Chronique d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître
Publié le 23 juillet 2021
Ce matin, je me sens délicieusement nostalgique et je vous livre une réflexion inspirée par l’approche des vacances — compliquées cette année —, mais aussi par deux magnifiques chansons de ma jeunesse qui tiennent une place importante dans mon cœur, La Maison sur Le Port, d’Amalia Rodrigues et La Bohème, de Charles Aznavour. Hommage à ma mère.
Photos : Didier Constant, Jean Constant, Denis Vayer, Chris Knowles, Suzuki,
Cette année, malgré l’actualité sanitaire et toutes les contraintes qui l’accompagnent, je vais compléter ma saison d’essai la plus fructueuse de la dernière décennie. Au total, près d’une trentaine de motos auront franchi les portes de mon garage d’ici la fin octobre. Des motos que j’aurai eu la chance de tester sur piste, sur route et en sentier. Oui, vous avez bien lu. J’ai en effet été jardiner un peu dans les chemins non asphaltés. « Il faut savoir cultiver notre jardin », disait Candide sous la plume de Voltaire, conseil que j’ai suivi, au propre comme au figuré.
En effet, cette année, pour la première fois de ma vie, j’ai fait un jardin — chose que j’avais juré ne jamais faire, tellement mon père m’a pris le chou avec le sien, dans mon adolescence — et j’ai récolté tomates, concombres, salades et diverses herbes. Retour à des plaisirs simples et à des gestes ancestraux. Comme faire son pain, chose que j’ai entreprise depuis le premier confinement. Un pur délice et un plaisir énorme.
Je ne sais pas si je suis les conseils de Candide parce que je prends conscience de ma finalité ou parce que je gagne en sagesse, mais toujours est-il que j’apprécie ce retour à des choses simples, authentiques.
La nostalgie, c’est l’apanage des vieux et des exilés. Ce que je suis, dans les deux cas. Le mot vient du grec ancien nóstos (retour) et álgos (douleur), soit, littéralement, le mal du pays. Il désigne généralement une mélancolie accompagnée d’un envoûtement par rapport à des souvenirs liés aux lieux de l’enfance, évoqués à travers une jouissance douloureuse.
Mais la nostalgie n’est pas forcément passéiste ni négative. Le bon vieux temps, c’est le nôtre, mais ça ne signifie pas que l’on rejette le présent pour autant. Ni même le futur, d’ailleurs. En fait, c’était mieux avant, tout simplement parce qu’on était jeune et la tête pleine de projets, d’envies et de rêves. La vie commençait dans une ambiance dilettante et joyeuse. Insouciante. C’était la belle époque ! On faisait encore partie des plans d’avenir de la société et on était écouté, pris en compte. C’était l’apogée de notre jeunesse glorieuse, aujourd’hui envolée.
Mais cette nostalgie porte en elle une volonté d’avancer, de créer un univers mêlant le meilleur du passé et du présent pour faire un futur plus-que-parfait. Volonté que je ressens fortement aujourd’hui dans la génération des moins de 30 ans. « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ! » En fait, il suffirait d’unir les atouts des différentes générations pour parvenir à concilier l’inconciliable.
Ce n’est un secret pour personne, je ne suis pas un grand fan de l’intrusion de l’électronique dans la moto. Et j’ai pu le vérifier davantage cet été. Les quelques problèmes que j’ai rencontrés ou les frustrations que j’ai vécues avec les motos que j’ai essayées venaient généralement de l’électronique. Ainsi, plusieurs de mes motos d’essai démarraient sans clé. Pratique, mais contraignant, voire risqué. Cette technologie n’est pas nouvelle, mais ces motos n’offraient même pas de solution mécanique pour démarrer à l’aide d’une clé physique en cas de panne ou de perte de l’onéreuse télécommande. D’autres demandaient que j’intervienne sur leurs réglages chaque fois que je changeais de terrain de jeu ou de domaine d’action. M’obligeant à perdre de précieuses minutes à configurer la machine selon l’environnement ou l’usage. Je comprends l’intention, mais ce n’est pas ce que j’aime faire quand je roule. Je ne suis pas informaticien, même si j’ai étudié dans le domaine au lycée et je ne suis pas un pilote d’usine entouré d’une armée de techniciens et d’ingénieurs. À moto, ce que j’aime c’est piloter, profiter de l’instant, de la route et des conditions. Rouler les nasaux au vent, musarder ou taper un chrono quand les conditions s’y prêtent. Les motards font souvent référence à la moto comme le véhicule de la liberté. Vous la voyez où la liberté dans ces machines robotisées, certes performantes, mais tellement contraignantes ? On est loin du sentiment d’insouciance qui m’a fait aimer les deux roues.
Je rêve que les constructeurs retrouvent le sens de la mesure et développent des motos technologiquement évoluées, certes, mais laissant une marge de manœuvre plus grande à leurs utilisateurs. Un peu à la manière de Yamaha avec ses machines de la série 7 — R7, MT-07, Ténéré 700, XSR 700 — qui ont recours à un minimum d’électronique, mais sont capables de nous offrir un maximum de plaisir et de performance. À de très rares exceptions, peu de motos ont besoin d’IMU sophistiqué, d’une pléthore de modes de conduite, d’antipatinage, d’antiwheelie et autres anti gadgets. ABS, poignées et sièges chauffants ou encore régulateur de vitesse basique suffisent amplement à mon bonheur. Pour le reste, ma main droite s’en charge, en conjonction avec mon cerveau. Lequel est toujours connecté.
J’aimerais retrouver, dans la production actuelle, les plaisirs simples qui m’ont fait adorer la moto dans ma jeunesse et sont à l’origine de ma passion dévorante pour elle. Retrouver l’insouciance de ma jeunesse. Et la légèreté de la vie.
« Une certaine légèreté demande plus d’efforts que la pesanteur, les leçons de morale, la gravité, l’ennui qui s’en dégage. Mais elle est liée aussi à une certaine grâce, au charme, au plaisir ! » dit Jean d’Ormesson.
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