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À l'aspiration de Kevin Schwantz

Un p’tit tour de circuit tranquille en compagnie de Kevin, question de nous mettre dans le
rythme avant de nous lancer dans une dizaine de tours rapides, seuls en piste, pour une
leçon privée durant la pause de midi… Le plaisir à l’état pur!

Texte : Didier Constant — Photos : Dave Smith/Kevin Schwantz School


« Vous êtes arrivés à destination! » La voix synthétique du GPS me sort de ma torpeur. Je suis enfin arrivé. Je viens d’immobiliser la Goldwing devant le magnifique musée du Barber Motorsports Park. Un gardien de sécurité, dans un uniforme immaculé, s’approche de moi, un large sourire accroché au visage :

— « C’est pour l’école de moto? » me lance-t-il avec un accent du Sud très marqué!

— « Oui!, répondis-je en ôtant mon casque. Je viens pour l’école Kevin Schwantz. » Cette dernière précision laisse mon interlocuteur totalement indifférent. Je ne suis même pas sûr qu’il sache qui est Kevin Schwantz. Il sait seulement qu’il y a une école de moto qui occupe le circuit, une fois par mois. Et il m’indique comment m’y rendre, très poliment.

— « Suivez la petite route qui longe la piste et entrez dans le stationnement à l’arrière de la tour de contrôle, de l’autre côté du circuit. Vous ne pouvez pas vous tromper, c’est la seule grille ouverte aujourd’hui. »

Le circuit de Barber Motosports Park est magnifique. En arrière-plan, on voit le musée. À visiter absolument si vous êtes amateurs de sports mécaniques.

Le circuit de Barber Motosports Park est magnifique. En arrière-plan, on voit le musée. À visiter absolument si vous êtes amateurs de sports mécaniques.

Après avoir remercié le vigile et remis mon casque, je suis la route indiquée en découvrant le superbe tracé du Barber Motorsports Park. Plus je m’approche de la tour, plus mon rythme cardiaque augmente. Je vais bientôt revoir mon idole de jeunesse, un pilote qui m’a fait rêver quand il courait en GP500. À l’époque, il me rendait fier de rouler en Suzuki. Sur ma GS750E 1983 d’abord, modifiée comme celle qu’il pilotait en Superbike, dans l’AMA, puis sur ma GSX-R750 1986, avec un ensemble de carénage-selle Yoshimura Tornado, semblable à celui de la machine qu’il avait menée à la troisième place des 8 Heures de Suzuka 1986.

J’avais déjà rencontré Kevin à deux occasions. La première fois, c’était en 1988, à Daytona, où il avait remporté les 200 Miles. Je lui avais parlé brièvement à l’occasion de l’entrevue d’après course qu’il m’avait accordé. Puis je l’ai revu en décembre 1989, lors d’un lancement Suzuki, en Espagne, où Rob Mc Elnea et lui, les deux pilotes de l’écurie Suzuki/Pepsi de GP 500, étaient les invités d’honneur. Ils avaient roulé avec les journalistes invités au circuit de Jerez, alors que découvrions la nouvelle GSX-R1100 1990 et nous avaient distrait pendant deux jours.

Les choses sont différentes aujourd’hui. Je suis venu à Barber sur son invitation, afin de suivre son enseignement. Nous passerons pas mal de temps ensemble à discuter, mais aussi à rouler en duo, pendant que les autres élèves seront en pause. Le métier de journaliste moto a de bons côtés parfois… et ce n’est pas moi qui m’en plaindrais.

Même s'il frôle la cinquantaine, Kevin est encore capable de rouler au rythme de Blake Young, l'officiel Suzuki en championnat Superbike de l'AMA, qui s'est joint à notre groupe au lendemain de sa superbe performance du week-end, à Road Atlanta (il a réalisé une deuxième place et reporté une victoire lors du programme double)...

Même s’il frôle la cinquantaine, Kevin est encore capable de rouler au rythme de Blake Young, l’officiel Suzuki en championnat Superbike de l’AMA, qui s’est joint à notre groupe au lendemain de sa superbe performance du week-end, à Road Atlanta (il a réalisé une deuxième place et reporté une victoire lors du programme double)…

Cours universitaire en pilotage

J’ai participé à plusieurs écoles de pilotage au cours de ma carrière. Au Canada, j’ai suivi les cours RACE, en 1986, FAST, à trois reprises entre 1990 et 2001(niveaux 1 et 2) et Turn2, en 2010. Aux États-Unis, j’ai eu la chance d’être invité à trois reprises à la Freddie Spencer’s High Performance Riding School, au circuit de Las Vegas, au Nevada. L’école de Spencer a fermé ses portes depuis, il y a deux ou trois ans, mais elle m’a laissé un souvenir impérissable. En effet, lors de ma première visite à cette école, j’avais découvert des facettes du pilotage sur piste que personne ne m’avait montrées auparavant. Ça avait été une vraie révélation. L’enseignement que nous avait prodigué Fast Freddie était vraiment d’un calibre supérieur. Pour faire un parallèle scolaire, les écoles canadiennes étaient de niveau collégial, tandis que celle de Spencer était de niveau universitaire. En ce qui concerne l’école KSS, j’allais bientôt découvrir qu’elle surpassait toutes celles auxquelles j’avais pris part. Quant à la piste, elle est de classe internationale, ce qui contribue à la qualité de l’expérience.

Toutes les écoles en Amérique du Nord enseignent grosso modo les mêmes notions. Leur contenu est fortement inspiré de celui de la California Superbike School de Keith Code, l’initiateur du concept original. La principale différence de KSS c’est que son cursus est plus détaillé et que chaque notion est explorée en profondeur. Les élèves participent à leur propre enseignement en se fixant des objectifs à réaliser et en analysant leur progression au fil des séances. Ils prennent part activement à leur éducation et sont donc plus motivés. De plus, la présence de Kevin Schwanz, dont le talent et l’expérience internationale ne sont plus à démontrer, apporte une crédibilité indéniable à l’école. Et modifie le rapport que l’élève entretient avec le Maître. Car, dans les circonstances, il faudrait être sacrément culotté pour tenter de remettre en cause ses préceptes.

L’enseignement de KSS s’articule autour de six grands axes : visualisation et concentration, position du corps sur la moto et contrebraquage, trajectoires et points de référence, sélection et passage des rapports, freinage et enfin, conduite en douceur et confiance. Autant de techniques que l’on découvre, apprend et peaufine de sortie en sortie, que l’on analyse lors de chaque segment théorique et que l’on passe en revue à l’aide des séquences vidéo enregistrées par les instructeurs. Pour ce qui est du dernier point, l’importance de s’observer en vidéo est cruciale, car on prend conscience de notre position sur la machine et dans l’espace de façon acerbée.

Le tracé de Barber est plus technique que rapide, avec plusieurs changements d'élévation. La piste, dont le revêtement est impeccable, mesure 3,85 km et compte 16 virages.

Le tracé de Barber est plus technique que rapide, avec plusieurs changements d’élévation. La piste, dont le revêtement est impeccable, mesure 3,85 km et compte 16 virages.

Les classes de KSS se déroulent sur deux jours et le nombre d’élèves y est limité à 34 afin de garantir la qualité de l’enseignement. De ce fait, l’école n’attire peut-être pas autant d’étudiants que certaines de ses concurrentes, mais cette exclusivité justifie une partie de son succès. Elle est ouverte aux élèves de tous niveaux, du débutant complet au coureur professionnel désireux de se perfectionner — ou de bénéficier d’un cours particulier avec Kevin — et elle met l’accent sur un enseignement personnalisé. Ainsi, sept à dix instructeurs sont présents à chaque cours, chacun supervisant un groupe de trois élèves, tout au plus. Les groupes sont reformés à deux reprises durant ces deux jours, afin de rassembler les étudiants par calibre et permettre à chacun d’évoluer à son propre rythme, sans subir la pression du groupe.

En ce qui a trait aux motos, on peut choisir, selon ses préférences, une Honda CBR600RR ou une Suzuki GSX-R600 chaussées de pneus Michelin Power 2CT et changer de monture autant de fois qu’on le désire au cours de ces deux jours. Dans mon cas, j’ai passé la première journée aux commandes d’une Honda et opté pour une Suzuki le deuxième jour.

Retour en classe

En arrivant à l’école, je suis surpris de ne voir aucune moto dans le stationnement. Il y a bien une Porsche Cayenne avec une remorque sur laquelle est attachée une Ducati Monster S4 comme neuve qui, apparemment, n’est pas là pour salir ses pneus. J’apprendrais plus tard que son propriétaire, un dentiste de la région de Chicago, a profité de son voyage à Birmingham pour l’acheter et la ramener chez lui où elle rejoindra sa 998R dans son garage. Il y a aussi deux BMW Série 5 avec des plaques d’immatriculation de la Géorgie, un gros Cadillac Escalade personnalisé, du plus mauvais goût et un paquet de voitures de location, mais pas de motos. La plupart des étudiants sont venus en avion, de partout en Amérique du Nord et ont loué une auto pour la durée de leur séjour. Mon arrivée dans le stationnement, en Goldwing, est applaudie par tous les participants, surtout quand ils aperçoivent la plaque canadienne.

— « Ça fait un bout de chemin du Canada jusqu’ici! » me dit Steve Di Russo, un chirurgien de New York très sympathique , au demeurant.

— « Pas mal, en effet. Mais il était hors de question que je vienne en avion ou en voiture. J’en ai profité pour faire le Blue Ridge Parkway et découvrir le Deal’s Gap en descendant. »

— « Cool! »

Chaque élève roule en avant du groupe à tour de rôle dans le but de trouver son ryhtme naturel et de permettre à l'instructeur de l'observer. Chaque séance est filmée par deux caméras embarquées afin d'analyser la position et la technique de chaque élève.

Chaque élève roule en avant du groupe à tour de rôle dans le but de trouver son ryhtme naturel et de permettre à l’instructeur de l’observer. Chaque séance est filmée par deux caméras embarquées afin d’analyser la position et la technique de chaque élève.

Au pied de la tour, un panneau nous invite à monter au deuxième étage. Là, dans la salle de cours, je suis accueilli par Marnie Lincoln, la directrice générale de l’école. Elle me donne les instructions d’usage, me fait remplir les derniers documents requis, et m’assigne mon numéro — le 2 en l’occurrence — et mon groupe. Après m’avoir présenté tous les instructeurs présents, dont Ted Cobb qui assurera la théorie, Lee Acree qui se chargera de la captation et de l’analyse vidéo, et Jon Jacobi qui accompagnera mon sous-groupe en piste, elle m’introduit auprès de Kevin.

— « Salut Didier! Comment ça va depuis la dernière fois, en Espagne? »

Il n’y a pas à dire, il est trop fort! Ou alors, il a été bien briefé par Marnie. Car, s’il est normal que je me souvienne de lui et des circonstances de notre dernière rencontre, l’inverse est moins probable.

— « Ça va! Un peu nerveux, mais très heureux à l’idée de passer les deux prochains jours avec toi et ton équipe. »

Après un échange de civilités, il est temps de rassembler tout le monde et de passer aux choses sérieuses.

Le musée de Barber Motorsports Park est à visiter absolument. Si vous passez dans le coin, n'hésitez pas à faire le détour. Vous ne le regretterez pas.

Le musée de Barber Motorsports Park est à visiter absolument. Si vous passez dans le coin, n’hésitez pas à faire le détour. Vous ne le regretterez pas.

Le cours auquel je suis inscrit est le deuxième de la saison 2010. Et l’organisation est encore en rodage. En ce début d’avril, seulement 16 élèves sont inscrits, dont quatre Canadiens (un pilote de Cathay Pacific Airways vivant à Calgary et deux Torontois, un avocat en droit commercial et un agent immobilier qui sont amis et prennent le cours pour la deuxième fois en deux ans). Dès le mois de mai, les classes sont remplies. Il faut donc réserver sa place tôt en saison.

Les élèves sont répartis en deux groupes, de façon arbitraire. Pendant qu’un des groupes est sur la piste, l’autre est en classe pour la partie théorique et l’analyse vidéo. Dans chaque groupe, trois sous-groupes de niveau — débutants, intermédiaires et experts — sont constitués. Pour la première séance, nous déterminons nous-mêmes le niveau auquel nous croyons appartenir et, à la fin de la première sortie, les instructeurs valident ou infirment notre choix. Comme il s’agit de ma première visite au Barber Motorsports Park et que je n’ai aucune idée du niveau des autres participants, je m’inscris dans le groupe intermédiaire. La modestie est toujours préférable dans ce genre de circonstances. Mais dès la deuxième séance, je suis promu chez les experts, dans un groupe qui comprend Steve Di Russo et le pilote de ligne, dont j’ai déjà oublié le nom. Nous sommes tous les trois du même calibre et nous nous entendons comme larrons en foire.

Le premier soir, tout le groupe, incluant les moniteurs, partage un souper au musée, afin de faire connaissance et de partager nos impressions de la journée.

Le premier soir, tout le groupe, incluant les moniteurs, partage un souper au musée, afin de faire connaissance et de partager nos impressions de la journée.

Respirez! Ça calme…

« Si vous voulez aller vite, il faut commencer par ralentir, se détendre et regarder loin, » déclare Kevin d’entrée de jeu (Freddie Spencer nous avait dit exactement la même chose à son école). Quand je courais en Grand Prix, mon but était de gagner en roulant le moins vite possible. Car c’est dans ces moments-là que votre pilotage est le plus pur. Vous commettez moins d’erreurs et vous pouvez mieux anticiper les événements. Il n’y a rien de pire que la précipitation. Certains élèves sont extrêmement rapides dès les premières séances en piste, mais leur courbe d’évolution plafonne vite, car ils se concentrent uniquement sur leur vitesse et non sur leur technique. Normalement, ceux qui débutent progressivement, qui sont détendus et qui mettent en pratique les techniques apprises ont une courbe d’apprentissage plus douce, mais plus longue. À la fin du cours, ce sont toujours les plus rapides de leur groupe. »

Kevin reviendra sur ce concept durant les deux jours, car, selon lui, pour trouver un bon rythme, il faut absolument être relax. « Quand vous êtes sur une ligne droite, profitez-en pour respirer; ça vous calmera. Tapotez les leviers du bout des doigts pour éviter d’être tendu. Et regardez loin devant vous. Ainsi, tout se passera comme au ralenti. Vous n’aurez pas l’impression d’être bousculé par les événements. Vous pourrez voir les choses se dérouler tranquillement, sans précipitation et ainsi réagir sans sentiment d’urgence. La vitesse découle à 90 % de notre état mental. »

Pour parvenir à cet objectif, Kevin et ses instructeurs nous enseignent à bien décomposer les étapes du freinage et du passage en courbe. Ils insistent sur la nécessité de freiner fort avant le virage, quand la moto est encore en position verticale, quitte à prolonger le freinage en courbe, en conservant une légère pression sur le levier (technique du trail-braking), de passer en mode d’accélération neutre (il s’agit de conserver une ouverture constante de l’accélérateur afin de ne pas induire de réactions brusques de l’injection, ce qui déstabiliserait la moto), de pencher la moto en virage le moins possible, grâce au déhanchement, et enfin de réaccélérer fort quand la moto est revenue en position verticale et que le pneu arrière possède une bonne surface de contact au sol et est donc en mesure d’offrir le maximun d’adhérence.

Sur la piste, nous répétons les exercices pratiques de nombreuses fois afin de bien maîtriser la technique, jusqu’à ce qu’elle devienne un geste automatique, parfaitement assimilé. Au fil des séances, il est facile de mesurer notre progression. On se rend rapidement compte des progrès accomplis et on passe dans certains virages à une vitesse largement supérieure à celle que nous atteignions lors de nos premières sorties. Sans effort, ni avoir l’impression de vivre nos derniers instants.

Entre les séances, on analyse notre performance avec Kevin dans le but de nous améliorer.

Entre les séances, on analyse notre performance avec Kevin dans le but de nous améliorer.

La lutte des classes n’est pas gagnée

De retour dans la salle de cours, je mène un petit sondage auprès des élèves, car, pour reprendre la comparaison scolaire du début, j’ai l’impression d’être dans une école privée. Autant les cours RACE, FAST et Turn2 s’adressent à une clientèle « normale » et peuvent être considérées comme des écoles publiques, autant là, j’ai conscience d’être dans une classe qui n’est pas la mienne. Je parle là de classe sociale, vous l’aurez compris. Un vieux complexe de prolétaire?

Pour ce qui est de l’âge, c’est bon. Je suis à ma place. La moyenne d’âge du groupe est de 45,5 ans (l’âge moyen du motocycliste type en Amérique du Nord et en Europe). Il y a plus de têtes blanches ou dégarnies que de têtes chevelues. En revanche, le plus jeune d’entre nous est quand même âgé de 33 ans. Bientôt, il sera considéré comme un vieux…

Quand j’interroge les participants sur leur métier, je découvre qu’ils exercent tous, sans exception, une profession libérale (ingénieur informaticien, pilote de ligne, chirurgien, dentiste, agent immobilier, courtier en bourse, avocat, homme d’affaires, consultant financier, gestionnaire de caisses de retraite, instructeur de conduite de l’école Porsche, directeur des ventes d’un équipementier moto). On a affaire à des gens dont le revenu s’établit dans les six chiffres et pour lesquels le prix du cours (près de 2 000 $US, moto comprise) est presque anecdotique. Quand on rajoute le prix du billet d’avion, de la location d’auto, de l’hôtel et du restaurant, on parle d’une dépense de près de 5 000 $US. Mais ça n’a pas l’air de les déranger. En effet, six d’entre eux sont déjà venus plusieurs fois à l’école, soit à Barber, soit à Road Atlanta. Un des participants en est même à sa cinquième visite.

Quand je les questionne au sujet des motos qu’ils possèdent, là encore, je me rends compte que je ne suis pas en présence de motocyclistes moyens. La plupart possèdent plus de deux motos, dont plusieurs des motos exotiques (Benelli, Bimota, BMW, Ducati, MV Agusta, NCR et quelques motos antiques ou de collection). Près de la moitié des participants possèdent aussi une moto préparée pour la course avec laquelle ils participent à des journées de roulage sur piste. Dans le cas de certains d’entre eux, c’est carrément donner de la confiture aux cochons, quand on voit comment ils roulent. Mais ça, c’est un autre débat. Et ils sont inscrits à la KSS justement pour se perfectionner. Une fois de plus, on se rend compte que l’accès à une éducation de qualité est affaire de gros sous, quoi qu’on en dise. Néanmoins, l’ambiance est bon enfant, autant dans la salle de cours que sur la piste…

À la fin du cours, mon pilotage s'était nettement amélioré et toute appréhension avait disparu.

À la fin du cours, mon pilotage s’était nettement amélioré et toute appréhension avait disparu.

Une expérience enrichissante

Après une première journée chargée, au cours de laquelle nous avons effectué sept sorties en piste et assimilé plusieurs techniques et concepts nouveaux, tout le monde est fatigué, mais hyper motivé. Personne n’a été victime d’accident. À ce sujet, Kevin nous a avisés qu’en cas de chute, que l’on en soit responsable ou non, on devenait de simples spectateurs pour le reste du cours et on ne recevait pas de diplôme. Ce qui a ralenti les ardeurs de certains. Tout le monde a le sentiment du devoir accompli et anticipe déjà la deuxième journée.

Pourtant, nous n’avons pas encore terminé la première. Après nous être changés, nous embarquons dans un minibus pour faire le tour de la piste et observer, d’un autre angle, les différents virages et autres endroits stratégiques du circuit. Deux des instructeurs démontrent, par la pratique, les explications que nous donne Kevin. En marchant autour du circuit, nous découvrons le tracé sous une perspective différente et nous nous apercevons à quel point il est technique, mais aussi à quel point la piste est large, bien que nous ne l’utilisions pas dans sa totalité. La marge d’amélioration est importante.

Pour clôturer cette journée, nous sommes tous conviés à une visite du musée Barber Vintage Motorsports Museum, un endroit magique pour les amateurs de sports motorisés, dont je vous conseille la visite si jamais vous passez dans le coin. Une fois la visite terminée, nous avons droit à un souper de remerciement, dans une des salles du musée. Un moment de détente et de fraternisation où nous apprenons à mieux nous connaître, mais aussi à découvrir les talents d’amuseur public de Kevin.

N’attendez pas de voir Dieu pour commencer à freiner!

Le lendemain, un nouveau venu vint se joindre à nous. Il s’agissait de Blake Young, le pilote officiel de l’équipe Suzuki/Makita/Rockstar qui défend les couleurs du constructeur d’Hamamatsu dans le championnat Superbike de l’AMA. Au lendemain de sa superbe performance de Road Atlanta (une deuxième place le samedi et une victoire le dimanche), Blake est venu rouler avec nous. Alors que j’étais seul en tête de notre groupe, afin que l’instructeur m’observe et me critique, il me doubla et me fit signe de le suivre en tapant la selle de sa GSX-R. Petit à petit, il augmenta la cadence en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, pour voir si je suivais bien. Nous avons continué ainsi pendant toute la durée de la séance, puis nous sommes rentrés au puits, au baisser du drapeau à damiers. « Super, Didier! me lança-t-il en descendant de moto. C’était vraiment bien! Si tu veux, on peut continuer comme ça pour le restant de la journée. Je n’ai pas de groupe attitré! » Difficile de refuser une telle invitation. D’autant que Blake roule vraiment bien, tout en douceur, un vrai plaisir à observer et à un rythme que je suis en mesure de suivre. Au risque d’avoir l’air superficiel, je dois avouer que ça me fait un p’tit velours d’avoir le meneur du championnat Superbike américain comme prof particulier et de pouvoir rouler un peu plus vite qu’avec le groupe.

Le deuxième jour, sur la Suzuki, j'avais trouvé mon rythme et je m'amusais en piste. Mes séances en compagnie de Blake Young restent grâvées dans ma mémoire. Quel plaisir!

Le deuxième jour, sur la Suzuki, j’avais trouvé mon rythme et je m’amusais en piste. Mes séances en compagnie de Blake Young restent grâvées dans ma mémoire. Quel plaisir!

De retour en classe, Kevin décide de calmer le jeu un peu, car plusieurs élèves, encouragés par leur progrès de la veille, ont tendance à rouler au-dessus de leur tête. « Quand je courais en Grand Prix, j’avais la réputation d’être un des pilotes qui freinaient le plus tard. Un journaliste avait écrit, à mon sujet : « On dirait qu’il attend de voir Dieu pour freiner! ». C’était faux, bien sûr. Je freinais plus tard que mes adversaires parce que je regardais plus loin, j’anticipais mieux les dangers qu’eux et j’évaluais mieux ma vitesse d’entrée en courbe. Tout simplement parce que j’étais plus détendu et qu’il n’y avait pas d’urgence. Aujourd’hui, je vous le dis, n’attendez pas de voir Dieu pour commencer à freiner! On ne participe pas à un concours de bravoure et il n’y aura pas de prix remis à celui qui freinera le plus tard. Le seul prix que l’on remettra, c’est une dorsale Dainese qui sera donnée au pilote le plus sûr. » En passant, un prix est également remis au pilote s’étant le plus amélioré. C’est habituellement le plus lent du groupe, au début du cours, qui le reçoit, car c’est souvent celui dont la progression est la plus spectaculaire.

Sur l’heure du midi, alors que nous rentrions au paddock, Kevin me fit signe de rester en piste. Blake Young nous imita. Une fois tous les élèves rentrés, Kevin et Blake s’élancèrent en piste et je me joignais à eux. Blake ouvrait la marche et Kevin me suivait pour observer comment je me débrouillais. Après deux tours de réchauffement, Blake se retourna et me fit signe qu’il augmentait le rythme. De tour en tour, nous passions de plus en plus vite. Puis, après sept ou huit tours de ce manège, Kevin nous doubla et commença à jouer avec Blake. On pouvait voir dans l’attitude du jeune le respect qu’il éprouvait pour «Le prof». Mais en même temps, il ne voulait pas se laisser dominer. Et il répondait à chaque attaque de Schwantz avec autorité. De son côté, Kevin ne ménageait pas Blake et le poussait dans ses derniers retranchements, l’obligeant parfois à déployer tout son talent. Leur manège dura ainsi quelques tours, jusqu’au moment où Kevin décida qu’il n’avait plus la forme pour continuer à ce rythme. Moi j’observais la scène à distance. Car il y avait longtemps que j’étais largué. C’était magique. J’avais l’impression de participer à une course de MotoGP. D’être enfin un pilote. Je vivais, à un niveau différent, ce que doivent vivre les pilotes de fond de grille en GP. Qui observent les luttes qui se déroulent devant eux, tout en sachant qu’ils ne peuvent pas y prendre part. Sauf qu’eux doivent être frustrés par cette situation, car ils font partie du cirque. Alors que moi, je ne suis qu’un observateur privilégié qui s’amuse, de toute façon. Un authentique fan qui est heureux de partager un moment d’éternité avec son idole.

Mes compagnons de classe (derrière) et tout le personnel de l'école (en bas) posent pour la postérité. Les instructeurs sont parmi les plus compétents que j'ai rencontré.

Mes compagnons de classe (derrière) et tout le personnel de l’école (en bas) posent pour la postérité. Les instructeurs sont parmi les plus compétents que j’ai rencontré.

Les meilleures choses ont une fin

Durant les deux jours de cours dela KSS, les instructeurs reviennent régulièrement sur l’importance de freiner selon les règles qu’ils enseignent, nous rappelant au passage que chaque fois que l’on double la vitesse, on quadruple la distance de freinage. Personnellement, j’ai enfin appris à bien sentir le point d’accélération neutre et à ainsi négocier mes virages en douceur, tout en adoptant une vitesse de passage plus élevée. Chaque élève, à son niveau, a maîtrisé de nouvelles techniques et fait évoluer son pilotage. Dans mon cas, j’ai pu mesurer, quelques mois plus tard, l’impact que le cours de l’école KSS avait eu sur mon pilotage. C’était à l’occasion du comparo des supersportives, au circuit de Calabogie. Sur cette piste technique et rapide à la fois, que je découvrais, j’ai mis en pratique les techniques apprises avec Kevin et j’ai maîtrisé le circuit plus rapidement et plus sécuritairement.

Le cours s’acheva sur la remise des prix et des diplômes, cérémonie ponctuée par un discours d’adieu de Schwantz. Après avoir échangé des cartes de visite avec certains participants que je trouvais particulièrement sympathiques, je fis mes adieux à Kevin, à Marnie et aux instructeurs. En me disant que j’aurais aimé passer une semaine complète ici, avec eux. Ce qui m’aurait à coup sûr permis de m’améliorer davantage. Mais ce n’est que partie remise.

Il est évident que l’école de Kevin Schwantz n’est pas à la portée de toutes les bourses — bien qu’il existe des moyens de minimiser les coûts afférents (transport, hébergement, restauration) —, mais si vous avez un jour les moyens d’y participer (ou de vous faire offrir le cours, ce qui et encore mieux dans les circonstances), n’hésitez pas. Vous ne le regretterez pas un instant. D’abord, vous apprendrez énormément, mais vous aurez, en plus, l’occasion de rencontrer le Maître! Et de rouler avec une légende. Ça n’est pas donné à tout le monde!

Informations pratiques

LES ORIGINES DE L’ÉCOLE

En 2001, alors qu’il était invité d’honneur à un lancement de presse de la Suzuki GSX-R1000, au circuit de Road Atlanta, en Géorgie, Kevin Schwantz se fit demander par un des pontes de la compagnie d’Hamamatsu s’il avait déjà songé à ouvrir une école de pilotage avancé.

L’idée germa et, quelques mois plus tard, avec l’aide de Suzuki et de plusieurs commanditaires (Dainese, Arai, Michelin, Yoshimura, Motul, Pug, Motion Pro, Pit Bull, Ride for Kids) Kevin lançait la Kevin Schwantz School (KSS), laquelle est aujourd’hui connue dans le monde entier.
Établie au circuit de Road Atlanta pendant huit ans, l’école déménagea en Alabama, près de Birmingham, en 2008, pour s’installer au magnifique complexe de sports motorisés Barber Motorsports Park.

En une dizaine d’années, plus de 3 000 élèves ont obtenu un diplôme de la KSS. L’an dernier, Honda s’est joint au projet en fournissant une flotte de CBR600RR à l’école, complétant ainsi son armada de Suzuki GSX-R600. Le Motorcycle Industry Council (MIC), l’organisme qui représente l’industrie américaine de la moto est également associé à l’école qui, plus tôt cette saison, a été a officiellement reconnue par la Motorcycle Safety Foundation (MSF), une organisation sans but lucratif qui œuvre pour la sécurité des motocyclistes américains et met sur pied des programmes de conduite.

Parallèlement à ses cours réguliers, la KSS présente deux cours de deux jours au circuit d’Indianapolis, quelques jours après la présentation du GP des États-Unis, au tarif de 2 750 US$ (plus location de la moto et de l’équipement). Ces cours sont très prisés des aficionados du motoGP qui en profitent pour assister au Grand Prix avant de suivre l’école.

L’école KSS se déplace occasionnellement à l’étranger, afin de rencontrer ses admirateurs internationaux chez eux. Au fil des ans, la KSS s’est produite en France, en Grèce, en Allemagne et au Japon où elle reçoit toujours un accueil chaleureux.

Tarifs

  • Cours de deux jours : 1 799,00 $
  • Location de moto
  • Honda CBR600RR — 200,00 $
  • Suzuki GSX-R600 — 200,00 $
  • Dépot de sécurité : 1 000,00 $
  • Location d’équipements
  • Combinaison Dainese — 75,00$
  • Bottes Dainese — 50,00$
  • Gants Dainese — 75,00$
  • Casque Arai — 50,00 $
  • Equipement complet — 100,00 $
  • Dépot de sécurité : 500,00 $

Pour de plus amples informations, consultez le site Internet de la Kevin Schwantz School ou contacter l’école directement:

Kevin Schwantz School
6075 Barber Motorsports Pkwy, Suite A
Birmingham, AL 35094
Tél. : 205-702-2712
Sans frais :866-223-5649
Fax : 205-702-2733
info@schwantzschool.com
http://www.schwantzschool.com