L’explosion finale pour le moteur à combustion ?
Publié le 13 octobre 2021
Après 170 ans de bons et loyaux services, le moteur à explosion va être mis au rancart. Prétendument parce qu’il est trop polluant. C’est ce qu’on a dit du moteur deux-temps il y a quelques années, quand on l’a banni, même si on réalise aujourd’hui qu’il est possible de faire un deux-temps économique, peu gourmand et plutôt vert. Alors, pourquoi s’acharne-t-on sur le moteur à explosion s’il y a encore moyen de l’améliorer ?
Photos © Kawasaki, Zero, DR
Le premier moteur à combustion à un cylindre a été réalisé par Eugenio Barsanti et Felice Matteucci en 1854. Le moteur à combustion à deux temps a été créé par Étienne Lenoir en 1859. Le moteur à combustion à quatre temps a été inventé par Beau de Rochas en 1862, développé par Nikolaus Otto en 1867, puis perfectionné par Gottlieb Daimler et Wilhelm Maybach en 1886. Il a ensuite été suivi par le moteur à boule chaude en 1891, puis le moteur Diesel en 1893. Le moteur à explosion est indissociable du 20e siècle et de son développement technologique.
Mais son heure a sonné, semble-t-il. Pourtant, plusieurs compagnies travaillent à la mise au point de carburants propres appelés e Fuel, compatibles avec les moteurs thermiques actuels. Ainsi, Porsche vient de mettre au point un carburant de synthèse qui serait aussi propre que l’électrique et remplacerait avantageusement les énergies fossiles que l’on cherche à éliminer, avec raison.
Nonobstant ces avancées technologiques, les autorités semblent déterminées à éliminer les véhicules thermiques. C’est une guerre idéologique à laquelle on assiste. Et une guerre économique aussi. Car fabriquer un moteur à explosion est coûteux et nécessite un engagement très important en matière de coûts de propriété et d’entretien. Les futurs motocyclistes voudront posséder et conduire des motos électriques, notamment en raison de leur silence absolu, de l’absence de boîte de vitesse, de leur facilité de conduite et de leurs performances supérieures, une fois les problèmes d’autonomie résolus. Mais aussi, parce qu’ils n’auront rien connu d’autre.
Cette semaine, Kawasaki a annoncé ses plans d’avenir à moyen terme. La compagnie qui change de nom et de logo veut se donner une nouvelle image. Pourtant, on ne pas être plus Vert que Kawasaki. C’est même son surnom. D’ici 2025, soit dans trois ans, la marque d’Akashi va dévoiler 10 véhicules propulsés par des énergies alternatives — hybrides, électriques ou à hydrogène — et aura éliminé le thermique de sa production d’ici 2035, soit dans moins de 15 ans. C’est-à-dire demain.
La nouvelle fait suite à l’annonce de la création d’un consortium regroupant quatre grands constructeurs — Honda, KTM, Piaggio, Yamaha — en vue de créer un standard unique de batterie échangeable pour les motos électriques.
On le voit clairement, on se dirige à grands pas vers l’électrification des transports. C’est inéluctable et exponentiel. Quand on considère les sommes colossales que les pouvoirs publics, autant en Europe qu’en Amérique du Nord, débloquent pour imposer l’électrique, on se rend immédiatement compte de la volonté politique derrière cette métamorphose technologique et industrielle. S’y opposer est une bataille perdue d’avance.
Personnellement, je n’ai rien contre l’électrique, ni l’hybride, ni l’hydrogène, ni toute autre solution alternative qui fonctionnerait correctement. J’ai même eu du plaisir à piloter certaines motos électriques dernièrement. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, serais-je tenté de dire. En revanche, je trouve dangereux de nous rendre esclaves d’un monopole, une fois encore. Il suffit de voir le coût actuel du carburant (1,51 $ le litre de régulier, à la pompe, ce matin) pour réaliser le tort que nous cause notre asservissement au pétrole et à l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole).
Ne soyons pas naïfs, le jour où nous nous serons en masse convertis à l’électrique, Hydro Québec et toutes les agences énergétiques du monde ne se gêneront pas pour hausser leurs tarifs de façon drastique. Le mythe de l’électricité gratuite se désintégrera. Un mythe auquel ne succombent pas les Européens qui paient très cher leur électricité, laquelle est majoritairement d’origine nucléaire. Une double peine pour eux. Ailleurs dans le monde, l’électricité est souvent produite par des centrales au charbon. On repassera pour l’énergie verte et sécuritaire.
Le seul moyen d’empêcher notre dépendance vis-à-vis de l’électricité est d’avoir un parc auto/moto multiénergies dans lequel différentes solutions cohabiteront harmonieusement, ce qui donnera aux usagers un réel choix et un réel pouvoir d’influence.
Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher d’être nostalgique. Ma vie entière a été bercée par la mélodie des moteurs à explosion, par les effluves des gaz d’échappement ou de l’huile de ricin, dans le cas des deux-temps. Quand j’entends ou quand je sens passer un deux-temps, j’ai la chair de poule. Je sens mes poils se dresser sur mes bras. Mes vibrisses s’activent et frétillent furieusement. Je ne peux pas m’en empêcher. C’est mon cerveau reptilien qui prend le contrôle. De la même façon, j’aime les vibrations harmoniques qu’émettent les moteurs thermiques. Ce sont autant d’éléments qui nourrissent ma passion. Ils sont plus divertissants et plus essentiels que toutes les modes qui entourent la pratique de la moto. Ils sont ancrés en moi. Ils font partie de mon héritage génétique d’homomotardus.
Ces technologies anciennes pour ne pas dire ancestrales me définissent plus que l’électronique ou la robotique qui me laissent de glace. Pourtant, elles sont plus difficiles à mettre en œuvre, à maîtriser et à entretenir. Un moteur électrique est simpliste comparativement à un moteur thermique. Mais cette simplicité ne me procure aucun défi à relever ni aucun attachement émotionnel. Paradoxalement, j’apprécie plus aisément les choses difficiles à réaliser et à maîtriser. Je ne trouve aucun plaisir à la facilité. Je dois être maso.
Demain, si je suis encore en état de conduire, je me demande si la moto électrique parviendra à me procurer le même plaisir que j’en éprouve à piloter une moto thermique antédiluvienne. Sans électronique. Sur laquelle je suis encore maître de mon destin. C’est à voir…