Vous êtes mono ou bi ?
Publié le 16 mars 2021
Dans la catégorie des routières de moyenne cylindrée, deux architectures moteur tentent de s’imposer — monocylindre et bicylindre —, chacune avec ses spécificités et ses avantages propres. Personnellement, j’aime bien les deux, pour des raisons différentes. Mais vous ? Où va votre préférence ?
Photos © Didier Constant, Husqvarna, Yamaha
Les petites cylindrées ont la cote depuis une dizaine d’années. Elles gagnent en popularité et touchent un public de plus en plus large, ne s’adressant plus exclusivement aux néophytes. Depuis notre essai comparatif des sportives de 300 cc, en 2015, beaucoup de nouveaux modèles se sont ajoutés aux sportives présentées, dont des roadsters affriolants.
Pour les besoins du présent article, nous allons nous intéresser à deux modèles vraiment intéressants : la Husqvarna Svartpilen 401 et la Yamaha MT-03. La première est la jumelle dizygote de la Husqvarna Vitpilen 401 que nous avons essayée en juin 2018. Mis à part quelques détails esthétiques (guidon, accastillage, selle, roues, échappement…), les deux Husqvarna partagent le même moteur et la même partie cycle issus de la KTM 390 Duke. Avec son guidon tubulaire relevé, façon moto d’enduro, sa position de conduite droite, son porte-bagages de réservoir et ses pneus mixtes Pirelli Rally STR, la Svartpilen est plus urbaine et plus polyvalente que sa fausse jumelle d’inspiration Café Racer. Et elle offre une allure d’aventurière décalée très réussie, un peu à la manière d’une Royal-Enfield Himalayan 400. Tout à fait dans l’air du temps.
Nous l’avons opposée à la Yamaha MT-03 avec laquelle elle partage de nombreux points communs. Dérivée de la Yamaha R3, la MT-03 ne nous était pas inconnue. Nous l’avions essayée lors de son lancement de presse nord-américain, en mars 2020. Le dernier auquel nous ayons pris part, la pandémie de COVID-19 ayant mis une fin abrupte à ce genre d’événement médiatique.
La Yamaha adopte une allure de roadster sportif aux lignes futuristes soulignée par un phare original à DEL emblématique des motos de la famille MT (Master of torque) du constructeur d’Iwata City.
Parties cycles sportives
Les deux belligérantes sont fines, légères, compactes et n’ont pas l’air de minimotos. Ce sont des machines pleine grandeur sur lesquelles des pilotes de gabarit nord-américain peuvent prendre place sans crainte.
La Svartpilen est la plus svelte et la plus légère. Elle pèse seulement 152 kg à sec contre 168 kg pour la MT. Mais elle possède une assise plus élevée de 835 mm contre 780 mm pour la Yamaha.
Pour ce qui est du châssis, la Suédoise fait appel à un magnifique cadre treillis en acier noir, complété par une fourche inversée WP de 43 mm dépourvue de réglages et par un monoamortisseur WP réglable en précontrainte. Ses valeurs d’empattement (1 357 mm) et de chasse/déport (25 degrés/95 mm) sont sportives et favorisent la maniabilité et l’agilité.
De son côté, la partie cycle de la Japonaise s’articule autour d’un cadre de type diamant, en acier, auquel sont rattachés une fourche inversée Kayaba de 37 mm, non ajustable et un monoamortisseur Kayaba ajustable en précontrainte du ressort. Pour ce qui est de l’empattement (1 380 mm), il est un poil plus long que celui de la 401 — ça favorise la stabilité — alors que les valeurs de la géométrie sont identiques. On est donc là encore, en présence d’une moto aux prétentions sportives.
Pour ce qui est du freinage, l’avantage va à la Svartpilen qui fait confiance à un disque de 320 mm pincé par un étrier radial ByBre à 4 pistons, à l’avant et un simple disque de 230 mm avec étrier ByBre simple piston à l’arrière. Un ABS Bosch 9.1 MB est livré en équipement standard.
La MT-03 possède quant à elle un disque de 298 mm avec un étrier non radial à double piston, à l’avant et un simple disque de 220 mm avec étrier simple piston, à l’arrière. L’ABS est de série.
Enfin, la Svartpilen évolue sur de magnifiques jantes à rayons de 17 pouces chaussées de pneus mixtes Pirelli Rally STR qui rehaussent son look d’aventurière décalée, tandis que la MT-03 se pare de jantes à 10 bâtons montées de pneus routiers Dunlop Sportmax GPR 300.
Pour ce qui est du design et de l’allure, personnellement je donnerais la palme à la Husqvarna que je trouve aussi sublime qu’originale dans sa livrée anthracite mat. La Yamaha aussi est belle, dans son genre et mérite un accessit. Elle est superbe dans son fini fluo glacé.
Moteurs à sensations
Côté motorisation, la Husqvarna opte pour un monocylindre quatre-temps, gage de couple important et de caractère, qui cube à 373 cc. Il est de type supercarré (ou courte course), ce qui signifie que son alésage (89 mm) est supérieur à sa course (60 mm). Le piston est animé d’une vitesse linéaire moindre qu’un moteur à longue course et peut atteindre des régimes plus élevés (9 500 tr/min dans le cas présent, ce qui est beaucoup pour un mono). Et donc développer une puissance supérieure à cylindrée égale. Cette caractéristique permet d’obtenir un haut rendement, notamment avec les moteurs de compétition. Le mono dispose d’une chemise en Nikasil, d’un piston forgé en aluminium, d’un double arbre à cames en tête et de basculeurs traités au carbone dur, gage de longévité et de résistance accrue. Il est alimenté par un système d’injection électronique Bosch EFI à corps de 46 mm et produit 44 ch à 9 000 tr/min pour un couple de 27,3 lb-pi à 7 000 tr/min.
De son côté, la Yamaha privilégie un bicylindre performant de 321 cc, calé à 180°, qui affiche une puissance de 42 ch à 10 750 tr/min et un couple de 21,8 lb-pi à 9 000 tr/min. Il s’agit là aussi d’un moteur courte course (alésage de 68 mm, course de 44,1 mm), alimenté par un système d’injection électronique à corps d’admission de 32 mm.
Comme on s’en aperçoit, le mono atteint ses valeurs maximales à un régime plus bas que le bicylindre. La zone rouge de la Suédoise débute à 10 000 tr/min contre 12 500 tr/min pour la Japonaise.
Sur la route
Malgré sa seule haute et large à l’embase, la Svartpilen est relativement facile à prendre en main. Cependant, du haut de mon 1,77 m, je parviens tout juste à poser les pieds à plat au sol à l’arrêt. Heureusement, son poids plume la rend facile à manier, même à basse vitesse. La position de conduite est accueillante, d’autant plus que la selle moelleuse permet de trouver facilement sa place. Les jambes ne sont pas trop repliées, on a le buste très légèrement penché vers l’avant, sans appui excessif sur les poignets. Le triangle ergonomique est parfait, même pour les grands.
La Svartpilen 401 est une aventurière conçue pour la guérilla urbaine. Elle plonge dans la circulation avec aisance, comme un couteau chaud dans une motte de beurre mou. Agile et vive, elle est servie par sa position de conduite naturelle et le bras de levier important offert par son large guidon de type enduro. Un vrai vélo !
Son moteur relativement souple est utilisable dans une large plage de régimes qui débute à 3 000 tr/min — en bas de ça elle cogne — et s’étire jusqu’à l’approche de la zone rouge, c’est-à-dire 10 000 tr/min. Dans cette zone, le mono fait preuve d’une faible inertie et prend rapidement ses tours, atteignant 7 000 tr/min en un clin d’œil. Tous les chevaux sont présents à l’appel et le couple abondant renforce son caractère. Quand on passe rapidement les rapports, le moteur a du pep et nous donne la banane.
Sur voie rapide, la 401 atteint rapidement 100 km/h. À 130 km/h en sixième, le mono tourne à 7 000 tr/min. Si on tire encore un peu, on va atteindre environ 160 km/h à 9 500 tr/min. C’est plus ou moins la vitesse maxi de la Husqvarna (vérifiée sur piste). À cette cadence, elle reste très stable et inspire confiance.
En fait, elle est très rassurante et joueuse à la fois, particulièrement sur les routes secondaires viroleuses où elle se révèle. Elle est facile à emmener et bénéficie d’un train avant rassurant, même avec ses pneus mixtes. Son moteur disponible permet de danser entre les courbes sans jouer de la boîte de vitesse exagérément. La partie cycle neutre est parfaite pour s’amuser dans le sinueux, mais aussi pour improviser et changer rapidement de trajectoire d’une simple poussée sur le guidon, le cas échéant. Les suspensions sont efficaces quoique sèches et ce malgré le peu de réglages offerts (seul l’amortisseur est ajustable et seulement en précontrainte). Quant au freinage, pas de commentaire particulier, mis à part qu’il est puissant et efficace. Bien mieux que celui de la MT-03 qui manque de mordant et d’endurance, particulièrement à l’arrière.
Le seul bémol concernant la Husqvarna est la faible capacité de son réservoir à essence (9,5 litres). Bien que le mono soit aussi sobre qu’un chameau, affichant une consommation moyenne de 4 L/100 km, son autonomie est limitée à 240 km, ce qui est peu. En comparaison, la Yamaha parcourt 305 km sur un plein, malgré une consommation de 4,6 L/100 km, grâce à son réservoir de 14 litres de capacité.
Sur la Yamaha, la selle basse qui culmine à 780 mm met immédiatement le pilote en confiance, même s’il mesure moins de 1,70 m. Ses pieds touchent parfaitement au sol à l’arrêt. De plus, la moto est accueillante, même pour les grands gabarits qui ont toute la place nécessaire pour loger leur carcasse. Là encore, la position de conduite est naturelle — dos relevé, bras à peine tendus, jambes légèrement fléchies — et le guidon tubulaire suffisamment large pour procurer un bon effet de levier. Quant à la selle, elle est bien rembourrée et distille un confort adéquat.
Au niveau de l’équipement, la Yamaha et la Husqvarna font jeu égal, mais le compteur LCD rectangulaire de la MT est plus lisible et plus facile à consulter que le simple compteur rond de la 401. Les deux sont numériques et offrent une foule d’informations.
Dotée d’un faible rayon de braquage et d’un poids relativement faible, quoique supérieur de 16 kg à celui de la Husqvarna, la Yamaha se manie facilement, surtout en ville où elle fait preuve d’une bonne agilité. À ce point de vue, elle est une coche en retrait par rapport à la Husqvarna qui est un vélo.
Le bicylindre de la Japonaise est plus creux que le mono de la Suédoise et affiche un comportement qui fait penser à celui d’un deux-temps. Il ne se passe pas grand-chose à bas régime et on ne ressent l’effet du couple qu’au-delà de 4 000 tr/min. Passé ce cap, le moteur est bien rempli à mi-régime et donne un coup de pied au cul du pilote à 9 000 tr/min pour tirer sans faiblir jusqu’à la zone rouge qui débute à 12 500 tr/min. À haut régime, la Yamaha est plus punchée que la Husqvarna.
La boîte six vitesses fonctionne en douceur, avec une pression légère sur le sélecteur. Cependant, contrairement à l’excellente boîte de la 401, elle n’est pas secondée par un shifter électronique.
Sur route secondaire, la MT-03 est facile à emmener. Elle est maniable, vive — moins que la Svartpilen 401 — et stable, conservant sa trajectoire à haute vitesse sans problème. Cependant, son moteur creux à bas régime impose de jouer plus avec la boîte de vitesse afin de rester dans la partie grasse de la bande de puissance. Sur chaussée déformée, ses suspensions sont efficaces, mais plus molles que celles de la Husqvarna. Et moins intègres. Du coup, elle n’affiche pas la même rigueur en ce qui a trait à la stabilité.
La MT-03 utilise les mêmes Dunlop GPR300 que la R3. Ils offrent un feed-back et une adhérence qui inspirent confiance. À ce niveau, elle fait jeu égal avec la Svartpilen dont les Pirelli Rally STR sont surprenants, malgré leur profil mixte.
En ce qui a trait à la protection, elle est similaire sur les deux belligérantes, c’est-à-dire inexistante, mais compte tenu de leur cylindrée, de leurs performances et de leur utilisation, ce n’est pas gênant outre mesure.
Pour ce qui est de la conduite en duo, aucune des deux n’est vraiment adaptée à l’exercice, particulièrement pour faire un long trajet. On accepte d’embarquer derrière par amour du pilote. Ou parce qu’on n’a pas vraiment le choix. Mais certainement pas par plaisir, à moins d’être sado-maso. Et pas pour longtemps. Plus de 100 km, c’est la torture.
Alors ? Mono ou bi ?
Plus on roule avec la Svartpilen et la MT-03, plus on y prend goût. Ces deux machines sont la preuve que le plaisir n’est pas proportionnel à la cylindrée ou à la puissance, mais bien à la maîtrise et à l’expérience. C’est souvent le cas d’ailleurs avec les motos de petites cylindrées, qu’elles soient routières ou sportives.
La Suédoise favorise l’improvisation et le plaisir à l’état pur. Son moteur a plus de punch, se comporte moins comme un 2-temps et récompense les pilotes expérimentés. De son côté, la Yamaha est confortable, douce et performante, à défaut d’être addictive. Ses performances sont au niveau de celles de la Suédoise. Mais son caractère est plus feutré, plus conciliant.
Yamaha dispose d’un réseau de concessionnaires plus étendu que celui de Husqvarna. Pour certaines personnes, c’est un facteur important lors de l’achat d’une moto. Mais étant donné la vocation urbaine et périurbaine des deux candidates, il y a de fortes chances qu’elles soient utilisées principalement près d’un grand centre et donc d’un concessionnaire de la marque. En vérité, peu de ces machines vont traverser le pays d’un océan à l’autre.
Pour ce qui est du prix, les deux sont commercialisées au tarif de 5 899 $ en 2021. C’est donc match nul à ce niveau.
Ayant débuté ma carrière sur des monos de petite cylindrée, j’avoue avoir un faible pour la Vitpilen 401, dont je trouve le look très réussi et le comportement attachant. C’est une moto à sensations, dont le facteur fun est inversement proportionnel à sa cylindrée et à son poids. Une machine pour pilotes avertis et esthètes convaincus.
La MT-03 est basée sur la R3, une moto connue pour son efficacité et sa fiabilité. Elle se distingue par son faible coût, d’achat, d’utilisation et d’entretien. À ce chapitre, la seule chose qu’un concessionnaire doive examiner est le réglage des soupapes, tous les 42 000 km. Elle est superbe, mais la Vitpilen 401 l’est encore davantage. Et vous ? Qu’en pensez-vous ?
Fiche technique Husqvarna Svartpilen 401
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids à sec : 152 kg
- Hauteur de selle : 835 mm
- Capacité essence : 9,5 L
- Consommation : 4,0 L/100 km
- Autonomie : environ 240 km
- Durée de l’essai : environ 450 km
- Prix : 5899 $
- Coloris : anthracite/argent
MOTEUR
- Moteur : Monocylindre vertical 4 temps, double ACT et 4 soupapes, refroidi par eau
- Puissance : 44 ch à 9 000 tr/min
- Couple : 27,3 lb-pi à 7 000 tr/min
- Cylindrée : 373 cc
- Alésage x course : 89 x 60 mm
- Rapport volumétrique : 12,6:1
- Alimentation : injection électronique Bosch EFI à corps de 46 mm
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Cadre : treillis en acier
- Boucle arrière : treillis en acier
- Suspension : fourche inversée WP APEX, ø 43 mm. 142 mm de débattement. Monoamortisseur WP APEX réglable en précontrainte. 150 mm de débattement
- Empattement : 1 357 mm
- Chasse/Déport : 25 degrés/95 mm
- Freins : 1 disque de 320 mm et étrier radial ByBre à 4 pistons ; simple disque de 230 mm avec étrier ByBre simple piston. ABS Bosch 9.1 MB
- Pneus : Pirelli Rally STR
110/70 – 17 à l’avant
150/60 – 17 à l’arrière.
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- Le moteur (c’est celui de la 390 Duke)
- Le freinage efficace
- La partie cycle homogène
- L’agilité incroyable
ON AIME MOINS
- La selle haute (835 mm)
- La conduite en duo
Fiche technique Yamaha MT-03
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 168 kg
- Hauteur de selle : 780 mm
- Capacité essence : 14 L
- Consommation : 4,6 L/100 km
- Autonomie : 305 km
- Durée de l’essai : 450 km
- Prix : 5 899 $
- Coloris : bleu Racing Yamaha, noir techno ou Tempête fluo
MOTEUR
- Moteur : bicylindre parallèle, DACT, 4 soup./cylindre, refroidissement liquide
- Puissance : 42 ch à 10 750 tr/min
- Couple : 21,8 lb-pi à 9 000 tr/min
- Cylindrée : 321 cc
- Alésage x course : 68 x 44,1 mm
- Rapport volumétrique : 13,1:1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : 6 rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche inversée Kayaba, ø de 37 mm, non ajustable ; monoamortisseur Kayaba ajustable en précontrainte du ressort
- Empattement : 1 380 mm
- Chasse/Déport : 25°/95 mm
- Freins : à l’avant : 1 disque de 298 mm et étrier à deux pistons, non radial ; simple disque de 220 mm avec étrier simple piston à l’arrière. ABS de série
- Pneus : Dunlop Sportmax GPR 300
110/70-17 à l’avant
140/70-17 à l’arrière
VERDICT
PLUS
- Look réussi
- Légèreté/Maniabilité/Vivacité
- Filiation réussie avec le reste de la famille MT de Yamaha
MOINS
- Freinage perfectible, surtout à l’arrière
- Moteur creux à bas régime
- Comportement à la 2-temps