Des changements subtils
Dernière moto de la série R à adopter le bicylindre à double arbre à cames en tête issu de la HP2 Sport, après la GS et la RT, la R1200R s'accommode très bien de cette mutation. BMW profite de l'occasion pour proposer une version Classic dotée d'une livrée rétro qui plaira à coup sûr aux quinquagénaires. Un modèle Touring avec un petit saute-vent d'origine et une gamme d'accessoires spécifiques destinés à renforcer son caractère baroudeur est également proposé. Les deux machines sont par ailleurs identiques en motorisation et en partie cycle ne se distinguant l'une de l'autre que par de menus détails esthétiques.
Visuellement, il faut regarder la nouvelle R1200R attentivement pour noter les évolutions par rapport au modèle précédent (essai R1200R 2008). BMW aurait pu profiter de cette remise à niveau pour moderniser le look et ainsi attirer un plus grand nombre d'amateurs. À l'évidence, la compagnie a favorisé la voie du changement dans la continuité. Les lignes sont toujours tendues et, à l'avant, on a l'impression d'être en présence d'une moto « décarénée », plutôt que d'une moto dénudée. Cela dit, j'applaudis à deux mains l'utilisation d'un réservoir métallique sur la R. Je peux ainsi continuer à utiliser ma sacoche de réservoir fétiche sur une Béhème! De plus en plus rare...
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Dans sa version Classic, la R1200R rappelle de bons souvenirs aux vieux de la vieille. |
Nous avons eu l'occasion d'essayer les deux versions de la R à la suite l'une de l'autre, afin de tenter de percevoir d'éventuels traits de caractère particuliers, mais, pour être franc, il a été difficile, voire impossible de faire le moindre distinguo entre les deux sœurs jumelles. Personnellement, c'est le modèle Classic avec son look rétro qui me rappelle les BMW de mon enfance, celles que l'on voyait dans les films policiers français des années 60, avec leur robe noire soulignée d'un filet blanc, qui attire le plus mon attention. Pour des raisons esthétiques autant que culturelles, mais aussi à cause de ses jantes rayonnées et de ses accessoires chromés qui lui vont à ravir. Nos versions d'essai bénéficiaient de plusieurs options fort pratiques, comme l'ordinateur de bord, les suspensions à ajustement électronique ESA, l'antipatinage et l'ABS partiellement intégré. Le nec plus ultra!
En plus de l'adoption du moteur DACT à 8 soupapes qui développe maintenant 110 chevaux, la nouvelle R1200R se distingue de sa devancière par ses jantes redessinées, ses poignées passager de série, son silencieux d'échappement raccourci de 6 cm, sa valve à l'échappement, sa béquille centrale de série, son nouveau tableau de bord, ses rétroviseurs modifiés et sa fourche dont le diamètre des tubes plongeurs a été accru de 35 mm à 41 mm. La description de ces modifications est fastidieuse, mais elle donne une idée des doléances que les anciens propriétaires ont présentées à BMW. Des reproches somme toute limités à quelques points de détail.
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Stable, joueuse et maniable, la R1200R est plus sportive que son look le laisse croire. |
Les bienfaits de l'évolution
Pourtant, dès les premiers tours de roue, on est surpris de l'impact de ces améliorations sur le comportement dynamique du roadster de la firme de Munich et sur son agrément de conduite.
Équipée de sa selle standard creusée, dont l'assise est relativement basse — 800 mm au réglage intermédiaire (elle s'ajuste de 760 mm à 830 mm) — la R 2011 offre une position de conduite légèrement plus redressée par rapport à celle du modèle précédent. Cependant, on a les deux pieds bien à plat au sol et on prend instantanément la mesure du roadster. Les commandes tombent naturellement sous la main et, grâce au guidon à large cintre qui facilite les manœuvres, sa prise en main est instinctive. Malgré un certain poids, la machine fait preuve d'une maniabilité étonnante et se pilote aisément dans la circulation ou dans les espaces restreints. Pas intimidante pour un rond.
La sonorité du moteur évolue, mais pas comme sur la GS et la RT. On ne retrouve pas le son viril de la nouvelle GS, ni ses petites pétarades à la fermeture des gaz. Le Boxer dopé émet une note un poil feutrée là où on attendait un son plus rauque, plus viril. L'effet de contre-couple caractéristique du moteur Boxer est toujours présent, bien que nettement estompé, et se rappelle au bon souvenir des aficionados de cette série mythique. Car dans l'univers globalisé et aseptisé d'aujourd'hui, les BMW de la série R font un peu bande à part. Elles détonnent, mais étonnent toujours autant, après des décennies sur le marché. En fait, chaque fois que je les fais découvrir à un Béotien — et c'est encore plus vrai avec la R1200R — je suis surpris de voir à quel point il est déstabilisé par l'expérience. Plusieurs de ces essayeurs improvisés ne s'en remettent jamais et deviennent accros au flat-twin, alors que d'autres développent une aversion immédiate.
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Peinture noire à bande blanche, roues à rayons, échappement et rétros chromés, teinte grise pour le cadre et le moteur, voilà ce qui distingue la Classic du modèle de base. |
Très coupleux à bas régime, comme son prédécesseur, le Boxer s'élance sur un filet de gaz, dès 1 200 tr/min, sans broncher. Il tire avec force à bas régime, mais c'est entre 3 500 et 7 000 tr/min qu'il est le plus expressif. Dans cette plage idéale, il offre des reprises et des accélérations franches. Très plein, il permet des dépassements rapides sans devoir descendre un ou plusieurs rapports. Un vrai charme. Au-delà, le flat twin continue à tirer jusqu'à l'approche de la zone rouge qui débute à 8 700 tr/min, mais il se montre moins agréable à utiliser. Sur routes secondaires, la consommation d'essence se maintient entre à moins de 6,0 litres au cent pour une autonomie théorique de plus de 300 km. Pas mal du tout dans les circonstances.
La boîte de vitesse à six rapports ne cesse de se bonifier d'une génération à l'autre. Si autrefois, les motos de la série R étaient équipées de boîtes rétives, bruyantes et imprécises, la situation a bien évolué depuis. Sur le millésime 2011, le passage de la première s'accompagne encore d'un « klonk » caractéristique (pour ne pas dépayser les propriétaires d'anciens modèles?), mais ensuite tout se met en place. La sélection des rapports s'effectue en douceur (on peut même passer les vitesses à la volée sans crainte), avec précision (sans faux point mort). L'embrayage est doux et son point de friction facile à maîtriser.
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Hyper stable sur l'angle, la R1200R inspire confiance à son pilote. |
La partie cycle n'est pas en reste et fait montre d'une efficacité indiscutable. Pour peu que l'on soit habitué au comportement particulier du Telelever (absence de plongée, même au freinage, retour d'information du pneu avant réduit) et du Paralever, on s'adaptera très rapidement à ce châssis étonnamment stable et affûté. Les suspensions gomment les irrégularités de la chaussée avec une telle maestria que l'on a l'impression de rouler sur des routes en bon état — un comble au Québec — au risque de nous amener à faire preuve d'un enthousiasme débordant. De plus, nos deux modèles d'essai étaient équipés du système ESA qui permet d'ajuster la suspension électroniquement. Un charme à utiliser. La tenue de route est exemplaire en toutes circonstances, tout comme la stabilité en virage. Mais ce qui surprend plus, c'est l'étonnante vivacité de ce châssis avec lequel on prend des angles impressionnants avec une facilité qui frise l'insolence. Et en toute sécurité.
À l'aise en mode balade, la R1200R l'est tout autant quand on augmente la cadence. Tant qu'on ne la brusque pas, elle est capable de suivre un rythme carrément sportif sans se désunir. Ça ne fait pas d'elle une sportive pure et dure pour autant, mais aux mains d'un pilote chevronné, elle pourra briller dans différents environnements.
Le freinage avec ABS partiellement intégré est irréprochable. Efficace et endurant, il s'acquitte à merveille de sa tâche et fait preuve d'une bonne transparence à l'usage.
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Ses lignes sont sobres et classiques, mais elles commencent à dater un peu. |
Confort et polyvalence
Avec sa position de conduite neutre, la R1200R est parfaitement adaptée au tourisme. Sa selle confortable, ses suspensions bien calibrées et sa protection adéquate pour un roadster, lui permettent d'envisager de longs voyages, en solo ou en couple sans crainte. Sur la version Touring, le petit saute-vent d'origine se montre assez efficace, à défaut d'être vraiment esthétique. Il redirige le flot d'air à l'écart du torse et du casque et vous permet de rouler à bonne allure sans taxer vos cervicales. Un modèle plus long est également offert au catalogue de BMW pour ceux qui n'aiment pas avoir le vent dans le visage.
Grâce à leurs points d'ancrage pour les valises latérales de BMW, les deux R1200R se transforment immédiatement en moto de tourisme, faisant ainsi preuve d'une polyvalence peu commune. Elles peuvent changer de personnalité en un tournemain, en fonction des accessoires qu'on leur greffe et ainsi s'adapter à la situation ou à l'humeur de leur propriétaire. À ce chapitre, il faut reconnaître que le catalogue d'accessoires de la marque allemande est bien fourni. Assez pour que vous puissiez donner libre cours à vos envies...
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La R1200R a un penchant naturel pour les courbes.... |
Vive la Classic-Touring
Alors? Classic ou Touring? Personnellement, je choisirais la Classic-Touring, même si elle n'existe pas officiellement. Car il suffit en effet d'installer un saute-vent, une sacoche de réservoir et des sacoches rigides sur la Classic, pour obtenir le look rétro et l'efficience qui caractérisent ces deux versions. Délaissée des amateurs de la marque à l'hélice qui lui préfèrent la GS ou la RT, la R1200R est, à mon avis, la perle rare de la série R. Une moto polyvalente, attachante qui synthétise l'âme Boxer et la rend accessible au plus grand nombre, à un tarif presque raisonnable. À moins bien sûr de l'équiper de toutes les options proposées au catalogue, auquel cas la facture grimpera rapidement. |