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Le petit « Screamer » rue dans les tours

Par Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Kevin Wing (circuit), Didier Constant et Richard Turenne (route), Kawasaki (studio)

Les motos à quatre cylindres de petite cylindrée ont développé une sorte de culte au fil des ans. Seule une poignée de quatre cylindres de 400 cc a été introduite au Canada au cours des dernières décennies. Leurs moteurs évoluant à haut régime, leur légèreté, leur maniabilité et leur exclusivité les ont rendues très recherchées par les amateurs du genre. Quelques modèles de Honda, Suzuki et Yamaha ont fait leur apparition au Canada, mais aucune Kawasaki. Jusqu’à cette année, cependant, avec l’introduction des Kawasaki Ninja ZX-4 R et ZX-4RR 2023. 

La ZX-4RR brille à Thunderhill

Comme ses grandes sœurs de la famille Ninja, la ZX-4RR affiche un style agressif et anguleux, ainsi qu’une attitude prête à bondir. Cependant, contrairement à ses consœurs supersportives, qui sont toutes construites autour d’un cadre en aluminium, la ZX-4RR utilise un cadre treillis en acier. Elle bénéficie également d’une position de conduite légèrement plus détendue et plus spacieuse que ce que l’on pourrait attendre d’une moto de cette classe. 

Le cadre abrite un quatre cylindres en ligne de 399 cc refroidi par liquide et alimenté par un système d’injection ride-by-wire. Ce système permet de sélectionner quatre modes de conduite et deux modes de puissance : Low (puissance limitée et réponse douce de l’accélérateur) ou High (pleine puissance et réponse de l’accélérateur plus agressive). Trois des modes de conduite comportent des niveaux prédéfinis d’antipatinage, de faible à forte intervention, et pour la course, il existe un mode « pilote » configurable, dans lequel les paramètres du moteur peuvent être réglés indépendamment et l’antipatinage désactivé.

Le tableau de bord comprend un écran couleur TFT de 4,3 pouces qui permet de sélectionner les modes de conduite. Vous pouvez vous connecter à votre téléphone intelligent via Bluetooth et utiliser l’application gratuite Rideology de Kawasaki pour accéder à distance aux différentes fonctions de l’écran. Le bloc d’instrumentation propose deux types d’affichage — Normal et Circuit —, ce dernier mettant en évidence la position du rapport, les régimes supérieurs à 10 000 tr/min et les chronos déclenchés par un bouton (les temps au tour GPS sont enregistrés par le biais de votre téléphone). 

La 4RR dispose de quelques équipements plus adaptés à la piste que le modèle 4R standard, notamment une suspension réglable en précontrainte du ressort à l’avant et entièrement réglable à l’arrière (seule la précontrainte du ressort arrière est réglable sur le modèle R), ainsi qu’un quickshifter bidirectionnel qui permet de passer les rapports sans embrayage (pas de quickshifter sur le modèle R). Ces caractéristiques supplémentaires font grimper le prix de la RR à 10 999 $, soit 1 000 $ de plus que le modèle R, mais après avoir passé une journée sur la piste, je peux attester que la RR vaut le surcoût. Les deux modèles sont également équipés d’un embrayage à glissement assisté mécaniquement, dont la traction est légère et qui aide à prévenir le sautillement des roues lors de la décélération à haute vitesse.

La ZX-4RR s’est montrée immédiatement à l’aise sur le circuit, avec une direction légère et neutre dans les virages serrés, et une stabilité inspirant confiance sur les lignes droites et dans les longs virages rapides. Au début, la suspension était un peu trop souple pour ma carcasse de 200 livres, et la moto se vautrait un peu en sortie de virage. Mais un ajustement rapide entre les sessions pour ajouter de la précontrainte aux deux extrémités et augmenter l’amortissement à l’arrière a remédié à cela. Du coup, la moto s’est sentie remarquablement bien plantée. Malgré son cadre en acier, le châssis de la ZX-4RR s’est avéré rigide et très compétent sur la piste. La moto a même franchi une portion particulièrement bosselée du circuit à plein régime sans le moindre tremblement de la direction. 

Les constructeurs installent généralement des pneus de course à gomme molle pour les essais sur piste, mais Kawasaki a choisi de nous laisser rouler avec les pneus d’origine. Les pneus Dunlop Sportmax GPR-300 ont fourni une très bonne adhérence et un très bon retour d’information, même à l’inclinaison maximale, et n’ont perdu une partie de cette adhérence que lorsque nous avons poussé la machine dans ses derniers retranchements. Les freins offrent une excellente puissance d’arrêt avec une bonne sensation et un bon retour d’information, bien que l’absence d’un mode piste pour l’ABS signifie qu’il se déclenche parfois à l’entrée d’un virage un peu trop optimiste. Certains pilotes sur la piste ont retiré le fusible de l’ABS pour le désactiver ; j’ai préféré ajuster ma vitesse d’entrée en virage, et j’ai quand même réussi à dépasser certains de ces pilotes. 

Le quickshifter de la ZX-4RR a très bien fonctionné sur le circuit, ne nécessitant qu’une légère pression sur le levier à plein régime pour passer à la vitesse supérieure ou inférieure. Le moteur produit un hurlement enivrant lorsqu’il monte en régime, et pour un petit quatre cylindres, la ZX-4RR a un bon punch à mi-régime, accélérant vivement jusqu’à environ 11 000 tr/min avant que la puissance ne s’aplanisse. Cependant, c’est ce son qui est à l’origine de la puissance légèrement réduite de la moto.  

Les émissions sonores en Amérique du Nord sont plus strictes qu’en Europe, c’est pourquoi la ZX-4RR a été limitée ici. Bien que le moteur atteigne un régime stratosphérique de 16 000 tr/min, il ne le fait pas librement ; l’ECU est programmé pour réduire l’accélération au-delà de 11 500 tr/min, ce qui réduit la puissance à haut régime. Cette réduction de puissance n’est pas un problème sur la route, ce que j’avais constaté après avoir essayé une ZX-4R sur la route, où le moteur tourne principalement dans la partie la plus grasse de sa courbe de couple.

Il existe cependant une solution si vous avez l’intention de piloter la moto sur circuit : vous pouvez faire reprogrammer l’ECU par un fournisseur tiers pour obtenir une puissance illimitée, pour environ 350 $ US. Selon Chuck Graves de Graves Motorsports, une société américaine spécialisée dans la préparation des motos pour la compétition, la reprogrammation de l’ECU permet d’augmenter considérablement la puissance, jusqu’à atteindre à peu près le même niveau que celui de la moto de série européenne. L’ajout d’un système d’admission et d’échappement de remplacement permet d’obtenir des gains supplémentaires, jusqu’à 37 % de plus que la moto de série, soit environ 80 ch à la roue arrière, selon Graves. Kawasaki ne publie pas de chiffre de puissance en Amérique du Nord, mais les modèles européens revendiquent une puissance très respectable de 77 chevaux et un couple de 28,8 lb-pi. 

Piloter une moto de petite cylindrée sur un circuit présente quelques avantages. Tout d’abord, elle ne vous sollicite pas autant physiquement ou mentalement qu’une moto plus grosse. J’étais prêt à repartir pour quelques tours supplémentaires même après la dernière des sept séances de 30 minutes ; une supersportive de classe ouverte m’aurait épuisé après la moitié de ce temps. C’est aussi beaucoup plus facile pour les pneus. Habituellement, ceux-ci sont remplacés au moins une fois au cours d’une journée d’essais sur piste, mais ceux de la ZX-4RR semblaient pouvoir tenir une journée de plus. Enfin, piloter une moto qui ne sort pas comme un boulet de canon en sortie de virage, comme une 1000 cc, permet au pilote de développer des techniques de pilotage et d’affiner les trajectoires de course, un luxe dont vous êtes privé sur un monstre de plus de 200 chevaux.

La ZX-4R sur la route 

Au début du mois de juin, j’ai eu l’occasion de passer quelques jours au guidon de la ZX-4R avec laquelle j’ai parcouru environ 500 km sur le réseau secondaire et en ville. 

J’ai initialement été surpris par le confort relatif de cette petite sportive qui se montre plutôt accueillante pour mon gabarit (1,77 m pour 78 kg) et dont les suspensions, une fois calibrées correctement (opération effectuée par Barbee Racing Suspension [BRS]) font du bon boulot. Je l’ai trouvée moins radicale sur route que la BMW S 1000 RR que j’ai essayée quelques semaines plus tard.

En revanche, la puissance de la ZX-4R m’a déçu. En fait, c’est la répartition de celle-ci qui surprend. En effet, le quatre cylindres délivre sa puissance haut dans les tours, au-delà de 9 000 tr/min et jusqu’à environ 11 000 tr/min, avant que la puissance ne plafonne en raison du bridage électronique effectué par Kawasaki pour respecter les normes antibruit. En haut de ce régime, on ne retrouve pas les chevaux de la version européenne et le moteur donne l’impression de tourner à vide, comme celui d’un moulin à café. De plus, si l’on peut reprogrammer l’ECU pour retrouver le potentiel original du quatre cylindres, sur piste, cette opération n’est pas recommandée sur route, car elle invalide votre garantie, mais surtout votre couverture d’assurance, en cas de réclamation. 

C’est d’autant plus dommageable que le couple à bas régime est quasiment inexistant. Sur le modèle européen, le couple maxi de 28,8 lb-pi est obtenu à 13 000 tr/min, soit à un régime stratosphérique. Conséquemment, le moteur de la ZX-4R se montre particulièrement creux — je préfère celui de la Ninja 400 sur route — et on se retrouve à évoluer haut dans les tours, sur une plage réduite, ce qui est fatigant, notamment en ville et plutôt frustrant quand on pense à la réserve de chevaux inexploitable que ce moteur contemporain et prometteur recèle.

Ne vous méprenez pas cependant. La ZX-4R atteint facilement les 200 km/h avec un peu d’élan, sur route rapide, ce qui est largement suffisant, hautement illégal et totalement rageant. Et complètement inutilisable sur notre réseau routier. 

Sinon, comme toutes les sportives, la Kawasaki peut se muer en moto de tourisme léger quand on l’équipe d’un sac de réservoir, d’un sac de selle et de sacoches cavalières. Mais vous serez alors condamné à rouler en solo. D’autant plus que le confort de la selle passager est pour le moins spartiate. À moins d’être sado-maso, personne ne voudra faire la route derrière vous, aussi bon pilote soyez vous.

Des compromis ont dû être faits pour que les ZX-4R et 4RR soient commercialisées au Canada afin de répondre à nos normes strictes en matière de bruit. Mais cela ne diminue en rien le plaisir que l’on peut avoir sur la route avec le tout premier quatre cylindres en ligne de 400 cc de Kawasaki offert au pays. Et si vous êtes à la recherche d’une moto de piste abordable, ne cherchez pas plus loin.

La petite supersportive de Kawasaki est une moto dont le statut culte n’est pas à la hauteur des attentes des aficionados, en Amérique du Nord, à tout le moins. Elle s’adresse à des connaisseurs et ne se destine pas à la masse. Cependant, elle ne se limite pas seulement aux néophytes, surtout dans le cas d’une version RR débridée qui ravira les pilotes expérimentés recherchant les sensations uniques que seule une supersportive de petite cylindrée peut délivrer.

La Kawasaki est disponible en deux versions : Ninja ZX-4 R (Noir métallique étincelant) et Ninja ZX-4 RR KRT (Vert Lime/Noir ébène). Elles se détaillent respectivement 9 999 $ et 10 999 $. Et ne sont pas classées comme motos à risque par la SAAQ. Du moins, pas pour l’instant.

Équipement du pilote (route)

FICHE TECHNIQUE ZX-4R/ZX-4RR

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits : 188 kg
  • Hauteur de selle : 790 mm
  • Capacité essence :  15 L
  • Consommation : 5,4 L/100 km
  • Autonomie : 277 km
  • Durée de l’essai : 500 km
  • Prix : 9 999 $/10 999 $
  • Coloris : Noir métallique étincelant (Noir métallique étincelant) ou Vert Lime/Blanc/Noir ébène (ZX-4RR KRT)

MOTEUR

  • Moteur : quatre cylindres en ligne, DACT, 4 soup./cylindre, refroidissement liquide
  • Puissance : 77 ch à 14 500 tr/min (80 ch avec l’air forcé) — modèle européen
  • Couple : 28,8 lb-pi à 13 000 tr/min — modèle européen
  • Cylindrée : 399 cc
  • Alésage x course : 57 x 39,1 mm
  • Rapport volumétrique : 12,3:1
  • Alimentation : injection électronique, 4 corps de 34 mm
  • Transmission : 6 rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE CYCLE

  • Cadre : treillis tubulaire en acier
  • Suspension : fourche inversée Showa SFF-BP, tubes de 37 mm, précontrainte ajustable ; monoamortisseur Showa BFRC Lite entièrement réglable à l’arrière (seule la précontrainte du ressort arrière est réglable sur le modèle R)
  • Empattement : 1 380 mm
  • Chasse/Déport : 23,5°/97 mm
  • Freins : 2 disques de 290 mm et étriers radial 4 pistons à l’avant ; simple disque de 220 mm avec étrier simple piston à l’arrière. ABS de série.
  • Pneus : Dunlop Sportmax GPR-300
    120/70/17 à l’avant
    160/60/17 à l’arrière

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