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Pilote d'usine pour un week-end

Texte : Didier Constant — Photos : Photoclik.es, Christophe Bermudez, Jérôme Monamy, Christophe Soive et Didier Constant

C’est le début du mois d’octobre. Il fait un temps magnifique; le soleil plombe sur le fabuleux circuit de Catalunya. Bien que le tracé soit rapide, il n’est pas trop technique. Pourtant, il comporte quelques pièges qu’il convient de maîtriser si l’on veut rouler vite et en toute sécurité. En abordant pour la première fois le virage no. 10, à la fin de la ligne droite menant au Stadium, je ressens une peur prospective qui m’incite à redoubler de prudence. Au mois de juin dernier, au Grand Prix de Catalunya, assis dans la tribune G, à la sortie du Stadium, avec des amis, nous avons été témoins d’une vingtaine de chutes au bout de cette ligne droite — perte de l’avant au freinage —, dont 6 ou 7 dans la seule course de MotoGP. Lorsque j’arrive au panneau de 200 mètres, le compteur de la CBR1000RR indique près de 230 km/h. Je suis en quatrième. Je me relève, je freine super fort, je descends deux rapports et je me jette dans le gauche serré en prenant bien soin de relâcher la pression sur le frein avant. Puis je balance tout à droite pour le virage no. 11. J’accélère à fond en sortie de courbe, je passe la trois alors que je suis encore sur l’angle et je plonge à droite dans le 12. Gaz en grand dans la descente! Je coupe à peine les gaz pour attaquer le dernier virage du circuit et j’ouvre en grand pour négocier la longue ligne droite des stands… Quel plaisir! Et quel circuit magique! Je commence à comprendre ce que peuvent ressentir Marquez et compagnie sur de telles pistes.

Au fil des sorties, je prends confiance et j’améliore mes temps grâce aux précieux conseils de Sébastien Charpentier, qui est mon instructeur pour l’occasion. Au terme de la première journée de roulage, j’ai retranché six secondes à mon chrono initial et cinq autres secondes le deuxième jour. J’attends donc la dernière journée de ce roulage avec impatience, fermement décidé à descendre sous la barre des 2’10…

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Circuit de Catalunya

Un concept premium

First-on-track (FOT), c’est un concept qui a germé dans la tête des frères Yvan et Ludovic Genestier, au début des années 2000. À l’époque, les jumeaux ont monté le «Genous Team», une organisation grâce à laquelle ils courent en endurance, dans les championnats de France, d’Europe et du Monde, en plus d’organiser des journées de roulage. En 2007, à la fin de leur carrière de pilotes, ils montent une première école, avec deux associés, puis, en 2010 c’est la naissance de First-on-track. Yvan et Ludovic ont alors 40 ans. Ils écrivent une nouvelle page de leur vie professionnelle.

«Il y a une quinzaine d’années, quand nous avons débuté dans ce métier, on comptait moins d’une dizaine d’écoles de pilotage en France, confie Ludovic. Aujourd’hui, il y en a plus d’une centaine et, de ce fait, la qualité de l’offre a parfois tendance à se dégrader. Pour réussir et se démarquer de la masse, on ne peut donc plus travailler comme avant. Il faut être créatif et proposer une expérience unique aux clients. C’est pour cette raison que nous avons créé First-on-Track, pour innover, prospérer et durer. Nous avons fait le pari de la qualité et, jusqu’à maintenant, nous n’avons pas à le regretter!»

FOT n’est pas une école au sens classique du terme. Même si les stagiaires y viennent pour apprendre les rudiments du pilotage sur piste et perfectionner leur technique, ils ne sont pas obligés de subir un enseignement rébarbatif et désuet, de passer des heures en salle à écouter d’une oreille distraite des instructions rabâchées mille fois et de travailler virage par virage, en groupes, avec un instructeur qui fait plus penser à un adjudant-chef de l’armée de terre qu’à un prof es-pilotage.

«Chez nous, on favorise un suivi personnalisé. On adapte notre enseignement selon le niveau de chaque client et selon ses aspirations. Tout le monde ne veut pas et ne peut pas devenir Champion du Monde. Il faut être en mesure de s’adapter et répondre aux besoins spécifiques de chaque pilote, renchérit Yvan. Nos élèves passent moins de temps en salle de classe et plus de temps en piste. Ils sont accompagnés par des instructeurs de haut niveau qui les suivent pas à pas dans leur évolution et leur prodiguent encouragements et conseils. Lors de nos week-ends VIP, les stagiaires roulent en groupe de deux ou trois sous la supervision de deux pilotes d’exception, Sébastien Charpentier, double Champion du Monde de Supersport et Jean-Michel Bayle, une véritable légende vivante de la moto, Champion du Monde de motocross, double Champion AMA de Supercross, auteur de poles en Grand Prix 250 et 500, pilote en endurance… Difficile de faire mieux, non?»

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Le semi-remorque de First-on-track est une des attractions du paddock

FOT s’adresse aux pilotes de tous les niveaux, du débutant au coureur. Ceux qui s’initient à la piste sont pris en charge par Pierre Lapiczak, tandis qu’Yvan et Ludovic s’occupent des pilotes de niveaux intermédiaire et avancé, mais aussi des coureurs. Tous les instructeurs détiennent un brevet d’état et connaissent leur matière sur le bout des doigts.

Mais FOT offre plus qu’une école où l’on vient suivre un stage de formation. L’équipe des jumeaux Genestier organise également des journées de roulage sur plusieurs circuits, en France et propose différentes formules – suivi personnalisé, coaching pilote — et, fin du fin, les week-ends VIP, sur des circuits mythiques de MotoGP (Catalunya, Aragon, Valence, Jerez, Mugello, Spa, Le Mans, Paul Ricard).

Une expérience enrichissante

Rouler sur des pistes du calibre de Cataluyna est une expérience indescriptible. On est loin des autodromes auxquels nous sommes habitués au Canada. Même Calabogie ou Mont-Tremblant, pourtant deux des meilleures pistes au pays, ne peuvent rivaliser avec les circuits européens de Grand Prix. Le tracé, les installations, l’environnement et le mythe qui les entoure sont sans commune mesure, surtout pour quelqu’un qui, comme votre serviteur, suit les Grands Prix moto depuis les années 70, à l’époque dorée du Continental Circus.

Avec son tracé de 4,727 km, ses 13 virages et ses deux lignes droites, Catalunya est une piste exigeante et un magnifique terrain de jeu. On y atteint des vitesses de passage en courbe impressionnantes et des angles d’inclinaison à vous donner la chair de poule. Dans chaque virage, j’avais en tête des images du dernier GP de Barcelone. Je revois Marquez, Lorenzo, Pedrosa et Rossi se battre au coude à coude et j’ai — folie! — le sentiment diffus d’être avec eux sur la piste. Puissance du pouvoir d’évocation…

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Première journée de roulage réussie. Le rythme est acceptable, mais surtout, je n’ai pas cassé le matériel. Le lendemain, j’augmenterai la cadence, en toute sécurité.

Cette sensation se poursuit jusqu’à ma rentrée dans les stands où je suis accueilli par Vatéa, le chef mécanicien et ses assistants, Jérôme et Christophe. Je descends de la moto et ils la prennent en charge, installent les couvertures chauffantes et font l’appoint de carburant après avoir donné un coup de chiffon sur la bulle et le carénage. Je n’ai plus qu’à quitter mon casque et le mettre à sécher sur le sèche-casque. Nous échangeons deux ou trois mots avant que j’aille me restaurer dans la salle à l’arrière du box, après avoir ôté ma combinaison et mes bottes pour enfiler un survêtement. Comme à la télé, lors des retransmissions des Grands Prix, je me relaxe dans le semi-remorque de l’équipe. Je me délecte du fumet des plats qu’Yvan mijote, je discute pilotage avec Sébastien puis je vais vérifier la feuille de temps dans le box de l’organisation. Toutes les motos inscrites disposent d’un transpondeur afin de constituer des groupes homogènes par niveau (débutants, intermédiaires, avancés, coureurs). Les groupes sont reconstitués deux fois par jour, à la pause du midi et le soir, à la fin de la journée de roulage, en fonction des chronos enregistrés.

Les clients VIP de FOT sont des hommes occupés pour qui la vitesse est une exigence, un art de vivre. Dans la vie de tous les jours, ils sont pilotes de ligne chez Air France, comme Jean-Marc Thibonnier, 56 ans, ou propriétaire d’une compagnie de transports, comme Maurice Hamou dit «Momo», 42 ans, ou encore homme d’affaires à la retraite, comme Xavier, pour ceux que j’ai côtoyés lors de ce séjour. Les autres sont informaticiens, banquiers, avocats, journalistes, artistes ou hommes publics. FOT compte même le fils d’un ancien président africain parmi sa clientèle. Il s’agit donc de gens aisés, prêts à payer un premium pour maximiser leurs sorties en piste et pour progresser rapidement. En contrepartie, ils veulent rouler sur les meilleurs circuits disponibles, avec le meilleur équipement et exigent un service haut de gamme, individualisé. Et des instructeurs qui possèdent un curriculum vitae à la hauteur. La formule VIP est donc parfaitement adaptée à leurs besoins.

Camps de pilotage de trois jours — deux jours de stage et un jour de roulage libre encadré —, avec Sébastien Charpentier et Jean-Michel Bayle comme instructeurs de luxe ces week-ends de trois jours permettent aux stagiaires de vivre une expérience unique. Ils sont pris en charge par l’organisation dès leur arrivée au circuit et reçoivent un traitement 5 étoiles: box privé, boissons et encas à volonté, sèche-casque, kinésithérapeute, mécaniciens à disposition, carburant, couvertures chauffantes, transport de la moto, assurance piste, transpondeur, images de la vidéo embarquée ainsi qu’un reportage photo complet et tous les repas (petits-déjeuners, déjeuners, diners). Grâce à la collaboration de Dunlop, ils bénéficient également d’un tarif concurrentiel sur l’achat de pneus D212 GP Racer et du service de pose et d’équilibrage. Ceux qui le désirent peuvent aussi louer une moto de FOT (des Honda CBR1000RR de l’année, identiques à celles des instructeurs) et des équipements (casques, combinaison, bottes, gants), si nécessaire. FOT peut même se charger de l’hébergement, de l’achat des billets d’avion, des transferts ou de la préparation de la moto si le client le désire.

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Avoir autant de plaisir sur une moto devrait être illégal tellement c’est addictif.

Lors des week-ends VIP, le stagiaire veut avoir l’esprit libre. Il vient pour rouler, rien d’autre. Il veut oublier le stress de sa vie quotidienne, décompresser et s’adonner à sa passion sans contrainte. Pour lui, la formule VIP, c’est l’assurance d’un service professionnel et attentionné, mais surtout l’absence de complications.

À ceux qui s’interrogent sur les coûts de la formule VIP, Ludovic répond sans équivoque: «pour un événement comme celui-ci, à Catalunya, notre investissement est de près de 100 000€ (environ 150 000$), juste pour la location de la piste. C’est un engagement énorme qu’il faut faire des mois à l’avance, sans garantie de résultat. Il suffit que la météo soit exécrable ou que les inscriptions soient insuffisantes pour que l’on frôle la catastrophe financière. Ici, nous travaillons avec deux organisations amies, DG Sport (Belgique) et FVP Moto (Suisse) afin d’avoir suffisamment de participants pour amortir les coûts. Pour renter dans nos frais, nous devons réunir près de 200 inscriptions. Il faut bien réaliser que nous n’avons que trois ou quatre clients VIP sur ce type d’événements et quelques pilotes en «suivi personnalisé» ou en «coaching pilote». La grande majorité des autres pilotes présents sont inscrits pour une ou plusieurs journées de roulage. Ils ne paient pas le même tarif que les clients VIP. Il suffit d’analyser l’éventail des services offerts en formule VIP, pour réaliser que le prix demandé est juste et reflète la qualité des prestations dispensées et le sérieux de l’organisation.»

Lorsqu’on interroge les clients VIP de FOT, il n’y a aucune ambiguïté possible. Non seulement ils ne se plaignent pas, mais ils en redemandent. Certains d’entre eux, comme Jean-Marc et Momo, en sont à leur deuxième saison complète avec FOT, c’est-à-dire qu’ils ont pris part à une dizaine de week-ends VIP. Une grande complicité s’est instaurée entre eux et l’équipe, au point où ils ont tissé des liens d’amitié au fil du temps. Ce qui m’a surpris lors de mon séjour à Barcelone avec FOT, c’est l’ambiance qui régnait dans le box, ou au restaurant, le soir. Un mélange de professionnalisme et de franche camaraderie qui fait qu’on se sent immédiatement à l’aise dans le groupe. Comme chez soi. En famille…

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Sébastien Charpentier (photo) est l’un des deux instructeurs vedettes de FOT, avec Jean-Michel Bayle.

Une formule gagnante

Ancien enseignant de métier, la transmission des savoirs est mon dada. C’est donc naturellement que je me suis intéressé à l’enseignement des techniques de pilotage. Au cours de ma carrière, j’ai suivi les cours de nombreuses écoles de pilotage, aussi bien au Québec (FASTTurn2ASM), qu’aux États-Unis (Freddie Spencer’s High Performance Riding SchoolKevin Schwantz SchoolCalifornia Superbike School). Chacune de ces institutions possède son identité et développe ses propres méthodes de formation, mais si on veut faire un parallèle avec l’enseignement généraliste, FOT est, selon moi, l’équivalent moto des écoles Montessori. Une institution où on vise le développement personnel de chacun en s’appuyant sur un suivi individuel.

Personnellement, c’est la première fois que je progresse si rapidement dans le cadre d’un stage de pilotage et que je parviens à sortir de ma zone de confort en si peu de temps. Je suis encore étonné d’avoir pu retrancher de grosses poignées de secondes à mon temps de base, car c’est inhabituel chez moi. De plus, au vu des chronos réalisés lors de mes dernières sorties, je suis convaincu que j’aurais encore pu améliorer mes temps si la pluie n’avait pas forcé l’annulation de la dernière journée de roulage. Je sais que mon apprentissage n’est pas terminé. Mais, même si le temps m’est compté — j’approche rapidement de la soixantaine —, j’ai encore la capacité d’apprendre. Et l’envie, aussi. C’est ce qui compte, non?

En 2014, la compagnie des frères Genestier, forte de ses 10 000 adresses clients, poursuivra le développement des week-ends VIP, une formule qui la distingue de la masse des écoles en activité et qui est difficile à dupliquer. Extrêmement professionnelle, l’organisation mise sur la qualité des prestations offertes et l’excellence de l’enseignement qu’elle prodigue. Même si la formule est risquée et coûteuse pour FOT, elle est garante de succès et de pérennité. «Le service, c’est l’avenir!» conclut Ludovic.

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Yvan et Ludovic Genestier, les fondateurs de First-on-track

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Jean-Michel Bayle l’autre instructeur de FOT

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