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La p'tite Panigale a du potentiel!

Texte : Costa Mouzouris– Photos : Milagro — Vidéoclip

Quand Ducati a lancé la Panigale 1199, la compagnie a radicalement changé la face des motos supersportives en adoptant un design en rupture avec son passé, mais aussi les codes de la catégorie. Au lieu d’opter pour un cadre treillis iconique de la marque, ou un cadre périmétrique en aluminium, comme c’est la norme dans le créneau, la firme de Borgo Panigale a opté pour un cadre monocoque en alu relié au moteur Superquadro. Une boucle arrière également en alu vient se greffer sur ce cadre tandis que le monobras oscillant est aussi rattaché au moteur; une configuration que BMW utilise depuis des années et que Vincent avait inaugurée, il y a des décennies.

La Panigale 899 présentée dernièrement à la presse internationale à l’autodrome Enzo et Dino Ferrari à Imola, en Italie, est une version plus abordable de la Panigale originale et s’adresse, selon Ducati, davantage aux pilotes sportifs qui conduisent sur route qu’à ceux qui consacrent le plus clair de leur temps à la piste, voire aux coureurs.

Dans la gamme Superbike du constructeur italien, la Panigale 899 remplacera la 848 EVO. Elle reprend la même architecture de base que la Panigale originelle, mais certains changements ont été apportés en vue de faire baisser son prix, mais aussi d’être plus facile à piloter par le motocycliste lambda. La 1199R que j’ai essayée à Austin, Texas, en mars dernier est en effet un monstre de puissance et demande un excellent niveau de pilotage pour livrer ses secrets.

La 899 est propulsée par une version de plus petite cylindrée du bicylindre Superquadro de sa grande sœur. Il cube à 898 cc — 50 cc de plus que le Testastretta de la 848 EVO —, et produit une puissance annoncée de 148 ch (47 ch de moins que la 1199) et un couple de 73 lb-pi. Cette puissance la place à égalité avec la nouvelle MV Agusta F3 800 (148 ch) et la Suzuki GSX-R750 (145 ch), quoique ses deux machines utilisent des architectures moteur différentes.

La pluie est venue gâcher ce lancement, mais Costa a su surmonter les difficultés.

La pluie est venue gâcher ce lancement, mais Costa a su surmonter les difficultés.

Le bicylindre à courte course atteint la zone rouge à 11 500 tr/min, 500 de plus que celui de la 848. Il utilise un accélérateur électronique Ride-by-Wire et d’énormes corps d’injection elliptiques mesurant 62 mm à leur section la plus importante. Il partage la même base moteur que la 1199, mais reçoit de nouveaux cylindres et une culasse avec des conduits et des soupapes de plus petits diamètres. Par ailleurs, les couvercles d’embrayage et du carter moteur sont en aluminium au lieu d’être en magnésium.

Les mesures d’économie ne s’arrêtent pas là. En effet, le réservoir à essence en alu cède sa place à un modèle classique en acier d’une capacité de 17 litres. Mais le plus changement, du moins visuellement, est l’adoption d’un bras oscillant double, plus court de 10 mm, de surcroît.

La fourche Showa BPF à gros pistons et le monoamortisseur Sachs sont ajustables en compression, en détente et en précontrainte du ressort. Ajuster la fourche se fait rapidement et facilement, les réglages de de la compression et de la détente étant situés sur le dessus de la fourche. Un amortisseur de direction Sachs monté horizontalement, légèrement en avant et sous le té de fourche permet de contrôler les mouvements intempestifs de la direction.

La position de conduite est identique à celle de la 1199, mais comparativement à la 848, les bracelets sont positionnés 10 mm plus hauts tandis que la selle est 30 mm plus rapprochés de ces derniers.

La 899 conserve la plastique de sa grande sœur, à notre plus grand bonheur.

La 899 conserve la plastique de sa grande sœur, à notre plus grand bonheur.

La jante arrière de 5,5 pouces est un demi-pouce plus étroite que celle de la 1199. Elle accueille un pneu de taille 180/60, en lieu et place du 200/55 de la Panigale 1199. La plupart des sportives sont chaussées de pneus arrière de la série 55, mais la 899 fait confiance à la série 60, la norme en Supersport mondial.

Curieusement, la géométrie de direction de la 899 est plus radicale que celle de sa grande sœur. La chasse de 24 degrés est plus fermée d’un demi-degré et l’empattement (1 426 mm) est réduit de 10 mm en raison du bras oscillant raccourci.

Enfin, les composantes du système de freinage diffèrent quelque peu également. Le diamètre des disques avant est réduit de 10 mm, à 320 mm et des étriers Brembo M4.32, plus courants, remplace les M50 haut de gamme. L’ABS ajustable est livré de série.

Sur la piste
«Faites attention à l’asphalte», nous avertit Beppe Gualini, le pilote d’essai Ducati, durant la réunion précédant notre première sortie. «Quand vous entrez dans Rivazza, le revêtement est vieux. Il a l’air sec, mais en réalité il est très glissant.»

Même si elle est performante sur piste, la 899 se destine plus à la route que la 1199.

Même si elle est performante sur piste, la 899 se destine plus à la route que la 1199.

«Quand vous arriverez sur la section fraîchement repavée, l’asphalte a l’air mouillé, mais la traction est meilleure», poursuit Gualini. «Surveillez les flaques d’eau qui traversent la piste, elles peuvent être dangereuses. De plus, des autos ont roulé ici durant le week-end et elles ont laissé beaucoup de gomme sur la chaussée.»

En raison de toutes ces mises en garde, mais aussi de la chaussée détrempée, je ne pourrais pas vous confirmer si, comme Ducati le prétend, la 899 est une meilleure moto de rue. D’autant que les pièces de cette piste ne m’inspiraient pas confiance dans les conditions météo peu favorables que nous avons connues à Imola. Par chance, Ducati avait chaussé toutes nos 899 d’essai de pneus pluie Pirelli, en remplacement des Pirelli Diablo Rosso Corsa d’origine. Ces pneus de course hyper adhérents nous ont permis de prendre contact avec la machine, sur piste, sans risque majeur. Aucun n’incident n’a été à déplorer, ce qui est un exploit. Je n’ose imaginer ce que ça aurait donné avec les montes d’origine…

Ceci est également à mettre au crédit de l’excellence des équipements électroniques qui équipent la 899. Même si la plupart des pilotes critiquent ouvertement l’électronique en affirmant qu’ils n’en ont nul besoin, passer une journée sur une piste mouillée, au guidon d’hypersportives surpuissantes, sans aucune aide électronique à la conduite relève de la gageure. Car, même si nous avons passé notre vie sans recourir à l’électronique, j’étais rassuré quand j’ai sélectionné le réglage «Wet» sur l’écran numérique de la 899. «Wet» est l’un des trois modes de gestions du moteur offerts sur la petite Panigale, en plus de «Sport» et de «Race».

Le mode «Wet» fait passer la puissance du moteur à 100 chevaux, active l’antipatinage et l’ABS au maximum (la moto possède 8 réglages d’antipatinage et 3 d’ABS). Chaque mode peut aussi être ajusté selon les préférences du pilote. Les techniciens de Ducati avaient ainsi réglé le mode «Wet» un cran en dessous des réglages maximum.

La 899 Panigale est aussi offerte en rouge Ducati, pour un surplus de 300$.

La 899 Panigale est aussi offerte en rouge Ducati, pour un surplus de 300$.

Quand votre pneu arrière évacue des gerbes d’eau, il faut faire preuve de témérité et de confiance pour accélérer fort en sortie de virage. Pourtant, à la troisième séance, j’accélérais presque aussi fort que sur le sec. Seule la lumière orange de l’indicateur «TC» (traction contrôle) qui clignotait sur l’écran me rappelait que la moto veillait à ma sécurité. Aux commandes de la 899, je ne ressentais rien d’alarmant. Juste l’accélération impressionnante et le grip étonnant des Pirelli pluie.

Le mode «Sport» offre la puissance maximale et une intervention moyenne de l’électronique (TC à 5 et ABS à 2). La puissance maxi est également au menu du mode «Race», mais, cette fois-ci, l’électronique est limitée au réglage minimum (TX à 2 et ABS à 1). On peut également désactiver les deux aides au besoin. La moto est équipée d’un shifter électronique qui permet de passer les rapports sans décélérer ni utiliser l’embrayage.

Sous la pluie, la puissance de freinage était impressionnante, encore une fois grâce à l’excellente adhérence des pneus pluie. L’ABS ne s’est jamais engagé, même lorsque j’ai freiné en urgence pour éviter de suivre un pilote qui avait court-circuité la chicane juste en avant de moi.

La 899 n’a pas recours à un embrayage à glissement limité, mais elle possède un contrôle électronique du frein moteur qui gère l’accélérateur. Je l’ai trouvé un peu intrusif dans son mode par défaut. Lorsque je descendais un rapport supplémentaire dans un virage, il embarquait subrepticement et la moto poursuivait sa course en roue libre pendant un moment, parfois jusqu’au point de corde, m’obligeant à freiner plus en virage, ce qui n’est pas recommandé.

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La seule critique émise par l’ensemble des pilotes concernait les repose-pieds, plutôt glissants dans les circonstances. À plusieurs reprises, mes pieds ont glissé du repose-pieds. Bien sûr, la pluie n’a pas aidé et, dans des conditions normales, ça ne devrait pas se reproduire, mais c’est gênant néanmoins. Même si très peu de pilotes braveront la pluie lors d’une journée de roulage et encore moins maintiendront un rythme sportif dans de telles conditions.

Originalement, j’avais prévu de rester sur le mode «Wet» pendant les séances matinales, afin de m’adapter à la piste et de passer en mode «Sport» en après-midi. Malheureusement, les averses du matin se sont transformées en pluie torrentielle l’après-midi, au point où nos hôtes les ont annulées. Ce qui était sage en la circonstance. Par ailleurs, ça m’a évité de détremper ma combinaison de cuir flambant neuve que j’inaugurais pour ce lancement.

Conclusion
À 15 995$ (16 295$ pour la version rouge), la 899 Panigale n’est pas forcément bon marché. Mais elle est tout de même 5 000$ plus économique que la 1199 de base. Elle comble un trou entre les sportives de moyennes cylindrées abordables et celles de prestige ou de grosses cylindrées. Ducati a même inventé le terme «Supermid» pour les catégoriser (entendez par là «super moyennes cylindrées»). Dans l’état actuel du marché, il n’existe encore aucune classe «stock» dans laquelle concourir avec cette moto au Canada, ce qui est également le cas de la 848 EVO ou de la GSX-R750, à moins de vouloir se mesurer aux motos de classe ouverte. Mais comme Ducati affirme que c’est avant tout une moto de rue, tout le monde est heureux…

Dans ma carrière, j’ai souvent piloté des Ducati de moyennes cylindrées dérivées de gros cubes et, presque invariablement, ces machines moins puissantes et plus légères s’avéraient plus plaisantes à piloter. Leur bande de puissance sont souvent plus étendues, leur accélération plus progressive, la réponse de l’accélérateur plus fine et leurs suspensions mieux calibrées. Et, bien que la pluie ne m’ait pas permis d’explorer plus profondément le caractère et le potentiel de la 899 sur piste, je dois avouer qu’elle représente, selon moi, une très bonne alternative à la 1199. Elle est plus adaptée à une utilisation sur route et plus facile à maîtriser. Un essai complet sur route sèche nous en apprendra plus!

Fiche technique

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits: 193 kg
  • Hauteur de selle : 830 mm
  • Capacité essence : 17 L
  • Consommation : N.C.
  • Autonomie : N.C.
  • Durée de l’essai: N.C.
  • Prix : 15 995$ (Blanche) – 16 295$ (Rouge)

MOTEUR

  • Moteur : Bicylindre en L, quatre temps, refroidi au liquide, distribution desmodromique, DACT, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 148 ch à 10 750 tr/min
  • Couple : 73 lb-pi à 9 000 tr/min
  • Cylindrée : 898 cc
  • Alésage x course : 100 x 57,2 mm
  • Rapport volumétrique: 12,5:1
  • Alimentation : injection électronique
  • Transmission : six rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE-CYCLE

  • Cadre : monocoque en aluminium
  • Suspension : fourche inversée Showa, diam 43 mm, entièrement réglable; mono amortisseur Sachs entièrement réglable
  • Empattement : 1 426 mm
  • Chasse/Déport : 24 degrés/96 mm
  • Freins : 2 disques de 320 mm et étriers Brembo Monobloc, 4 pistons radiaux à l’avant; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS de série.
  • Pneus : Pirelli Diablo Supercorsa SP
    120/70ZR17 à l’avant
    180/60ZR17 à l’arrière