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Go West, Young Man !

Bienvenue à Sturgis!

Texte : Costa Mouzouris — Photos : Brian J. Nelson, Tom Riles et Costa Mouzouris

BLACK HILLS, DAKOTA DU SUD – « Vous revenez d’une balade à moto? » me demande le chauffeur de la navette de l’aéroport en voyant mon équipement.

« J’étais à Sturgis pour le rassemblement moto. Je me suis promené en Harley », lui répondis-je.

« Cool! Tant qu’à aller à Sturgis, autant le faire en Harley », commenta-t-il.

J’acquiesçais.

La présentation des modèles 2012 de Harley, à laquelle j’étais convié, a eu lieu à Salt Lake City, mais seulement une poignée de journalistes, dont moi-même, ont été invités à piloter une sélection de ces modèles à travers le Wyoming pour rejoindre Sturgis, au Dakota du Sud. Une balade mémorable de 1 200 kilomètres pour assister à l’un des rassemblements moto les plus réputés au monde.

Le deuxième jour, Costa a délaissé la minimaliste Softail Blackline pour la confortable Switchback. Pour faire de la route, c'est quand même mieux.

Le deuxième jour, Costa a délaissé la minimaliste Softail Blackline pour la confortable Switchback. Pour faire de la route, c’est quand même mieux.

Ma première visite à Sturgis remonte à plus de 20 ans. Un voyage mémorable, marqué par la délinquance, la débauche et les excès en tout genre. Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Depuis, j’y suis retourné à plusieurs occasions, mais chaque fois en Harley — les deux sont indissociables, comme Laurel et Hardy.

À l’époque, j’avais les cheveux longs et la barbe fournie. J’étais aussi pas mal plus intrépide qu’aujourd’hui. J’avais fait le voyage aller-retour entre Montréal et Sturgis, soit près de 5 800 km, sur un Sportster. Ceux qui ont déjà piloté la bête apprécieront.

Dans une tentative de renouer avec le passé et de retrouver mon audace d’antan je décidai d’entreprendre cette balade dans les Black Hills au guidon de la minimaliste Softail Blackline, un casque ouvert sur la tête et des lunettes de soleil sur le nez, afin de sentir l’air frais sur mon visage.

Rat bike ou interprétation rétro?

Rat bike ou interprétation rétro?

Ni sacoches, ni pare-brise, ni luxe ostentatoire. Seulement la présence mythique du V-Twin dans sa plus simple expression. J’ai même pensé un instant attacher mon bagage au-dessus du phare, comme le faisaient Dennis Hopper et Peter Fonda dans Easy Rider, mais je me suis ravisé. Sagesse ou embourgeoisement? Toujours est-il que j’ai transféré mon ordinateur et mon sac dans le camion qui nous suivait.

Avec son guidon étroit et surbaissé, ses repose-pieds montés loin à l’avant et sa garde au sol réduite, la Blackline est tout sauf une routière au long cours. Le type même de la boulevardière faite pour frimer en ville.

Le deuxième jour, les yeux rougis par le vent et la poussière de la veille et le cou endolori par l’absence de protection contre les éléments, j’ai décidé de reconsidérer mon choix de monture. À 46 ans, ma vieille carcasse aime le confort — je dirais même qu’elle en a besoin — et j’optais alors pour la confortable Dyna Switchback, une nouveauté 2012 dotée de sacoches, d’un pare-brise et d’une ergonomie invitante.

La Switchback 2012 dans toute sa splendeur.

La Switchback 2012 dans toute sa splendeur.

Avec son design dérivé de celui d’une FL à quatre vitesses des années 50, la Switchback est beaucoup plus impressionnante en personne qu’en photo, malgré ses jantes à cinq bâtons qui dénotent un peu avec l’ensemble. Une jante à rayons ou une ancienne roue à neuf branches serait plus en harmonie avec la machine, me semble-t-il.

La Switchback est ce que Harley appelle une « convertible ». Ses sacoches et son pare-brise s’enlèvent en un tournemain pour donner à la belle un look dépouillé, mais musclé. Le bicylindre monté souple sur silentblocs génère un niveau de vibrations élevé à travers le châssis et affirme sa présence.

La moto se comporte parfaitement sur l’autoroute, jusqu’à 120 km/h, sans osciller, ni souffrir des vents latéraux. Le pare-brise produit quelques turbulences, comme son dessin le laisse présager, mais après une journée sans protection aucune, j’accueillais sa présence avec un enthousiasme non dissimulé.

L'inévitable Mont Rushmore.

L’inévitable Mont Rushmore.

Grâce à sa direction neutre et à sa garde au sol raisonnable, la Switchback semble à son aise sur les routes sinueuses sélectionnées par nos hôtes et permet d’adopter un rythme soutenu. La suspension souple s’avère confortable et efficace sur ces routes en bon état.

Quant aux sacoches, bien qu’elles soient moyennement logeables, elles accueillent mon énorme sac à dos, mon habit de pluie et mon appareil photo. Il me reste même un peu de place, en cas de besoin.

Je déambule sur Main Street, en regardant des « bikeuses » à demie nues, avec des étoiles sur les seins pour tout soutien-gorge et des gros méchants tatoués barbus circuler sur d’improbables choppers surbaissés. Je me dis alors que Sturgis n’avait pas changé et méritait toujours le détour. Mais, à mon avis, c’est surtout la balade par la route qui traverse les Black Hills qui est vraiment magique et justifie le déplacement.

Au guidon de la Switchback, Costa a sillonné les magnifiques routes des Black Hills.

Au guidon de la Switchback, Costa a sillonné les magnifiques routes des Black Hills.

Après avoir passé la matinée à observer la foule bigarrée sur Main Street — un sport national à Sturgis — Alex Carroni, la responsable des médias pour Harley, Bertrand Gahel et moi-même décidons de nous rendre au parc Custer, à 120 km de Sturgis. Nous traçons notre itinéraire à l’aide d’une carte routière, à l’ancienne. À Sturgis, il n’y a pas grand monde qui utilise un GPS… «ces trucs-là, c’est pas pour les hommes! » me diraient sûrement les « bikers » du coin.

L’autoroute 16A qui mène à l’entrée du parc serpente à travers les montagnes, dessinant un trajet tortueux et enivrant entre les murs de granit érodé. La vue est magnifique. L’étroite bande d’asphalte qui découpe le paysage est parfois à peine plus large qu’une auto et demande toute l’attention de la part du pilote.

Une fois dans le parc, nous choisissons de faire une balade d’observation de la vie sauvage. Pour 10 $ par tête de pipe, on nous promet des troupeaux de bisons, des antilopes et des moutons sauvages. Que dalle! Pas l’ombre d’une bête sauvage. Il faut dire que le bruit des Harley équipées d’échappements libres a sûrement le don de faire fuir le plus sociable des animaux.

Au hasard d'un détour, nous avons eu la chance d'observer un troupeau de bisons.

Au hasard d’un détour, nous avons eu la chance d’observer un troupeau de bisons.

Nous avons eu la chance d’apercevoir un troupeau de bisons, un kilomètre après la sortie du parc, dans un champ beaucoup plus calme (nous avons failli faire demi-tour pour exiger un remboursement). Un peu plus loin, sur le bord de l’autoroute 87, nous avons même croisé un bison de près — trop près à notre goût — et croyez-moi, ces bestioles-là sont impressionnantes. De la taille d’un petit Winnebago et peut-être aussi lourdes.

Après les émotions de la journée — les femmes à demi nues et les bisons avaient fait lever notre niveau de testostérone à Bertrand et à moi —, nous décidons de passer la soirée dans un bar local, le Budd Ugly’sà Rapid City, en quête d’une bonne bagare, comme dans les westerns. Et nous avons été servis! Sur le fronton du bar, une pancarte annonce un Championnat de lutte pour nains en ces termes : « La moitié de la taille, le double de la violence! ». Tout un programme! Le combat se déroule sous la voute étoilée, à l’arrière du bar. Il oppose Huggie Cub, 1,32 m pour 61 kg au géant Meatball, un colosse de 2,02 m et 132 kg. Contre toute attente, Huggie terrassa Meatball et nous sommes devenus fans, sur-le-champ.

Notre expérience tira à sa fin trop rapidement et nous avons dû quitter Sturgis la veille de l’ouverture officielle du festival, même si la ville avait déjà des airs de fête. Depuis 1938, le rassemblement de Sturgis a eu lieu presque tous les ans (si on omet une brève interruption durant la Deuxième Guerre mondiale) et bien que l’assistance soit en baisse constante depuis quelques années, sa popularité n’est pas en jeu. Les milliers de motos alignées sur Main Street et la horde de motards sillonnant les routes des Black Hills, lesquelles ne manqueront pas d’envahir la ville dans quelques heures, sont à mon avis une preuve de la santé de ce ralliement.

À Sturgis, comme à Daytona ou dans tout rassemblement moto qui s'impose, on retrouve une foule bigarrée dans les rues. Tatouages et petites tenues de rigueur!

À Sturgis, comme à Daytona ou dans tout rassemblement moto qui s’impose, on retrouve une foule bigarrée dans les rues. Tatouages et petites tenues de rigueur!

Les Harleys et les rassemblements de motards sont synonymes. Les uns ne vont pas sans les autres. Ils attirent traditionnellement des gens en marge de la société, le genre de ceux qui, au moins dans le passé, constituaient les plus loyaux clients de Harley. Et Sturgis est peut-être le plus authentique de ces rassemblements. Il est situé dans un environnement marqué par l’histoire de l’ouest sauvage — Wild Bill Hickok a été tué dans un saloon, pas très loin de là, à Deadwood — et par l’omniprésence des montagnes des Black Hills que traversent de magnifiques routes sinueuses à souhait.

Si vous n’avez rien à faire durant la première semaine d’août, ramassez une carte routière, quelques amis et partez à l’Ouest! Direction Sturgis.Vous vivrez une expérience inoubliable. Surtout si vous y allez en Harley… Mais de grâce, cachez votre GPS avant d’arriver en ville!