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Rencontre avec le Diable à Monaco

Texte: Costa Mouzouris — Photos: Milagro

 La vie des gens riches et célèbres

Monaco est le lieu de rendez-vous du jet-set depuis la fin du 19e siècle. Capitale des gens riches et célèbres, la ville de la Principauté affiche la plus forte concentration de milliardaires et de millionnaires au mètre carré. C’est l’endroit où se montrer quand on a de gros moyens — c’est même le passe-temps favori des locaux d’adoption — ou que l’on est invité par Ducati à la présentation de la Diavel 2015.

Une flottille de 30 Diavel passe rarement inaperçue. Mais quand celles-ci sont pilotées par la crème de la presse motocycliste internationale et déambulent la nuit dans les rues de Monaco, parmi la horde des Ferrari, Lamborghini et autres Bugatti Veyron, on peut parler d’un événement. Tout le long de cette parade, les badauds et les touristes nous montraient du doigt ou nous envoyaient la main, quand ils ne nous prenaient pas en photo avec leur téléphone. Les pères montaient leurs enfants sur leurs épaules pour qu’ils ne manquent rien du spectacle. C’était surréel! Un baume au cœur pour les responsables du marketing de Ducati: «C’est une moto qui attire l’attention et qui commande le respect,» souligna Paul Ventura de Ducati fier de son coup.

Lorsque nos hôtes nous ont demandé d’enfiler notre équipement et de nous rendre à la présentation technique à moto, j’ai cru qu’il s’agissait d’un poisson d’avril. Habituellement, on nous transporte de l’hôtel au site de la manifestation en bus ou en véhicule de location. Jamais à moto. Je me suis alors dit que Ducati avait dû exploser son budget en choisissant Monaco comme site du lancement et qu’il ne restait plus assez d’argent pour la location d’un bus. Quand on sait combien coûte un Coke, on devine aisément le coût d’un séjour de deux nuits au luxueux hôtel Monte-Carlo Beach où la trentaine de journalistes invités à ce lancement étaient hébergés.

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Le Diable se cache dans les détails

Ducati a lancé la Diavel en 2011 révolutionnant du même coup le créneau des customs de performance. Un geste radical pour le constructeur italien réputé principalement pour ses supersportives et ses motos de Superbike. Étonnamment, la Diavel a été un succès pour la firme de Bologne qui en a vendu plus de 20 000 à travers le monde depuis son lancement.

La dernière version qui arrivera chez les concessionnaires dans moins d’un mois a reçu de nombreuses modifications. Esthétiquement, plusieurs détails la distinguent de sa devancière, les plus notables étant l’adoption d’un nouveau phare à diodes électroluminescentes (DEL) et d’un échappement double tronqué. La Diavel est seulement la seconde moto du marché à recevoir un phare à DEL (en position code comme en phare) en équipement standard, l’autre étant la Honda CTX1300. Le phare utilise une technologie mise au point par Audi. Il s’agit du premier transfert de technologie automobile vers la moto entre les deux compagnies depuis le rachat de Ducati par le géant allemand.

La selle a également été redessinée et est plus plate que sur le modèle précédent, avec un rembourrage plus épais pour un confort accru. Néanmoins, la position de conduite est identique. On remarque une multitude d’autres changements mineurs — la plupart au niveau de la finition — entre les deux modèles. Comparativement à l’ancien système d’échappement, les tuyaux du nouveau modèle avec leur coupe en biseau donnent l’impression d’être un accessoire haut de gamme issu du catalogue de pièces de la marque.

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Le changement le plus radical concerne le moteur emprunté à la Monster 1200. Il s’agit du bicylindre en L Testastretta 11° DS (pour Dual Spark) qui utilise deux bougies par cylindre et affiche un rapport volumétrique plus élevé (12.5:1 contre 11.5:1 auparavant). La cartographie d’injection a également été révisée. La puissance est inchangée à 162 ch, mais le couple est accru de 4,5 %. La plus importante partie du couple arrive à bas et moyen régimes. L’intervalle d’ajustement des soupapes passe de 24 000 à 30 000 km, ce qui simplifie d’autant l’entretien mécanique.

Selon ce que nous ont dit les représentants de Ducati durant la présentation, la Diavel aurait maigri de cinq kilos, cependant, quand on épluche la documentation fournie, le poids à sec de la Diavel de base et de la Carbon s’établit respectivement à 210 et 205 kg, soit le même poids qu’auparavant. Bizarre!

Comme avant, la suspension est assurée par une massive fourche inversée Marzocchi à tubes de 50 mm de diamètre et par un monoamortisseur Sachs. Les deux unités sont entièrement ajustables.

Enfin, les ingénieurs de Ducati on inséré un capteur à essence dans le réservoir, ce qui permet d’avoir une jauge à essence numérique fiable et d’être avisé du niveau de carburant avant que la lumière de réserve allume.

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En selle avec le Diable

L’attention dont nous avons été l’objet durant notre balade nocturne à Monte-Carlo n’est pas surprenante quand on entend la sonorité envoutante de l’échappement. Elle n’est pas excessive, mais quiconque a une bonne oreille tournera la tête quand il entendra le moteur rugir. La moto mise à ma disposition pour ce lancement était une Diavel Carbon avec une aile avant, un cache de réservoir à essence et un capot de selle passager en fibre de carbone, des jantes Marchesini forgées à neuf branches et des collecteurs d’échappement en aluminium brossé. Une option qui fait grimper le prix de 2 700$ par rapport au modèle de base pour atteindre la somme rondelette de 21 995$.

Pas besoin de clef pour démarrer la Diavel, mais un transpondeur que l’on garde dans la poche, lequel inclut une clef de secours, en cas de problème. Pour lancer le moteur, il suffit soit d’appuyer sur le coupe-moteur et d’activer le démarreur, soit d’appuyer sur le commutateur central situé au-dessus du réservoir à essence, sous le tableau de bord numérique. Celui-ci se compose de deux éléments, l’écran supérieur qui comprend le compte-tours, la température du moteur et l’heure et l’écran inférieur où l’on retrouve les trois modes de conduite Sport, Touring et Urban) ainsi que d’autres infos.

La Diavel propose une position de conduite détendue qui rappelle celle d’un roadster, mais avec les repose-pieds légèrement avancés. La selle est profondément sculptée et vous ne disposez que d’une position. Difficile de bouger donc. Heureusement, la selle est confortable et permet d’affronter de longues excursions sans crainte majeure. À condition d’arrêter souvent.

En dépit de cette position de conduite particulière, impossible de confondre la Diavel avec un roadster svelte. Il s’agit d’une moto imposante, longue (elle possède un long empattement de 1 590 mm) et lourde (la Carbon, la plus légère des deux, fait osciller la balance à 234 kg tous pleins faits). Ce qui est tout de même 76 kilos de moins que la monstrueuse Yamaha V-Max 1700.

En me dirigeant dans les rues étroites et sinueuses de Monte-Carlo, j’ai remarqué immédiatement la réticence de la Ducati à pencher. Cette résistance à la mise sur l’angle est causée par l’énorme pneu arrière de 240 mm qui destine plus la moto aux lignes droites qu’aux sorties en montagne. Pourtant, la Diavel est plus agile que la V-Max et a moins tendance à se relever dans les virages que la V-Rod Muscle, elle aussi équipée d’un boudin de 240 mm.

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Les montagnes au nord de la ville, qui appartiennent à la chaîne des Alpes, nous ont procuré toute la latitude requise pour tester les limites de garde au sol de la Ducati. Dans les épingles serrées, la Diavel s’est remarquablement tirée d’affaire malgré le rythme soutenu imposé par notre guide. Elle n’écartait pas exagérément la trajectoire en sortie de virage, bien qu’il faille appliquer une pression constante sur le guidon pour la garder penchée. On s’y habitue à la longue et cette réticence se fait presque oublier. Cependant, un pilote de Diavel devra travailler très fort pour suivre des roadsters ou des sportives à un rythme élevé sur ce type de route.

La caractéristique la plus impressionnante de la Diavel c’est son moteur monstrueux, gorgé de puissance et de couple, mais qui se montre malgré tout facile à contrôler, quel que soit le mode sélectionné. Dans le mode Sport, la puissance arrive avec vigueur dès les bas régimes. Vous pouvez alors sentir la selle pousser votre postérieur en avant, comme un client impatient dans un supermarché, au fur et à mesure que vous accélérez. Le moteur tire fort à travers toute la bande de puissance et la vitesse grimpe rapidement. Cependant, vous pouvez compter sur le mordant des freins monobloc Brembo pour vous stopper en cas d’urgence. Et sur la sécurité offerte par l’ABS.

Les modes se sélectionnent aisément grâce à un bouton situé sur le guidon gauche, pourtant je suis resté en mode Sport durant presque tout le temps de cette balade alpine. Ce dernier offre la puissance maximale en tout temps et l’associe à la cartographie d’injection la plus agressive contrairement au mode Touring qui adopte une cartographie plus sage. Je suis passé en mode Urban en ville afin de bénéficier de la cartographie la plus douce et d’une puissance réduite à 100 chevaux. L’idéal pour les déplacements urbains faits d’arrêts et de démarrages fréquents. Surtout qu’à Monaco, la qualité du revêtement est moyenne. On y retrouve pavés et dos d’âne en abondance, condition peu propice au mode Sport.

Même si la balade fut relativement courte — environ 120 km —, l’abondance de virages sur les routes secondaires de la Côte d’Azur l’a fait paraître plus longue. Sur ce genre de route, j’aurais préféré piloter une sportive — c’est plus mon style de moto —, mais je dois admettre que la Diavel s’est mieux comportée que beaucoup d’autres machines de sa catégorie dans cet environnement. Je n’ai à aucun moment eu l’impression de me retenir lors de cette excursion d’enfer, ce qui aurait été le cas avec la majorité des customs de performance.

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En conclusion

Piloter la Diavel est un goût acquis. De toutes les motos de la gamme Ducati, c’est celle qui met le plus l’accent sur le style, au détriment de la tenue de route. Ce qui explique sûrement pourquoi on la retrouve à l’affiche de deux superproductions hollywoodiennes, à savoir Wolverine et Jack Ryan: recure dans l’ombre.

Heureusement, son look et son maniement inhabituels — pour une marque italienne, on s’entend — sont supérieurs à la norme en vigueur dans le créneau des customs. De plus, son moteur hyperpuissant est l’un des plus enivrants de sa catégorie. Si votre seul but dans la vie est de voir les gens se retourner sur votre passage lorsque vous roulez, la Diavel est la moto qu’il vous faut: belle, puissante et malgré tout dotée d’une tenue de route acceptable.

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INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids à sec : 239 kg
  • Hauteur de selle : 770 mm
  • Capacité essence :  17 L
  • Consommation : Non mesurée
  • Autonomie : Non mesurée
  • Durée de l’essai: environ 120 km
  • Coloris: Noir, Rouge/noir
  • Prix :  19 295$ — 21 995$ (Carbon)

Moteur

  • Moteur : bicylindre en V ouvert à 90 degrés Testastretta 11°, 4-temps, refroidissement liquide
  • Distribution: desmodromique, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 162 ch à 9 250 tr/min
  • Couple : 96,2 lb-pi à 8 000 tr/min
  • Cylindrée : 1 198,4 cc
  • Alésage x course : 106 x 67,9 mm
  • Rapport volumétrique: 12,5:1
  • Alimentation : Injection électronique
  • Transmission : 6 rapports
  • Entraînement : par chaîne

Partie cycle

  • Suspension : fourche inversée Marzocchi à tubes de 50 mm, ajustable en précontrainte, en compression et en détente; monoamortisseur Sachs à bonbonne ajustable en précontrainte, en compression et en détente
  • Empattement : 1 590 mm
  • Chasse/Déport : 28°/ N.C.
  • Freins : 2 disques de 320 mm et étriers monobloc à 4 pistons radiaux à l’avant; simple disque de 265 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS de série
  • Pneus : Pirelli Diablo Rosso II
  • 120/70-17 à l’avant
  • 240/45-17 à l’arrière

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Verdict rapide

ON AIME BIEN

  • Le look décalé
  • Le moteur explosif
  • La tenue de route (pour un custom)
ON AIME MOINS

  • L’omniprésence de l’électronique
  • Le choix de pneus restreint
  • Le confort moyen
  • La garde au sol

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