau.
CONCLUSION
La nouvelle Hypermotard constitue une amélioration sensible par rapport à l’ancienne, à tous les niveaux. Elle bénéficie d’un surplus notable de performance sans prise de poids exagérée, son réservoir plus volumineux permet d’augmenter son autonomie qui était vraiment ridicule et elle bénéficie des dernières avancées en matière d’électronique. Aucune raison donc de ne pas aimer cette moto.
La réponse de l’accélérateur électronique est un peu abrupte, sur les deux modèles, mais il est possible de l’adoucir grâce aux réglages personnalisés. Si j’achetais une SP, je choisirais le mode « Sport » et j’appliquerais les niveaux de DTC et d’ABS qui viennent d’origine sur le mode « Race ». Ou je les désactiverais complètement, puisque c’est possible.
En dépit du niveau de technologie et du surplus de performance offerts, le prix demandé reste raisonnable. L’Hypermotard de base se détaille 12 995 $, soit 1 500 $ de plus que la 796, mais avec le niveau de performance de la 1100. La SP, qui est proposée à 15 695 $, représente une réduction de 1 800 $ par rapport à la 1100Evo SP, tout en étant plus puissante et plus efficace en tenue de route. Quelle que soit la façon dont vous abordez les nouvelles Hypermotard 821, force est de constater qu’elles sont explosives et retranscrivent, en termes modernes, l’esprit des Supermotards originels, les motos qui ont lancé la mode du genre, il y a trois décennies. |