Mad Bastard Rally: une course de scooters pour barjots
Publié le 1 mai 2012
Du 24 au 26 juin dernier, à Barrie, Ontario, se déroulait le « Mad Bastard Rally » (le rallye du bâtard fou, en français), une épreuve complètement déjantée, réservée aux scootéristes plus ou moins sains d'esprit. Notre collaborateur Patrick Laurin, qui n'est pas le moins fou de notre bande, s'y est inscrit, question de voir si le traitement était efficace. De retour de l'asile, il nous fait son compte-rendu!
Une partie des 80 participants de l’édition 2011.
Texte : Patrick Laurin — Photos : Patrick Laurin et Mad Bastard Rally
Lorsque le patron m’a proposé de représenter motoplus.ca au « Mad Bastard Rally », j’étais excité à l’idée de participer à cet événement dont il m’avait parlé à maintes reprises. J’ai une expérience plutôt limitée des scooters. Je m’aventurais donc en terrain inconnu. Pourtant, je n’étais pas effrayé, ni inquiet; je suis habitué aux longues journées en selle. Mais j’aurais peut-être du me poser plus de questions avant d’accepter. Car parcourir plus de 725 km sur un scooter de petite cylindrée en moins de 24 heures n’est pas forcément une preuve d’équilibre. Une histoire de fous diront certains. Quoi qu’il en soit, j’avais hâte de vivre l’expérience.
Le Mad Bastard Scooter Rally est organisé conjointement par le magazine anglophone CMG Online etKymco Canada. Présenté tous les deux ans, en Ontario, il regroupe bon an, mal an, une centaine de participants répartis en quatre catégories — Camisole de force (scooters et cyclomoteurs de moins de 50 cc), Traitement intensif (scooters et motos de 50 à 110 cc), Thérapie requise (scooters et motos de 110 à 200 cc) et Traitement de jour (scooters et motos de plus de 200 cc). Rien que la nomenclature des catégories vous donne une idée de l’ambiance qui règne dans ce rallye de dingues!
Le parcours principal totalise 542 km. Auxquels s’ajoute une boucle facultative de 184 km qui vous donne droit à des points boni. Si vous décidez de la faire, vous totaliserez 726 km. Le parcours est ponctué de plusieurs arrêts afin de répondre à des jeux-questionnaires ou de ramasser des reçus de certains commerces participants et ainsi démontrer que vous avez bien suivi le parcours indiqué. Un système de pointage permet d’établir les positions et de déterminer le vainqueur du rallye. En 2011, ce dernier recevait un scooter Kymco People S 125 pour sa performance. Un cadeau que Percy Adler, le gagnant de cette année, a choisi de donner à Kids Help Phone, l’organisme soutenu par le rallye et pour lequel les participants étaient invités à amasser des fonds. Outre ce scooter, plus de 15 000 $ ont été remis à l’organisme lors de cet événement.
Cette année, la météo n’a pas été favorable aux participants et a ajouté une touche de folie. Comme si c’était nécessaire. Il a en effet plu durant toute la durée du rallye. Néanmoins, 80 des 92 inscrits ont pris le départ et 66 d’entre eux ont complété l’épreuve dans les délais impartis. Vous pouvez consulter les résultats en détail sur le site madbastardrally.com.
Pour ma part, j’étais inscrit dans la catégorie Thérapie requise (scooters et motos de 110 à 200 cc) avec un Kymco People 200 cc. J’avais 18 heures pour compléter l’épreuve. Dans le cas de la catégorie reine (moins de 50 cc) le temps octroyé était de 24 heures. Le vendredi soir, après le souper, les participants ont eu droit à une présentation du rallye, aux consignes habituelles ainsi qu’au dévoilement du trajet. Après cela, il valait mieux aller se coucher rapidement, car les départs commençaient à 4 heures du matin, à une minute d’intervalle entre chaque concurrent, selon le rang attribué. Personnellement, je partais à 5 h 20, sous une faible bruine.
Mon livret d’instructions et mon itinéraire sont rangés dans un sac Zip Lock, bien à l’abri à l’intérieur du coffre à gants de mon scooter. La nuit a été courte et j’appréhende la journée. J’ai peur de trouver le temps long et de cogner des clous en route. La température annoncée n’est pas géniale et le rayon de soleil promis ne s’est jamais montré le bout du nez. La météorologie est tout sauf une science exacte! Cependant, après quelques dizaines de kilomètres, je commence à trouver mon rythme. À fond, mon scooter flirte avec les 85 km/h au compteur. Je suis détendu, même si la pluie s’intensifie. La folie nous fait parfois sous-estimer le danger…
D’un point à l’autre, j’essaie de mémoriser quatre à cinq instructions à la fois avant de ranger mes feuilles, en faisant attention de ne pas trop les mouiller. Premier arrêt : plusieurs concurrents sont agglutinés autour des pompes de la station à essence. Ils sont enjoués et affichent de larges sourires. Quel étonnement de voir ces gens si heureux, dans des conditions à ne pas mettre un chat dehors. Le bon sens devrait les inciter à rester au chaud, à la maison, et non de se traîner sur les routes en scooter, sous une pluie battante. De deux choses l’une : soit ils sont vraiment passionnés, soit ils sont complètement atteints. Bons pour l’asile… moi y compris!
Je reprends la route après avoir fait le plein et échangé des banalités avec quelques participants. Au premier poste de jeu-questionnaire, je retrouve plusieurs des concurrents aperçus plus tôt, dont certains ont les doigts gelés. Une pluie intermittente nous accompagne depuis le départ. Quelques kilomètres plus loin, on a droit à une averse de grêlons. Avec mon casque ouvert, je sens leur morsure sur mon visage — c’est le prix à payer pour avoir l’air cool —, mais l’expérience en vaut la chandelle. Je crois que c’est à ce moment précis que j’ai pris conscience que j’avais moi aussi un large sourire dans la face et que j’étais heureux d’être là, à rouler dans cet environnement hostile. Il m’a fallu plusieurs centaines de kilomètres au guidon d’un scooter peinant à maintenir une vitesse décente, à combattre la pluie aussi bien que le froid, pour réaliser que l’intensité de l’aventure que je vivais dépendait du moyen de transport choisi. Pendant un moment, je me suis questionné sur ma santé mentale — étais-je fou moi aussi, malgré mes vaines tentatives pour donner un sens à toutes ces foleries? — puis j’ai compris que le plaisir venait de ce que je pouvais rouler à fond sans craindre les foudres des forces policières, regarder défiler le paysage, sentir les odeurs. J’avais tous les sens en éveil. J’étais bien. Presque heureux, si tant est qu’un tel état existe réellement.
Je roule dans un état d’esprit décontracté, loin de la folie de la vie quotidienne. Oubliés les rythmes trépidants, le stress de la performance et l’obligation de résultat. Bien sûr, il s’agit d’un rallye et il y a un classement à la fin. Pourtant, il ne règne ici aucun esprit de compétition, mais plutôt une franche camaraderie et une entraide remarquable. Même si une majorité des concurrents n’en sont pas à leur première participation, on voit bien qu’il s’agit pour eux de vivre une aventure. Les seuls facteurs sur lesquels on peut agir sont notre capacité à analyser des instructions, à observer et à gérer la durée des pauses que l’on s’accorde. Au fur et à mesure que la journée avance, ces sens sont altérés par la fatigue et la distance parcourue. Il faut donc redoubler d’attention, vérifier deux fois avant d’aller de l’avant et foncer dans la mauvaise direction. En fin de journée, je ne mémorisais plus qu’une instruction à la fois et je m’arrêtais parfois en chemin pour vérifier mes instructions avant de poursuivre ma marche en avant.
Un peu avant le terme du parcours principal, j’ai dû décider si je faisais ou non la boucle supplémentaire de près de 184 km, ce qui me permettrait d’engranger 200 points de plus et de minimiser l’impact des erreurs que j’avais commises en chemin. D’un côté, pour finir bien classé, ces points boni sont impératifs. En revanche, si vous choisissez de faire cette boucle et que vous ne finissez pas dans le temps imparti, vous serez déclassé. La pluie ayant cessé et le crépuscule approchant, j’ai choisi de tenter ma chance. Selon mes estimations, j’avais amplement le temps de compléter cette boucle sans courir trop de risques. J’ai foncé à tombeau ouvert, en essayant de minimiser l’effet du vent. Je me couchais parfois sur mon Kymco afin de prendre plus de vitesse, profitant de chaque descente pour atteindre des vitesses folles… Le fun intégral!
J’ai passé le fil d’arrivée à 21 h 20, soit 16 heures après mon départ, des centaines de moustiques morts écrasés sur mes lunettes et mon visage. Heureux d’avoir complété le rallye et satisfait de mon parcours, j’ai pris un peu de temps pour assister à l’arrivée d’autres participants. Malgré leurs visages marqués par la fatigue, je voyais dans leurs yeux la satisfaction d’avoir complété l’épreuve dans les temps et le plaisir qu’ils avaient pris durant cette journée éprouvante. Seulement 14 participants n’ont pas terminé le rallye, la fatigue, les bris mécaniques ou une arrivée tardive les privant d’être classés. Tout un exploit dans les circonstances.
Le dimanche midi, tout le monde se retrouva à l’occasion d’un banquet d’adieu. Sur le mur du fond de la salle, on projetait des photos du rallye. Une occasion de revivre certains des meilleurs moments de cet événement unique. Malheureusement, je n’ai pas pu rester jusqu’à la fin. J’avais encore 700 km à parcourir par le Parc Algonquin — sur ma moto cette fois-ci, pas si fou que ça! —, afin de rentrer à Montréal.
À l’occasion de ce périple de trois jours, j’ai parcouru 1 400 km à moto pour me rendre sur les lieux du rallye et revenir, plus 725 km en scooter, le tout effectué dans des conditions exécrables. Vous pourriez me dire que je suis bon pour l’institut psychatrique, affirmation que je ne réfuterai d’ailleurs pas, mais je vous répondrai que cela en valait la peine. En fait, je recommencerais demain, sans problème. D’ailleurs, j’ai déjà hâte au prochain rallye, dans deux ans. Je compte même m’y inscrire dans la catégorie Camisole de force (scooters et cyclomoteurs de moins de 50 cc).
Si l’aventure vous intéresse, mais si vous ne possédez pas de scooter, sachez que vous pouvez en louer un sur place. Les organisateurs se feront un devoir de vous guider vers une agence de location proche.
Avant de conclure, je tirerais mon chapeau aux participants, mais aussi à l’organisation, laquelle est sans reproche. Le parcours avait été dessiné de façon à ce que le cellulaire fonctionne partout. Chaque participant recevait une liste de numéros d’urgence à rejoindre en cas de pépin et un camion d’assistance fermait la marche pour dépanner les malchanceux.
Si vous êtes du genre à avaler les kilomètres sans crainte et si vous avez l’esprit aventurier, vous devez vivre cette expérience. Vous pouvez le faire en solo, ou en équipe et ainsi multipliez le plaisir. Jouez le jeu et déguisez-vous. D’abord, c’est ludique, mais en plus ça vous permet de gagner des points supplémentaires.
Le Mad Bastard Rally vous promet une expérience hors du commun. Il ne vous reste plus qu’à attendre le prochain rallye afin de vous y inscrire. Tous les détails sont sur le site web madbastardrally.com. Dans mon cas, j’ai eu un plaisir fou et je sais déjà comme la plupart des autres participants que je reviendrais. Et ne me dites pas le contraire… il ne faut jamais contrarier un fou!