La Drôme, un paradis motard à découvrir
Publié le 8 avril 2009
Au début du mois de juin dernier, j'ai répondu à l'invitation des Gîtes de France de la Drôme de visiter ce département méconnu du sud-est de la France. Une occasion rêvée de découvrir une région magnifique et un programme d'hébergement original conçu pour les motocyclistes. Venez! Je vous invite à mon tour à explorer les superbes routes en lacets de la Drôme. Suivez le guide!
Le Mont Ventoux, que l’on voit en arrière plan, domine le paysage, majestueux.
En avant-plan, la vallée de Buis-les-Baronnies.
Textes : Didier Constant – Photos : Didier Constant, Office du tourisme de Buis, Gîtes de France, Emmanuel Georges (Palais Idéal du facteur Cheval)
Le Mont Ventoux se dresse fièrement devant moi. Inhospitalier. Presque menaçant du haut de ses 1 912 mètres. Son sommet est constamment balayé par des vents violents et son versant est, sans végétation, évoque un paysage lunaire. Pour les centaines de cyclistes que j’ai dépassés dans la montée, le « Ventoux » comme ils le surnomment affectueusement, est un sommet mythique, lieu de duels d’anthologie entre les légendes du Tour de France cycliste. Célèbre pour la raideur de sa montée, il l’est également pour la chaleur qu’il y fait en été. Le 13 juillet 1967, le Britannique Tom Simpson, victime de dopage, est mort alors qu’il en faisait l’ascension par une chaleur étouffante (35°C). Un monument lui est dédié (photo de droite), où des milliers de gens viennent déposer qui, une gourde, qui, un bouquet de fleurs, qui, un maillot, qui, un boyau de rechange.
« Le Ventoux est un symbole du Tour et du dépassement de soi » clame Albert, un cycliste marseillais de 59 ans que j’ai rencontré à la terrasse du bar « Les Frangines » de Malaucène, la ville du Vaucluse située au pied du célèbre mont. Après la descente infernale qu’il vient d’effectuer, il sirote une bière fraîche bien méritée. Et se remet de ses émotions. Il faut dire que ça prend un cœur énorme pour descendre le Ventoux à près de 100 km/h sur des boyaux de seulement 2 cm de large, croyez-moi!
Vêtu d’un short hyper moulant qui révèle des détails de son anatomie que je préfèrerais ignorer, et d’un maillot de Richard Virenque, un des meilleurs grimpeurs de l’Histoire du Tour, impliqué dans la fameuse « Affaire-Festina », ce qui lui a valu une suspension d’un an pour dopage en 2000, Albert se lance dans un dithyrambe à la gloire du sport cycliste. Avec un accent qui sent chaud le soleil de la Provence :« Virenque n’est pas un tricheur contrairement à ce qui a été dit. Il a été la victime malheureuse d’un système qui se joue aux dépens des coureurs. Son retour en forme en 2002, après sa suspension, témoigne de facto de son innocence (sic). Faut voir comment il a remporté l’échappée du Mont Ventoux cette année-là. C’était magique! Depuis, tous les ans, je viens faire l’ascension en son hommage. »Personnellement, j’ai un peu de difficulté à rester impassible devant cette démonstration de mauvaise foi.
« Tu sais, l’jeune!, me dit Albert d’un ton condescendant, faire la montée du Ventoux à moto, c’est facile. Un jeu d’enfant! ». J’acquiesce avec un air contrit, sans lui expliquer cependant que pour réussir l’ascension au rythme auquel je l’ai fait, il faut quand même se cracher dans les mains. « La grimpette est vraiment dure! avoue-t-il. Impossible de tricher avec la montagne. » Pourtant, des tricheurs, j’en ai croisé durant la montée. Comme ce papy de 60 ans qui a sorti un vélo high-tech de sa camionnette garée sur le bas-côté, à un kilomètre du sommet, l’a enfourché avec détermination et s’est lancé à l’assaut de la dernière portion de l’ascension pendant que sa femme qui l’attendait en haut immortalisait l’instant avec son appareil photo numérique! « Le cyclisme c’est la célébration du dépassement de soi! ».
La Drôme, un département qui gagne à être connu
Pourtant, assis au bar, je ne parviens pas à me fâcher avec Albert. Je le trouve même sympathique. Curieusement, je me sens zen, presque en vacances. Ça doit être le soleil provençal qui me ramollit le cerveau. On est resté là une bonne heure à discuter, du Tour, de la moto et du plaisir de conduire sur les routes de montagne de la région.
« Qu’est-ce que tu fais là? T’es en vacances? » me demande-t-il, curieux. « Non! Pas vraiment. J’ai été invité par les Gîtes de France de la Drôme à découvrir la région. » « Tu sais, en réalité, tu n’es plus dans la Drôme ici, mais dans le Vaucluse. Et ce n’est plus la région Rhône-Alpes, mais la Provence-Côte d’Azur. Mais, bon. La Drôme est en bas, à seulement 10 km. C’est presque pareil! Et ça aurait été dommage de ne pas faire le Ventoux alors que tu en étais si près… » C’est ce qu’a dû se dire Pascale, la responsable des Gîtes de France de la Drôme qui a tracé cet itinéraire vraiment génial. Et je lui donne tout à fait raison en l’occurrence.
Pour être honnête, je dois avouer que je ne savais pas trop à quoi m’attendre en venant ici. La Drôme, je l’ai souvent traversée dans ma jeunesse, lors de mes pérégrinations estivales vers le sud — en Italie ou en Grèce — mais sans jamais m’y arrêter. Je me rappelle aussi que je me suis souvent étonné qu’on puisse défigurer une si belle région en y construisant un site comme celui de la centrale nucléaire du Tricastin, près de Pierrelatte. Avant ce voyage, mes rares souvenirs de la Drôme consistaient en quelques bribes d’information, vestiges de mes cours de géographie du primaire, récitées sur un ton monocorde : Drôme; département 26; préfecture : Valence; sous-préfectures : Die, Nyons; superficie : 6 530 km2; population : plus de 400 000 habitants… Mais la Drôme, c’est beaucoup plus que ça, comme j’allais le découvrir durant cette semaine.
La Drôme s’étend surtout en longueur du nord-ouest au sud-est, sur une distance de près de 150 kilomètres et sa largeur varie de 25 kilomètres à hauteur de Tain-l’Hermitage, l’endroit le plus étroit, à 90 kilomètres vers Saillans au point le plus large. La plus grande partie du territoire fait partie du domaine alpin, le reste s’étendant sur une zone de transition avant la vallée du Rhône. Le fleuve sert de limite occidentale au département. Le point le plus élevé de la Drôme est le Rocher Rond qui culmine à 2 453 mètres.
La Drôme vit dans l’ombre des régions touristiques réputées qui l’entourent, soit les Monts du Lyonnais, au nord, les Alpes, à l’est et la Provence, au sud. Malgré la faible distance qui sépare le nord du sud du département, le paysage change rapidement. En quelques kilomètres, on passe de la vallée du Rhône, à l’ouest, avec ses coteaux couverts de vigne et d’arbres fruitiers, à la Drôme des collines au nord, au caractère verdoyant. De là, on rejoint le massif du Vercors constitué de monts boisés et de plateaux calcaires qui laissent apparaître de larges vallées, des profondes gorges (gorges de la Bourne, du Furon…), et des falaises imposantes de 1 000 mètres de profondeur (falaises de Presles, de Combe-Laval…). Le relief particulier du Vercors lui vaut le surnom de Forteresse lequel témoigne de son accès difficile. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, cette particularité valut au massif du Vercors d’être une importante base de la Résistance française qui trouva refuge dans ces monts inexpugnables. Aujourd’hui, on peut visiter le Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors et le Mémorial de la Résistance en Vercors, près du Col de la Chau, à quelques kilomètres de la sortie du village. Puis, on plonge sur le massif du Diois, composé de moyennes montagnes calcaires. La plupart des sommets ont une altitude comprise entre 1 000 et 1 700 mètres. Les petites vallées parfois creusées en gorges par les cours d’eau sont orientées en tous sens. L’ensemble crée un relief très compartimenté. Changement de décor pour la Drôme provençale qui s’étend des Préalpes des Baronnies, dominées par les monts Ventoux et Saint-Julien, à la vallée du Rhône. Elle est constituée de petits massifs, de vallées prospères et de la plaine du Tricastin. C’est le royaume des champs de lavande, des champs de thym, des arbres fruitiers (abricotiers, pêchers, cerisiers, oliviers), des mas provençaux et des châteaux (Grignan, Adhémar, Suze-la-Rousse, Aulan). Puis on remonte sur la plaine de Valence balayée par les vents. Les collines sablonneuses abritent des plantes nettement méditerranéennes : le romarin, les cistes ou l’hélianthème de l’Apennin.
La Drôme et la moto
La Drôme constitue un extraordinaire terrain de jeu pour les motocyclistes et compte une multitude de routes sur lesquelles se faire plaisir en toute sécurité. Les vallées se succèdent dans une variété de paysages incroyables, et on passe de l’une à l’autre en empruntant des dizaines de cols (Col de la Machine, Col de St-Alexis, Col de la Chau, Col de l’Echarasson, Col de Carri, Col de la Bataille, Col de Vassieux, Col du Rousset, Col de Grimone, Col d’Ey…) qui dominent la région à plus de 1 100 mètres d’altitude. Les routes sont magnifiques, bien entretenues et dotées d’un revêtement allant de décent à parfait; elles se taillent un chemin à travers les collines ou les massifs des Préalpes grâce à des tunnels creusés à flanc de montagne ou serpentent simplement entre les obstacles naturels, comme c’est le cas au Claps, un site classé situé à deux kilomètres au sud du village de Luc-en-Diois, qui a été créé naturellement par l’éboulement d’une partie de la montagne, au 15e siècle.
Durant tout ce périple, on quitte les vallées encaissées pour rejoindre les sommets préalpins en grimpant sans fin dans une succession de virages en épingle pour plonger aussi rapidement dans des descentes vertigineuses. Là, on est heureux d’avoir une moto moderne équipée d’un système de freinage combiné avec l’ABS. Les lignes droites sur lesquelles on peut se reposer un peu sont aussi rares que les stations essence, au point qu’au terme du premier jour de mon itinéraire drômois, j’avais mal aux poignets à force de pousser sur le guidon. Et la tête me tournait un peu, comme si je venais de passer la journée dans les manèges de La Ronde.
Le département offre des paysages sauvages grandioses, tels le parc naturel du Vercors ou la forêt de Saoû, royaumes des alpinistes et des randonneurs, que vous pouvez parcourir dans tous les sens sans jamais rencontrer d’autres véhicules. Ni voir l’ombre d’un képi bleu ou d’un radar automatique. La sainte paix dans un décor naturel digne des reportages en haute définition du National Geographic. Mais pour en profiter pleinement, il faut savoir où aller. Et quoi voir. Pour aider les motocyclistes à découvrir leur région, l’association des Gîtes de France publie sur son site web cinq itinéraires serpentant dans le département d’est en ouest ou du nord au sud. Ces trajets qui traversent les cinq zones géographiques du département se déroulent sur une distance variant de 270 à 420 km. Et ils ont été créés par des motocyclistes pour des motocyclistes. En moyenne, il faut compter de quatre à huit heures pour les parcourir. Dans mon cas, l’itinéraire que m’avait tracé Pascale faisait la synthèse de ces cinq parcours et me donnait la chance de sillonner le département dans ses moindres recoins, d’en découvrir tous les cols et toutes les vallées. De bien prendre le pouls de la région. Et donc d’en cerner tous les visages.
Les accueils motards
Il n’est rien de plus désagréable pour un motocycliste que de devoir s’arrêter, descendre de moto, ôter casque et gants pour consulter une carte ou sortir le cellulaire de la poche de son blouson. De se demander si on va trouver un hébergement avant la tombée de la nuit ou une station d’essence avant d’être en panne sêche. C’est pour nous éviter ces problèmes que les Gîtes de France de la Drôme ont conçus ces itinéraires à notre intention et qu’ils ont développé un nouveau concept d’hébergement destiné aux motocyclistes. En fait, cette démarche découle de la réflexion de Pascal Bos, le propriétaire de la maison d’hôtes «Les Pascals» à Saint-Paul-les-Romans, adhérent de l’association et motocycliste lui-même. Désireux d’attirer ses confrères dans sa région et dans son gîte il eut l’idée de proposer des parcours typés moto, avec la liste des stations ouvertes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, des hébergements équipés pour les motocyclistes, ainsi que des concessionnaires connus. Dans la foulée, les Gîtes de France de la Drôme ont créé un label « Accueil Motard ». Il regroupe à ce jour 54 gîtes, 27 chambres d’hôtes, 4 gîtes d’étape/séjour et 1 camping/chalet répondant à une charte bien précise afin de nous accueillir dans les meilleures conditions. Pour être reconnu « Accueil Motard », il faut disposer :
- d’un accès à l’hébergement propice, surtout pour les grosses motos;
- d’un abri moto(s) ou d’un garage;
- de draps et linge de toilette;
- de lingettes pour nettoyer la visière du casque;
- de magazines moto à libre disposition;
- de la liste des stations essence 24/24 du coin;
- des coordonnées du mécanicien le plus proche;
- d’un sol dur et plat pour le stationnement ou d’un dispositif permettant à la béquille de ne pas s’enfoncer.
Libre ensuite aux membres d’offrir d’autres services s’ils le désirent.
Pour les motocyclistes, les avantages d’une telle formule sont évidents. Les gîtes et chambres d’hôtes offrent des prestations d’un bon niveau, à un prix raisonnable, comparable à ceux qui se pratiquent dans les hébergements classiques. Mais, au-délà des services néanmoins essentiels qu’il prodigue aux motocyclistes, un « Accueil Motard » nous offre un petit plus qui fait la différence: la garantie de savoir qu’on sera bien accueilli et que notre clientèle est désirée, recherchée même. Par ailleurs, certains membres étant eux-mêmes motocyclistes, on sait qu’on se retrouvera entre pairs, dans un climat de confiance et de fraternité. Qu’on parlera le même langage.
L’initiative lancée il y a deux ans a fait des émules depuis et d’autres régions ont commencé à courtiser les motocyclistes. Au lieu d’être personae non gratae, nous sommes désormais bienvenus, preuve que les temps changent, mais surtout que nous représentons une clientèle enviable dotée d’un certain attrait économique. Au Québec, des régions comme Chaudière-Appalaches et la Mauricie ont également mis sur pied des programmes pour les motocyclistes.
Un séjour inoubliable
Au terme de ce voyage de cinq jours, je ne sais plus trop quelle section du trajet ou quel moment particulier m’a le plus marqué. Est-ce la grimpette de St-Jean-en-Royans vers le cirque de Combe Laval, par la forêt domaniale de la Sapine–Côte Belle et le Col de la Machine? Ou le cirque lui même, avec son panorama grandiose, ses falaises à pic qui plongent dans la vallée, mille mètres plus bas et la route étroite en lacets qui creuse des tunnels sombres à flanc de montagne? Est-ce la mythique montée du col du Rousset, au nord de Die, sur la route départementale 178, dotée de virages au cordeau et d’un bitume lisse comme de la peau de fesses de bébé? Est-ce la route nationale qui relie Lus-la-Croix-Haute à Aspres-sur-Buêch, avec ses longs virages rapides que l’on prend à fond de train, dans la fraîcheur du matin? Est-ce la descente en zigzag sur Buis-les-Baronnies, à partir du Col d’Ey? Ou bien encore la route sinueuse entre Curnier et Nyons, négociée à un rythme d’enfer, au réveil, pour aller retirer de l’argent au guichet automatique afin d’acheter une bonne bouteille d’huile d’olives de la région à mon hôtesse charmante, avant mon départ? Difficile en fait de sélectionner un événement parmi tous ceux que j’ai vécus durant ce périple. En plus, la région est magnifique du nord au sud, d’est en ouest. Et les routes qui la parcourent pourraient faire rêver le plus blasé des motocyclistes. Pourtant, j’avoue avoir un faible pour la descente du Mont Ventoux par sa face sud, vers Malaucène (la montée était pas mal non plus). D’un côté la montagne, de l’autre le ravin. Entre les deux un mince ruban d’asphalte noir et lisse qui se tortille à l’infini. Et le simple plaisir de rouler. J’ai encore la chair de poule quand je repense aux deux épingles traîtresses dans lesquelles j’ai bien failli tirer tout droit. Pourtant, une fois arrivé en bas, bien installé à la terrasse du bar « Les Frangines », je n’ai pas avoué à Albert que, moi aussi, que je m’étais fait une petite frayeur dans cette descente vertigineuse, tout comme lui. Faut quand même pas charrier. Je ne suis pas stupide au point de dire à un cycliste marseillais, sexagénaire de surcroit et affublé d’un short moulant du plus mauvais goût que j’avais eu peur. Ça ne ferait pas très sérieux. Et pas très viril non plus. En plus, il porte un maillot de tricheur! « Va donc, eh, peuchère! Et bonne route l’ami! »
Mon itinéraire
En ce qui a trait au voyage que j’ai effectué, l’itinéraire que j’ai emprunté faisait la synthèse des cinq parcours tracés par l’association des Gîtes de France de la Drôme et me donnait la chance de sillonner le département dans ses moindres recoins. Voici la carte détaillée de ce périple de 5 jours.
CARTE INTERACTIVE