Première rencontre des gens de moto avec la SAAQ
Publié le 21 mars 2024
La première rencontre entre le monde de la moto et ce qui allait un jour devenir la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) déboucha sur une relation précaire qui ne présageait rien de bon.
Ce jeudi 2 juin 1977, quatre hommes partent en voiture de Montréal, au petit matin, en direction de l’Édifice de l’Assemblée nationale à Québec. Liés par leurs intérêts du monde de la moto, ils vont défendre un mémoire présenté à Lise Payette (1931-2018).
Payette, écrivaine et ancienne animatrice de télévision et de radio, agit alors à titre de ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Élue l’année précédente dans le Gouvernement de René Lévesque, elle a pour mandat de mettre sur pieds un régime québécois d’assurance automobile sans égard à la responsabilité communément appelé « no-fault ». Payette, au sommet de sa popularité, n’a aucune expérience ou expertise en matière d’assurance, mais elle dispose d’une importante notoriété. Elle a été la force dirigeante du Concours du plus bel homme du Canada…
Jean Bertrand, directeur de l’Association des marchands de motos du Québec (AMMQ), lui expose le mémoire avec sa voix d’annonceur. Il explique que le système proposé devrait idéalement tenir compte de la vulnérabilité des motocyclistes dans la tarification des primes. Un partage à parts égales des coûts entre les automobilistes et motocyclistes ne serait pas équitable. Ce que plusieurs autres juridictions ont compris en choisissant de ne pas inclure la moto dans ce système.
Ce à quoi Payette réagit avec une série d’affirmations exprimées sous forme de questions : « La moto n’est-elle pas un sport dangereux ? Comment une société comme la nôtre peut-elle laisser des engins aussi puissants entre les mains des jeunes ? La sensation de liberté qu’on éprouve sur une moto n’incite-t-elle pas le conducteur à se foutre des limites de vitesse ? ». Celle qui exigera qu’on l’appelle la ministre et non plus le ministre, venait d’annoncer la couleur de l’atout pour le reste de la partie qui allait se jouer sur les prochaines décennies.
Payette conclut la rencontre par cette déclaration maternante : « Je suis sincère. J’espère que vos ventes n’augmenteront pas trop. » Payette n’avait sans doute pas encore lu ou reçu le mémo concernant les effets de la vague déferlante des baby-boomers. Le parc de 41 016 motos immatriculées au Québec en 1970 allait passer à 119 523 en 1983. Une augmentation de 291 %, sans compter l’arrivée inattendue de 34 517 cyclomoteurs.
Ironie du sort, Payette sera responsable du changement de la devise inscrite sur les plaques d’immatriculation ; « LA BELLE PROVINCE » deviendra « Je me souviens ».