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La plus aventurière des IBEX du constructeur chinois

Photos : Didier Constant, Richard Turenne, CFMOTO

En fait, la surprise a été moins importante que l’an dernier, lors de la découverte de la CFMOTO IBEX 800 Sport que j’avais eue en essai pendant plusieurs semaines et qui m’avait carrément bluffé. Cette année, CFMOTO aligne trois IBEX 800 dans son catalogue : la Sport — le modèle de base ; la Touring — plus équipée — et l’Explore qui partage la même base technique que ses deux sœurs, mais se dote d’équipements appréciés : un sabot moteur, un régulateur de vitesse, une béquille centrale, une selle et des poignées chauffantes, un écran TFT couleur de 8 pouces MMI avec connectivité Wi-Fi et Bluetooth, des jantes à rayons équipées de pneus tubeless Michelin Anakee Adventure et un arsenal électronique, baptisé « MSC » (Motorcycle Stability Control), proche de celui de la KTM 790 Adventure, que j’ai essayée quelques jours auparavant. Ce dernier inclut, de série, un ensemble de sécurité évolué qui comprend une IMU 6 axes, un shifter bidirectionnel, un ABS déconnectable et un traction control tous deux actifs sur l’angle, six modes de conduite (Pluie, Sport, Offroad, Offroad Plus, All Terrain, All Terrain Plus) et un radar d’angle mort. Sans oublier une double prise USB et allume-cigare. Excusez du peu !

Si vous suivez l’actualité de CFMOTO, vous savez déjà que la gamme IBEX 800 résulte de la coentreprise entre la marque chinoise et KTM pour qui la première fabrique les moyennes cylindrées autrichiennes pour le marché globalisé. L’Explore est donc propulsée par le twin LC8c de 799 cc — comme toutes les IBEX et NK 800 —, garantie d’un caractère explosif et d’une certaine sophistication.

Connue en Chine sous le nom de Zhejiang Chunfeng Power Co. Ltd. — Chun Feng signifie vent de printemps en chinois —, la compagnie CFMOTO existe depuis 1989. Toutefois, c’est le partenariat avec le géant autrichien KTM, conclu en 2014, qui a réellement propulsé cette marque de l’Empire du Milieu sur le devant de la scène internationale en tant que concurrent technologique des marques établies, japonaises ou européennes.

La bagagerie est constituée de deux valises latérales de 28 et 35 litres et d’un top case de 36 litres, avec dosseret pour le passager. Prix de détail de l’ensemble : 1 789,29 $.

Dans sa tentative de conquête du marché mondial, CFMOTO met l’accent sur la qualité de la fabrication plutôt que sur le faible coût de ses produits, de sorte que si ses motos sont pourvues d’un bon rapport qualité-prix, elles sont également bien fabriquées et durables. Et pour affirmer sa confiance envers ses motos, la firme chinoise offre une garantie limitée de 5 ans.

L’IBEX 800 Explore est l’illustration parfaite de cette politique et représente la plus aboutie, la plus technologique et la plus qualitative de cette famille d’aventurières. Son look réalisé par le studio Kiska, qui dessine également les KTM, est sublime, surtout dans cette robe noire sobre et élégante. Son ensemble de bagages noir optionnel complète à merveille son allure de globe-trotter prête à vous faire découvrir le monde par les routes les plus spectaculaires, asphaltées ou non.

Comme je le mentionnais précédemment, l’IBEX 800 Explore est propulsée par le fameux bicylindre parallèle LC8c de 799 cc, à refroidissement liquide, à double arbre à cames en tête et 4 soupapes par cylindre. Il développe 94 ch et 56,8 lb-pi de couple et est associé à une boîte de vitesses à six rapports avec embrayage antidribble assisté. Sur la version Explore, le quickshifter fait partie de l’équipement de série. Ce dernier est appuyé par une électronique de pointe qui propose l’Apple Car Play sans fil de série. Et là, j’applaudis des deux mains. 

Comme ses deux sœurs, l’Explore a recours à des éléments de suspension KYB. À l’avant, elle utilise une fourche inversée de 43 mm de diamètre, réglable en précontrainte, en compression et en détente, offrant 160 mm de débattement. À l’arrière, elle est dotée d’un monoamortisseur réglable en précontrainte du ressort et en détente pourvue de 150 mm de débattement.

La partie cycle affiche une géométrie en accord avec son profil de routière d’aventure. Son empattement de 1 531 mm favorise la stabilité, tout comme ses valeurs de géométrie de direction (chasse de 25° et déport de 101,6 mm) plutôt classiques.

En action

Ma première prise de contact avec l’Explore, en quittant le concessionnaire OffRoad 104 de Saint-Jean-sur-Richelieu, me rappelle de bons souvenirs. Le moteur et la partie cycle étant communs à toute la gamme IBEX 800, dont la Sport que j’ai conduite l’an passé, je retrouve une position de conduite neutre et détendue qui m’est familière — dos droit, bras moyennement écartés en raison du cintre pas trop large du guidon qui est orienté vers le pilote — et jambes raisonnablement repliées. La selle culmine à 825 mm du sol, ce qui facilite la prise en main de l’aventurière chinoise, même quand on mesure moins de 1,80 m. La selle est moelleuse et procure un confort adéquat incitant à la balade. Même chose pour les suspensions souples et confortables, mais intègres.

Le moteur est sans surprise, surtout en descendant de la KTM 790 Adventure, et constitue le point fort de cette voyageuse. Bien que le Ride-by-Wire soit perfectible, son calibrage est nettement amélioré comparativement à la Sport. Le régulateur de vitesse est toujours bridé à 130 km/h et pas toujours précis. Mais il est en nette amélioration lui aussi. 

Le bicylindre LC8c est notable pour son couple et sa réactivité, ainsi que pour la remarquable sensation d’inertie qu’il procure. Il se caractérise par des envolées lyriques et des reprises franches, malgré son manque de douceur (il cogne en bas de 3 000 tr/min) et de couple à bas régime. Sa zone de confort débute 5 000 tr/min. En deçà, il est un peu creux et vous incite à jouer du sélecteur de vitesse pour accélérer vivement afin de dépasser avec aplomb, par exemple. Heureusement, il est bien secondé par la boîte de vitesse douce et précise et par le quickshifter de série qui permet des changements de vitesse rapides et précis.

L’injection mieux maîtrisée offre une connexion propre et efficace grâce à une combustion améliorée, et le capteur de contrôle du cliquetis permet une meilleure performance avec les carburants à faible indice d’octane, une caractéristique rassurante vu les différentes qualités d’essence que l’on trouve parfois en voyage. 

L’écran tactile e 8 pouces de la CFMOTO est une vraie merveille. Et il est compatible Apple Car Play !

Mais ce qui surprend agréablement, c’est la nouvelle dalle de 8 pouces, dont l’écran tactile est réglable en inclinaison. On dirait presque un iPad mini. Elle distille une foule d’informations pratiques que l’on peut sélectionner du bout des doigts, littéralement. Elle est claire et lisible. Son seul point faible est de ne pas proposer de bouton « Retour » pour revenir en arrière dans les menus. C’est agaçant. Comme le fait de ne pas pouvoir changer les modes de conduites en roulant (seulement à l’arrêt). Quand on possède un iPhone, sa compatibilité avec le système Apple Car Play sans fil est vraiment pratique. Les deux se reconnaissent au démarrage et votre téléphone est dupliqué sur l’écran de la CFMOTO, vous donnant un accès direct et rapide au contenu de celui-ci. Vraiment génial ! Contrairement aux solutions maison utilisées par les autres constructeurs, CFMOTO fait confiance à la technologie la plus efficace de l’industrie automobile laquelle met à l’honneur votre téléphone intelligent. Sachez qu’il est possible d’utiliser votre téléphone Android grâce à une application tierce, mais que cette solution est moins bien intégrée que l’Apple Car Play sans fil.

Freinage J.Juan et pneus Michelin Anakee Adventure. Parfait !

Le freinage J.Juan d’origine espagnole est à la hauteur de la tâche et fait preuve d’homogénéité et de modularité. Il fait un excellent travail sur route, en réduisant la vitesse lorsque cela est nécessaire, mais sans être trop intrusif ni agressif dans son comportement. Il est puissant, modulable et progressif. À l’avant comme à l’arrière. Qui plus est, les nouveaux modes Offroad, Offroad Plus, All Terrain, All Terrain Plus permettent de désactiver l’ABS à l’arrière et de réduire le TC voire l’annuler. Le mode All Terrain Plus, le plus extrême du lot, supprime toutes ces assistances. Pratique en TT, même si la roue avant de 19 pouces constitue toujours un handicap dans cet environnement.

La grosse nouveauté sur l’Explore est l’utilisation de pneus premiums Michelin Anakee Adventure (tubeless) — 110/80R19 à l’avant et 150/70R17 à l’arrière —, montés sur des jantes à rayons, en remplacement des Maxxis MaxxVenture qui équipaient la version Sport. Même si les gommes taïwanaises donnaient satisfaction sur route, les pneus français offrent plus de grip et de motricité en toute situation, particulièrement en sentier.

La bulle du carénage est réglable en hauteur et procure un bon niveau de protection, sans créer trop de remous

Notre version d’essai venait avec la bagagerie optionnelle (deux valises latérales de 28 et 35 litres et un top case de 36 litres, avec dosseret pour le passager) qui rehausse son potentiel de voyageuse au long cours et soigne le confort de l’éventuel passager. Le top case accueille un casque intégral et toutes les valises sont étanches. Elles sont pourvues d’une garniture interne en tissu pelucheux de qualité. C’est ensemble de bagages en aluminium est proposé en gris ou en noir, au tarif de 1 789,29 $.

Les autres accessoires de série incluent les protège-mains, les leviers réglables, la bulle réglable, les phares antibrouillard, la béquille centrale, les crash-bars, le sabot moteur, les supports de valises, le porte-bagages, et le capteur de pression des pneus (TPMS). Sans oublier les autres équipements mentionnés plus haut, à savoir le régulateur de vitesse, le capteur d’angle mort, la double prise USB/allume-cigare, le quickshifter, les poignées et la selle chauffantes, l’ABS déconnectable, le traction control ainsi que les six modes de conduite. Difficile de faire mieux équipée. Du coup, l’Explore subit une surcharge pondérale. Son poids en ordre de marche grimpe à 248 kg (sans les valises latérales), selon le constructeur.

Avec tout cet accastillage, la CFMOTO est capable d’affronter tout type de voyages. Cependant, elle continue à faire preuve d’un bel équilibre et se manie facilement sur route. Avec elle, on peut rouler tranquille, attaquer comme un goret ou encore avaler des journées de plus de 800 kilomètres sans fatigue. C’est une véritable mule offrant une capacité de chargement étonnante tout en restant rigoureuse et performante, aussi bien sur voie rapide que sur les petites routes sinueuses du réseau secondaire. Sans être une sportive de moyenne cylindrée, elle fait montre d’une belle agilité et d’un dynamisme surprenant. Même ses suspensions à grand débattement demeurent intègres au freinage et à l’accélération, limitant les mouvements de cheval à bascule au minimum.

En revanche, en sentier, on se cantonnera au hors route léger. L’Explore est en effet limitée par le débattement insuffisant de ses suspensions (160 mm à l’avant, 150 mm à l’arrière), par sa garde au sol (190 mm), par ses pneus d’origine à vocation plutôt routière et par son poids élevé. On évitera les chemins cahoteux, boueux ou ensablés pour se concentrer sur les sentiers bien tassés et roulants. D’autant que le sabot moteur ne survivrait pas à une excursion dans un pierrier. 

En conclusion

Fidèle à la théorie de l’évolution de l’espèce de Darwin, la CFMOTO IBEX 800 Explore est la plus aboutie de sa famille et la mieux équipée pour vous faire découvrir la planète par les routes spectaculaires et reculées. De toutes les aventurières équipées du moteur LC8c de KTM, c’est l’une des plus baroudeuses, avec la Husqvarna Norden 901 voire la version Expedition, deux motos que j’adore et qui partagent la même philosophie. Et des tarifs somme toute relativement comparables. À ce niveau, l’écart entre la Chinoise est les Austro-Suédoises est relativement faible et estompe un peu l’attrait de la CFMOTO, dans l’absolu. D’autant que ces deux concurrentes sont plutôt agréables à regarder comme à conduire. En plus de disposer de roues avant de 21 pouces, ce qui peut constituer un avantage pour les plus aventuriers d’entre vous.

L’avenir nous dira comment la CFMOTO IBEX 800 Explore se comportera face à ses adversaires qui comptent également les BMW F 850 GS Adventure, Honda Transalp 750, KTM 790 Adventure, Moto Guzzi V85TT, Suzuki V-Strom 800 (DE ou de base), ou Triumph Tiger 900 GT Pro. En attendant, il lui reste l’avantage de la garantie de cinq ans.

Fiche technique

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids en ordre de marche : 248 kg (sans les valises latérales)
  • Hauteur de selle : 825 mm (non ajustable)
  • Capacité essence : 19 L
  • Consommation : 5,4 L/100 km
  • Autonomie : 352 km
  • Durée de l’essai : 990 km
  • Prix : 17 574 $
  • Coloris : noir diamant — blanc étoile

MOTEUR

  • Moteur : bicylindre parallèle, 4-temps, DACT, 4 soupapes par cylindres, refroidi au liquide
  • Puissance : 94 ch à 9 000 tr/min
  • Couple : 56,8 lb-pi à 7 500 tr/min
  • Cylindrée : 799 cm3
  • Alésage x course : 88 x 65,7 mm
  • Rapport volumétrique : 12,7:1
  • Alimentation : injection électronique Bosch 9.1 MP
  • Transmission : 6 rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE CYCLE

  • Suspension : fourche inversée KYB de 43 mm de diamètre, réglable en précontrainte, en compression et en détente. 160 mm de débattement ; monoamortisseur KYB réglable en précontrainte du ressort et détente. 150 mm de débattement
  • Empattement : 1 531 mm
  • Chasse/Déport : 25°/101,6 mm
  • Freins
    AV – Double disque J. Juan de 320 mm, étriers radiaux à 4 pistons ; ABS non déconnectable, actif en virage ;
    AR – Simple disque de 260 mm pincé par un étrier double piston. ABS non déconnectable, actif en virage ;
  • Pneus : Michelin Anakee Adventure (tubeless)
    110/80R19 à l’avant
    150/70R17 à l’arrière

VERDICT RAPIDE

ON AIME BIEN

  • Équipement de série pléthorique
  • Apple Car Play sans fil
  • Régulateur de vitesse 
  • Grande dalle TFT de 8 pouces
  • Siège pilote chauffant
  • Commodos rétro-éclairés
  • Moteur génial 
  • Bonne protection 
  • Bagages optionnels efficaces 
  • Confort royal
  • Pneus Michelin Anakee Adventure

ON AIME MOINS

  • Ride-by-wire perfectible
  • Sonorité de l’échappement décevante
  • Béquille latérale un peu courte
  • Prix en hausse
  • Poids en hausse
  • Obligation de changer les modes de conduite à l’arrêt seulement
  • Réputation de la marque à faire
  • Fiabilité sur le long terme 

ÉQUIPEMENTS DU PILOTE

DIDIER

RICHARD

CF Moto Ibex 800 Explore

Une belle surprise !

J’ai été agréablement surpris par cette moto. Je savais que je ne serais pas déçu côté mécanique puisque cette dernière provient de la 790 Adventure de KTM, une moto que je connais bien pour en avoir eu une pendant deux saisons.

L’ensemble est très homogène, les suspensions, le freinage, la protection au vent et les performances sont tous très satisfaisants.

Mais on ressent que le moteur doit composer avec une trentaine de kilos supplémentaire par rapport à sa cousine orangée. Et ce poids n’est pas placé aussi bas que sur cette dernière dont le réservoir à essence est principalement situé de chaque côté du moteur.

Et pour en ajouter une couche, notre version était équipée des trois valises en aluminium (une autre quinzaine de kilos). Mais, en ce qui concerne le confort du pilote, il n’y a aucune comparaison avec sa cousine ; la CF remporte le « jeu, set et match » haut la main !

Ça en fait une machine très compétente pour les longs voyages, mais au détriment de la maniabilité et de la légèreté de maniement. Ainsi équipée, elle s’approche à une dizaine de kilos de mon Africa Twin DCT ! Mais, heureusement, le centre de gravité est moins élevé que sur ma Honda et la hauteur de la selle est aussi plus basse. De ce fait, la CF est beaucoup moins intimidante dans les manoeuvres à basse vitesse ou lors de déplacements dans un stationnement en pente !

L’écran TFT est impressionnant par la quantité des informations qu’on peut y trouver quand on navigue dans les menus. J’ai même pu consulter la température intérieure des pneus et les forces G lors de freinages ou d’accélérations !

Considérant tout l’équipement (électronique et autre) qu’elle offre, ça en fait un bon achat compte tenu du prix demandé. Mais l’acheteur éventuel devra faire une procession de foi envers la marque qui n’a pas encore acquis ses lettres de noblesse en termes de fiabilité et de valeur de revente au Québec.

— Richard Turenne