MotoGP — GP de Losail, Qatar

Texte : Didier Constant — Photos : constructeurs

Au lancement du tour de chauffe, on avait l’impression que la messe avait été dite et que la course se résumerait à un duel entre Marc Marquez et sa Honda RC213V, le duo dominateur de la saison dernière, auteur de 13 victoires et Andrea Dovizioso et sa Ducati GP15, le binôme de l’heure, qui a réussi l’exploit de réaliser la pole position, la veille au soir. Pole position qui venait confirmer l’extraordinaire travail effectué par l’équipe Ducati depuis le début de la saison 2014 et plus particulièrement durant l’hiver, en plus de mettre du baume au cœur de Dovisiozo et Iannone, auteurs des deux meilleurs temps en qualifications, qui pouvaient ainsi envisager une bonne performance en course, voire réaliser l’exploit d’un doublé. D’autant plus qu’on retrouvait trois Ducati aux cinq premières positions, dont une « vieille » GP14.2 pilotée par Yonny Hernandez.

Si la performance des GP15 ne fait plus aucun doute depuis le début des essais hivernaux, il restait cependant aux Rouges à confirmer en course. Car la question sur toutes les lèvres concernait la capacité de la moto développée par Gigi D’All’Igna et son équipe à tenir sur la durée d’une course. Dans le cas des GP14.2/GP14.1 de l’équipe Pramac et celui des GP14 de l’écurie Avintia, leur bonne prestation en qualifs s’expliquait par le recours au pneu « Soft » réservé aux équipes Factory 2 et Open. Pour l’avoir constaté à maintes reprises en 2014, on savait qu’elles seraient performances en début de course, mais baisseraient de rythme par la suite, comme le confirmait Dovizioso, après sa pole.

Dovizioso (04), Iannone (29) et Rossi (46) à la lutte en début de course

« Cette moto (la GP14, NDRL.) n’était pas normale en entrée de virage. Elle sous-virait et taxait beaucoup le pneu avant, qui voyait son niveau d’adhérence chuter drastiquement au fil de la course. Et elle était très fatigante à piloter. Dans les derniers tours, je n’avais plus le jus pour l’emmener à la limite. C’est un sentiment très spécial que celui d’être aussi compétitif sur ce premier GP. La GP15 est une très bonne base. Bien sûr, nous ne connaissons pas encore parfaitement notre nouvelle machine, et nous avons encore une marge de progression. Mais je suis confiant et je pense que nous pourrons nous battre pour le podium, même si je sais que ces gars sont très rapides et que ça ne va pas être facile. »

Voir Jorge Lorenzo réaliser un excellent départ de la deuxième ligne et prendre la tête de la course devant Dovizioso et Iannonce au deuxième tour fut une énorme surprise. Comme d’assister à la sortie de piste de Marc Marquez dans le premier virage, après avoir loupé son freinage, ce qui le plaçait bon dernier. Le Champion du Monde en titre effectue alors une remontée fantastique dont il a le secret, dépassant les pilotes qui le précédent un après l’autre pour se retrouver en 10e position après quelques tours seulement.

Jorge Lorenzo

Pendant que Lorenzo est installé aux commandes de l’épreuve, Rossi, parti de la huitième position, se retrouve dixième à la fin du premier tour. De tous les pilotes de pointe, il est le seul à avoir choisi un pneu avant « hard », les autres optant pour un « medium », ce qui le handicape en début de course, mais devrait l’aider dans les derniers tours. C’est du moins ce qu’il espére secrètement. Dès le septième tour, Rossi remonte plusieurs concurrents et se porte en quatrième place, derrière les deux officiels Ducati, après s’être débarrassé de Dani Pedrosa qui le suivait comme son ombre depuis le lancement de l’épreuve. Il occupe cette position jusqu’aux trois quarts de la course. À quatre tours de la fin, il dépasse Iannone qui commence à baisser de rythme, puis Lorenzo qui décroche à son tour. Les derniers tours donnent lieu à une bataille épique entre Dovisiozo et Rossi, les deux s’échangeant la position tête à plusieurs reprises. Rossi parvient à doubler Dovizioso en virage pour voir ce dernier le repasser dans la ligne droite, à l’aspiration, avec une vitesse de pointe supérieure de près de 20 km/h. Le manège se répète pendant 3 tours, inéluctablement. Puis, dans le dernier tour, Rossi parvient à passer son remplaçant chez Ducati et à se maintenir en tête jusque dans le dernier virage, conserver son momentum à la sortie de celui-ci et franchir la ligne d’arrivée avec une mince avance sur la Ducati pour remporter la première course de la saison, à la surprise de tous.

Ils sont suivis par Iannone et Lorenzo, en lutte pour la dernière position sur le podium, tandis que Marquez s’empare de la cinquième place après une course mémorable, quelques secondes devant son coéquipier Pedrosa.

Valentino Rossi

« C’est l’une de mes plus belles victoires, jubile Valentino dans le parc fermé. Je suis parti de loin, j’ai attaqué très fort, et ma moto s’est très bien comportée. J’ai fait de bonnes courses ces trois dernières années et j’ai eu des podiums, mais revenir comme ça avec une victoire est vraiment différent. Je suis très heureux parce que nous avons beaucoup souffert durant les essais, mais aussi lors des tests hivernaux. Nous avons cependant très bien travaillé pour les 22 tours de la course et j’ai été très fort. Il fallait d’abord avoir un peu de chance et au final le travail que nous avons fait avec l’équipe tout au long de ce week-end a fait la différence sur mon rythme de course. C’est l’une des meilleures courses de ma carrière, surtout quand on pense où j’étais la veille. Je remercie toute l’équipe, mes ingénieurs et tout le monde chez Yamaha parce que je pense que nous avons fait quelque chose d’incroyable aujourd’hui. »

Même s’il est déçu de ne pas avoir remporté ce GP du Qatar, Dovizioso est satisfait de sa performance et de la tenue de sa GP15 : « C’est un résultat encourageant pour Ducati comme pour moi. Après tout ce que nous avons enduré ces dernières années, c’est une récompense pour le travail que nous avons fait ensemble. Je ne m’attendais pas du tout à être aussi compétitif dès la première course et c’est vraiment un résultat extraordinaire. Je tiens à remercier tous les ingénieurs et les gens qui travaillent à Bologne, qui avaient fait en sorte que la moto soit prête à temps pour les tests de Sepang 2, puis les mécaniciens qui ont travaillé si dur tout le week-end et toute l’équipe de Ducati Corse pour leur engagement dans ce projet. Iannone et moi avons obtenu deux places sur le podium pour Ducati et c’est un excellent résultat, mais je crois surtout que ce n’est qu’un point de départ pour notre avenir. »

Dans le cas de Iannone, « l’émotion est incroyable pour ma première course en tant que pilote d’usine… Je suis tellement heureux. »

Lorenzo, longtemps meneur de l’épreuve, rate le podium de peu mais n’est pas déçu de sa performance: « La course a été difficile. Après le premier tour, je me suis retrouvé à la deuxième place et j’ai suivi Dovizioso. J’étais plus rapide et j’ai doublé où je pouvais, dans les courbes rapides. La Ducati est bien plus forte que notre moto en termes de vitesse de pointe et de freinage mais nous pouvions revenir grâce à notre vitesse de passage en courbe tandis que l’accélération était similaire. Honnêtement, je pensais pouvoir remporter la course, même si ça aurait été difficile étant donné que Valentino avait un excellent rythme à la fin. Je me sentais de mieux en mieux mais un morceau de mousse de la partie supérieure de mon casque s’est détaché et j’ai perdu la moitié de mon champ de vision. Je ne voyais plus très bien les virages, je ne pouvais pas me concentrer et je perdais une demi-seconde par tour, voire plus. J’ai fini quatrième dans une course où je me suis au minimum battu pour la victoire. »

Marc Marquez

Pour Marquez, qui admet son erreur, l’issue de la course est plus positive qu’il ne l’aurait cru en début de course : « Je peux être satisfait parce que j’ai récupéré onze points qui sont très importants. J’aurais très bien pu repartir sans rien. La course a été très dure, j’ai fait une erreur dans le premier virage et je me suis retrouvé dernier. J’ai donc dû remonter, faire mon maximum durant toute la course, mais au final je n’ai pas pu rattraper le groupe de tête. Le point positif est que nous avons roulé au même rythme que le groupe de tête. Nous continuerons à travailler à Austin, avec peu être encore plus de motivation. »

Après avoir franchi la ligne d’arrivée en sixième position au Grand Prix du Qatar, Dani Pedrosa a annoncé qu’il souffrait d’un syndrome des loges depuis l’an dernier. Le pilote de l’équipe Repsol Honda a expliqué qu’il souffrait de plus en plus de son avant-bras droit et qu’il allait tenter de trouver une solution médicale. L’Espagnol est donc incertain pour la seconde manche du Championnat du Monde MotoGP 2015, qui aura lieu le 12 avril au Circuit of the Americas et sera directement suivie par l’épreuve de la République argentine.

Derrière les six officiels Yamaha, Ducati et Honda, Cal Crutchlow, Bradley Smith, Pol Espargaro et Yonny Hernandez complètent le Top 10 à l’arrivée. Aleix Espargaro termine 11e sur sa GSX-RR, suivi par Danilo Petrucci, Scott Redding, Maverick Vinales et Hector Barbera, les derniers pilotes à récolterdes points au Qatar. Barbera termine par ailleurs premier pilote Open, devant Stefan Bradl, Nicky Hayden et Eugene Laverty.

Mike Di Meglio

Mike Di Meglio finit 19e, devant Alex DeAngelis et Marco Melandri. Loris Baz, 22e, est le dernier pilote classé. Il a malheureusement été victime d’un pneu défectueux pour ses débuts en MotoGP et a dû passer par les stands avant de repartir pour continuer son apprentissage.

Karel Abraham et Jack Miller ont été victimes de chutes tandis qu’Alvaro Bautista et son Aprilia ont été contraints à l’abandon sur bris mécanique.

Prochain rendez-vous le 12 avril au Circuit of the Americas, à Austin, Texas, pour le Grand Prix des États-Unis