1992-2017 : 25 ans d’évolution
Publié le 27 janvier 2017
Le lancement de la nouvelle Honda CBR1000RR 2017 au circuit de Portimao, en Algarve, dans le sud du Portugal, marque le 25e anniversaire de naissance de la CBR99RR originelle. Nous avons profité de l’occasion pour passer en revue les différentes générations de cette moto mythique.
Par Didier Constant et Zef Enault — Photos gracieuseté de Honda
À l’origine, la CBR 900 RR est une 750 destinée à la compétition, connue sous le nom de code « CBR 750 RR ». Honda cherchait à créer un quatre cylindres en ligne capable de prendre la relève de sa légendaire RVF 750 d’endurance aux 8 Heures de Suzuka.
À la suite de ces recherches, l’équipe menée par l’ingénieur Tadao Baba décide de redéfinir la supersportive en réduisant les dimensions et le poids de leur machine pour gagner en performances malgré une puissance modérée. Cette approche permet de réaliser une moto dont les qualités en termes de freinage et de maniabilité seraient inédites, une machine aussi intuitive dans ses réactions qu’une moto de course, mais correspondant à une fabrication de grande série.
Tadao Baba n’était pas un ingénieur comme les autres. Entré chez Honda à 18 ans, en 1962 (la marque n’avait alors que dix ans d’ancienneté !), il n’a pas suivi un parcours classique. Il apprit son métier sur le tas, en situation. Il commença par travailler pendant trois ans à la fabrication des culasses et des vilebrequins des petites CB 72 et CB 77. Puis il accéda au département R&D de Honda. Il s’est ainsi, au fil des ans, imprégné de la culture Honda, si spécifique, toujours tournée vers l’évolution, quitte à faire parfois des choix étranges. Seule cette marque japonaise s’est penchée sur autant d’architectures moteur différentes, sur autant de possibilités techniques inédites, comme par exemple les pistons ovales des NR, les moteurs à plats, en ligne, en V, des trois cylindres deux temps ou des six cylindres quatre temps, les transmissions par fluides…
Tadao Baba n’a quitté Honda qu’en 2009. La dernière CBR à laquelle il participa au développement fut le modèle 2002. Il était connu pour fumer énormément, et chuter parfois en essai avec ses CBR… Impétueux.
Comment lui est venu l’idée de proposer une sportive à la cylindrée plus faible que la concurrence, en plein règne de la furieuse GSX-R 1100 ? « C’était en 1989, se souvient-il dans une interview accordée au journaliste anglais Kevin Ash. Nous comparions les Kawasaki Tomcat 1000, Yamaha FZR 1000, Suzuki GSX-R 1100 à notre CBR 1000 F. Je me suis alors demandé comment on pouvait désigner ‘sportives’ des motos aussi lourdes. Ce fut le début de mon travail. Nous avons commencé par étudier une CBR 750 RR, mais nous avions déjà la VFR, à mi-chemin entre sportive et sport GT. La meilleure solution m’apparaissait dans un 900 cm3. Le plus difficile fut ensuite de convaincre le département marketing de produire une moto qui ne serait pas engagée en compétition et qui serait d’une cylindrée inférieure aux autres. Le pari était osé, mais nous l’avons gagné. » Plus tard, Tadao Baba avouait que l’une des motos qui l’a le plus impressionné fut la Ducati 916, sortie en 1994, pour sa finesse et son équilibre.
Performances de classe ouverte et mensurations de moyenne cylindrée
Appelé Fireblade en Europe, la CBR900RR est lancée en 1992. Elle constitue la réponse de Honda aux Kawasaki GPz900R, Suzuki GSX-R1100 et Yamaha FZR1000. À peine deux kilos plus lourde que la CBR600F2, elle fait osciller la balance à 185 kg, 34 de moins que la FZR1000, sa plus proche compétitrice. Elle développe une puissance surprenante (pour l’époque) de 124 ch à 10 500 tr/min, pour une cylindrée de 893 cc et atteint 270 km/h en vitesse de pointe. La CBR900RR est encore aujourd’hui perçue comme la sportive la plus radicale produite par Honda.
Au cœur de cette hypersportive, on retrouve le fameux concept de « Total Control » cher à Honda, qui est à l’origine du succès de la CBR-RR. Et 25 ans plus tard, ce concept est toujours d’actualité. Le but : obtenir une sportive performante, mais aussi très facile à piloter rapidement sur circuit et sur route.
La CBR1000R à l’assaut du WSBK
Après deux augmentations de cylindrées en 1996 (929 cc) et 2000 (954 cc) au cours desquelles la CBR-RR gagne en puissance et évolue en partie cycle, la Honda adopte, en 2004, une cylindrée de 1000 cc afin de s’adapter au nouveau règlement du Championnat du monde de Superbike (WSBK). C’est ainsi qu’est née la CBR1000RR, une machine qui allait de nouveau repousser les limites de la sportivité.
En 2008, la neuvième génération de CBR-RR met en vedette une sportive plus compacte et sophistiquée dans laquelle un énorme travail de centralisation des masses a été effectué. Du coup, la CBR1000RR offre les performances d’une moto de classe ouverte et les mensurations d’une 600 cm³. Facile à piloter sur les petites routes la CBR1000RR est une lame sur les circuits les plus techniques. Depuis, elle a évolué dans le détail jusqu’à la machine qui a été présentée en cette fin de janvier 2017, à Portimao.
Pour les amateurs, voici un bref historique de la mythique Honda CBR-RR.
1992 — CBR900RR (893 cm³)
Première génération
Initialement conçue en tant que 750 cm³, la première CBR 900 RR combine finalement la puissance d’un bloc de 893 cm³ avec une partie cycle ultralégère et une géométrie agressive. Elle pèse 185 kg à sec, pour 124 ch. Seule sa jante avant de 16 pouces, destinée à favoriser la maniabilité, ne convient pas. Mais la Honda révolutionne le genre sportif.
1994 — CBR900RR (893 cm³)
Deuxième génération
La CBR900RR 1994 évolue au niveau de l’efficacité du moteur et reçoit une fourche avant entièrement réglable. Elle gagne en maniabilité et en efficience en plus d’offrir une tenue de route inédite dans le créneau. La recherche de la légèreté se poursuit avec l’adoption d’une culasse en magnésium et le remplacement de plusieurs pièces moteur qui troquent l’acier pour l’aluminium. Le style évolue également de façon spectaculaire. Les feux doubles indépendants sont devenus des feux à réflecteurs multiples de forme irrégulière connus sous le nom de « « yeux de tigre », et le carénage adopte des surfaces plus lisses et plus aérodynamiques.
1996 — CBR900RR (919 cm³)
Troisième génération
Une évolution significative avec un moteur plus puissant qui gagne en cylindrée (+ 1 mm d’alésage pour 919 cm³) associé à un cadre offrant une rigidité optimisée. De plus, la forme du réservoir et la position de conduite ont été améliorées, accroissant ainsi la maniabilité. L’aérodynamique est améliorée. Le 4 cylindres gagne quatre chevaux pour une puissance maximale de 128 ch et un nouveau capteur de position TPS dans la rampe de carburateurs. Grâce à un tuyau d’échappement en acier inoxydable, à la nouvelle forme du réservoir de carburant et à l’élimination de la pompe à carburant, la CBR900RR perd deux kilos.
1998 — CBR900RR (919 cm³)
Quatrième génération
Dès le début, les motos de la série CBR ont été conçues pour être aussi légères que possible. Pour 1998, 80 pour cent des pièces de la CBR900RR de 1996-1997 sont redessinées. Le poids sec descend à 180 kg, ce qui améliore la performance dynamique. La partie cycle gagne en efficacité avec l’adoption de pièces plus performantes : pivot de bras oscillant plus rigide, bras oscillant allégé, mais très rigide avec une nouvelle forme effilée, échappement aux dimensions révisées. Sans oublier une foule d’améliorations à d’autres éléments afin d’accroître la stabilité à haute vitesse. La puissance gagne deux chevaux, à 130 ch.
2000 — CBR929RR (929 cm³)
Cinquième génération
La CBR grimpe en cylindrée et change de patronyme pour devenir CBR929RR en Amérique du Nord. Première CBR-RR à profiter d’une alimentation par injection PGM-FI, la 929 inaugure aussi une toute nouvelle partie cycle avec un bras oscillant solidaire du moteur de façon à obtenir un ensemble plus léger et plus compact.
2002 — CBR954RR (954 cm³)
Sixième génération
Autre accroissement de cylindrée, autre changement de nom. Plus légère et plus puissante que la version précédente, la CBR954RR dispose désormais d’un cadre et d’un bras oscillant plus légers, de repose-pieds rehaussés et d’un habillage plus aérodynamique.
2004 — CBR1000RR (998 cm³)
Septième génération
Inspirée par la RC212V 990 de MotoGP, la CBR1000RR arrive avec une longue liste de nouvelles technologies dont un nouveau moteur de 998 cm³, la première génération d’amortisseur de direction à contrôle électronique HESD et la suspension arrière Unit Pro-Link.
2006 — CBR1000RR (998 cm³)
Huitième génération
Plus légère et plus facile à piloter grâce à de nombreuses améliorations, dont un bras oscillant allégé, des suspensions revues et un nouveau système d’échappement.
2008 — CBR1000RR (999 cm³)
Neuvième génération
Un tout nouvel habillage autour d’un cadre en aluminium allégé et d’un moteur encore plus puissant. Repoussant plus loin les limites de la centralisation des masses, la CBR1000RR 2008 profite d’un échappement en position basse et d’un embrayage à glissement assisté pour améliorer la stabilité au freinage et dans les entrées de virages.
2009 — CBR1000RR (999 cm³)
Dixième génération
La CBR1000RR ABS devient la première sportive à recevoir un ABS combiné électronique. Ce système de freinage par câble convertit les pressions hydrauliques générées par le pilote sur le levier et la pédale de frein en signaux électroniques. Il les communiquent ensuite à une unité qui gère la force de freinage à appliquer. Cette technologie longtemps exclusive à Honda a fait entrer les sportives dans un monde de performance et d’évolutions inédit.
2010 — CBR1000RR (999 cm³)
Onzième génération
Bien que basée sur le modèle de 2009, la onzième génération CBR100RR a été affinée dans chaque domaine pour offrir au pilote une sportivité accrue. Pour atténuer les variations de couple, le diamètre du volant moteur a été augmenté et le point d’attache de la manivelle du vilebrequin a été rendu plus rigide, entraînant une augmentation de la masse inertielle du vilebrequin et des pièces connexes. La réponse de l’accélérateur a également été améliorée. Plusieurs pièces (ventilateur de radiateur, bride de tuyau d’échappement, boulons, etc.) ont été allégées afin de faire baisser le poids.
2012 — CBR1000RR (999 cm³)
Douzième génération
Le millésime 2012 marque le 20e anniversaire de la CBR et pérennise l’héritage de deux décennies de « Total Control ». Elle se démarque par l’adoption d’une fourche Showa BPF (Big Piston Fork) et d’un monoamortisseur BFRC (Balance-Free Rear Cushion). Le moteur bénéficie quant à lui d’une injection révisée.
2014 — CBR1000RR (999 cm³)
Treizième génération
La CBR1000RR évolue en douceur. Le moteur subit quelques modifications dans le but d’améliorer son rendement et le double système d’injection séquentielle programmée (PGM-DSFI) reçoit une nouvelle cartographie pour s’adapter aux évolutions de la culasse et de l’échappement. Mais la grosse nouvelle vient de la sortie d’une version SP qui bénéficie d’une sélection rigoureuse de certains composants tels que les pistons et les bielles au cours du processus de fabrication du moteur pour ne retenir que ceux qui se rapprochent le plus de la tolérance optimale (on appelle ça la métrologie). Un embrayage à glissement limité, des suspensions Öhlins, des freins Brembo monobloc et de nouveaux tés de fourche usinés dans la masse font leur apparition sur la sportive Honda. Elle reçoit également un tableau de bord multifonction ACL qui inclut de nombreux modes destinés à la course.
2017 — CBR1000RR (999 cm³)
Quatorzième génération
La CBR change de cadre, de suspensions, de roues… Elle rattrape son retard en matière de poids sur la concurrence. Preuve en est son réservoir en titane ! Honda annonce 196 kg tous pleins faits (un kg de moins pour la version SP). Pour une puissance de 192 ch. Plus étonnant, son empattement très court de 1 405 mm. Il s’explique par la compacité de la moto et par l’arrivée d’une électronique très performante, la CBR se dote enfin de l’antipatinage, important pour la compétition. Car c’est là qu’elle s’illustrera.