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Un instant au paradis !

Photos © Pierre Désilets, BMW Motorrad

Assis dans le garage de la California Superbike School (CSS), à Thunderbolt, je me rafraîchis entre deux sessions de roulage en admirant l’exclusive HP4 Race de l’école avec envie. J’en bave, même si je la sais inaccessible. Deux journalistes américains, invités comme moi à la CSS, découvrent cette sportive aux caractéristiques techniques digne d’une moto du Championnat du monde de Superbike (WSBK). Tandis que moi, je rêve, les yeux ouverts, que je la pilote. Je connais le tracé par cœur maintenant — c’est ma cinquième visite à Thunderbolt — et je me visualise à son guidon sans difficulté. C’est virtuellement bluffant.

Je suis perdu dans mes chimères quand je sens une main se poser sur mon épaule droite, avec assurance. C’est Dylan, le fils de Keith Code : « Prends ton casque et tes gants et suis-moi ! me dit-il en enlevant les couvertures chauffantes des slicks Dunlop Sportmax GPA-Pro qui chaussent la HP4 Race. Ramasse la béquille et accompagne-moi jusqu’à la ligne de départ. »

Sur le coup, je ne sais trop que penser. Les idées se bousculent dans ma tête. Je sens mon rythme cardiaque s’accélérer, mes tempes battre comme un tam-tam lors d’un pow-wow. Puis, au fur et à mesure que nous approchons de la ligne de départ, je réalise que Dylan me réserve une surprise que je ne suis pas prêt d’oublier. « On doit faire le plein de toutes les motos entre les deux séances. Ça te donne le temps de faire quelques tours avec la HP4 Race. Profites-en. Fais-toi plaisir. Mais essaye de rester sur deux roues ! »

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Je suis sur le cul. Incrédule. Extatique. Heureux. Avec l’impression d’être encore dans mon rêve éveillé. Je n’ose croire que je vais essayer la HP4 Race. 750 exemplaires dans le monde. Sur un superbe circuit que j’adore. « Quand Trevor te montrera le drapeau à damiers, termine ton tour et rentre aux puits ! »

Plus qu’une Édition Limitée

La HP4 Race n’est pas une Édition Limitée accessoirisée de la BMW S1000RR. C’est une moto d’exception que nous avons découverte en octobre dernier, au circuit d’Estoril, au Portugal. Je ne reviendrais donc pas en détail sur la présentation technique du superbike ultime de BMW, sinon pour dire qu’il se distingue par son cadre, ses roues et son accastillage en carbone, son massif bras oscillant en aluminium réalisé par la firme suisse Suter (fabricant de châssis pour le Moto2), ses suspensions Öhlins de course, son moteur issu de la S1000RR de superbike qui crache plus de 215 chevaux et son électronique de pointe. Sans oublier une foule de pièces sublimes. Un vrai travail d’orfèvre.

Construite dans les ateliers de l’écurie de course BMW, à Berlin, la HP4 Race dispose des mêmes pièces que la BMW S1000RR de l’écurie officielle BMW Althea que pilote Loris Baz. Pourtant, elle n’est pas homologuée pour disputer le championnat WSBK de la FIM (Fédération internationale de motocyclisme) — ni aucun championnat national d’ailleurs —, car le règlement stipule que les motos approuvées doivent être basées sur une moto de route, ce qui n’est pas le cas de la HP4 Race. Elle n’est donc utilisable que sur piste, pour des journées de roulage exclusif, hors championnat. Et c’est vraiment dommage, tant elle est impressionnante de facilité et d’efficacité.

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Une vraie machine de course

Ultralégère, la HP4 Race fait osciller la balance à 171,4 kg tous pleins faits. Quand on descend de la S1000RR pour l’enfourcher, c’est sa légèreté qui nous surprend d’emblée. Et l’extrême facilité avec laquelle cette authentique machine de course se pilote. C’est bluffant ! Facile, homogène, elle se place en virage sans effort et fait preuve d’une stabilité incroyable. Un rail ! Dans les pifs pafs de Thunderbolt, elle change de direction avec aisance et précision, sans effort. Le train avant impressionne par la précision et le feeling qu’il offre. Tout comme les suspensions qui frôlent la perfection. Les slicks Dunlop collent à l’asphalte et vous permettent d’attaquer les virages rapides en toute confiance.

Pour cette brève prise de contact, Dylan a réglé la moto dans le mode intermédiaire. Le tableau de bord de course est magnifique et distille une foule d’informations que je n’ai pas le temps d’analyser. Même chose pour les commandes façon jeu vidéo, douces et précises, dont je n’ai pas le mode d’emploi détaillé. Je me contente de me faire plaisir, heureux comme un môme dans une confiserie.

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Le moteur de la HP4 Race combine les versions 6.2 et 7.2 des moteurs de WSBK. Dans cette configuration, il crache plus de 215 ch à 13 900 tr/min et délivre un couple de 88,5 lb-pi à 10 000 tr/min. Il est secondé par une boîte de vitesse à rapports courts et un sélecteur électronique bidirectionnel qui fait des merveilles sur le tracé technique du New Jersey Motorsports Park. Le quatre en ligne prend ses tours avec une telle aisance qu’on reste ébahi. Il vous allonge les bras à l’accélération tandis que la puissance ne cesse de grimper jusqu’à l’approche de la zone rouge. Dans les circonstances, je suis reconnaissant à Dylan d’avoir sélectionné le mode intermédiaire. Malgré tout, je reste en contrôle. La puissance, bien qu’impressionnante, reste facile à gérer, grâce à l’électronique efficace et transparente de la BMW. Incroyable ! À la sortie du virage 11, un grand gauche qui donne accès à un enchaînement droite/gauche ouvert, la roue avant se déleste légèrement. J’attaque le dernier virage, un droit rapide qui donne accès à la ligne droite, à fond. Prêt à réaliser un chrono d’enfer.

C’est alors que Trevor me montre le drapeau à damiers. Au moment même où je commence à m’accoutumer à la HP4 Race, au point de voir ma crainte s’estomper, oubliant les conséquences néfastes qu’une hypothétique chute pourrait avoir sur mes finances. Et sur mon amour-propre. Sans parler de mon squelette vieillissant. On dirait qu’il a lu dans mes pensées. Je termine mon tour de circuit en appréciant chaque virage, chaque ligne droite, chaque freinage, chaque accélération. C’est jouissif !

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Exceptionnel !

En rentrant aux puits, je me remémore chaque tour complété avec la HP4 Race. Avec le regret de ne pas avoir pu en faire plus. L’expérience est tellement grandiose ! Conduire une authentique moto de course sur un circuit de classe internationale est tout simplement énorme. C’est un plaisir exquis réservé à très peu de gens. Personnellement, je me sens privilégié et reconnaissant envers Dylan de m’avoir offert cette chance. Après cette prise de contact, je comprends mieux pourquoi cette moto d’exception se vend près de 100 000 $. Il s’agit d’un Superbike digne du WSBK. À tel point, que BMW recommande un retour du moteur à l’usine, en Allemagne, aux 5 000 km, question de le rafraîchir. Je vous laisse imaginer les coûts d’une telle opération. Pas à la portée de toutes les bourses. Il me reste juste à souhaiter que mon billet de loterie soit gagnant ! On s’habitue vite au luxe 😉

L’équipement du pilote

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