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L’évolution de l’espèce

Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos © Markus Jahn & Jörg Künstle, BMW Motorrad

BMW rafraîchit la S 1000 RR, rendant sa supersportive encore meilleure

Un rapide coup d’œil au compteur de vitesse me permet de constater qu’il affiche 282 km/h avant que je ne freine à fond pour négocier le virage à droite qui s’annonce — et ce, en n’utilisant que le cinquième rapport de la boîte six vitesses. Respirez un grand coup et retenez-vous de publier un commentaire d’insulte sur les réseaux sociaux ; ce n’est pas et ça ne devrait jamais se dérouler sur une route publique. Là, je suis au bout de la ligne droite de 970 mètres à l’arrière du circuit espagnol d’Almeria, long de 4,2 km. Je participe à la présentation de la presse de la BMW S 1000 RR 2023. Après une refonte complète en 2019, BMW a apporté quelques révisions à sa sportive phare pour 2023, et les changements apportés ont permis d’améliorer une des meilleures supersportives du marché. Comme si elle n’était pas déjà suffisamment dominante.

En 2009, lorsque BMW a lancé la S 1000 RR, le constructeur allemand a surpris le microcosme des hypersportives en établissant une nouvelle référence en matière de performance. Jusque-là, les supersportives de classe ouverte produisaient entre 170 et 180 chevaux, et très peu d’entre elles étaient équipées d’un système d’antipatinage ou de toute autre forme d’intervention électronique avancée. Puis la S 1000 RR est arrivée avec 193 chevaux, et elle procurait un contrôle de traction réglable, des modes de conduite paramétrables et un ABS prêt pour la piste, le tout à un prix raisonnable. L’électronique a évolué depuis, et si vous choisissez d’ajouter ces systèmes d’intervention électronique à la S 1000 RR, sachez qu’ils font partie des plus récents et des plus avancés disponibles.

La nouvelle S 1000 RR emprunte certaines technologies à la M 1000 RR, la BMW destinée à l’homologation propose à un tarif faramineux (43 260 $ pour la M contre 20 395 $ pour la S). Le quatre cylindres en ligne de 999 cm3 de la S 1000 RR a été mis à jour avec une nouvelle culasse, qui a maintenant la même forme de port d’admission que sur la M 1000 RR, bien que ceux de la S soient moulés dans la culasse, contrairement à la M, sur laquelle les ports sont fraisés — un processus beaucoup plus coûteux. Comme auparavant, le moteur de la S 1000 RR utilise la technologie ShiftCam de BMW, qui fait varier le calage et la levée des soupapes pour augmenter le couple à bas et moyen régimes sans sacrifier la puissance à haut régime. Une nouvelle boîte à air, également empruntée à la M, utilise désormais des tubulures d’admission à longueur variable contrôlées par ordinateur. Le moteur développe 205 chevaux à 13 000 tr/min et 83 lb-pi de couple à 11 000 tr/min, le limiteur de régime intervenant à 14 600 r/min. Le rapport de transmission final a été abaissé en ajoutant une dent au pignon arrière qui passe de 45 à 46 dents. 

Le moteur est soutenu par un nouveau cadre dont les poutres sont plus flexibles (ce qui améliore la tenue de route lorsqu’il est utilisé correctement). La géométrie de la direction est modifiée pour plus de stabilité ; l’angle de la tête de direction est repoussé d’un demi-degré (il est maintenant de 23,6 degrés), le décalage du té supérieur de fourche est réduit de 2,5 mm, la traînée est allongée de 5 mm pour atteindre 99 mm et l’empattement a été allongé de 18 mm pour atteindre 1 458 mm. La roue arrière est également plus facile à démonter ; elle dispose désormais d’entretoises de roue qui ne tomberont pas, et de plaquettes de frein et d’ancrage d’étrier chanfreinés — de petits changements qui réduiront la frustration en bord de piste lors du changement de pneus.

La suspension standard est réglable manuellement pour l’amortissement en compression et en détente, même chose pour la précontrainte aux deux extrémités. Dans le cas de la suspension semi-adaptative Dynamic Damping Control (DDC) livrable en option, elle est réglable électroniquement, soit par les différents modes de conduite, soit indépendamment par le tableau de bord. Le DDC fait partie de l’ensemble dynamique (1 915 $). 

Le poids à vide s’établit à 197 kg, soit seulement 4 kg de plus que la M 1000 RR ; si vous ajoutez le groupe M en option (6 125 $), le poids tombe à un demi-kilo de celui de la M. Le groupe M réduit non seulement le poids en remplaçant les roues de série par des roues en fibre de carbone et en ajoutant une batterie plus légère, mais il comprend également des commandes au pied machinées, une selle sport, un pivot de bras oscillant réglable et une hauteur d’assise réglable, ainsi que les modes de conduite Ride Pro, qui ajoutent trois modes Race Pro prêts pour la piste aux modes de conduite standard. Nos motos d’essai étaient équipées du système DDC et du pack M. 

Visuellement, le plus grand changement sur la S 1000 RR est l’ajout d’ailettes de carénage inspirées du MotoGP. Ces appendices aérodynamiques génèrent jusqu’à 17 kg d’appui, ce qui réduit le risque de partir inopinément en wheelie, tout en augmentant l’adhérence du train avant. L’arrière a également été redessiné pour intégrer un support de plaque d’immatriculation et de clignotant plus compact et facilement démontable pour les sorties sur circuit.

Même sans l’un des packs d’options, la S 1000 RR présente les dernières nouveautés en matière d’aides électroniques au pilote. Elle est équipée de série de quatre modes de conduite (pluie, route, dynamique et course), d’un ABS à détection d’inclinaison et d’un contrôle de traction, d’un levier de vitesse rapide et d’une aide au démarrage en côte. Outre la suspension DDC et les modes Race Pro susmentionnés, nos motos étaient équipées d’un contrôle de wheelie réglable, d’un contrôle de démarrage, d’un limiteur de vitesse en ligne droite et, nouveauté cette année, d’un contrôle de dérive et d’un contrôle de glissement du frein ; le premier contrôle le patinage de l’essieu arrière pour permettre à la moto de sortir des virages en accélérant, tandis que le second gère le frein arrière et le frein moteur pour permettre à la moto de glisser dans les virages. L’ABS dispose également d’un réglage « slick » permettant de monter des pneus de course sur la moto.

Certaines supersportives de catégorie ouverte sont incroyablement rapides sur un circuit, mais sont mentalement et physiquement exigeantes à piloter, principalement en raison de leur puissance brutale. Cinq séances de pilotage sur la S 1000 RR ont révélé que, bien qu’elle soit aussi rapide que possible, sa tenue de route est neutre et son système électronique avancé la rend indulgente et facile à piloter — facile étant un terme relatif. Ne vous y trompez pas : c’est une moto pour les experts ; les pilotes moins expérimentés devraient regarder ailleurs avant de monter sur une Supersport de classe ouverte, même sur circuit. 

Les réglages offerts dans les menus du mode de conduite sont exhaustifs : que ce soit pour l’intervention du contrôle de la traction et du wheelie, de la réponse de l’accélérateur et du contrôle de la glisse ou encore du freinage que vous devrez prendre consacrer plusieurs sorties lors de votre première journée de roulage sur piste à trouver la formule qui vous convient le mieux. J’ai commencé la journée dans les modes Race Pro, puisque nos motos étaient équipées de slicks de course Bridgestone, et que les modes Race Pro proposent des réglages adaptés aux slicks. Bien que chaque mode Pro dispose de paramètres prédéfinis pour chacun des systèmes de contrôle de la moto, vous pouvez également les modifier individuellement dans les menus de l’écran TFT. J’ai réduit l’intervention du contrôle de traction et de l’ABS au fur et à mesure des sessions, pour finalement me contenter des réglages les plus bas. Vous pouvez également désactiver le TC et l’ABS, mais je ne vois aucune raison de le faire si vous avez le moindre instinct de survie. D’autant que ce faisant, vous passeriez à côté du véritable potentiel de la moto. 

Au fil des sessions, l’action du contrôle de la glisse devient vraiment perceptible, les slicks de course commençant à perdre un peu de leur adhérence. Avec cette fonction réglée au minimum — celle qui offre le moins d’angle de glisse possible —, je parviens à ouvrir les gaz jusqu’à l’arrêt, juste après le point de corde du rapide droit qui précède la longue ligne droite à l’arrière du circuit. Dans ce cas de figure, l’arrière se déporte un peu et reste stable jusqu’à ce que la moto se redresse. Un réglage plus élevé aurait sûrement permis à l’arrière de se glisser davantage, mais ça serait au prix d’une perte de vitesse et d’une plus grande usure des pneus. Idéalement, l’absence de glissement est idéale pour des temps au tour élevés ; le contrôle de glissement est vraiment conçu plus pour vous faire paraître rapide. 

La BMW S 1000 RR 2023 est à l’apogée de la performance dans la classe des hypersportives ; faites confiance à l’électronique, ajoutez une dose de talent, et sur un circuit, vous aurez l’impression d’être une star du MotoGP. Mais peut-être n’avez-vous pas d’aspirations à devenir champion du monde de vitesse ? Vous recherchez peut-être une monture qui offre les performances de la S 1000 RR, mais qui soit plus confortable et plus facile à conduire. Eh bien, BMW répond à vos attentes avec la M 1000 R.

BMW met le paquet sur la M 1000 R

Habituellement, les constructeurs dépouillent leur sportive de référence de son accastillage et l’amputent d’une partie de son potentiel sportif pour produire un roadster extrême. C’est ce que BMW a fait lorsqu’il a débarrassé la S 1000 RR de son carénage pour produire la S1000R ; cette dernière produit 40 chevaux de moins que sa compagne d’écurie Double-R. Mais pour 2023, BMW lance la M 1000 R, une toute nouvelle variante plus performante de la S 1000 R. BMW n’a pas pour autant édulcoré la M 1000 R, proposant cette moto nue avec le même moteur de 999 cm3 qui crache 205 chevaux que la supersportive S 1000 RR. Il y a cependant quelques différences qui la rendent un peu plus féroce que la RR : les rapports de la quatrième à la sixième sont plus courts, et la transmission finale est également plus courte, avec une dent de plus sur le pignon arrière par rapport à la RR, soit 47 dents. 

Ce surcroît de performance a toutefois un prix, puisque la M 1000 R est vendue à partir de 25 495 $, contre 16 500 $ pour la S. Mais, pour ce supplément, la M est livrée avec presque toutes les options disponibles pour la S 1000 R et l’électronique de pointe de la S 1000 RR. Les éléments de série comprennent des jantes forgées légères (moulées sur la S), la suspension DDC, les modes de conduite Ride Pro, le régulateur de vitesse, l’antipatinage et l’ABS de course, le contrôle du wheelie, le contrôle du freinage dynamique, un quickshifter, des leviers et des commandes au pied en métal usiné, et bien d’autres éléments de série. Si vous ajoutez tous ces éléments à la S 1000 R, son prix sera au moins aussi élevé que celui de la M, et vous perdrez toujours 40 chevaux. 

La M 1000 R est une meilleure option que la supersportive S 1000 RR si vous privilégiez la conduite sur route plutôt que sur circuit, car elle offre une position de conduite plus droite, c’est-à-dire plus confortable. Si la position de conduite est plus droite que sur la S 1000 RR, le guidon reste relativement bas, ce qui vous place dans une position légèrement penchée vers l’avant. Le rapport de transmission plus court fait que la M 1000 R tire encore plus fort que la RR, une sensation encore accentuée par la position de conduite plus droite de la M. Ça permet au moteur de tourner plus haut, ce qui rend la moto plus bruyante à vitesse d’autoroute, bien que les vibrations supplémentaires ne soient pas intrusives.

Notre trajet n’a pas été assez long pour évaluer le confort de la M sur de longues distances, mais je peux dire que le fait de la piloter sur une route lisse et sinueuse est plus amusant qu’un tour de manège à La Ronde. La direction est neutre, bien qu’un peu nerveuse, mais cette sensation disparaît dès que vous relâchez votre prise sur le large guidon tubulaire. Le châssis est rigide, la suspension est ferme même dans les réglages les plus souples. La suspension est néanmoins moelleuse malgré sa fermeté, et elle n’est pas sèche, même si vous vous retrouverez à zigzaguer sur des pavés défoncés — ce n’est pas une moto d’aventure.

Un rapide passage sur le circuit a révélé que le guidon plus large et plus haut de la M la rendait plus agréable à piloter que la S 1000 RR, l’effet de levier supplémentaire permettant de négocier les virages plus facilement. Bien sûr, comme elle n’a pas le carénage de la RR, il faut lutter contre le vent à haute vitesse — et elle va vite. Un rapide coup d’œil au compteur de vitesse de la M au bout de la longue ligne droite d’Almeria indique 255 km/h et plus, même si cette fois la moto était en sixième. 

Depuis l’introduction de la S 1000 RR, le constructeur allemand ne s’est pas reposé sur ses lauriers et les changements introduits pour 2023 lui permettront de rester au sommet de l’échelle des performances. Cette déclaration s’étend à la M 1000 R qui est aussi efficace et performante que la S 1000 RR, puisqu’il s’agit essentiellement de la même machine, sans la carrosserie.