Les vertus de la simplicité
Publié le 22 avril 2022
Profitant du lancement de la Classic 350, à Savannah, j’ai réussi à passer quelques heures en compagnie d’une Royal Enfield Himalayan, une aventurière minimaliste fort attachante.
Photos © Jean Turner, Royal Enfield
Le lendemain du lancement de la Royal Enfield Classic 350 auquel j’ai assisté, j’avais matinée libre, mon avion ne décollant pas de Savannah avant 13 h 30. Alors que je traînais mes guêtres devant l’hôtel, observant les influenceurs et ambassadeurs de la marque se préparer pour leur prise de contact de la Classic, j’ai remarqué qu’une Himalayan avait été laissée de côté. Abandonnée ou simplement snobée ? Peut-être était-ce dû à sa peinture camouflage vert Pin ? Allez savoir…
Mon empathie légendaire m’a tout naturellement conduit à la prendre en pitié. Je me suis donc arrangé avec la responsable du service presse de Royal Enfield pour l’emmener se dégourdir les jantes, le temps d’une petite balade bucolique dans les environs de Savannah. Question qu’elle ne se sente plus seule ni rejetée. Contrairement à la veille, je roulerai seul, à mon rythme, en choisissant mon itinéraire avec soin. En essayant de maximiser le peu de temps que j’ai à ma disposition pour faire connaissance avec la petite baroudeuse.
Une double usage apte aux voyages
Lancée en 2016 sur le marché indien, la Royal Enfield Himalayan est un OVNI dans le marché moto actuel. Cette aventurière basique propulsée par un monocylindre air/huile de 411 cc aux performances modestes était à l’origine réservée au marché local. Mais, son look de bourlingueuse intemporelle, sa simplicité et son tarif incroyable l’ont rendue extrêmement populaire sur les réseaux sociaux. Et donc, désirable, incontournable. Si bien que Royal Enfield l’a lancée sur le marché mondial dès 2018 où elle a connu un succès instantané, que ce soit en Europe (en Angleterre elle s’est hissée au quatrième rang des motos de 250-750 cc les plus vendues), mais aussi en Amérique du Nord, comme le confirme Krishnan Ramaswamy, président de Royal Enfield North America : « aujourd’hui, l’Himalayan représente plus de 40 % de nos ventes en Amérique du Nord. C’est un succès considérable ! » Un succès presque inattendu en fait. Car, les petites cylindrées, fussent-elles aventurières et donc à la mode, ne sont pas très populaires de ce côté-ci de l’Atlantique.
L’Himalayan dégage une impression de robustesse et d’indestructibilité. C’est une mécanique simple, facile à réparer, même avec les moyens du bord. Une machine capable de vous mener au bout du monde et de vous ramener à la maison en un seul morceau. Comme l’a prouvé le Britannique Jack Grove, qui a fait le tour du monde au guidon d’une Himalayan. En Inde, elle a guidé des milliers d’aventuriers sur les routes du toit du monde, sans problème majeur. Et en novembre dernier, une équipe de deux employés de Royal Enfield — Santhosh Vijay Kumar et Dean Coxson —, chacun sur une Himalayan, a mené à bien l’expédition . Ils ont parcouru 400 km en 28 jours à travers l’Antarctique pour rallier le pôle Sud à moto par des températures de -30 °C, avec des vents de plus de 60 km/h. Une première !
L’Himalayan est capable de relever tous les défis. Il n’y a rien à son épreuve. Pour peu que vous fassiez le premier pas et que vous preniez votre temps.
Look utilitaire et simplicité volontaire
Visuellement, l’Himalayan affiche un look utilitaire, presque spartiate. Un peu à la façon de la Kawasaki KLR 650 Adventure avec laquelle elle partage le même esprit, la même vision de l’aventure. La même simplicité.
Les protections latérales, à l’avant, remplissent une double fonction. Elles protègent le réservoir à essence des chutes et offrent des points d’ancrage pour des jerricans auxiliaires. Ils peuvent même accueillir des mini sacs dans lesquels ranger les items auxquels vous devez accéder rapidement. Par rapport au modèle précédent, elles ont été raccourcies de 90 mm et repositionnées pour offrir plus d’espace pour les jambes des pilotes de grande taille.
Le porte-bagages arrière est désormais doté d’une plaque supplémentaire pour accepter des charges plus lourdes et il est légèrement plus court pour mieux s’adapter à la section arrière de la selle et permettre au conducteur de passer plus facilement la jambe par-dessus la moto sans s’accrocher les pieds.
Un sabot moteur en aluminium relativement fin protège la base du moteur. Cependant, si vous pensez vous aventurer régulièrement en tout-terrain, il serait bon de le remplacer par un modèle plus solide et d’installer des protège-moteur robustes.
La selle de l’Himalayan est basse et bénéficie d’un rembourrage en mousse amélioré et d’un nouveau revêtement en suédine qui minimise le glissement. Enfin, son petit pare-brise est légèrement plus haut et plus large que le précédent, pour mieux contrer le flux d’air.
Le tout nouveau monocylindre à contre-balancier de l’Himalayan cube à 411 cc. Il répond à la norme antipollution indienne BS6, plus stricte qu’Euro5, et n’a donc aucun mal à se conformer à cette dernière. Il est issu du moteur de la série J qu’on retrouve également sur la Meteor 350 et la Classic 350. Il développe 24,30 ch à 6 500 tr/min pour un couple de 23,6 lb-pi à 4 500 tr/min. L’alimentation en carburant est assurée par un système d’injection EFI moderne, tandis que l’échappement évacue les gaz dans une sonorité agréable. La boîte de vitesse à cinq rapports en prise constante est complétée par un embrayage multidisque en bain d’huile et la puissance est transmise à la roue arrière par une chaîne.
Sur la route
L’Himalayan est facile d’approche et met immédiatement en confiance. Sa selle qui culmine à 800 mm permet à un pilote de taille moyenne (1,77 mm dans mon cas) de bien poser les deux pieds à plat, au sol. En plus, elle est relativement confortable, ce qui ne gâte rien.
La position de conduite est relax, dos droit, bras légèrement repliés et jambes à peine fléchies. Les porte-bagages latéraux, à l’avant ne bloquent pas les jambes du pilote en position assise et n’interfèrent pas avec lui quand il conduit debout sur les repose-pieds.
Le poste de pilotage est sobre, mais complet. Il se compose d’un gros compteur de vitesse analogique circulaire, gradué jusqu’à 160 km/h, sur la gauche et d’un petit compte-tours, en haut à droite. Sous ce dernier, on trouve une jauge à essence et une boussole. Enfin, complètement à droite, se situe un autre petit compteur circulaire qui accueille le système de navigation Tripper, exclusif à Royal Enfield. Conçu pour la plateforme Google Maps, il s’agit d’un module de navigation simple et intuitif qui se jumelle à votre smartphone grâce à l’application Royal Enfield et vous indique la direction à suivre, virage par virage. Simple, mais essentiel.
Le poids raisonnable de 199 kg en ordre de marche de l’Himalayan et son centre de gravité placé relativement bas favorisent la prise en main. Grâce à son large guidon tubulaire relevé, l’Himalayan est facile à diriger. Il suffit de pousser sur le guidon pour la placer sur la trajectoire, sans effort. Sur les routes secondaires de la Géorgie et de la Caroline du Sud, j’ai apprécié sa maniabilité et sa vivacité. L’Himalayan est agile dans les virages serrés — ils sont peu nombreux dans cette partie des États-Unis, mais j’ai réussi à en trouvé quelques-uns durant cette balade — et reste stable dans les courbes rapides.
Ses pneus CEAT Zoom Plus (90/90-21 à l’avant et 20/90 -17 à l’arrière) de type mixtes, à crampons modérés, sont montés sur des jantes à rayons nécessitant des chambres à air. Ils offrent une adhérence acceptable et ne m’ont donné aucun souci durant cette brève prise de contact. Cependant, si j’achetais une Himlayan, je les remplacerais certainement par des Continental TKC70 ou des Pirelli MT60 que je connais bien dans lesquels j’ai entièrement confiance. Mais c’est plus une question de préférence personnelle qu’autre chose.
J’ai profité d’un sentier à la surface dure, sablonneuse par endroits, qui longeait une rivière bucolique, pour tester le comportement de la petite aventurière indienne en hors route et je suis resté agréablement surpris. La roue avant de 21 pouces franchit les obstacles avec facilité et la roue arrière de 17 pouces offre une bonne traction. Contourner les flaques d’eau et les autres obstacles est un jeu d’enfant. Dans cet environnement, les suspensions ont tendance à talonner au passage de grosses bosses ou de compressions importantes et la garde au sol s’avère parfois limite, quand vient le temps de franchir des obstacles de taille conséquente.
La suspension qui propose des débattements respectifs de 200 mm à l’avant et 180 mm à l’arrière est confortable sur route. La fourche de 41 mm de diamètre est non réglable. Elle ne plonge pas trop au freinage et absorbe bien les bosses, sur route en tout cas. Le monoamortisseur avec biellette, réglable en précontrainte du ressort, est un poil ferme, mais il ne n’affecte pas le confort de la moto.
Le freinage constitué d’un simple disque de 300 mm pincé par un étrier double piston à l’avant et un simple disque de 240 mm mordu par un étrier simple piston, à l’arrière, offre une puissance de freinage adéquate. Ils réagissent de façon linéaire et sont très prévisibles. Et il suffit d’appliquer une pression forte et continue pour obtenir un freinage musclé.
Avec sa puissance limitée, comparativement à celle d’autres aventurières propulsées par un monocylindre quatre-temps — Honda CRF 300 Rallye (30 ch), BMW G 310 GS (34 ch), Kawasaki KLR 650 Adventure (41 ch), KTM 390 Adventure (43,5 ch) —, l’Himalayan frôle les 130 km/h en vitesse de pointe (en descente, le vent dans le dos). Elle est donc assez rapide pour circuler sur nos autoroutes limitées à 100 km/h, mais surtout sur les routes du réseau secondaire et dans les sentiers.
La souplesse étonnante du monocylindre à longue course permet d’évoluer à bas régime. Il reprend sous la barre des 2 000 tr/min sans broncher et accepte de démarrer sur un filet de gaz, en seconde voire en troisième, sans caler. L’embrayage est souple et son point de friction est facile à appréhender. Pratique en ville, pour les manœuvres serrées, mais aussi en tout-terrain.
Secondé par une boîte de vitesse à cinq rapports douce et précise, le mono injecté accélère franchement, sans trou ni secousse. À 5 600 tr/min en cinquième, il ronronne à 115 km/h. À ce régime, les vibrations sont bien contrôlées et jamais rédhibitoires. Elles contribuent en fait au caractère de la Royal Enfield. Pour information, la zone rouge débute à 6 500 tr/min.
Si le moteur grimpe assez rapidement à 100 km/h, il lui faut un peu d’élan pour atteindre sa vitesse maximum et s’y maintenir. Heureusement, le carénage, bien que minimaliste, détourne correctement le flux d’air du torse et de la tête du pilote. Qui plus est, sa consommation réduite de 3,50 L/100 km lui garantit une autonomie impressionnante de 440 km. De quoi voyager loin et longtemps sans être tout le temps arrêté dans les stations-service.
Une agréable surprise
Ma rencontre avec la Royal Enfield Himalayan a été brève — trop à mon goût —, mais elle a été intense et enrichissante. Même si j’aime toujours autant la vitesse, j’apprécie le charme discret de l’Himalayan et sa capacité à me faire voyager à un rythme plus tranquille, en prenant le temps de profiter du paysage et l’expérience. D’autant plus que dans l’environnement routier répressif et contraignant dans lequel nous évoluons depuis quelques années, baisser le rythme est un choix judicieux.
L’Himalayan séduit non seulement par son allure de baroudeuse rétro, mais aussi par son équilibre général, sa simplicité et son adaptation à différents environnements, sur route ou en tout-terrain.
Il s’agit d’une moto à double usage efficace et attachante qui est capable de relever tous les défis qu’on lui présente. Si elle peut traverser l’Himalaya, rejoindre le pôle sud en plein hiver et vous permettre de faire le tour du monde alors il n’y a rien à son épreuve. C’est une moto idéale pour les pilotes qui ont l’esprit d’aventure, un sens de l’esthétisme développé et cultivent le goût de la différence.
J’ai hâte de la retrouver pour un essai plus complet, voire une expédition de plusieurs semaines durant l’été. On verra ce que l’avenir nous réserve.
Comme toutes les Royal Enfield, l’Himalayan dispose d’une garantie de 3 ans, kilométrage illimité avec l’assistance routière incluse. À ce prix-là, c’est une aubaine !
Pour plus d’information, visitez le site Web de Royal Enfield Canada.
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 199 kg ;
- Hauteur de selle : 800 mm ;
- Capacité essence : 15 L ;
- Consommation : 3,50 L/100 km ;
- Autonomie : 440 km ;
- Coloris : Argent, Noir, Rouge, Bleu, Gris, Vert.
MOTEUR
- Moteur : monocylindre quatre-temps Euro 5, SACT, 2 soupapes, refroidissement air/huile ;
- Puissance : 24,30 ch à 6 500 tr/min ;
- Couple : 23,6 lb-pi à 4 500 tr/min ;
- Cylindrée : 411 cc ;
- Alésage x course : 78 x 86 mm ;
- Rapport volumétrique : 9,5:1 ;
- Alimentation : Système d’injection électronique de carburant ;
- Transmission : cinq rapports ;
- Entraînement : par chaîne.
PARTIE CYCLE
- Cadre tubulaire en acier ;
- Suspension : Fourche télescopique Ø 41 mm non réglable. 200 mm de débattement. Monoamortisseur avec biellette, réglable en précontrainte du ressort. 180 mm de débattement. ;
- Empattement : 1 465 mm ;
- Chasse/déport : 26 °/111 mm ;
- Freins : simple disque de 300 mm et étriers double piston ByBre à l’avant ; simple disque de 240 mm avec étrier simple piston à l’arrière. ABS à double canaux de série, déconnectable au niveau de la roue arrière ;
- Pneus : CEAT Zoom Plus
90/90-21 à l’avant ;
120/90 -17 à l’arrière.
VERDICT RAPIDE
ON A AIMÉ
- L’allure vintage réussie
- La simplicité
- Le comportement neutre et sain
- Le pouvoir d’évocation
ON A MOINS AIMÉ
- Les performances modestes du monocylindre
- La garde au sol perfectible
- La monte pneumatique d’origine (CEAT)
ÉQUIPEMENT DU PILOTE
- Casque Shoei J.O
- Blouson Dainese R-Twin (discontinué)
- Jean Dainese D1 EVO (discontinué)
- Bottes ICON Tarmac WP
- Gants Velomacchi Speedway
- T-Shirt Klim Agressor Cool -1.0
- Pull Klim Teton Mérinos
Galerie
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