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Option piste !

Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Matteo Cavadini, Manuel Eletto

Personne ne contestera le fait que de piloter une sportive sur un circuit à l’occasion de quelques séances endiablées, à haute vitesse, est très amusant. Pas étonnant que les week-ends de roulage sur circuit soient réservés des mois à l’avance. Piloter une moto capable apte au circuit et équipée pour vous permettre d’atteindre vos limites plus facilement — et plus rapidement — est encore plus jouissif. À l’occasion de ce lancement en Andalousie, j’ai complété six séances de 20 minutes à bord de la Ducati Streetfighter V4S 2023 sur le circuit d’Andalucia, Le plus grand plaisir que j’ai eu sur une piste de course à ce jour.

Il faut dire que j’étais légèrement intimidé par la perspective de maîtriser une moto de 205 chevaux sur un circuit que je n’avais jamais piloté auparavant, même si les gens de Ducati m’ont assuré que la nouvelle Streetfighter V4S avait été conçue pour être plus facile à piloter que le modèle précédent. Les changements apportés au millésime 2023 incluent un châssis révisé et une électronique plus pointue, cette dernière se concentrant sur les aides au pilotage. 

Une usine à sensations

Il est facile d’être intimidé par une moto qui produit 205 chevaux pour un peu plus de 90 lb-pi de couple maximal, et qui ne pèse qu’un kilo de plus que la Panigale V4, soit 197,5 kg avec le plein d’essence. C’est la puissance d’une supersportive de classe ouverte, soit 25 ch de plus que la KTM 1290 Super Duke R et 32 ch de plus que l’Aprilia Tuono V4. Elle est à égalité avec la BMW M1000R (203 ch), mais l’Allemande n’a pas le punch à bas et moyen régimes de la Ducati, produisant seulement 83 lb-pi de couple maximal à 11 100 tr/min, soit 1 600 tr/min plus hauts que la Ducati. 

La Streetfighter a une puissance superlative parce que son Desmosedici Stradale V4 de 1 103 cc provient directement de la Panigale V4, dans toute sa gloire non stérilisée — il n’a pas été détuné sur le roadster, bien que la cartographie du moteur soit spécifique à la Streetfighter. Cependant, si vous êtes toujours intimidé par l’idée d’enfourcher la moto, mais que vous aspirez à améliorer vos compétences de pilotage avant de déchaîner toute la fureur de ses 205 chevaux, la Panigale V4 dispose désormais de quatre cartographies de puissance moteur : « Full », « High », « Medium » et « Low ». Les modes « Full » et « Low » sont nouveaux cette année, le dernier limitant la puissance à un modeste 165 ch. Parmi les autres changements apportés à l’électronique, citons des courbes de couple différentes pour chaque rapport afin de mieux gérer la puissance délivrée (couple plus faible sur les rapports inférieurs, couple plus élevé sur les rapports supérieurs), ainsi qu’un mode « Wet » ajouté aux modes « Road », « Sport » et « Race » existants, qui règle l’antipatinage, l’ABS et la cartographie de l’accélérateur en fonction de la conduite sous la pluie. Le frein moteur réglable dispose également d’une cartographie différente pour chaque rapport, et le quickshifter bidirectionnel dispose d’une cartographie différente selon que l’accélérateur est partiellement ou totalement ouvert, ceci, dans le but d’offrir des passages de rapports sans recourir à l’embrayage plus fluides sur la route et sur le circuit. Les dispositifs de dérapage et de glissement réglables sont également inclus mais sont inchangés.

La Streetfighter précédente avait un excellent châssis, les améliorations sont donc minimes : le pivot du bras oscillant a été relevé de 4 mm pour réduire l’affaissement de l’arrière lors de l’accélération, ce qui améliore la sortie de virage. Öhlins fournit la suspension électronique Ducati (DES) entièrement réglable, qui comprend une fourche inversée de 43 mm et un amortisseur TTX36. Les réglages sont liés aux modes de conduite, mais peuvent également être ajustés individuellement à partir du tableau de bord. La précontrainte est réglable manuellement à l’avant et à l’arrière.  

La Streetfighter est définitivement axée sur la conduite sportive, comme le souligne le fait que la présentation à la presse s’est déroulée exclusivement sur un circuit. En raison de mon appréhension initiale — et du fait que la Streetfighter est équipée de ce que Ducati appelle l’évolution de la « Fight Formula » —,  je n’avais pas l’intention de me battre avec la machine, préférant plutôt une complice obéissante sur circuit. Lors de mes premières séances, j’ai sélectionné le mode Sport. Cependant, à peine à la moitié de la première session, je me sentais suffisamment à l’aise pour frotter les repose-pieds régulièrement. Les slicks Pirelli Diablo Superbike SC1 installés pour l’occasion ont certainement contribué à augmenter l’adhérence et mon niveau de confiance. La Streetfighter est équipée de série de pneus Pirelli Diablo Rosso IV Corsa.

Prête pour la piste

Afin de préserver les repose-pieds, j’ai augmenté la précontrainte de l’amortisseur pour gagner un peu de garde au sol dans les virages, ce qui a également permis d’affiner la direction, qui était déjà très précise. Dès lors, mon niveau de confort et ma vitesse ont augmenté, et la moto a commencé à se tortiller un peu à l’arrière dans les courbes plus rapides, surtout en sortie, en ouvrant l’accélérateur en grand. Cela m’a incité à augmenter l’amortissement arrière avant la séance suivante, ce qui s’est fait assez facilement à l’aide de commutateurs situés sur le guidon gauche et sur le tableau de bord. Cela a eu pour effet de plaquer l’arrière, d’affiner la réponse de la direction et de rendre mes chronos plus rapides. 

Tableau de bord réglé en mode « Race »

Lors de la troisième session, j’étais suffisamment à l’aise pour sélectionner le mode « Race » dédié au circuit, ainsi que le mode « Full Power » pour le moteur. Le mode « Race » est conçu pour fonctionner avec des pneus slicks, abaissant l’antipatinage et le contrôle du cabrage (wheelies) au niveau 3 de 8, tout en désactivant le soulèvement de la roue arrière au freinage et en activant le contrôle de la glisse. Il met également l’écran d’instrumentation en mode « Track Evo », qui affiche l’indicateur de position du rapport sélectionné en évidence, avec les différents niveaux d’intervention électronique à droite, un chronomètre à gauche et un tachymètre à barres en haut de l’écran. Le compte-tours est difficile à lire lorsque l’on se concentre sur la piste, mais il n’a pas d’importance puisqu’il y a une paire d’indicateurs de changement de vitesse en haut du tableau de bord. Le Ducati Data Analyser (DDA), qui enregistre un certain nombre de paramètres liés à la piste, y compris les chronos, par GPS, fait également partie des caractéristiques de la moto en mode piste.

Les modes « Race » et « Full Power » se combinent pour transformer la moto en une usine à adrénaline crachant du feu. Ducati doit être félicité pour le raffinement de ses systèmes d’intervention électroniques. La moto est explosive en sortie de virage avec le pneu arrière légèrement désaxé grâce au contrôle de la glisse, qui autorise un certain patinage des roues. Elle plonge dans les virages avec la roue arrière souvent en mouvement, un effet du réglage agressif de l’ABS Race et du frein moteur variable, dont l’intensité varie en fonction du ralentissement de la moto. En fait, il est peu probable que les roues ne soient jamais alignées, car la moto s’agite, faisant glisser l’arrière et soulevant la roue avant plusieurs fois par tour, mais sans compromettre le contrôle ou la confiance du pilote, grâce à l’efficience de l’électronique embarquée. 

Il n’aurait pas été possible de rouler ainsi sans l’excellente gestion électronique de Ducati, qui est hautement réglable pour s’adapter aux compétences et au style du pilote. La stratégie complexe de contrôle de la puissance de la moto, qui module constamment l’accélérateur en surveillant la position du rapport, la vitesse du moteur, la vitesse de la route, l’angle d’inclinaison — et plus encore — a été un facteur important qui contribue à repousser nos propres limites sur la piste. La position de conduite moins agressive de la moto (comparée à celle d’une supersportive) et son large guidon ont également facilité les assauts sur le circuit. Ces facteurs m’ont permis de me concentrer davantage sur l’apprentissage de la piste, plutôt que sur l’apprivoisement d’un taureau qui se cabre. Une indication du plaisir que je prenais à bord de la Streetfighter est que mes temps au tour ont chuté tout au long de la journée, enregistrant mes meilleurs temps lors de la dernière session. Malgré sa nature plutôt conviviale, cette Ducati est une moto qui devrait cependant être réservée aux pilotes intermédiaires et experts.

Conclusion

La Ducati Streetfighter V4S 2023 s’est avérée moins intimidante à piloter que son apparence et sa fiche technique le suggèrent, et cela est dû en grande partie à l’électronique raffinée dont elle est pourvue. Sans elle, piloter une moto dotée d’un moteur aussi brutal aurait été très éprouvant mentalement et physiquement. La Streetfighter V4S est une excellente compagne sur piste et, à mon avis, un meilleur choix que la Panigale, car elle s’avère être une moto de route plus accommodante. Son seul inconvénient, sur piste, est l’absence de protection contre le vent, mais c’est un petit prix à payer pour le plaisir qu’elle procure. 

En parlant de prix, la Ducati Streetfighter V4S 2023 est proposée à partir de 31 395 $. Si cela vous semble un peu élevé, vous pouvez choisir la Streetfighter V4 pour 27 295 $, mais vous devrez renoncer à l’excellente suspension électronique Öhlins pour une fourche Showa à réglage manuel et un amortisseur Sachs. Si, en revanche, le prix n’est pas un obstacle et que vous recherchez l’ultime moto de piste nue, la Streetfighter V4 SP2 ajoute des roues et des pièces de carrosserie en fibre de carbone, un embrayage à sec, des repose-pieds et des supports réglables pour 47 995 $. 

FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits : 197,5 kg ;
  • Hauteur de selle : 845 mm ;
  • Capacité essence : 17 L ;
  • Consommation : non mesurée ;
  • Autonomie : non mesurée ;
  • Prix : 31 395 $.

MOTEUR

  • Moteur : V4 Desmosedici Stradale ouvert à 90°, 4 soupapes par cylindre, vilebrequin contrarotatif, distribution desmodromique, refroidissement liquide ;
  • Puissance : 208 ch à 13 000 tr/min ;
  • Couple : 90,4 lb-pi à 9 500 tr/min ;
  • Cylindrée : 1 103 cc ;
  • Alésage x course : 81 x 53,5 mm ;
  • Rapport volumétrique : 14,0:1 ;
  • Alimentation : Système d’injection électronique de carburant, deux injecteurs par cylindre, corps de papillon elliptique à commande électronique complète, système Ride-by-Wire ;
  • Transmission : six rapports, Shifter bidirectionnel DQS ;
  • Entraînement : par chaîne.

PARTIE CYCLE

  • Cadre : en alliage d’aluminium ;
  • Suspension : Fourche inversée Öhlins NIX30 Ø 43 mm avec traitement antifriction TIN, réglage électronique de l’amortissement en compression et en détente avec le système Öhlins Smart EC 2.0. Monoamortisseur Öhlins TTX36 réglage électronique de l’amortissement en compression et en détente avec le système Öhlins Smart EC 2.0, monobras oscillant en aluminium ;
  • Empattement : 1 488 mm ;
  • Chasse/déport : 24,5 degrés/100 mm ;
  • Freins : 2 disques semi-flottants de 330 mm et étriers Brembo Monobloc M 4,30 Stylema, 4 pistons radiaux  à l’avant ; simple disque de 245 mm avec étrier Brembo double piston à l’arrière. Cornering ABS de série ;
  • Pneus : Pirelli Diablo Rosso IV Corsa
    120/70ZR17 à l’avant ;
    200/60 ZR17 à l’arrière.

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