« Essais

Pour réveiller le Monstre qui sommeille en vous!

Photos © Adam Wheeler, Joe Salas (4theriders.com), Didier Constant, Wikipedia — Vidéos: Ducati

Au nord de San Francisco, la légendaire Route 1 se tortille dans tous les sens en tentant de suivre le tracé des falaises qui se jettent dans l’Océan Pacifique. Entre l’observatoire de Muir Beach et le village de Marshall, elle suit langoureusement la baie de Tomales avant de faire une boucle dans les terres pour aller rejoindre Bodega Bay, plus au nord, pittoresque village côtier où Alfred Hitchcock tourna « Les oiseaux ».

Ce trajet d’une petite centaine de kilomètres est un véritable régal pour les yeux. Du village de Sausalito et ses maisons flottantes à la prison d’Alcatraz, du Golden Gate Bridge aux divers phares qui égayent la côte du Comté de Marin, en passant par les panoramas sauvages du parc de Point Reyes National Seashore, on est émerveillé par le spectacle féérique qui s’offre à nous. D’un côté, la mer, immense, ouverte sur des contrées inconnues et lointaines comme une promesse d’aventures. Le bleu de l’azur qui se mélange avec le bleu profond de l’océan pour dessiner un horizon mystérieux, tout en  teintes dégradées. De l’autre côté, le littoral tourmenté, façonné par des siècles d’érosion. La végétation traversée par un long serpentin d’asphalte noir, remplit l’espace d’un vert presque fluo qui se dilue dans le bleu du ciel, au loin. Pour parachever cette symphonie pastorale, le soleil matinal baigne cette nature grandiose de ses rayons et nous réchauffe la couenne.

Pour les motocyclistes, et plus particulièrement les adeptes de la conduite sportive, cette route est magique. Un festin pour les sens. Un remède pour les maux de l’âme. Elle se compose de grands virages rapides interrompus par de petites lignes droites et des enfilades de virages serrés. Découpant son chemin à travers les champs et les collines, elle virevolte, grimpe vers les cieux, puis plonge vers la mer pour se calmer et suivre le rivage pendant quelques kilomètres.

Ducati Monster 1200S

Ducati Monster 1200S

Une ergonomie qui évolue

Depuis son lancement en 1993, La Monster séduit les amoureux de belles mécaniques, les férus de roadsters sensuels aux performances affirmées. Et belle, la création de Miguel Angel Galuzzi l’est assurément. C’est, à mon avis, l’une des motos les plus désirables du marché, une Diva sur deux roues, narcissique et capricieuse, enveloppée dans une robe moulante d’un rouge écarlate qui souligne ses lignes parfaites. Une moto qui séduit les hommes en leur faisant les yeux doux, en jouant de ses charmes sans vergogne. C’est Monica Belluci dans « Combien tu m’aimes? », Isabelle Adjani dans « L’Été meurtrier », Émmanuelle Béart dans « L’Enfer ». La femme fatale dans toute sa splendeur, belle, désirable, explosive, sensuelle.

Avec son gabarit compact, son empattement court de 1 511 mm, sa géométrie de direction radicale (chasse de 24,3° — déport de 93,2 mm), la Monster 1200S respire la sportivité. Quand on prend place à son bord, on découvre cependant une position de conduite inédite pour une machine de cette famille. À commencer par une selle dont la hauteur se règle soit en position haute, à 810 mm du sol, soit en position basse, à 785 mm de terre, ce qui rend le roadster Ducati accessible au plus grand nombre. D’autant plus que la finesse du réservoir, au niveau de l’entrejambe, permet de bien poser les pieds au sol. Le guidon qui est plus haut de 40 mm est également plus près du pilote, favorisant une position plus décontractée qu’auparavant, moins allongée.

Basse, étroite, compacte et légère (182 kg à sec, 209 kg en ordre de marche), la Ducati est un véritable vélo. Sa prise en main est instinctive. Seul son rayon de braquage large peut dérouter les néophytes.

Ducati Monster 1200S

Ducati Monster 1200S

Une fois installé aux commandes du roadster Ducati, on découvre un tableau de bord complet, constitué d’un écran couleur à matrice active. Il propose une foule d’informations : partiels, indicateur de mode, température extérieure, consommation instantanée, réserve, chronomètre… On déplore cependant l’absence d’une jauge de carburant et d’un indicateur de rapport engagé. Cet écran possède par ailleurs un affichage paramétrable avec des fonds de couleur différente suivant les modes de conduite sélectionnés, dont un pour la conduite nocturne, lequel s’active automatiquement. En pleine lumière, l’écran s’avère cependant peu lisible.

Sur la S, on note également les magnifiques jantes à trois branches en Y, chaussées de pneus Pirelli Diablo Rosso II qui autorisent toutes les extravagances sur route ouverte.

L’électronique à la rescousse

Depuis qu’elle a adopté un accélérateur électronique de type Ride-by-Wire, la Monster 1200S bénéficie d’un arsenal d’aides électroniques incluses dans le Ducati Safety Pack, dont trois modes de conduite (Sport, Touring, Urban) lesquels adaptent les performances en fonction de l’environnement et conditionnent les différentes aides*. La Monster dispose d’un antipatinage Ducati Traction Control paramétrable sur huit niveaux et d’un système ABS Bosch 9MP ajustable sur trois crans. Tous les réglages sont regroupés dans une commande située sur le commodo gauche, facilement accessible au pouce.

 Un moteur à sensations

La Ducati Monster 1200S est propulsée par le nouveau bicylindre en L à refroidissement liquide Testastretta 11° DS, à double allumage, apparu la première fois sur l’hypersportive 1198. Il agit comme élément porteur et contribue à la rigidité du cadre. Ce moteur de 1 198,4 cc équipe également la Diavel et la Multistrada 1200. Sur le roadster, il a été adouci afin d’offrir un couple accru à bas et moyen régime, lequel culmine à 92 lb-pi à 7 250 tr/min sur la 1200S.

Bicylindre en L Testastratta 11°

Bicylindre en L Testastratta 11°

Ce moulin est le plus expressif de la gamme routière Ducati, exception faite du Superquadro de 1 285 cc de la Panigale 1299. Il trahit ses origines sportives et procure des sensations fortes. Pas vraiment à l’aise en ville, dans la circulation, il cogne en deçà de 3 000 tr/min, comme pour manifester son mécontentement. Le twin desmodromique n’aime pas se traîner. Son truc, c’est s’envoyer en l’air, à haut régime, pour atteindre des vitesses stratosphériques. Il se révèle cependant plus souple que celui de la Monster 1100 Evo que j’avais découverte lors d’un comparo avec la Moto Guzzi Griso 1200 8V SE, en 2013, sur les mêmes routes. Il tire sans faiblir dès 3 000 tr/min et est bien rempli aur toute la plage de puissance. S’il s’avère particulièrement à l’aise à moyens régimes, entre 4 500 et 8 000 tr/min, sur les rapports intermédiaires, le Testastretta fait également preuve d’une bonne allonge, produisant des chevaux jusqu’à l’approche de la zone rouge qui débute à 9 500 tr/min. Quand on évolue dans sa bande de puissance maxi, on n’a pas à s’inquiéter des dérapages éventuels de la roue arrière puisque le DCT est là pour veiller au grain. Le twin en L permet à la Monster 1200S d’atteindre une vitesse de pointe d’environ 225 km/h.

La boîte de vitesse à six rapports est douce, mais parfois rétive, tandis que l’embrayage de type multidisque à contrôle hydraulique est exempt de défauts.

À l’usage, on remarque que le twin à tendance à chauffer, ce qui est particulièrement notable en ville ou dans la circulation dense. Par ailleurs, l’échappement de type 2-en-1-en-2, avec ses deux collecteurs à grosse section, côté droit, gène le pilote, l’obligeant à écarter la jambe droite en plus de lui chauffer la cuisse. Même chose pour les énormes supports de repose-pieds passager avec lesquels le talon du pilote vient en contact en position d’attaque.

Ducati Monster 1200S

Ducati Monster 1200S

Une partie cycle bonifiée

La version S de la Monster 1200 est superlative. Elle est équipée de suspensions haut de gamme Öhlins alors que la version de base dispose d’éléments Showa de qualité moindre. On retrouve ainsi une massive fourche inversée à poteaux de 48 mm et un monoamortisseur à bonbonne séparée, les deux réglables en tous sens, qui fonctionnent remarquablement bien, procurant à la Monster 1200S une précision et une rigueur supérieures à celles de la Monster 1200 de base, mais surtout une bonne capacité d’absorption des irrégularités de la chaussée. Fermes sans être dures, les suspensions de la 1200S soulignent le caractère plus sportif de la Ducati. Sur chaussée dégradée, elles ont tendance à rebondir légèrement tout en restant efficaces.

Le freinage haut de gamme est digne des sportives de la marque dont il est issu. La Ducati Monster 1200 S est dotée, à l’avant, de deux disques Brembo de 330 mm pincés par des étriers à fixation radiale Brembo monobloc EVO M50 à 4 pistons (double disque de 320 mm avec étriers monoblocs Brembo M4-32 sur la 1200) et d’un monodisque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière. Le freinage est puissant et modulable. Il offre énormément de mordant durant la phase d’attaque et se montre progressif par la suite. L’arrière est moins efficace et manque de puissance. L’ABS (non combiné) fait partie de la dotation de série.

En action sur la Route 1

En action sur la Route 1

Elle danse avec les courbes

Sur la Monster 1200S, calé en quatrième, je profite du couple abondant du bicylindre italien pour sortir des courbes avec puissance. Dans les sections rectilignes, je passe la sixième, flirtant parfois avec la zone rouge. Sur cette route quasi déserte, j’ai l’impression d’être seul au monde, même si je suis en compagnie de sept collègues. Nous roulons à un rythme très inspiré, en parfaite symbiose avec l’environnement. S’il ne fallait pas arrêter au Nick’s Cove Restaurant pour le lunch, je roulerais ainsi pendant des heures, me balançant d’un côté à l’autre au gré des circonvolutions de la route.

Avec son moteur puissant crachant 145 ch et gorgé de couple (92 lb-pi), la 1200S est un charme à piloter dans un tel milieu. Elle permet d’évoluer sur les rapports intermédiaires, de danser d’une courbe à l’autre en jouant de l’accélérateur et du frein, puis de s’élancer dans une accélération fulgurante pour dévorer les lignes droites à fond de six. Sa partie cycle intègre et affûtée qui s’appuie sur un cadre treillis tubulaire en acier et des suspensions Öhlins, lui confère une tenue de route exemplaire. Son train avant est imperturbable et elle trace ses trajectoires au cordeau. Grâce à sa nouvelle géométrie, à sa position de conduite revisitée et à son large guidon tubulaire relevé, la Monster 1200S se pilote avec aisance. Elle se place au doigt et à l’œil. Instinctivement. Sa garde au sol importante permet d’explorer ses limites sans aucun problème. Cependant, pour la mener à un rythme sportif, il faut faire preuve de concentration et avoir un bon niveau. Une Monster 1200S, ça ne se conduit pas, ça se pilote, Môssieur!

En action sur la Route 1

En action sur la Route 1

De retour à notre camp de base, au sud de San Francisco, la Monster 1200S a une fois de plus brillé sur les merveilleuses routes 9, 35, 84 ou 92 qui déroulent leurs lacets envoutants dans les collines boisées situées entre Half Moon Bay, Cupertino et Santa Cruz. Dans cet environnement digne d’un parc d’attractions pour adultes, la Diva bolonaise prend tout son sens et fait étalage de sa maestria et de son aplomb.

En revanche, elle n’excelle ni en milieu urbain ni sur l’autoroute. La ville, ça n’est pas son terrain de prédilection. Si la Monster se faufile facilement dans la circulation grâce à son gabarit de lilliputienne, son moteur manque de souplesse, ce qui la handicape.

Même chose sur l’autoroute où la Ducati pêche une fois de plus par sa démultiplication trop longue, mais aussi par une protection moyenne. Jusqu’à 130 km/h, on ne ressent pas trop la pression du vent sur le torse ni sur le casque. Mais au-delà, et particulièrement à partir de 150 km/h, la poussée de l’air vous étire les bras et vous secoue violemment la tête. Il faut alors rentrer la tête dans les épaules. À part ça, le confort est raisonnable, la position de conduite et l’ergonomie s’étant bonifiées au fil des évolutions. Quant au sort réservé au passager, il laisse à désirer, même s’il bénéficie aujourd’hui de poignées de maintien.

Le sort réservé au passager laisse à désirer, même s’il bénéficie aujourd’hui de poignées de maintien.

Le sort réservé au passager laisse à désirer, même s’il bénéficie aujourd’hui de poignées de maintien.

Roadster ou sportive?

Au terme de cette prise de contact californienne, force est de reconnaître que la Monster 1200S est la meilleure Monster jamais produite. Elle constitue une nette amélioration par rapport à l’ancienne Monster 1100 Evo et à toutes les versions équipées du bicylindre en L refroidi à l’air. Le Testastretta 11° DS est un merveilleux moteur, spécialement sur cette machine. Puissant, coupleux et appuyé par une centrale électronique évoluée, il permet à la Monster 1200S de révéler son potentiel sportif, d’autant que la partie cycle est affûtée. Plus confortable que ses devancières, elle offre également plus d’aspects pratiques. Il s’agit d’une machine nettement améliorée qui pousse le concept Monster une coche plus loin. En fait, la Monster 1200S est le compromis idéal entre un roadster et une sportive, la machine parfaite pour attaquer les routes secondaires le sourire aux lèvres, en toute confiance. Enfin, puisqu’il faut bien parler des choses qui fâchent, sachez que la Monster 1200 S qui est proposée en rouge ou en blanc, se détaille 17 495$ (18 795$ pour la Monster 1200 S Stripe) alors que la Monster 1200 de base est offerte à 14 795$.

Ducati Monster 1200S

Ducati Monster 1200S

FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits : 209 kg (182 kg à sec)
  • Hauteur de selle : 785 – 810 mm
  • Capacité essence : 17,5 L
  • Consommation : Non mesurée
  • Autonomie : Non mesurée
  • Durée de l’essai : 200 km
  • Prix : 17 495$ (18 795$ pour la Monster 1200 S Stripe — 14 795$ pour la Monster 1200 de base)

MOTEUR

  • Moteur : Bicylindre en L Testastretta 11° DS, 4 temps, distribution desmodromique, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre, deux bougies par cylindre
  • Puissance : 145 ch à 8 750 tr/min
  • Couple : 92 lb-pi à 7 250 tr/min
  • Cylindrée : 1 198,4 cc
  • Alésage x course : 106 x 67,9 mm
  • Rapport volumétrique : 12,5:1
  • Alimentation : injection électronique
  • Transmission : six rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE-CYCLE

  • Suspension : fourche inversée Öhlins, diam 48 mm, complétement réglables; monoamortisseur Öhlins avec bonbonne séparée, complétement réglable.
  • Empattement : 1 511 mm
  • Chasse/Déport : 24,3 degrés/93,2 mm
  • Freins : 2 disques de 330 mm et étriers à fixation radiale Brembo monobloc EVO M50 4 pistons; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS de série.
  • Pneus : Pirelli Diablo Rosso II
    120/70 -17 à l’avant
    190/55-17 à l’arrière
Ducati Monster 1200S

Ducati Monster 1200S

VERDICT RAPIDE

ON AIME BIEN

  • Le caractère moteur
  • La précision du train avant
  • La partie cycle affûtée
  • La maniabilité

ON AIME MOINS

  • La protection réduite
  • Le support de repose-pieds passager gênant pour le pilote
  • Le manque de souplesse du bicylindre en L
  • Le grand rayon de braquage
En action sur route

En action sur route

*Réglages prédéfinis des modes de conduite

  • Urban : DTC réglé sur le niveau 5, ABS sur le niveau 3. Puissance maximale limitée 100 ch. Réponse progressive à l’accélération. Aucun délestage de la roue arrière n’est possible.
  • Touring : DTC réglé sur le niveau 3, ABS sur le niveau 2. Puissance maximale de 145 ch. Réponse progressive à l’accélération. La roue arrière peut décoller légèrement.
  • Sport : DTC réglé sur le niveau 2, ABS sur le niveau 1. Puissance et couple maxi délivrés de façon plus brutale. Capteur de soulèvement de la roue arrière désactivé.

Galerie

Vidéoclips