Mini tour du québec à moto
Publié le 18 mars 2014
De la fenêtre de ma chambre située au rez-de-chaussée de l'Hôtel Tadoussac, j'ai une vue imprenable sur le Fleuve. Le soleil rasant de cette fin d'après-midi d'automne baigne la plage et la marina d'une lumière orangée presque irréelle. La surface de l'eau, au loin, scintille de mille éclats. Comme si le soleil se reflétait sur des millions de pépites d'or. L'eau est lisse, sans vague. Quelques rides viennent donner un peu de relief à ce miroir naturel dans lequel les mâts des bateaux se reflètent, semblant vouloir gratter le fond de la baie, comme pour en extraire un ultime fragment de métal précieux. C'est sublime! Fascinant! J'imagine ce qu'ont dû ressentir les premiers colons français quand ils ont débarqué à Tadoussac, la première fois.
À l’origine, nous devions être deux pour effectuer ce voyage. Mais voilà! Je me retrouve seul, à la dernière minute. Le photographe qui devait m’accompagner s’est décommandé à la dernière minute. Juste après avoir consulté le site d’Environnement Canada. La météo annonçait une semaine grise, pluvieuse et froide. Typique de la fin du mois de septembre. De quoi avoir mal au dos, en effet. Si je m’écoutais, moi aussi je me trouverais une excuse bidon. Mais ce n’est pas mon genre. J’ai donc contacté pas moins d’une dizaine d’amis motocyclistes afin que l’un deux m’accompagne sur ce périple. Des gens qui, habituellement, auraient sauté sur l’occasion. Mais là, ils étaient tous mystèrieusement occupés. Et qu’ils le fussent tous en même temps m’étonna franchement.
Mais ils auraient du se souvenir que la météorologie n’est pas une science exacte, loin de là. En fait, la semaine a été magnifique. Ensoleillée, avec une température oscillant entre 20 et 30 degrés. Et je ne me suis pas géné pour en profiter.
D’habitude, je me rends directement de Montréal à Québec par l’autoroute 40, pour ensuite continuer vers Charlevoix, ou Manicouagan, selon ma destination finale. J’habite à proximité de la 40 et j’aime bien faire une pause à Québec. J’y connais quelques bons restaurants — le Cochon Dingue est l’un de mes préférés — et plusieurs de mes amis y résident. Généralement je joins l’utile à l’agréable..
Mais pas cette fois-ci. Je décide d’emprunter le Chemin du Roi, la route 138 qui longe le Fleuve. À partir de St-Sulpice, cette route touristique traverse la campagne québécoise qui, en cette matinée, est endormie. Il faut dire qu’il est encore tôt. Plus loin, la 138 flirte avec le Saint-Laurent et ses îles pour aboutir dans le Vieux-Trois-Rivières. C’est une balade que l’on effectue à un rythme détendu, en prenant le temps d’observer le paysage.
Arrivé tôt dans la capitale mauricienne, j’y flâne une partie de la matinée. Je commence par une visite du musée Boréalis. Cet ancien lieu industriel transformé en centre d’histoire nous fait découvrir la rivière Saint-Maurice au temps de la drave, la forêt, les bûcherons et l’histoire de la grande industrie papetière.
Je traîne ensuite mes galoches sur la rue des Forges et ses terrasses, dans le Vieux-Trois-Rivières et j’en profite pour déjeuner, avant de reprendre la route. Toujours par le Chemin du Roi, jusqu’à Québec. En route, on traverse des villages charmants comme Neuville, Cap-Santé, Deschambault ou Grondines où l’on peut observer un patrimoine bâti exceptionnel et admirer des paysages sublimes.
Je poursuis mon périple, ne m’arrêtant qu’à Baie-Saint-Paul, un coin que je connais bien et que j’adore. Petite pause à la terrasse du Bistro du Monde, pour prendre un rafraîchissement, mais surtout pour profiter du soleil en cette journée d’automne radieuse. La saison touristique tire à sa fin et le village est moins achalandé qu’à l’habitude. C’est calme et ça fait du bien de se détendre un peu.
Comme j’ai un peu de temps et que je ne veux pas m’ennuyer sur la 138, je décide de prendre la route 362 qui longe le Saint-Laurent entre Baie-Saint-Paul et la Mabaie, en traversant Les Éboulements, puis St-Irénée et sa fameuse plage. Cette route panoramique plutôt montagneuse qui longe les escarpements de la rive, est nettement plus intéressante à moto. Elle tourne, virevolte, grimpe vers le ciel, pour replonger ensuite dans le Fleuve, tout de suite après avoir dépassé le Manoir Richelieu. Là, elle rejoint la 138 qui nous mène alors à Tadoussac, ou plus loin encore. Jusqu’à Baie-Comeau, Sept-Îles ou Natashquan, où cette route, l’une des plus anciennes du Canada, prend fin.
À Tadoussac aussi les rues sont calmes. Seuls quelques touristes français se baladent à la recherche d’un bon resto, ou d’un souvenir à ramener à la famille ou aux amis restés en France. Même le Gîbar, un des bons bistrots de l’endroit, est presque désert. Je m’y arrête pour prendre une bière fraîche. J’ai une heure à tuer avant d’aller souper à La Galouine où j’ai réservé. Dans le fond de la salle, un jeune couple s’embrasse comme s’ils étaient seuls au monde, alors qu’au bar, un habitué de l’endroit sirote sa bière tranquillement en déshabillant du regard la serveuse qui lui tourne le dos. Il a l’air trop timide pour tenter de la séduire. Ou trop grisé, allez savoir. De toute façon, elle n’a pas l’air très intéressée par ce client et l’ignore ostensiblement. Pendant ce temps, je gribouille quelques notes dans mon calepin et je jette un coup d’œil rapide aux photos que j’ai prises durant la journée, sur l’écran arrière de mon appareil.
Les jours suivants, l’itinéraire préparé par l’Alliance Québec à moto allait me mener à Baie-Comeau, où je n’ai jamais mis les pieds auparavant, puis à Chambord, au Lac-Saint-Jean, en passant par Sacré-Cœur, via la route 172 Ouest qui longe la rive nord du fjord du Saguenay, pour ensuite rentrer à Montréal par La Tuque et la Mauricie.
Mais auparavant, je décide de faire un détour par la rive sud du fjord. Il serait dommage de s’en priver. Je suis dans la région, la température est belle et j’ai du temps. J’aime beaucoup la route 170 qui relie Saint-Siméon à La Baie. Son tracé, son rythme, ses panoramas, son isolement relatif. Mais là, elle est en réfection, comme toutes les routes du Québec semble-t-il. De longues portions de la 170 sont en terre et en graviers en raison des travaux. Une bonne occasion pour m’amuser un peu avec la Yamaha Super Ténéré que j’ai choisie pour m’accompagner dans cette aventure. Et qui ne déteste pas ce genre d’excursion hors du bitume. À Petit-Saguenay, je quitte la route principale pour faire un arrêt au quai du village d’où on a une vue exceptionnelle sur le fjord et prendre quelques photos. Je pousse ensuite jusqu’à l’Anse-Saint-Jean, un village pittoresque qui vient d’être accrédité Village-Relais par le ministère des Transports et qui a fait l’actualité à la fin des années 90 en s’autoproclamant «royaume municipal» et en élisant un roi.
Quand je quitte Tadoussac le lendemain matin, un soleil radieux baigne la région. L’air est frais et la route déserte. Un de ces matins magiques qui vous rappelle pourquoi vous aimez tant rouler à moto. La route s’enfonce dans des espaces infinis, à perte d’horizon. D’un côté, une forêt dense d’épinettes parsemée de taches jaunes et rouges qui viennent rompre la monotonie du décor. L’automne est bien à nos portes. De l’autre côté, le littoral tourmenté, façonné par les éléments, au fil des siècles. Le vert des arbres se mélange alors au bleu du Saint-Laurent. Et le soleil matinal illumine cette nature grandiose. Une invitation à la contemplation. Difficile de résister à la magie de l’instant.
En route pour Baie-Comeau, je fais un arrêt au Centre d’interprétation et d’observation de Cap-de-Bon-Désir, à Bergeronnes, où m’attend une guide-interprête. La visite est brève, mais intéressante, même si je n’ai pas la chance d’apercevoir de baleines. Pourtant, on m’a assuré qu’elles étaient encore là.
La balade se poursuit sous le soleil jusqu’à Forestville où un épais brouillard enveloppe soudainement la région. Ce qui fait que je ne vois rien de la route, ni du panorama jusqu’à Baie-Comeau où j’arrive en début d’après-midi. Je profite de cette température inhospitalière pour aller visiter le Jardin des Glaciers, un site d’interprétation, d’exploration et d’éducation sur les glaciers. Les zones Nature et Adréanaline étant fermées à cette période de l’année, je me concentre sur la zone Spectacle qui offre une présentation multimédia de classe mondiale qui nous fait traverser 20 000 ans d’histoire pour comprendre l’impact des glaciers et de leur fonte sur les premiers peuples autochtones ainsi que sur le territoire.
À ma sortie, le brouillard est toujours là. Épais, impénétrable. Je n’ai pour ainsi dire rien vu de Baie-Comeau et de sa région. Comme c’est le week-end, que je voyage seul et que mon téléphone cellulaire ne fonctionne pas, je n’ose pas m’aventurer sur la route 389 qui mène aux centrales hydroélectriques Jean Lesage (Manic 2) et Daniel Johnson (Manic 5), puis, ultimement, jusqu’à Fermont et au Labrador. Sur la Côte-Nord, comme en Gaspésie et dans d’autres régions, Bell Mobilité et Telus jouissent d’une exclusivité qui prive les usagers des autres réseaux cellulaires d’accès, aux dépens de leur sécurité.
Heureusement, mon séjour à Baie-Comeau est très agréable. En raison de l’accueil chaleureux que je reçois à l’Hôtel Le Manoir, dont le confort et les prestations sont à la hauteur de ses quatre étoiles, mais aussi de la qualité de la table du restaurant La Cache d’Amélie où je soupe. Aménagé dans l’ancien presbytère de l’église Sainte-Amélie de Baie-Comeau, ce relai gourmand intime et chaleureux propose un menu gastronomique qui le classe parmi les meilleures tables du Québec. Qui plus est, les propriétaires Lynn Harvey, la directrice de l’établissement et Glenn Forbes, le chef, sont charmants et avenants. La cuisine est d’inspiration française. Elle est raffinée et propose des produits du terroir de grande qualité. Un must si vous passez par Baie-Comeau.
Le brouillard m’accompagne sur la voie du retour pour se dissiper comme par miracle à Forestville. Le soleil m’avait attendu et il m’a tenu compagnie durant le reste du voyage.
Après une nuit à la Ferme 5 Étoiles, à Sacré-Cœur, un centre de vacances toutes saisons située en pleine nature, sur les bords du fjord, je me dirige vers Chambord pour une visite organisée du village historique de Val-Jalbert. J’avais déjà entendu parler de l’endroit, mais je ne m’y étais jamais arrêté. Pour être franc, je m’attends à un attrape touristes, mais, une fois sur place, je suis surpris par la magnificence du site, par son ampleur, mais surtout par la qualité de la restauration effectuée sur les bâtiments. Plus de 19,7 millions de dollars ont été investis en 3 ans et le résultat en vaut la chandelle. Le soir, je soupe au Restaurant du Moulin dirigé par le chef Carl Murray, une table gourmande et raffinée, digne du décor historique époustouflant qui l’accueille.
Le lendemain matin de bonne heure, je quitte à regret mon condo du complexe d’hébergement «Chalets et Spa Lac Saint-Jean», à Chambord, afin de rentrer à Montréal avant l’heure de pointe du soir. Je prends la route 155, une des préférées des motocyclistes. Elle longe la rivière St-Maurice, du Lac Saint-Jean à Trois-Rivières, en passant par la Tuque. Cette route sinueuse faite de grands virages rapides traverse des paysages de cartes postales. Elle est si belle que Tourisme Mauricie en a fait un circuit touristique appelé judicieusement la «Route des Rivières». En chemin, je fais une pause au parc des chutes de la Petite Rivière Bostonnais. Un arrêt qui vaut le détour. Puis, arrivé à la hauteur de Grandes Piles, je bifurque vers le Parc national de la Mauricie que je traverse sans embûches. En semaine, le parc est calme et peu patrouillé, surtout en fin de saison. Une bonne façon de mettre un terme à un voyage magnifique.