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Pour pilotes aguerris seulement!

Par Costa Mouzouris — photos par Milagro et Ducati

La généalogie de la Ducati Panigale remonte à la 916, la sportive iconique de la marque de Bologne. La dernière génération de la 1199, un monstre de puissance, développait 195 chevaux. Lors de la prise de contact que j’avais effectuée du modèle « R », la version course de la Panigale, au circuit d’Austin, Texas, j’avais utilisé les mots « Viscérale, énergique et en colère » pour la qualifier. Deux ans plus tard, Ducati a dopé ses performances, faisant cracher plus de 200 ch à la 1299 — Ducati revendique 205 ch au vilebrequin, soit 10 de plus que sur la 1199R — pour un poids de seulement 1,5 kg supplémentaire par rapport à la version ayant servi de basse à l’homologation en Superbike mondial.

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La flotte de 1299S Panigale attend l’arrivée des journalistes au magnifique circuit de Portimao.

Qu’est-ce qui a changé en deux ans?

La puissance, si on cherche à résumer ces changements en un mot. C’est l’évolution naturelle pour toute sportive. La mise à niveau de la 1299 Panigale S se fait par une augmentation de 4 mm de l’alésage ce qui porte la cylindrée du moteur à 1285 cc. Malheureusement, cette cylindrée élevée — trop selon les règlements du SBK — exclut de facto la 1299 d’une participation au Championnat du monde de Superbike, ce qui explique pourquoi la 1199 R est encore présente dans l’alignement de Ducati.

Le nouveau twin en L Superquadro de 205 ch produit 10 % plus de couple que le précédent, lequel s’établit désormais à 106,6 lb-pi à 8 750 tr/min. En comparaison, la BMW S1000RR 2015 que nous avons essayée récemment produit un couple maxi de 83,3 lb-pi à un régime élevé de 10 500 tr/min. Certaines pièces internes dont le vilebrequin et les bielles ont été renforcés pour supporter une telle force.

Le châssis reçoit des améliorations mineures afin d’accroître la vivacité de la direction. Bien que ces changements semblent minimes, ils font une différence énorme sur une supersportive hyper nerveuse du calibre de la Ducati.

Enfin, au chapitre des modifications mécaniques, le carénage a été élargi et les panneaux latéraux du carénage redessinés afin d’améliorer l’aérodynamisme. Dans le même but, la bulle de carénage est désormais plus haute et la coque arrière effilée séparée en deux.

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Sur la 1299 Panigale, l’électronique est omniprésente et indispensable.

L’électronique aux commandes

Mais ce qui transfigure la 1299, c’est l’abondance des assistances électroniques. La centrale Bosch qui équipe la Panigale prend en compte six axes de mesure dont l’angle d’inclinaison, la vitesse, l’accélération et la répartition avant/arrière des masses, en plus d’autres paramètres. Cette centrale inclut un antipatinage à 8 crans (DCT), un anticabrage ou antiwheelie (DWC) également à 8 niveaux de réglage, un ABS opérant également en virage, un contrôle électronique du frein moteur (EBC) et trois modes de pilotages paramétrables (Wet, Sport, Race). Chaque mode possède des paramètres par défaut, lesquels peuvent être modifiés individuellement et sauvegardés dans la mémoire de la centrale.

Expliquer chacune de ces béquilles électroniques dans le détail prendrait des pages et n’apporterait pas grand-chose à la compréhension de la bête de Borgo Panigale. Il suffit de savoir que sans elles, la 1299 serait inconduisible.

Vous me suivez toujours? Tant mieux, car je n’ai pas encore terminé. La Panigale possède également un sélecteur électronique (Quickshifter) qui permet le passage des rapports à la volée dans les deux sens et procure même automatiquement un petit coup de gaz lors des rétrogradages.

La 1299 de base reçoit une fourche inversée Marzocchi et un monoamortisseur Sachs réglables dans tous les sens. Le modèle S, celui que j’ai essayé, est quant à lui équipé d’une suspension électronique semi-active Öhlins et d’un amortisseur de direction électronique.

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Sur le tracé technique de Portimao, la 1299S se comporte comme un authentique Superbike.

Maîtriser la Bête

Personnellement, je suis un adepte de l’antipatinage. Et cette prise de contact de la 1299 Panigale a fini de me convaincre. Particulièrement sur le tracé rapide et vallonné de Portimao, en Algarve, dans le sud du Portugal. Cette piste de MotoGP inclut un mélange de virages à rayon dégressif et progressif, des changements d’élévations importants et un virage à droite hyperrapide qui donne accès à une ligne droite de 970 mètres au bout de laquelle on atteint une vitesse de presque 300 km/h. Nos motos d’essai étaient équipées de pneus de course DOT Pirelli Diablo SuperCorsa SC super adhérents, en remplacement des pneus d’origine, des Pirelli SuperCorsa SP. Pour les premières sorties, elles étaient réglées sur le mode « Sport », relativement facile à gérer.

Dès la troisième séance, j’avais maîtrisé les réglages des différents paramètres et j’ai opté pour le mode « Race ». Ce qui transforma immédiatement la Panigale en véritable Superbike.

Il est difficile de réaliser à quel point la Panigale accélère violemment tant qu’on ne l’a pas conduite. Avec l’antiwheelie ajusté en mode « Race », soit au niveau 2, impossible de garder la roue avant au sol à l’accélération. Même en quatrième, voire en cinquième, à des vitesses dépassant 220 km/h. Elle levait dans les airs au passage de la crête marquant le début de la ligne droite, cherchait à décoller au passage de la colline, à l’arrière du circuit ou chaque fois que j’ouvrais l’accélérateur en grand, en sortie de virage, surtout si ledit virage était en côte.

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Avec l’antiwheelie ajusté en mode « Race », soit au niveau 2, impossible de garder la roue avant au sol à l’accélération

De l’avis de tous les pilotes, l’anticabrage se comportait de façon erratique, limitant parfois la levée de la roue avant, alors qu’en d’autres occasions la roue partait dans les airs, comme si on était aux commandes d’une fusée.

J’en suis venu à la conclusion que si nous avions laissé le système de contrôle de wheelie faire son travail en gardant l’accélérateur ouvert en grand, il aurait fonctionné comme prévu. Cependant, garder le moteur de la 1299 à plein régime n’est pas aussi facile qu’il y paraît. Notre instinct de survie entre alors en action et nous incite à couper les gaz, ne serait-ce que légèrement. Et je suis certain que mes collègues ont fait la même chose. Ce qui envoyait des informations erronées au capteur et explique partiellement le comportement du système.

Idéalement, j’aurais eu besoin de plus de cinq séances sur piste pour saisir le comportement de l’anticabrage et de jouer graduellement avec les différents réglages. Entre le niveau 8, le plus interventionniste et le niveau 1, le plus permissif, le comportement diffère grandement. Malheureusement, je n’ai pas pu descendre sous le niveau 6 durant ces quelques sorties.

L’antipatinage était plus facile à cerner, d’autant que j’ai plus d’expérience avec son utilisation. J’ai réglé le niveau 3, qui permet des accélérations violentes en sortie de virage avec un minimum d’intervention du système.

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Il m’a fallu plusieurs années pour maîtriser l’antipatinage et oser ouvrir les gaz en grand en sortie de virage, mais aujourd’hui j’y parviens sans altérer le comportement de la moto.

Il m’a fallu plusieurs années pour maîtriser l’antipatinage et oser ouvrir les gaz en grand en sortie de virage, mais aujourd’hui j’y parviens sans altérer le comportement de la moto, ce qui me permet de rouler plus vite en toute sécurité. Mais pour ce qui est de l’antiwheelie, ça me prendrait plus d’une journée de piste pour atteindre un tel niveau de confiance dans le système.

Lors de la dernière séance, j’ai durci le réglage de la suspension, ajusté le DCT au niveau 3, le DWC à 6 et je suis sorti le couteau entre les dents, comme si je m’élançais au départ d’un Grand Prix.

J’ai noté que la moto tirait plus progressivement à cette occasion et qu’elle ne faisait pas grimper mon taux d’adrénaline aussi fort (auparavant, j’étais sur le bord de la crise cardiaque à chaque accélération violente). Je croyais que c’était dû à mes ajustements, sauf qu’après coup, j’ai remarqué que le pilote précédent avait adouci les réglages de la cartographie moteur dans le mode « Race », ce qui adoucissait l’accélération.

La moto était toujours très rapide et avait un punch incroyable à mi-régimes. En fait, ce réglage aurait été parfait pour prendre part à une journée de roulage sur piste, car moins exigeant. Il permet au cerveau de relaxer un peu et de ne pas être en mode panique en permanence.

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Si vous êtes un pilote expérimenté ou un coureur occasionnel, vous allez probablement améliorer votre pilotage au guidon de la 1299.

Débutants s’abstenir!

Si vous êtes de ceux qui pensent pouvoir se passer de l’électronique en toute circonstance, n’achetez pas une 1299. Vous seriez tenté de désactiver tous ses systèmes et risqueriez de vous blesser gravement.

Ces béquilles électroniques sont un mal nécessaire quand vient le temps de maîtriser une bête de 205 chevaux et vous permettent de rouler plus vite. Avec tous les niveaux d’intervention offerts, vous pouvez commencer avec les modes les plus intrusifs et, au fur et à mesure que vous vous familiariserez avec votre 1299, jouer avec les différents réglages.

Cependant, si vous êtes un pilote expérimenté ou un coureur occasionnel, vous allez probablement améliorer votre pilotage au guidon de la 1299. Mais pour ça, il faudra adopter le bon état d’esprit et respecter votre monture. À cette condition, et à cette condition seulement, pour pourrez abaisser vos chronos et devenir un vrai pro.

La 1299 Panigale possède une gamme d’ajustements qui vous permettront de les adapter à votre niveau d’expérience et de progresser, à moins d’être un débutant ou un intermédiaire, auquel cas la Ducati n’est pas pour vous. Et pour votre sécurité, inscrivez-vous à une école de pilotage ou à un club de roulage sur piste, surtout si vous avez l’ambition d’exploiter votre machine.

SI vous avez les moyens, optez pour la version « S », un investissement de 6000 $ que vous ne regretterez pas. À ce prix-là, vous bénéficierez des suspensions électroniques Öhlins semi-actives qui sont carrément géniales. À l’heure actuelle, il n’existe aucune autre moto sur le marché vous offrant de telles performances et une accélération si explosive. À moins que je ne l’aie pas encore essayée…

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FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits : 190,5 kg
  • Hauteur de selle : 830 mm
  • Capacité essence : 17 L
  • Consommation : N.C.
  • Autonomie : N.C.
  • Durée de l’essai : N.C.
  • Prix : 20 995 $ (base) — 26 695 $ (S)

MOTEUR

  • Moteur : Bicylindre en L, quatre temps, refroidi au liquide, distribution desmodromique, DACT, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 202 ch à 10 500 tr/min
  • Couple : 106,6 lb-pi à 8 750 tr/min
  • Cylindrée : 1285 cc
  • Alésage x course : 116 x 60,8 mm
  • Rapport volumétrique : 12,5: 1
  • Alimentation : injection électronique
  • Transmission : six rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE-CYCLE

  • Cadre : monocoque en aluminium
  • Suspension : fourche inversée Marzocchi 50 mm (standard) — fourche inversée semi-actives Öhlins NIX30. 43 mm (S). Monoamortisseur Sachs (standard) — Öhlins TTX36 semi-actives (S), suspensions entièrement réglables
  • Empattement : 1 437 mm
  • Chasse/Déport : 24 degrés/96 mm
  • Freins : 2 disques de 330 mm et étriers Brembo Monobloc, 4 pistons radiaux M50 à l’avant; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS de série.
  • Pneus : Pirelli Diablo Supercorsa SP
  • 120/70ZR17 à l’avant
  • 200/55ZR17 à l’arrière

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 VERDICT RAPIDE

ON AIME BIEN

  • La puissance bluffante du bicylindre Superquadro
  • Les accélérations démoniaques du twin
  • Les suspensions électroniques Öhlins semi-actives de la version S
  • Les aides électroniques à la conduite

ON AIME MOINS

  • La performance erratique de l’anticabrage (EWC)
  • Pilotage éxigeant
  • Usage quotidien limité
  • Réservée aux pilotes expérimentés

Galerie

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