Mieux vaut tard que jamais…
Publié le 11 janvier 2017
Présentée en Europe il y a déjà trois ans, la Honda VFR1200X Crosstourer fait enfin son apparition chez nous et investit un créneau dans lequel elle doit faire face à une compétition féroce. Cette GT/Aventure arrive-t-elle à point nommé ou se pointe-t-elle après la bataille ? En plus de devoir affronter l’Africa Twin au sein de sa propre famille, une moto dont le succès semble assuré avant même qu’elle ait à faire ses preuves…
Photos : Didier Constant, Dave Beaudoin, Patrick Laurin, Honda
En terrain connu
À la fin du mois d’octobre dernier, au terme de plusieurs tentatives pour tester une VFR1200X, je suis enfin parvenu à mettre la main sur un modèle d’essai à boîte manuelle. Après avoir fait le tour du propriétaire, je prends la route à son guidon. Immédiatement, je me retrouve en terrain connu. Il faut dire que j’ai eu l’occasion d’essayer cette Honda à trois occasions avant 2016.
En 2013, j’ai même passé trois semaines au guidon d’une VFR1200X Crosstourer DCT mise à ma disposition par Honda France lors d’un voyage de près de 4 000 km en Italie, en France et au Pays Basque. Une moto magnifique qui m’avait été livrée avec des accessoires de tourisme (valises, pare-brise relevé de 145 mm, phares antibrouillard et arceau protecteur) qui lui donnaient des airs de baroudeuse.
À quelques détails près (dont l’absence du DCT), il s’agit de la même moto que j’ai déjà pilotée dans le passé. Elle reprend le V4 à 76° de la VFR1200 que nous avons eue en essai long terme, en 2012 qui, bien qu’amputé d’un gros paquet de chevaux (129 ch contre 173 ch pour la VFR1200) se montre très puissant.
La Honda roule sur de magnifiques jantes à rayons de 19 pouces à l’avant et 17 pouces à l’arrière, chaussées de pneus mixtes Bridgestone Battle Wing.
Au niveau de l’électronique, elle propose un antipatinage débrayable à trois niveaux de réglage et un ABS non ajustable fourni en dotation de série.
Malgré ses allures d’aventurière à la BMW R1200 GS, la Honda n’est pas vraiment destinée à la conduite hors route. Elle laisse ce terrain à l’Africa Twin dont c’est la spécialité. En fait, la Crosstourer joue plutôt dans la cour de la BMW S1000XR, comme nous avons pu le découvrir lors d’une balade dans Lanaudière et les Laurentides à la fin de l’automne à l’occasion de laquelle mon ami Claude Privée et moi sommes partis à l’aventure avec la Honda et la BMW pour observer les couleurs de l’été indien. Une balade sportive et bucolique à la fois.
V4 souple, coupleux et puissant
Durant cette escapade sur routes sinueuses pavées, la Honda nous a permis d’entrevoir son caractère de Gran Turismo. Il s’agit en effet d’une routière luxueuse, bien équipée, dont les performances lui permettent de se mesurer aux meilleurs GT du marché. Ajoutez à cela des suspensions bien calibrées grâce auxquelles la Honda avale les bosses et les irrégularités de la chaussée comme par magie et vous obtenez l’une des motos les plus confortables du moment. Surtout pour voyager en duo, avec bagages.
Très souple, le moteur V4 de 1 237 cc tire sans à coups dès les bas régimes, sans pic ni trou dans la courbe de puissance. En sixième, il reprend sans broncher dès 2000 tr/min. Plutôt linéaire jusqu’à 4000 tr/min, il se met à tirer très fort à partir de 4500 tr/min, sans fléchir, jusqu’à la zone rouge qui débute à 8500 tr/min. À ces régimes, il distille un flux régulier de puissance et se montre assez sportif. Exaltant ! Une fois la VFR lancée, le paysage défile rapidement. C’est le genre de moteur avec lequel vous n’avez pas à faire vraiment attention sur quel rapport de boîte vous êtes. Vous avez besoin de puissance ? Il suffit de tourner la poignée. Le V4 est lisse, exempt de vibrations. Les quelques tremblements résiduels que l’on ressent se dispersent dans le guidon, la selle ou les repose-pieds sans jamais devenir gênants. Un caractère que l’on apprécie particulièrement lors de longues virées sur voies rapides.
À l’usage, le V4 de la Crosstourer se montre très plaisant. Souple, coupleux, puissant et volontaire, il affiche une consommation moyenne de 5,9 L/100, ce qui lui procure une autonomie d’environ 365 km avant la panne sèche. Pas mal du tout pour un gros bloc de 1237 cc.
La X utilise le système Ride-by-wire propre à Honda. Ce dernier est relié à un capteur électronique par l’intermédiaire de câbles partant de la poignée pour actionner ensuite l’accélérateur électronique. Ce système mixte a l’avantage d’offrir une ouverture plus progressive des papillons et d’adoucir les transitions ouvert/fermé.
L’électronique est bien intégrée, non obstructive et fonctionne parfaitement, en particulier l’antipatinage qui est réglable via un bouton sur le carénage gauche en conduisant.
La boîte de vitesse à 6 rapports est douce, onctueuse et précise. Elle procure des passages de rapports impeccables, sans faux points morts et est secondée par un embrayage doux, à l’engagement léger. En conduite sportive, on peut même monter les rapports à la volée.
Confort de GT
Avec sa selle juchée à 850 mm du sol, la VFR1200X ne gâte pas les petits gabarits. Par ailleurs, elle est large à la jonction du réservoir et force le pilote à écarter les cuisses. Du haut de mon 1,78 m, je suis sur la pointe des pieds. D’autant plus gênant que son maniement à basse vitesse est affecté négativement par son poids conséquent (295 kg tous pleins faits) et haut perché.
Une fois en mouvement, en revanche, la Honda est neutre et se pilote facilement en partie grâce à son large guidon tubulaire qui offre un bon effort de levier et favorise le maniement. Il suffit de pousser sur le guidon pour mettre la Crosstourer sur l’angle. La Honda affiche un rayon de braquage court qui facilite les demi-tours et les manœuvres serrées.
D’origine, le guidon est trop basculé vers l’avant (je l’ai légèrement redressé), et la position qu’il génère cause des douleurs dans le dos, au niveau du cou et des omoplates. Une fois le guidon ajusté selon mes préférences, j’ai trouvé la position de conduite idéale; le dos droit, les bras un poil repliés et les jambes détendues. Les pilotes de grand gabarit sont particulièrement choyés et se sentent immédiatement à l’aise aux commandes de la VFR1200X.
La selle large et accueillante se montre relativement confortable et permet d’entreprendre de longs trajets sans inquiétude.
Pour un pilote de ma taille, le pare-brise génère quelques turbulences autour du casque ainsi qu’un retour d’air dans le dos du passager, surtout quand on roule à haute vitesse. Rien de rédhibitoire cependant. Sinon, la protection qu’il fournit est bonne. Pas besoin de nettoyer manteau ou visière de casque à tout bout de champ.
Le freinage, qui est confié à deux disques de 310 mm à l’avant et à un disque de 276 mm à l’arrière, respectivement pincés par des étriers à 3 et 2 pistons, est livré de série avec le système ABS combiné Honda C-ABS. Excellent, il inspire confiance. Il est puissant et procure un bon mordant sur toute la course du levier, tandis que l’ABS est quasiment transparent.
Sportive ? Oui !
Malgré son poids, la Crosstourer est plutôt agile et fait preuve d’une sportivité étonnante sur les routes secondaires. Elle adore les virages — longs, courts, rapides, serrés — et reste étonnamment stable en toutes circonstances. Elle penche facilement et avec grâce, sans danser sur ses suspensions. Sa partie cycle intègre se révèle dans les circonstances. Tout comme ses pneus Bridgestone Battle Wing qui se montrent à la hauteur de la tâche. Néanmoins, en conduite agressive, j’aurais aimé un poil plus d’adhérence. Dommage de ne pas avoir pu essayer des Pirelli Scorpion Trail II ou des Continental Trail Attack 2 pour comparer leur performance à celle des Bridgestone à un rythme sportif.
Par ailleurs, l’antipatinage (débrayable) permet d’ouvrir les gaz en grand en sortie de courbe sans avoir peur de voir la roue arrière décrocher.
Sur route très sinueuse, le poids imposant de la Honda demande au pilote de travailler plus fort, de pousser sur le guidon dans les enfilades et de veiller à ne pas trop accentuer les transferts de masse au freinage et à l’accélération au risque de voir la moto faire le cheval à bascule. Pour tirer le meilleur parti de la Crosstourer sur routes secondaires, il convient d’adopter une conduite coulée (ce qui ne veut pas dire se traîner comme une larve pour autant). Sinon, la précision de guidage et la vivacité sont toujours au rendez-vous.
Sur les voies rapides et les autoroutes, la VFR1200X s’avère une excellente GT. Dans cet environnement, elle fait même jeu égal avec les ténors de cette catégorie, parfois plus lourdes et plus équipées. Cependant, l’absence d’un régulateur de vitesse électronique s’explique mal sur une moto destinée à voyager beaucoup, par les voies rapides. Il s’agit d’un oubli difficile à justifier. Au prix où la Honda se vend, le surplus de prix d’une telle option aurait facilement été absorbé.
Les suspensions à grand débattement, réglables en précontrainte et en détente, favorisent le confort de roulement, sans sacrifier l’efficacité, même sur routes au revêtement inégal. Néanmoins, la fourche a tendance à plonger excessivement au freinage et à l’accélération, un problème commun à toutes les motos dotées de telles suspensions.
En fait, il n’y a qu’en ville où la Honda demande un peu plus de doigté en raison de son gabarit imposant, surtout lorsque les valises sont installées. Haute et large, elle réclame une attention particulière quand vient le temps de se faufiler dans la circulation dense. Sinon, son moteur coupleux et souple facilite ses transports urbains.
La GT/Aventure par excellence
La VFR1200X est un pur produit Honda ; raffiné, technologique, de grande qualité, mais manquant un peu de caractère, surtout comparée aux BMW S1000XR et R 1200 GS qui interprètent la même partition.
Il s’agit d’une moto relativement chère aussi. En effet, à 17 999 $ sans le kit optionnel de bagages, la Honda figure dans le trio de tête des aventurières les plus dispendieuses. Elle est certes plus abordable que la Triumph Tiger Explorer 1200 (22 900 $), la BMW R1200GS (20 050 $) ou la Ducati Multistrada 1200 (19 395 $), mais plus onéreuse que la Suzuki DL 1000 V-Strom (12 399 $) la moins chère du groupe par une bonne marge, la KTM 1190 Adventure (16 799 $) ou la Yamaha Super Ténéré (16 999 $).
Cependant, si vous êtes à la recherche d’une routière à suspensions à grand débattement confortable et capable d’avaler les kilomètres en duo, avec armes et bagages, la VFR1200X constitue un très bon achat. C’est une excellente GT/Aventure, une moto qui symbolise parfaitement ce nouveau segment. Et qui vous incite à prendre la route constamment afin de partir explorer la planète… par la route !
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 295 kg
- Hauteur de selle : 850 mm
- Capacité essence : 21,5 L
- Consommation : 5,9 L/100 km
- Autonomie : 365 km
- Durée de l’essai : 500 km
- Prix : 17 999 $
MOTEUR
- Moteur : Quatre cylindres en V ouvert à 76 degrés, 4 temps, SACT, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 129 ch à 7 750 tr/min
- Couple : 93 lb-pi à 6 500 tr/min
- Cylindrée : 1 237 cc
- Alésage x course : 81 x 60 mm
- Rapport volumétrique : 12,0:1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par cardan
PARTIE-CYCLE
- Suspension : fourche télescopique inversée, diam 43 mm, réglable en précontrainte et en détente ; mono-amortisseur Pro-Link réglable en précontrainte et en détente
- Empattement : 1 595 mm
- Chasse/Déport : 28 degrés/107 mm
- Freins : 2 disques de 310 mm avec étriers 3 pistons à l’avant ; simple disque de 276 mm avec étrier double piston à l’arrière. C-ABS de série. Freinage couplé.
- Pneus : Bridgestone Battle Wing
110/80-19 à l’avant
150/70-17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- Le confort
- La protection bien étudiée
- La douceur du V4
- La qualité de fabrication
ON AIME MOINS
- Le poids élevé et haut perché
- La selle haute
- L’absence de régulateur de vitesse
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