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Dans les entrailles de la Bête!

Par Costa Mouzouris — Photos : Milagro et Costa Mouzouris

Custom et Ducati ne sont pas des mots qui vont bien ensemble d’habitude. Ils sont même plutôt antagonistes. La compagnie italienne est surtout réputée pour ses sportives et ses exploits en MotoGP ou en WSBK. Une grande partie de la technologie développée en compétition trouve même des applications sur les Panigale, Monster et Multistrada.

Pourtant, le constructeur de Bologne vient de lancer un custom, même si ce n’est pas sa première incartade dans le domaine. Les plus vieux d’entre vous se souviendront peut-être de la très rare Ducati Indiana qui a été produite de 1986 à 1988 en versions 350/650/750, à moins de 2500 exemplaires, par le groupe Cagiva, alors propriétaire de la marque bolonaise.

L’Indiana n’a jamais été offert au Canada — Dieu merci! — et n’a pas non plus connu un gros succès chez nos voisins du sud où elle a vite été retirée du catalogue. Si vous visitez le musée virtuel Ducati sur le site Internet de la compagnie, ou si vous avez la chance de vous rendre en Italie, au siège social de la marque, vous ne verrez aucune mention de l’Indiana. Comme si Ducati s’excusait de l’avoir produite.

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La XDiavel 2016 quant à elle sera plus mémorable que son aïeule. C’est une vraie bête et j’ai eu la chance de la dompter lors de son lancement international, dans la région de San Diego, en Californie. C’est l’interprétation italienne d’un phénomène foncièrement nord-américain et même si le constructeur de Panigale parle « d’excitation à basse vitesse » dans la littérature de la XDiavel pour qualifier son penchant pour les boulevards, on se rend compte lorsqu’on la conduit pour la première fois que les Italiens ont mal compris la définition de basse vitesse ou mal interprété le concept.

Malgré sa filiation avec la Diavel, la XDiavel est inédite et ne partage pratiquement aucune composante avec sa devancière. À part ses étriers de freins et ses pneus. Elle affiche un empattement plus long de 25 mm (1 615 mm) et une chasse plus ouverte de deux degrés. Son bicylindre en L Testastretta DVT à calage desmodromique variable est dérivé de celui de la Multistrada. Sa cylindrée est passée de 1 198 cc à 1 262 cc. Le twin a été revu de façon à éliminer les tuyaux de liquide de refroidissement entre les culasses à des fins esthétiques. Il a également été retravaillé pour offrir plus de puissance brute à bas régime. Même si son couple maximum est légèrement inférieur à celui de la Diavel, il s’établit à 95 lb-pi à seulement 5 000 tr/min soit 3 000 tr/min plus bas.

Quand on enfourche la XDiavel, elle révèle un siège bas, une portée relativement modeste pour atteindre le large guidon et des commandes au pied installées en position avancée.

Je ne suis pas un adepte de la position de conduite les pieds en avant, ce qui tombe bien dans le cas de la XDiavel dont l’ergonomie s’ajuste en plus de 60 positions différentes grâce à ses accessoires optionnels : trois guidons, cinq selles et quatre positions de repose-pieds.

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Une fois le moteur en marche, il n’est pas menaçant et n’émet pas une sonorité agressante. Mettez la moto en marche, ouvrez l’accélérateur en grand et vous saurez immédiatement ce que ressentent les hommes-canon. Heureusement, la selle creusée offre un bon soutien, ce qui sur une moto aussi puissante est apprécié. Je ne me souviens pas avoir piloté une moto de série qui vous arrache les bras avec autant de férocité. J’imagine que les concepteurs de chez Ducati ont dû se marrer en essayant de définir le concept d’excitation à basse vitesse. Cette machine est une brute absolue à l’accélération. Elle dispose même d’un mode de lancement — c’est bien le mot juste dans le cas de la XDiavel — dont la puissance est ajustable sur trois niveaux par l’intermédiaire des modes de conduite paramétrables. On les sélectionne grâce à un bouton discrètement situé derrière le maître-cylindre de frein avant. Ils auraient carrément pu l’appeler Xcatapulte.

Malgré ses airs de brutes, la XDiavel est plutôt civilisée, spécialement en ville. Même en mode « Sport ». L’accélérateur est facile à moduler pourvu que vous ne l’ouvriez pas en grand. Et si vous recherchez une plus grande douceur d’opération, il suffit de passer en mode « Urbain » lequel adoucit la réponse à l’accélérateur et limite la puissance à 100 chevaux au lieu de 156 en « Sport ». Mais à quoi bon se priver du plaisir quand il est si facilement accessible?

Bien que la XDiavel soit un custom, elle est fabriquée par Ducati. Et, de ce fait, son héritage génétique descend en ligne directe des Superbike de la marque.

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La XDiavel dispose ainsi de trois modes de conduite, d’un ABS, d’un antipatinage et d’un antiwheelie réglables. Lors de la présentation technique précédant notre sortie, je demandai au présentateur si un mode antiwheelie était bien nécessaire sur une moto dotée d’un empattement aussi long, plus long que celui de la Diavel. Ce qui déclencha immédiatement son hilarité : « vous n’avez pas encore conduit la moto, ça paraît! » répondit-il d’un air suffisant.

Cette réponse me revint à l’esprit en traversant un tunnel, en ville. Alors que j’étais sur le deuxième rapport, j’ouvris les gaz soudainement pour obtenir une réverbération d’échappement souterraine. Eh bien, tout ce que je peux dire c’est que c’était un excellent moyen d’éclairer le plafond du tunnel.

Nous empruntons les routes sinueuses au sud-est de San Diego. Installé directement derrière Claudio Domenicali, le PDG de Ducati PDG qui n’hésite pas à piloter ses motos lors des lancements auxquels il participe, je suis surpris de voir avec quelle agilité la XDiavel se manie. Il faut néanmoins relativiser. Le terme agile est un peu exagéré pour un custom de ce gabarit — on n’est pas aux commandes d’une sportive quand même —, mais le large guidon réduit l’effort de direction, et la moto penche aisément en virage. Elle peut flirter avec un angle maximal d’inclinaison de 40 degrés avant que quoi que ce soit touche terre.

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Ma dernière sortie au guidon d’une Diavel remonte à l’année dernière et je me souviens qu’elle avait la fâcheuse tendance à se relever au freinage, en virage, un effet secondaire du pneu arrière ultra-large. Cette mauvaise habitude est réduite sur la XDiavel qui fait preuve d’une plus grande neutralité de direction, peut-être en raison de sa géométrie adoucie. Une comparaison directe entre les deux machines aurait pu confirmer ou infirmer cette sensation de conduite. Néanmoins, la suspension se montre plutôt ferme, voire sportive, pour un custom. Ce qui explique son excellente tenue de route dans les grandes courbes rapides.

La XDiavel est un custom unique en son genre et j’applaudis Ducati à deux mains pour s’être éloigné du style à l’Américaine. J’en ai alors profité pour demander à Domenicali quelle clientèle Ducati visait réellement avec cette machine et sa réponse m’a surpris : « Nous ne construisons pas des motos en pensant à une clientèle particulière, nous construisons des motos qui excitent nos sens! » Et je dois reconnaitre que les Italiens comprennent ce que le mot excitation veut dire!

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FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits : 247 kg
  • Hauteur de selle : 755 mm
  • Capacité essence : 18 L
  • Consommation : N.C.
  • Autonomie : N.C.
  • Durée de l’essai : environ 300 km
  • Prix : 21 495 $ (24 495 $ pour le modèle S)

MOTEUR

  • Moteur : Bicylindre en L Ducati Testastretta DVT avec calage desmodromique variable, quatre temps, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre, Dual Spark
  • Puissance : 156 ch à 9 500 tr/min
  • Couple : 95 lb-pi à 5 000 tr/min
  • Cylindrée : 1262 cc
  • Alésage x course : 106 x 71,5 mm
  • Rapport volumétrique : 13 : 1
  • Alimentation : Système d’injection électronique Bosch, corps papillonnés elliptiques avec système Ride-by-Wire, diamètre 56 mm
  • Transmission : six rapports
  • Entraînement : par courroie

PARTIE-CYCLE

  • Cadre : treillis tubulaire en acier
  • Suspension : fourche inversée de 50 mm de diamètre ajustable. Monoamortisseur avec bonbonne séparée, entièrement réglable
  • Empattement : 1 615 mm
  • Chasse/Déport : 30 degrés/130 mm
  • Freins : 2 disques semi-flottants de 320 mm, étriers Brembo Monobloc, 4 pistons radiaux M4-32 à l’avant; simple disque de 265 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS Bosch actif en courbe de série.
  • Pneus : Pirelli Diablo Rosso II
    120/70ZR17 à l’avant
    240/45ZR17 à l’arrière

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VERDICT RAPIDE

ON AIME BIEN

  • La puissance du bicylindre Testastretta DVT
  • Son couple brutal et omniprésent
  • Sa tenue de route (pour un custom)

ON AIME MOINS

  • La position de conduite « les pieds en avant »
  • Son prix élevé

 

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