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Une Moto2 pour la route !

Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Gareth Hardford, Andrew Northcott, Chippy Wood

Lorsque Triumph a signé un accord avec la Dorna (le détenteur des droits du MotoGP), en 2019, pour être le fournisseur exclusif des moteurs en Moto2, ce n’était pas seulement pour que le constructeur britannique de motos puisse bénéficier d’une exposition internationale. Il s’agissait également d’accélérer le développement du trois cylindres en ligne de 765 cc, qui a été introduit en 2017 dans la Street Triple 765. Le moteur trouve ses origines dans la Daytona 675 de 2006, une machine qui avait redéfini la catégorie Supersport, alors très populaire, qui était exclusivement constituée de quatre cylindres en ligne japonaise de 600 cc. 

Alors que ces 600 dominaient les grilles de course Supersport dans le monde entier, la Triumph était exclue de cette classe populaire en raison de sa plus grande cylindrée. Ironie du sort, les 600 ont pratiquement disparu de la compétition aujourd’hui, tandis que la Triumph est désormais présente sur la scène internationale du sport motocycliste. Le moteur 765 Moto2 a reçu quelques modifications pour être utilisé en Moto2, et ces modifications ont été apportées aux récentes Triumph Street Triple R et RS.

Nous sommes à Jerez, en Espagne, pour piloter ces nouvelles Street Triple R sur route, et la RS exclusivement sur circuit. Triumph a redessiné les deux modèles pour l’année modèle 2024 (disponibles chez les concessionnaires depuis le mois d’avril) avec un nouveau style et une électronique révisée et une grande partie des leçons apprises en course sont maintenant intégrées au moteur de la version de production. Ces modifications comprennent des orifices d’admission à haut débit, des pistons à plus forte compression avec des couronnes usinées qui donnent une forme plus précise à la chambre de combustion, des cames à levée plus importante, des bielles et des axes renforcés ainsi que des rapports de boîte de vitesses plus rapprochés. Les tubulures d’admission de la boîte à air ont été raccourcies et l’échappement ne comporte plus qu’un seul catalyseur à écoulement plus libre au lieu de deux, ces derniers éléments contribuant à améliorer la puissance à haut régime.

Le triple en ligne est désormais plus puissant sur les deux modèles ; la R revendique 118 ch, soit une augmentation de deux chevaux, tandis que la RS revendique 128 ch, soit une augmentation de sept chevaux, ce qui en fait la Street Triple la plus puissante à ce jour. À titre de référence, le moteur de course Moto2 produit 138 ch. Le couple des deux moteurs de route culmine à 59 lb-pi, et la courbe de couple est large et plate. 

Nous avons commencé par une balade de 140 kilomètres au guidon de la Street Triple R sur des routes modérément sinueuses et parfois bosselées, assez semblables à ce que l’on peut trouver dans la plupart des régions du Canada. Et tout comme chez nous, la température matinale était d’à peine un degré Celsius, ce qui m’a incité à mettre les poignées chauffantes optionnelles (374 $) au réglage le plus élevé. La position de conduite est droite, avec une légère courbure du guidon conique, bien que les repose-pieds soient un peu hauts pour moi, qui mesure 1,82 m. Avec une hauteur de selle de 826 mm, la portée au sol est modeste. 

Le monoamortisseur amortisseur Öhlins STX40 qui équipe la Street Triple 765 RS

La suspension est entièrement réglable aux deux extrémités sur les deux modèles, bien que la RS soit équipée d’une fourche Showa plus sophistiquée et d’un amortisseur Öhlins STX40 (Showa sur la R). Nos hôtes avaient réglé ma R pour qu’elle soit confortable, et elle s’est montrée souple et facile même sur les grosses bosses, bien qu’elle se soit un peu dandinée à l’arrière à un rythme élevé. J’ai par la suite réglé l’amortissement en détente de l’arrière, ce qui a permis d’éliminer ce phénomène, tout en assurant une conduite confortable. Le siège est ferme et confortable, et il l’a été toute la journée, bien que nous ayons fait plusieurs arrêts en cours de route, de sorte que je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de m’asseoir sur le siège sans interruption. 

La R dispose des modes Sport, Route, Pluie et Rider (paramétrables) — la RS ajoute le mode Track —, le mode Route offrant une réponse à l’accélérateur suffisamment souple pour sortir de la ville. Les modes sont sélectionnés via un bouton dédié sur le commutateur de gauche, bien qu’il faille toujours confirmer sa sélection via un second bouton. Le passage en mode Sport a permis d’affiner la réponse de l’accélérateur, tout en restant facilement gérable, et je l’ai donc laissé dans ce mode pour le reste de la balade. La réponse de l’accélérateur et l’antipatinage sont respectivement réduits dans chaque mode, mais même dans leur mode le plus intrusif, ils restent discrets. La moto accélère en douceur et délivre sa puissance de manière linéaire, sans jamais s’essouffler, jusqu’à la ligne rouge. Il s’agit d’un système complexe qui mesure un certain nombre de facteurs, notamment la vitesse, le régime moteur, la pression exercée sur le levier, la position de l’accélérateur et la vitesse à laquelle il est actionné, ainsi que la position du rapport. Il fonctionne parfaitement, offrant des changements de vitesse nets, légers et sans embrayage, que l’on roule tranquillement sur route ou que l’on s’acharne sur la piste.

Tableau de bord de la Street Triple 765 R

Les améliorations apportées à la RS comprennent une augmentation de la puissance de 10 ch, la suspension plus sophistiquée mentionnée ci-dessus, des étriers avant monoblocs Brembo Stylema (M4.32 sur la R) et un maître-cylindre radial Brembo, par opposition au maître-cylindre Nissin conventionnel de la R. La RS dispose également d’un régulateur de vitesse, et d’un tableau de bord : la RS possède un écran TFT configurable de 5 pouces ; la R a un écran TFT plus petit avec un affichage fixe pour le compte-tours et le compteur de vitesse, et un affichage séparé pour les menus de conduite et d’autres informations, flanqué d’un réseau vertical de voyants d’avertissement. Malgré l’écran plus grand et plus technologiquement sophistiqué de la RS, j’ai préféré le tableau de bord plus simple de la R. La RS dispose également de deux leviers réglables (frein et embrayage), ainsi que d’un rapport maître-cylindre avant ajustable, alors que sur la R, seul le levier de frein est réglable.

Tableau de bord de la Street Triple 765 RS

En passant sur la RS, dans l’après-midi, je me suis rendu compte que, bien qu’elle soit en grande partie similaire à la R, elle donne l’impression d’être une machine différente. La première chose que l’on remarque est sa selle plus haute. Les spécifications indiquent qu’elle est 10 mm plus élevée que la R, mais elle semble plus haute que cela, car, bien que les ressorts de l’amortisseur soient les mêmes sur les deux modèles — la précontrainte est augmentée en usine pour une géométrie de direction plus agressive — les cadres des deux machines sont identiques. La tenue de route de la RS est plus réactive et la direction plus précise que celle de la R, mais la contrepartie est une conduite plus ferme. 

Le lendemain, nous nous sommes rendus au Circuito de Jerez pour piloter la RS, à fond ! Rouler sur un circuit pourrait être plus propice sur une supersportive, mais pour moi, piloter une moto dénudée compétente sur piste est plus amusant. Et la RS est amusante, à n’en point douter ! La réponse à l’accélérateur est vive et facile à gérer en mode Track, et la bande de puissance plate du moteur lui permet de tirer faussement fort, en grimpant rapidement jusqu’au limiteur de régime. La modulation de l’accélérateur est facilement gérable, même en mode Track, et le moteur est accompagné par l’incomparable bourdonnement de l’échappement du trois cylindres en ligne qui est si doux à l’oreille. Les pneus d’origine offrent également une adhérence à toute épreuve, bien que si j’avais eu plus de temps sur la piste, j’aurais augmenté la précontrainte avant et arrière pour relever la moto et éviter que les tétons des repose-pieds ne fassent des étincelles.

Lors de ma première séance avec le réglage initial de la suspension, j’ai régulièrement frotté les repose-pieds. Je les ai donc réajustés avant de repartir en piste. Trois tours ont été ajoutés aux bagues de réglage de la précontrainte afin d’obtenir plus d’espace dans les virages, et les réglages d’amortissement ont également été augmentés, passant d’un réglage sportif à un réglage plus approprié pour la piste. Cela a permis non seulement de réduire le raclement des repose-pieds, mais aussi d’affiner la direction et de rendre la tenue de route plus réactive dans l’ensemble. Sur circuit, les changements apportés à la boîte de vitesses sont vraiment perceptibles. La première vitesse est un peu plus haute qu’auparavant, mais les autres rapports sont plus courts. Cela a permis de sélectionner le bon rapport pour le bon virage sans effort à Jerez, un circuit qui présente une grande variété de virages allant de longues courbes que l’on négocie à grande vitesse à une épingle à cheveux que l’on prend en deuxième. Les Pirelli Supercorsa SP V3 d’origine de la moto ont également offert une excellente adhérence et un bon retour d’information. La R est équipée de série de pneus Continental ContiRoad, moins adhérents mais probablement plus durables. 

Un point qui a été amélioré est la performance de l’ABS en mode Track sur la RS. La précédente Street Triple RS que j’avais pilotée en 2020 se comportait exceptionnellement bien sur un circuit, mais manquait d’efficacité lors d’un freinage brusque. L’ABS se déclenchait occasionnellement en mode Track, ce qui provoquait un élargissement de la trajectoire en entrée de virage. La nouvelle RS freine parfaitement et de manière invisible en mode Track, avec un excellent retour d’information et de sensations au levier, une puissance époustouflante, sans se déclencher une seule fois sur la piste. S’il est utilisé seul, le levier de frein de la Street Triple actionne les freins avant et arrière de manière liée, mais si vous appliquez les deux freins, le levier et la pédale fonctionnent de manière indépendante. J’ai alterné entre l’utilisation du frein avant seul et des deux freins, et je n’ai rien à redire sur l’une ou l’autre méthode.

Il s’est avéré que le mariage entre la piste et la machine était presque parfait. Bien équilibrée, la RS parcourait le circuit avec assurance, exigeant peu d’efforts physiques et mentaux pour la maintenir à sa limite. À la fin de la troisième séance de 20 minutes, je me sentais aussi frais qu’au premier tour de la première séance. C’est une bonne indication qu’une moto est bien réglée. 

Les modèles précédents de la Triumph Street Triple 765 avaient beaucoup d’atouts, et ils sont encore meilleurs aujourd’hui. Le choix de l’une ou l’autre version dépend de votre envie de rouler ou non sur circuit. La Street Triple R débute à 11 895 $ et offre la plupart des caractéristiques de la RS, mais elle est moins axée sur la piste. La Street Triple RS est proposée à partir de 14 295 $ et dispose de la plupart des éléments sophistiqués dont vous avez besoin pour passer vos week-ends sur circuit. Je pense que si vous n’envisagez de participer qu’occasionnellement à des journées sur circuit, même la R s’en sortira exceptionnellement bien avec des pneus appropriés, ce qui vous permettra d’économiser quelques dollars pour les frais d’inscription. 

La Triumph Street Triple 765RS dans le coloris Silver Ice avec graphiques Baja Orange et Storm Grey

Avec ces économies, vous pourrez vous procurer plus de 50 accessoires Triumph d’origine conçus spécifiquement pour la nouvelle gamme Street Triple. Permettant aux propriétaires de personnaliser leur Street Triple en fonction de leurs besoins, du régulateur de vitesse (RS et l’édition Moto2 uniquement), aux poignées chauffantes, aux poignées de maintien du passager, à l’option de selle basse et aux bagages sur mesure, il y a un accessoire pour chaque type de pilote de Street Triple. 

La Triumph Street Triple 765 Moto 2 dans le coloris Crystal White avec boucle arrière Triumph Racing Yellow

Il existe également une Street Triple 765 Moto2 Edition exclusive basée sur la RS, avec des guidons bracelets en lieu et place du guidon tubulaire, une fourche Öhlins, une carrosserie en fibre de carbone et une peinture spéciale disponible pour 17 995  $. L’année dernière, Triumph a prolongé son contrat avec la Dorna jusqu’à la fin de la saison Moto2 2024. Il faut s’attendre à ce que les améliorations apportées à ces moteurs de course pendant cette période se retrouvent sur les futures Street Triple 765.

La Triumph Street Triple 765RS dans le coloris Cosmic Yellow avec graphiques Carbon Black et Aluminium Silver

FICHE TECHNIQUE

La Triumph Street Triple 765RS dans le coloris Carnival Red avec graphiques Carbon Blac

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids : 189 kg TPF (R) — 188 kg TPF (RS et Moto2)
  • Hauteur de selle : 826 mm (R) — 836 mm (RS) — 839 mm (Moto2)
  • Capacité essence :  15 L
  • Consommation : Non mesurée
  • Autonomie : Non mesurée
  • Durée de l’essai : 300 km (route et piste)
  • Prix : 11 895 $ (R) — 14 295 $ (RS) — 17 995  $ (Moto2)
  • Coloris : Silver Ice avec graphiques Storm Grey et Yellow ou Crystal White avec graphiques Storm Grey et Lithium Flame (R) — Silver Ice avec graphiques Baja Orange et Storm Grey ; Carnival Red avec graphiques Carbon Black ; Cosmic Yellow avec graphiques Carbon Black et Aluminium Silver (RS) — Crystal White avec boucle arrière Triumph Racing Yellow ; Triumph Racing Yellow avec boucle arrière Aluminium Silver (Moto2) ;

MOTEUR

  • Moteur : 3 cylindres en ligne, DACT, 4 soup./cylindre, refroidissement liquide
  • Puissance : 118  ch à 11 750 tr/min (R) — 128 ch à 12 000 tr/min (RS et Moto2)
  • Couple : 59 lb-pi à 9 500 tr/min
  • Cylindrée : 765 cc
  • Alésage x course : 77,99 x 53,4 mm
  • Rapport volumétrique : 13,25 : 1
  • Alimentation : injection électronique multipoint séquentielle. Accélérateur électronique ride-by-wire
  • Transmission : 6 rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE CYCLE

  • Suspension : fourche inversée Showa BPF, tubes de 41 mm ajustable en compression, détente et précontrainte du ressort (Öhlins NIX30 sur la Moto2) ; monoamortisseur Showa à réservoir séparé actionné par une biellette, ajustable en compression, détente et précontrainte du ressort sur la R. Monoamortisseur Öhlins STX40 à réservoir séparé actionné par une biellette, ajustable en compression, détente et précontrainte du ressort sur la RS et la Moto2
  • Empattement : 1 407 mm (R) — 1399 mm (RS) — 1397 mm (Moto2)
  • Chasse/Déport : 23,7°/97,8 mm (R) — 23,2°/96,9 mm (RS) — 23,0°/95,3 mm (Moto2)
  • Freins : 2 disques flottants de 310 mm et étriers monobloc radiaux Brembo M4.32 quatre pistons à l’avant (étriers Brembo Stylema sur la RS et la Moto2) ; simple disque de 220 mm avec étrier simple piston à l’arrière. ABS débrayable de série
  • Pneus : Continental ContiRoad (R) — Pirelli Diablo Supercorsa SP V3 (RS)
    120/70ZR17 à l’avant
    180/55ZR17 à l’arrière

Galerie

Vidéoclip