Pilote d'usine pour un jour
Publié le 12 juillet 2012
Dans le cadre de la tenue du championnat national CSBK à l'Autodrome St-Eustache, le week-end dernier, j'ai été invité à participer, avec cinq autres journalistes, au Challenge Honda CBR250R, sur une des machines préparées à cet effet par Honda Canada. Une occasion rêvée de vivre, l'espace d'un week-end, la vie de pilote d'usine…
Votre serviteur en pleine action à l’Autodrome St-Eustache.
Texte: Didier Constant — Photos: Pierre Désilets, Jean-Pascal Schroeder et Samantha Dye
Étendu dans ma chaise longue, je sirote une boisson énergisante bien à l’abri sous l’auvent de la tente Honda Canada. De cette position enviable, j’observe Alex Welsh, un pilote officiel privé d’usine, se démener dans la canicule pour mettre au point sa Suzuki GSX-R1000 Superbike à temps pour les qualifs. Il court sous le soleil, torse nu, en bermuda et en «gougounes», en poussant deux jantes fraîchement chaussées de pneus slicks Pirelli à gomme tendre grâce auxquelles il espère réaliser un temps canon. Alex est l’un des meilleurs pilotes Pro au Canada. Il est actuellement troisième du championnat Superbike CSBK. Devant son véhicule récréatif, un panneau sur lequel il remercie ses rares commanditaires. Si je ne l’avais pas connu, j’aurais pu le prendre pour un coureur anonyme tellement son installation est anodine. On est loin des énormes autobus aménagés et des «hospitality tents» du MotoGP ou du WSBK.
Juste en face de son emplacement, Jordan Szoke, septuple champion Superbike et meneur au classement après deux épreuves, n’est guère mieux loti. Pourtant, c’est peut-être celui qui bénéficie du meilleur soutien financier du plateau. Seul le paddock du Team Couturier Racing qui fait courir Kevin Lacombe, Samuel Proulx en Pro Superbike et Louie Raffa en Pro Sportbike peut encore créer l’illusion et projeter l’image d’une structure professionnelle bien financée et bien rodée.
En circuit routier, les beaux jours sont chose du passé et la plupart des pros du championnat CSBK n’ont plus de professionnel que le nom, surtout depuis le retrait des équipes officielles des constructeurs. Aujourd’hui, rares sont les pilotes qui peuvent monnayer leur talent et leur palmarès. Et vivre de leur passion.
Dans ces circonstances, je me sens privilégié. Comme mes collègues journalistes invités à concourir dans le Challenge Honda CBR250R. Cette série monomarque ouverte aux pilotes novices et semi-pros de 15 à 25 ans (ceux âgés de 13 et 14 ans ayant complété au moins 3 courses en CBR125R sont également admissibles) a pour objectif d’intéresser les ados à la moto et de promouvoir les jeunes talents. Objectif ambitieux si l’on considère le faible taux de participation cette saison. En effet, seuls quatre pilotes, Stacey Nesbitt, la championne du Challenge Honda CBR125R 2011, Ryan Roche, le meneur au classement après quatre courses, Sean Smith et Tomas Casas, ont confirmé leur participation à la série. C’est peu, et c’est dommage car ce challenge mérite mieux.
Pour participer au championnat, ces jeunes espoirs ont déboursé environ 8 000$ chacun pour acquérir une Honda CBR250R équipée du kit CBR250R Race Series, qui comprend un pot d’échappement Akropovic, un module et une cartographie programmable Dynojet, des repose-pieds réglables, un amortisseur arrière et des valves de fourche de marque Elka, des éléments de protection de cadre, un carénage de marque Hot Bodies, ainsi que qu’un lot de pneus Pirelli Diablo Rosso (1 jeu par fin de semaine de course). Les frais de déplacement, de carburant, d’hébergement et de restauration sont à leur charge. Dans le cadre d’un championnat national se déplaçant sur plusieurs milliers de kilomètres, ces frais peuvent s’avérer très élevés. Même si, dans la plupart des cas, ces jeunes pilotes voyagent avec leurs parents, dans le VR familial et que le père fait à la fois office d’agent, de préparateur, de mécano et de psychologue, alors que leur mère se démène en cuisine, s’occupe du panneautage et joue les infirmières ou les diététistes, le cas échéant.
En marge du championnat, Honda Canada a préparé six CBR250R identiques qu’elle met à la disposition des journalistes qui désirent prendre part à la compétition, lors de chaque manche. À l’occasion de celle présentée à l’Autodrome St-Eustache, Jean-Pascal Schroeder et moi-même avons défendu les couleurs de motoplus.ca. Du mieux que nous avons pu…
Les journalistes figurent au classement, mais ne comptabilisent pas de points. Ainsi, Jean-Pascal, auteur de deux sixièmes places et moi-même (9e dans la première finale, 10e dans la seconde) avons le plaisir de voir nos noms figurer sur les tablettes de CSBK. Un classement des journalistes permet aux trois premiers d’entre nous de rentrer chez eux avec un magnifique trophée qui pourra trôner sur la fausse cheminée du salon ou dans une armoire quelconque, au sous-sol. Jean-Pascal a ainsi ajouté deux trophées de troisième position à sa collection. Il faut dire qu’il a fait de la compétition pendant près de 10 ans, en catégorie amateur, avant de prendre sa retraite en 2009.
Honda Canada nous traite aux petits oignons. Nous sommes accueillis sous la tente Honda et pris en charge durant tout le week-end. Boissons, repas légers, mécanos, motos et pneus sont mis à notre disposition gracieusement. Nous avons même un espace personnel dans le camion-atelier afin de relaxer et de nous changer. À tout moment durant la fin de semaine nous pouvons demander à Erick, le mécanicien responsable de l’entretien des machines d’effectuer des réglages personnalisés afin de bénéficier de la meilleure moto possible. Il fait l’appoint en carburant après chaque sortie, essai ou qualification, nettoie les motos et change les pneus quand cela s’avère nécessaire. En fait, nous n’avons qu’à amener notre équipement.. et notre carcasse. C’est tout! Honda Canada défraie le coût des licences de course et des frais d’inscription. Nous sommes quasiment aussi bien traités que Casey Stoner, Dani Pedrosa ou Marc Marquez chez Honda Repsol, les «umbrella girls» et le gros chèque en moins.
Cette attention m’a été bénéfique. En effet, j’étais le seul à n’avoir jamais participé à une course officielle, encore moins à un national. Je ressentais donc une énorme pression. Je voulais bien faire, bien paraître. Mais, plus que tout, je ne voulais pas être celui qui mettrait fin à la course d’un compétiteur — ou pire, à sa saison — par inadvertance ou incompétence.
Dès le vendredi, j’ai donc pris le parti de terminer dernier — je n’avais rien à prouver à quiconque, sinon à moi-même — et de me concentrer sur mes trajectoires et ma technique. Au fil du week-end, j’ai amélioré mes temps à chaque sortie. Et j’ai retranché 2,5 secondes à mon temps initial. Mais surtout, j’ai pris un plaisir fou.
Comme les pros, j’ai eu des papillons dans l’estomac avant chaque séance d’essai ou de qualif. J’ai senti le sang battre dans mes tempes et une boule de former dans ma gorge avant le lancement de la course. J’ai aussi vécu l’excitation du départ, la montée d’adrénaline en course, spécialement quand on remonte sur un autre compétiteur. À une ou deux occasions, je me suis même fait une petite frayeur en me montrant trop confiant dans mes habiletés. Trop téméraire. Et j’ai passé la ligne d’arrivée fier de moi, mais aussi enthousiasmé par l’expérience. Au point où j’ai accepté l’invitation de Honda Canada de prendre part à la manche de Mont-Tremblant, du 10 au 12 août prochains. Là, en revanche, je saurai à quoi m’attendre et j’arriverai certainement mieux préparé. Tenez-vous-le pour dit!
PARADOXE
Il fait chaud, très chaud. J’entends ma respiration et mes battements de cœur à cause de mes bouchons dans les oreilles. Je glisse mon casque sur ma tête dans un geste délibérément ralenti. Je m’apprête à prendre le départ de la 3e manche de la série nationale canadienne Honda CBR250R 2012 à l’autodrome St-Eustache.
Une invitation-surprise de motoplus.ca et voilà que je renoue avec la course sur circuit après 10 ans d’interruption! J’espère faire bonne figure, retrouver mes réflexes d’antan et surtout éviter d’aller à la faute avec une moto prêtée par Honda Canada!
Le décompte des lumières de départ, première, 6,000 tours, penché en avant, et c’est parti. Je me retrouve en 6e position après 2 tours de piste, deux secondes au tour plus lent que les jeunes adolescents en tête. Ce sera mon résultat pour les deux manches du week-end. J’essaie de me faire tout petit derrière le minuscule carénage de la 250… Les coudes tapent dans les genoux, la mentonnière du casque est accotée sur le réservoir et mon cou proteste. Les photos seront sans appel : j’ai les épaules dans le vent, je suis loin de la position aérodynamique parfaite des jeunes meneurs de la série. J’aurais dû écouter ma blonde et m’inscrire avec elle au yoga!
La CBR250R est un pur plaisir à piloter. Elle est saine, facile, pardonne tout sauf la moindre erreur qui est irrémédiablement sanctionnée au chrono! Tout motard un tant soit peu compétitif se doit d’essayer cette moto sur circuit. Tenter d’aller vite quand on a seulement 25 chevaux à la roue arrière ça signifie tout faire parfaitement, ne jamais rater une vitesse, un point de corde ou une aspiration. Le paradoxe? Se retenir de fermer les gaz au bout de la ligne droite à (seulement!) 145 km/h est aussi terrifiant que de visser solide sur une 1000 cc de 180 chevaux…
Je termine le week-end avec un immense sourire et une question : Honda fait tout pour promouvoir le sport avec cette série et pourtant, nous ne sommes que 10 sur la ligne de départ. Quid?
Passez le mot, trouvez des jeunes et faites-leur découvrir la vitesse sur circuit au guidon d’une 250, il n’y a pas de meilleure école.
— Jean-Pascal Schroeder