« Essais

La baroudeuse ultime pour découvrir le monde ?

Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Markus Jahn, Costa Mouzouris

En 2024, si vous désiriez vous procurer une aventurière équipée d’un gros moteur Boxer, votre seule option était la R 1250 GSA. Je dis «vous contenter» parce qu’elle était basée sur la plate-forme de la génération précédente, et non sur la R 1300 GS entièrement repensée et améliorée. Le modèle GSA est une GS relookée : il est mieux équipé pour les longues excursions sur route et en tout-terrain avec, entre autres, un réservoir de carburant plus volumineux, un pare-brise plus large, une protection contre les chocs et une suspension semi-active de série. Bien qu’elle soit plus imposante, plus lourde et plus chère que la GS standard, la GSA s’est avérée extrêmement populaire, représentant environ la moitié des ventes de la grosse aventurière de Munich. Les motocyclistes attendaient patiemment la version aventure de la R 1300 GS, et l’attente est enfin terminée avec la R 1300 GS Adventure 2025.

Rappel des changements

L’année dernière, BMW a redessiné la GS à partir des essieux et a intégré un nouveau moteur Boxer plus compact dans un nouveau cadre. Le bicylindre à refroidissement liquide possède une cylindrée de 1 300 cc (contre 1 254 cc auparavant) et dispose d’un calage variable et d’une levée de soupape d’admission grâce au système ShiftCam de BMW. Le rapport volumétrique est passé de 12,5:1 à 13,3:1; un carburant de qualité supérieure est nécessaire pour des performances optimales, bien qu’il puisse fonctionner avec du carburant ordinaire. Le moteur a été rendu plus compact en déplaçant la boîte de vitesses à six rapports de derrière le moteur vers le dessous, et les rapports ont été revus avec des cinquième et sixième rapports plus longs. Le moteur pèse 3,9 kilos de moins que son prédécesseur, et revendique 143 chevaux et 110 lb-pi de couple contre 134 ch et 105,5 lb-pi pour la R 1250 GSA. 

Un cadre en acier caissonné remplace l’élément tubulaire de la version précédente, et il est plus léger et plus rigide. Le Telelever a été entièrement refait sur la R 1300 GS, avec des tubes de fourche de 45 mm plus gros que les unités de 37 mm du modèle précédent; les tubes de fourche sont maintenant solidement fixés au té supérieur, qui repose sur un nouveau système de roulement qui améliore la rigidité et la sensation de l’avant. La R 1300 GS était plus légère, plus puissante et plus maniable que sa devancière. La nouvelle GSA bénéficie de toutes ces améliorations, ainsi que de technologies inédites.

La liste des aides électroniques de série et en option est longue. Elle comprend le contrôle de traction, l’ABS entièrement intégré, quatre modes de conduite de série (Pluie, Route, Éco, Enduro) et trois en option (Dynamic, Dynamic Pro, Enduro Pro), l’aide au démarrage en côte, le contrôle du frein moteur, le régulateur de vitesse adaptatif avec fonction de freinage, la surveillance de la pression des pneus, le démarrage sans clé et l’appel d’urgence automatique. Les poignées chauffantes, un compartiment de recharge pour téléphone avec prise USB et une prise d’alimentation de 12 volts sont de série; le chauffage des sièges pour le pilote et le passager est en option.

GS contre GSA

Bien que la GS Adventure partage les mêmes bases que la R 1300 GS, elle dispose d’un certain nombre de caractéristiques supplémentaires qui contribuent à justifier son prix de départ de 26 345 $ (22 795 $ pour la R 1300 GS). Elle dispose d’un réservoir de carburant de 30 litres contre 19 litres pour la GS, ce qui lui confère une autonomie théorique d’environ 550 km. Le réservoir de carburant a des épaules larges et carrées qui lui donnent une apparence plus robuste de face. Un pare-brise plus grand à réglage manuel est de série, et vous pouvez opter pour un réglage électrique; les roues sans chambre à air à rayons croisés (moulées sur la GS), les feux auxiliaires à DEL et les protections de moteur qui ont des tubes supplémentaires à leurs extrémités pour empêcher la moto de basculer trop loin afin qu’elle soit plus facile à ramasser en cas de renversement sont également de série. 

La suspension semi-active DSA de BMW est de série et, pour souligner ses capacités tout-terrain, elle offre un débattement de roue plus long de 20 mm (210 mm à l’avant et 220 mm à l’arrière). Comme la GS, la GSA est équipée en option d’une suspension à réglage automatique de la hauteur d’assise qui abaisse la moto de 30 mm à l’arrêt et la relève à nouveau lorsque la vitesse dépasse 50 km/h; elle peut également être verrouillée en position haute ou basse. Un sous-châssis redessiné peut supporter une charge plus importante que sur la R 1300 GS et offre plus d’espace pour le pilote et le passager.

Une option disponible uniquement sur la GSA — et pour la toute première fois sur une moto BMW — est l’assistant de changement de vitesse automatisé (ASA). Ce système automatise le fonctionnement de l’embrayage et les changements de vitesse grâce à des servomoteurs internes. Il permet un fonctionnement entièrement automatique, par simple rotation, ou vous pouvez choisir de sélectionner les vitesses manuellement via le sélecteur. L’absence de levier d’embrayage témoigne de la présence de l’ASA sur la moto.

Ergonomie

La GSA est 20 mm plus haute que la GS, avec une selle à deux positions (870/890 mm). Avec la selle en position haute, pour plus d’espace pour les jambes, la position de conduite est droite et spacieuse. La selle est large, plate et horizontale, et la moto est plus étroite entre les genoux qu’auparavant. Avec le réservoir plein, la GSA pèse 269 kg, soit 32 kg de plus que la GS. Cela donne l’impression d’un poids plus important sur le haut de la moto, mais elle semble néanmoins plus compacte que la R 1250 GSA. Les pilotes qui optent pour le réglage automatique de la hauteur de conduite apprécieront certainement la hauteur de selle abaissée de 30 mm; le système est totalement invisible à la conduite, et la GS est la seule moto dotée d’une telle fonction qui abaisse l’avant et l’arrière de la moto — les autres systèmes n’abaissent que l’arrière. Ce dispositif ne modifie pas la géométrie de la moto vers le haut ou vers le bas, et vous permet de verrouiller la moto en position basse, ce qui facilite la pose d’un pied au sol en hors route. 

Une journée avec l’ASA

Notre périple de deux jours nous a menés de Malaga, en Espagne, à la ville de Tarifa, dans la partie la plus méridionale du pays. Comme la majeure partie du trajet devait se faire sur des chemins de terre et des sentiers, les motos d’essai étaient équipées de pneus Metzeler Karoo 4 à sculpture agressive, à la place des pneus Metzeler Tourance Next 2 standard. Ma moto d’essai pour le premier jour était équipée de l’ASA. 

Nous avons vu un système d’embrayage automatisé, il y a près de 20 ans, sur la Yamaha FJR1300EA. Ce système était saccadé et peu pratique à utiliser. BMW a commencé à travailler sur le système ASA il y a une dizaine d’années et a pris le temps de le perfectionner avant de le commercialiser. Les engrenages de la transmission, les fourchettes de sélection et les composants de l’embrayage de l’ASA sont les mêmes que sur la moto à boîte mécanique, puisque la dernière GS a été conçue dès le départ pour être équipée de l’ASA; seul le tambour de sélection est différent.

Mais où est donc passé le levier d’embrayage ?

La moto passe les vitesses sans à-coups en donnant un léger coup de levier au sélecteur, et elle avance en douceur dès que vous ouvrez les gaz, presque avant même que le moteur ne monte en régime. Elle démarre plus en douceur que toutes les motos CVT ou DTC que j’ai conduites. J’ai commencé par passer les vitesses manuellement (en sélectionnant le mode manuel via un interrupteur dédié sur le guidon gauche); la boîte de vitesses fonctionne un peu comme un quickshifter; on peut monter les rapports avec l’accélérateur ouvert et descendre les rapports avec l’accélérateur fermé. La grande différence est que l’effort de changement de vitesse est beaucoup plus léger que sur une moto équipée d’un quickshifter, car le levier n’est pas relié à la boîte de vitesses, mais plutôt à un capteur, avec un cran à ressort qui imite un levier de vitesses ordinaire. Les changements de vitesse sont également remarquablement fluides, pas tout le temps, mais bien plus fluides et rapides que sur une moto équipée d’un quickshifter. Il y a un léger délai entre le moment où vous amorcez un changement de vitesse et le moment où il se produit, mais nous parlons là de millisecondes. Même lors d’un changement de vitesse manuel, le système effectue les changements de rapports nécessaires pour éviter que le moteur ne cale ou ne tourne trop vite.

Le fonctionnement automatique de l’ASA est lié aux modes de conduite et ajuste la vitesse de changement de vitesse en conséquence. Il fonctionne très bien dans les différents modes de conduite, mais, comme mon cerveau a été programmé pour changer de vitesse à moto pendant des décennies, le mode automatique ne changeait presque jamais de vitesse quand je m’y attendais. En mode Road, par exemple, il changeait de vitesse prudemment à bas régime, même si je trouvais qu’il correspondait mieux à ma logique de changement de vitesse à basse vitesse en ville. À un rythme rapide, en mode Dynamic Pro, il attendait plus longtemps que je ne l’aurais fait avant de passer les rapports, en changeant parfois brutalement à haut régime. Avec le temps, j’ai appris à déjouer le système pour changer de vitesse plus près du moment où je le voulais, soit en touchant le levier de frein lorsque je ralentissais pour amorcer un rétrogradage, soit en relâchant légèrement l’accélérateur à vitesse constante pour amorcer une montée de rapport.

Je n’aimais pas utiliser le mode automatique hors route. En sentier, j’utilise constamment la boîte de vitesses, je rétrograde souvent en entrant dans les virages, je passe à la vitesse supérieure en sortant; la plupart du temps, le mode automatique conservait un rapport trop élevé à mon goût. L’avantage du système est qu’il peut être contourné à tout moment en mode automatique avec le pied gauche. Et le mieux, c’est le mode manuel qui est absolument incroyable, avec des changements de rapports fluides et précis à la montée ou à la descente des rapports, d’une simple pression du pied. 

J’ai deux problèmes avec l’ASA, et le premier s’applique à toute moto sans embrayage : l’absence d’embrayage rend les demi-tours et les manœuvres à basse vitesse difficiles. Je me suis amélioré dans les demi-tours pour les séances photo plus tard dans la journée, donc je suppose que plus de temps en selle aurait perfectionné ma technique. Le second est que la BMW utilise la première vitesse comme frein de stationnement, et la transmission ne change pas de vitesse lorsque le contact est coupé. Si vous garez votre moto en première dans votre garage, par exemple, et que vous avez besoin de la déplacer plus tard, vous ne pouvez pas le faire à moins d’avoir le porte-clés dans votre poche. De plus, le démarrage de la moto à la poussette est hors de question.

Manœuvrer sur route et en sentier

Les modèles GS à moteur Boxer ont une sensation très particulière. Bien qu’il s’agisse de grosses motos, leur centre de gravité bas les rend plus agiles en mouvement. L’avant à bras oscillant télescopique leur confère également une stabilité à toute épreuve et un ressenti rassurant. Ce châssis de dernière génération est une nette amélioration par rapport à l’ancien, le plus grand changement se situant à l’avant, qui offre une direction plus légère et plus précise qu’auparavant, ainsi qu’un ressenti plus communicatif. C’est une aubaine pour tourner sur la terre. 

Comme c’est devenu la norme avec le DSA de BMW, la souplesse de la suspension était exemplaire, sur route comme en tout-terrain. J’ai basculé en mode Enduro Pro et j’ai réglé la suspension plus souple que le mode Enduro par défaut (ce qui est possible dans les modes Pro en option) pour les sections hors route. La moto absorbe les grosses bosses sans envoyer d’onde de choc dans vos mains ou vos fesses, et offre un niveau de contrôle qui maintient la moto bien ancrée, même à des vitesses plus élevées sur des terrains vraiment accidentés. Elle se débrouille sur les sentiers bosselés et meubles avec un aplomb étonnant à une allure élevée, surtout si l’on considère qu’elle pèse près de 270 kg. 

Nous avons commencé le deuxième jour de notre périple en suivant des sentiers hors route qui nous ont menés à l’est de Tarifa jusqu’à une fortification abandonnée de la Seconde Guerre mondiale, sur laquelle se trouvait l’un des nombreux canons désaffectés disséminés sur la côte sud de l’Espagne. J’ai dû désengourdir ma main gauche, car je devais passer la journée sur une moto à boîte mécanique. J’ai immédiatement remarqué que le levier de vitesse était plus ferme lorsque je roulais sans embrayage, et que les changements de vitesse étaient plus bruyants. Le quickshifter de la GS fonctionne très bien, mais les changements de rapports ne sont pas aussi rapides que sur la version ASA et la moto produit plus de saccades puisque le moteur coupe momentanément et que l’embrayage est toujours engagé. Si je n’avais pas roulé avec la moto ASA la veille, j’aurais donné une bonne note au quickshifter de la BMW, mais il m’a semblé dépassé en comparaison. Je ne pensais pas que ce serait possible, mais au fur et à mesure que la journée avançait, la moto ASA a commencé à me manquer.

Après une brève sortie hors route, nous avons pris l’autoroute et sommes rentrés à Malaga en 90 minutes, à grande vitesse. Cette balade sans escale a confirmé ce que j’ai toujours pensé des grosses GS de BMW : ce sont d’excellentes motos pour les longues distances. Elles ont parcouru la distance sans effort et confortablement. La bulle plus haute et plus large offrait une excellente protection contre le vent, surtout dans sa position la plus haute, où le flux d’air était exempt de turbulences.

L’introduction de l’ASA est un événement majeur, mais il est important de noter que BMW ne l’a pas mis au point pour convertir les motocyclistes aux motos automatiques. Il s’agit d’une technologie conçue pour rendre la moto plus agréable à conduire sur route, en réduisant la fatigue et en allongeant potentiellement la journée de conduite. Ce n’est un secret pour personne que la majorité des grosses motos d’aventure passent leur temps sur le bitume, un fait réitéré par le chef de projet de BMW Motorrad, Sebastian Holzer, lorsqu’il a déclaré que «peu de gens l’emmènent [la GS Adventure] hors route» lors d’une présentation technique au début de la présentation à la presse. Malgré cela, la plus grosse moto d’aventure de BMW n’en est pas moins compétente lorsque la route s’arrête pour faire place aux sentiers. Et après avoir passé deux jours à conduire la nouvelle R 1300 GS Adventure sur et hors route, elle a prouvé, une fois de plus, qu’elle est une véritable pionnière, avec ou sans embrayage. 

FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids en ordre de marche : 269 kg
  • Hauteur de selle : 8750/890 mm
  • Capacité essence : 30 L
  • Consommation : 5,1 L/100 km
  • Autonomie théorique  : 588 km
  • Durée de l’essai : 300 km
  • Coloris : noir (TripleBlack), tricolore (GS Trophy), vert (Option 719 Karakorum)
  • Prix : 26 345 $ (de base)

MOTEUR

  • Moteur : bicylindre à plat (Boxer), 4-temps, refroidissement air/eau
  • Distribution : DACT, 4 soupapes par cylindre, 1 arbre d’équilibrage, BMW ShiftCam
  • Puissance : 145 ch à 7 750 tr/min
  • Couple : 110 lb-pi à 6500 tr/min
  • Cylindrée : 1 300 cc
  • Alésage x course : 106,5 x 73 mm
  • Rapport volumétrique : 13,3:1
  • Alimentation : Injection électronique
  • Transmission : 6 rapports ou ASA (semi-automatique)
  • Entraînement : par cardan

PARTIE CYCLE

  • Suspension : fourche Telelever EVO ; combiné Paralever EVO II avec jambe de suspension WAD, ajustable en précontrainte et en détente. Suspension électronique à ajustements en continu (Dynamic ESA). Débattements AV/AR : 210/220 mm
  • Empattement : 1 534 mm
  • Chasse/Déport : 26,2°/118,8 mm
  • Freins : 2 disques flottants de 310 mm et étriers 4 pistons radiaux à l’avant ; simple disque flottant de 285 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS BMW Motorrad Pro débrayable de série.
  • Pneus : Metzeler Tourance Next 2 ou Metzeler Karoo 4
    120/70R19 à l’avant
    170/60R17 à l’arrière