« Le saviez-vous ?

ou quand nos yeux nous jouent des tours...

Photos : Ducati, Flickr, Quad Lock, Wikipedia

Premièrement, lors d’une phase d’inclinaison, la tête du pilote a tendance à s’écarter de sa position horizontale. Or, l’œil offre une performance maximale quand il fonctionne dans son axe horizontal naturel.

Deuxièmement, les informations envoyées au cerveau par la vision sont automatiquement comparées en direct à celles du système vestibulaire de l’oreille interne. Ce système informe le cerveau sur les mouvements de la tête et des accélérations subies par le pilote. L’inclinaison de la moto annulant l’effet ressenti de l’accélération latérale, le cerveau du motocycliste doit composer avec deux informations qui se contredisent.

Troisièmement, le niveau des yeux d’un motocycliste se rapproche du sol quand la moto s’incline en virage ce qui induit faussement la perception d’une augmentation de vitesse.

Le niveau des yeux d’un motocycliste se rapproche du sol quand la moto s’incline en virage

L’œil humain traîne derrière lui des millions d’années d’évolution durant lesquelles il a fait de la détection sa stratégie primaire. Cette qualité de détection demeure toujours valable et suffisante pour la circulation routière moderne. Cependant, l’œil humain est dépassé dans sa capacité à percevoir la vitesse. La performance naturelle de l’œil humain se trouve donc en retard par rapport à notre réalité.

À ce jour, les principes du fonctionnement de la vision humaine sont relativement bien élucidés. Ce qui n’est pas nécessairement le cas de la compréhension de la relation indissociable entre l’appareil visuel, le cerveau et le comportement humain.

La vision humaine repose sur deux modes de fonctionnement. Un mode précis, mais très restreint situé dans l’axe central de l’œil et un mode moins précis, mais périphérique, donc plus étendu.

Le mode périphérique enregistre lui 100 images floues en noir et blanc à la seconde sur un angle d’ouverture d’environ 150 degrés.

La vision centrale capture seulement de 3 à 4 images en haute définition colorée par seconde sur un angle d’ouverture approximatif de 3 degrés. Le mode périphérique enregistre lui 100 images floues en noir et blanc à la seconde sur un angle d’ouverture d’environ 150 degrés. Dit autrement, 97 % de ce qui est perçu par l’œil humain se retrouve en faible définition. 

Le rôle de la vision périphérique est de détecter tout mouvement et d’en communiquer la position à la vision centrale pour qu’elle puisse en fixer la source et juger en haute définition d’un danger éventuel le plus rapidement. 

Tout mouvement implique une mesure de distance par unité de temps ; la définition même de la vitesse. C’est donc la vision périphérique qui devient la principale source de la perception de la vitesse chez l’homme. 

Les images périphériques transmises au cerveau étant vagues, le cerveau se trouve incapable d’analyser avec précision des vitesses supérieures de l’ordre de six mètres par seconde (une vingtaine de kilomètres/heure), vitesse à laquelle un homme en forme peut courir. Cette lacune explique la présence d’indicateur de vitesse dans les véhicules.

Cette lacune du cerveau face au décodage des vitesses élevées reste encore la source d’un malentendu propagé à travers le milieu de la sécurité routière. On y accuse la vitesse de tout simplement réduire de champ de vision périphérique. Selon cette généralisation, interprétée textuellement, le conducteur d’un véhicule circulant à 100 kilomètres/heure ne verrait au total que sur un angle de 45 degrés devant lui. Sa vision périphérique passerait sournoisement de 150 à 45 degrés.

Heureusement, le champ de vision périphérique ne se réduit pas avec la vitesse. C’est le champ visuel utile qui diminue. Cette réduction du champ visuel utile affecte progressivement tout ce qui se rapproche de l’observateur et qui défile à plus d’une vingtaine km/h. Le regard donne alors au pilote l’impression qu’il s’engouffre horizontalement dans un tunnel en forme d’entonnoir. Les objets perçus comme immobiles au loin se mettent à accélérer rapidement vers l’arrière quand ils passent en périphérie immédiate.

Le cerveau ne sait juste pas quoi faire avec cette bande qui passe trop rapidement. La surveillance du reste du champ reste intacte. La vision périphérique des pilotes d’un avion en altitude n’est pas affectée par la vitesse tandis que ceux d’un passager d’un train regardant les surfaces à proximité des rails constateront une bande défilante non déchiffrable.

Au Québec, le demandeur d’un permis de conduire doit passer un test de vision mesurant son acuité visuelle et l’étendue de son champ visuel. À partir d’un point de fixation central, le regard du candidat doit pouvoir couvrir simultanément une surface de 150 degrés horizontalement, de 10 degrés vers le haut et de 20 degrés vers le bas. Ce test n’évalue pas la capacité du candidat à détecter et suivre un mouvement. L’exploration totale du champ visuel exige en plus du mouvement de l’œil, un mouvement de la tête.

Les deux piliers avant supportant le toit d’une automobile obstruent significativement la vision périphérique du conducteur. Ils cachent généralement la section de l’image rapprochée qui passe du clair au flou. Au Québec, les longueurs des lignes discontinues qui délimitent les voies sont généralement de trois mètres, suivis d’un espace de six mètres. Ces longueurs sont souvent perçues comme plus courtes.

Ces deux piliers encadrant le pare-brise d’une automobile deviennent momentanément un angle mort vers l’avant aux intersections. 

Les concepteurs de casques investissent beaucoup d’efforts afin de s’assurer que la vision périphérique du porteur reste maximale. Un outil spécifique appelé goniomètre optique spécifique confirme le respect de la norme exigée.

La question à savoir si une mince entrave visuelle directement dans l’axe de vision est plus nuisible que deux ou plusieurs entraves latérales fait encore débat. La majorité des pare-brise d’avions de ligne expose au moins un mince pilier central. Depuis quelques années, l’arceau latéral de sécurité d’une Formule 1 inclut un étroit pilier directement devant l’axe de vision du pilote.

2 réponses à “Les limites de la vision motocycliste”

  1. Michel

    Très intéressant 👍
    Merci !!!

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  2. Pierre

    Ce qui explique pourquoi tant de gens ont énormément de difficultés à entrer sur une autoroute étant incapable d’évaluer rapidement la vitesse de ceux y circulant déjà ! Merci pour cet excellent article.

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