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Chronique d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître

Photos : Didier Constant, Jean Constant, Denis Vayer, Chris Knowles, Suzuki, 

Cette année, malgré l’actualité sanitaire et toutes les contraintes qui l’accompagnent, je vais compléter ma saison d’essai la plus fructueuse de la dernière décennie. Au total, près d’une trentaine de motos auront franchi les portes de mon garage d’ici la fin octobre. Des motos que j’aurai eu la chance de tester sur piste, sur route et en sentier. Oui, vous avez bien lu. J’ai en effet été jardiner un peu dans les chemins non asphaltés. « Il faut savoir cultiver notre jardin », disait Candide sous la plume de Voltaire, conseil que j’ai suivi, au propre comme au figuré.

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En effet, cette année, pour la première fois de ma vie, j’ai fait un jardin — chose que j’avais juré ne jamais faire, tellement mon père m’a pris le chou avec le sien, dans mon adolescence — et j’ai récolté tomates, concombres, salades et diverses herbes. Retour à des plaisirs simples et à des gestes ancestraux. Comme faire son pain, chose que j’ai entreprise depuis le premier confinement. Un pur délice et un plaisir énorme.

Mes premiers émois en piste, sur ma Suzuki GSX-R750 1986

Mes premiers émois en piste, sur ma Suzuki GSX-R750 1986

Je ne sais pas si je suis les conseils de Candide parce que je prends conscience de ma finalité ou parce que je gagne en sagesse, mais toujours est-il que j’apprécie ce retour à des choses simples, authentiques.

La nostalgie, c’est l’apanage des vieux et des exilés. Ce que je suis, dans les deux cas. Le mot vient du grec ancien nóstos (retour) et álgos (douleur), soit, littéralement, le mal du pays. Il désigne généralement une mélancolie accompagnée d’un envoûtement par rapport à des souvenirs liés aux lieux de l’enfance, évoqués à travers une jouissance douloureuse.

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Essai Suzuki GSX 750 Katana 1989, au circuit de Jerez, en Espagne.

Mais la nostalgie n’est pas forcément passéiste ni négative. Le bon vieux temps, c’est le nôtre, mais ça ne signifie pas que l’on rejette le présent pour autant. Ni même le futur, d’ailleurs. En fait, c’était mieux avant, tout simplement parce qu’on était jeune et la tête pleine de projets, d’envies et de rêves. La vie commençait dans une ambiance dilettante et joyeuse. Insouciante. C’était la belle époque ! On faisait encore partie des plans d’avenir de la société et on était écouté, pris en compte. C’était l’apogée de notre jeunesse glorieuse, aujourd’hui envolée.

Mais cette nostalgie porte en elle une volonté d’avancer, de créer un univers mêlant le meilleur du passé et du présent pour faire un futur plus-que-parfait. Volonté que je ressens fortement aujourd’hui dans la génération des moins de 30 ans. « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ! » En fait, il suffirait d’unir les atouts des différentes générations pour parvenir à concilier l’inconciliable.

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Photo de mon père assis sur la Terrot M344 de mon grand-père prise vers 1948

Ce n’est un secret pour personne, je ne suis pas un grand fan de l’intrusion de l’électronique dans la moto. Et j’ai pu le vérifier davantage cet été. Les quelques problèmes que j’ai rencontrés ou les frustrations que j’ai vécues avec les motos que j’ai essayées venaient généralement de l’électronique. Ainsi, plusieurs de mes motos d’essai démarraient sans clé. Pratique, mais contraignant, voire risqué. Cette technologie n’est pas nouvelle, mais ces motos n’offraient même pas de solution mécanique pour démarrer à l’aide d’une clé physique en cas de panne ou de perte de l’onéreuse télécommande. D’autres demandaient que j’intervienne sur leurs réglages chaque fois que je changeais de terrain de jeu ou de domaine d’action. M’obligeant à perdre de précieuses minutes à configurer la machine selon l’environnement ou l’usage. Je comprends l’intention, mais ce n’est pas ce que j’aime faire quand je roule. Je ne suis pas informaticien, même si j’ai étudié dans le domaine au lycée et je ne suis pas un pilote d’usine entouré d’une armée de techniciens et d’ingénieurs. À moto, ce que j’aime c’est piloter, profiter de l’instant, de la route et des conditions. Rouler les nasaux au vent, musarder ou taper un chrono quand les conditions s’y prêtent. Les motards font souvent référence à la moto comme le véhicule de la liberté. Vous la voyez où la liberté dans ces machines robotisées, certes performantes, mais tellement contraignantes ? On est loin du sentiment d’insouciance qui m’a fait aimer les deux roues.

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Yamaha XSR 700 : moderne, mais simple. Comme quoi les deux sont conciliables.

Je rêve que les constructeurs retrouvent le sens de la mesure et développent des motos technologiquement évoluées, certes, mais laissant une marge de manœuvre plus grande à leurs utilisateurs. Un peu à la manière de Yamaha avec ses machines de la série 7 — R7MT-07, Ténéré 700, XSR 700 — qui ont recours à un minimum d’électronique, mais sont capables de nous offrir un maximum de plaisir et de performance. À de très rares exceptions, peu de motos ont besoin d’IMU sophistiqué, d’une pléthore de modes de conduite, d’antipatinage, d’antiwheelie et autres anti gadgets. ABS, poignées et sièges chauffants ou encore régulateur de vitesse basique suffisent amplement à mon bonheur. Pour le reste, ma main droite s’en charge, en conjonction avec mon cerveau. Lequel est toujours connecté.

J’aimerais retrouver, dans la production actuelle, les plaisirs simples qui m’ont fait adorer la moto dans ma jeunesse et sont à l’origine de ma passion dévorante pour elle. Retrouver l’insouciance de ma jeunesse. Et la légèreté de la vie.

« Une certaine légèreté demande plus d’efforts que la pesanteur, les leçons de morale, la gravité, l’ennui qui s’en dégage. Mais elle est liée aussi à une certaine grâce, au charme, au plaisir ! » dit Jean d’Ormesson.

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4 réponses à “Motonostalgie”

  1. Anne Boisselet

    Si la moto n’est pas mon fort, le jardinage – découvert avec la retraite plus qu’avec le confinement – m’est apparu comme une passion. Il oblige à calmer mon impatience, il « impose » ma première sortie, matinale, il calme mes agitations intérieures, il me stabilise là, ici et maintenant, pleine d’espoir, de ravissement, de déception parfois aussi…

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  2. pierre lachapelle

    Ma première moto avec de la techno était une Triumph sprint st 2005 muni d’un ordinateur de consommation : nombre heures de route, vitesse moyenne et top speed etc., facile à utiliser. Puis en 2012, acquisition d’une explorer 1200 avec des menus pas très faciles à utiliser. Ensuite, une Bmw s1000xr 2016 avec des menus plus faciles que l’explorer, mais chaque constructeur pense avoir la recette magique (pas sur!). Puis une explorer 2017 avec un menu plus simple que 2012, mais le manuel est indispensable. En 2018, une autre Triumph tiger 1200 xrx avec un écran tft 5 et démarrage sans clé (pas sure!) mais les menus sont plus conviviales, faciles à utiliser avec le Joy stick. Ensuite, tiger 900 gt 2020 avec écran 7 pouces avec Joy stick, mais avec une bonne vieille clé. L’utilisation devient plus simple lorsqu’on reste avec le même constructeur. Puis une Yamaha tracer9 avec 2 écrans et une molette qui n’ai pas simple à utiliser, ex. : poignées chauffantes, et trip odomètre (plusieurs manipulations sont nécessaires). Puis ma dernière, un Bmw s 1000 xr 2020 qui est assez difficile à utiliser. Avec 4 motos présentement, je doit me rappeler chaque spécification des menus surtout la bmw et la yamaha pour la triumph, je la maitrise mieux. Malheureusement, ce n’ai que le début des technologies d’aide à la conduite et la facture va continuer de grimper. Je ne crois pas qu’on va retourner en arrière, malheureusement. Comme toujours l’humain doit s’adapter.

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  3. Rémi Barrette

    Côté électronique, pas trop envahissant sur mon Harley Dyna 2006. À part l’injection d’essence et une jauge à essence électrique assez précise (quand la moto est droite…) il n’y a qu’un indicateur de vitesse, électrique lui aussi, et une petite horloge à pile-bouton que j’ai ajouté pour voir l’heure sans quitter la route des yeux.

    Aucune idée par quoi la remplacer. Je songe même à la remettre à carburateur si l’injection vient à faire défaut.

    Et j’ai fait un jardin moi-aussi, pandémie oblige. Une première en 40 ans.

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  4. Claude Lauzon

    Salut Didier, tu sais que tu avance en âge, quand tu retrouves le plaisir de rouler un bon vieux GL1200

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