Promouvoir la moto pour le bien de tous
Publié le 15 mai 2012
À l'heure oú Montréal et Québec sont confrontés à un problème endémique d'étalement urbain, d'engorgement de la circulation et de vieillissement prématuré des infrastructures routières, la moto offre des solutions pratiques et économiques, faciles à mettre en œuvre rapidement. Avec un minimum de bonne volonté...
Les deux maxiscooters de BMW : le C 600 Sport et le C 650 GT.
Texte : Didier Constant — Photos : Didier Constant
Bouchons interminables, accidents en cascades, retards au travail, journées de travail allongées par les transports… la situation devient intenable et coûte chaque année des millions de dollars aux états, aux villes, aux compagnies, mais aussi aux citoyens. Sans parler des effets néfastes sur la santé publique (stress, épuisement, rage au volant…) ou encore sur la pollution.
Aujourd’hui, la plupart des mégalopoles américaines croulent sous des flots de voitures avançant au ralenti. Les immenses autoroutes qui, auparavant, favorisaient la libre circulation des biens et des personnes à travers l’Amérique et ont présidé à son essor, sont désormais engluées. Frappées d’immobilisme. Devant la difficulté, voire l’impossibilité d’agrandir indéfiniment le réseau routier à court terme, les responsables en transport de ces villes ou de ces états doivent trouver des moyens simples, économiques et faciles à appliquer pour fluidifier la circulation. Et remettre le trafic en mouvement.
En Europe, où historiquement et culturellement les deux-roues motorisé (DRM) sont bien acceptés par la société et régulièrement intégrés aux plans de développement urbain — ils sont considérés comme un moyen de locomotion à part entière —, plusieurs grandes métropoles, parfois en collaboration avec les constructeurs, parfois sous la pression des groupes de pression ou des associations motocyclistes ont pris des mesures pour trouver des solutions à ces problèmes.
La Belgique en exemple
Récemment, la Belgique a été l’initiatrice de plusieurs avancées significatives en matière de mobilité urbaine et de sécurité à moto, deux domaines qui sont interreliés.
Ainsi, une étude menée par Transport & Mobility Leuven pour la Fébiac (un organisme privé belgo-néerlandais), sur un parcours autoroutier de 30 km entre Louvain et Bruxelles ayant la réputation d’être très achalandé et souvent congestionné aux heures de pointe, a conclu que si 10% des automobilistes délaissaient leur auto pour un DRM, les heures perdues dans les embouteillages seraient réduites de près de 40%. Des chiffres intéressants qui démontrent bien la nécessité de changer rapidement nos habitudes en matière de transport.
La Fébiac affirme même que si l’on parvenait à remplacer 25% des autos par des DRM, les embouteillages disparaîtraient complètement. Il y a donc de l’espoir…
L’étude poursuit en soulignant que la réduction des bouchons observée durant cette période a entraîné une baisse de 6 à 10% des émissions polluantes. Un effet collatéral tout à fait intéressant et qui devrait nous porter à réfléchir sur le rôle que les DRM pourraient jouer chez nous.
Toujours en Belgique, depuis le 1er septembre 2011, un arrêté royal autorise les motocyclistes à circuler entre les files de voitures. Deux conditions sont posées afin de rendre cette pratique sécuritaire. La première stipule que le différentiel de vitesse entre les motos qui remontent les files et les autos ne doit pas excéder 20 km/h et que la vitesse maximale autorisée lors d’une remontée de file ne doit pas dépasser 50 km/h. La deuxième condition n’autorise la remontée qu’entre les deux files situées sur la gauche de la voie, quel que soit le nombre de voies de circulation. Une initiative que la France s’apprête elle aussi à adopter d’ici peu.
La circulation interfiles sauve des vies
Décriée au Canada, la circulation interfiles présente pourtant plusieurs avantages. Une étude menée récemment par un institut français spécialisé en mobilité urbaine stipulait qu’aux heures de pointe, la conduite interfiles permettrait aux utilisateurs de DRM de réduire de 4 fois le temps de leur trajet. Cette réduction atteignait environ deux fois hors des heures de pointe. Ce qui est tout de même intéressant et économique. Et positif d’un point de vue environnemental.
De plus, selon deux études américaines, une menée par le chercheur californien Steve Guderian, intitulée «Lane sharing: a global solution for motorcycle safety» et l’autre conduite par Myra Sperley et Amanda Joy Pietz du ministère des transports de l’Oregon, intitulée «Motorcycle Lane-Sharing», il ressort que la pratique de la remontée interfiles serait sécuritaire et permettrait de sauver des vies.
En effet, il semblerait que dans les pays (Europe) et État (Californie) où la remontée interfiles est autorisée, le nombre d’accidents et de décès résultant d’une collision arrière serait moindre. Les motocyclistes remontant les files sont, par définition, moins susceptibles de se faire frapper par derrière, à l’arrêt et d’entrer en collision avec une auto arrêtée, devant eux. Guderian s’appuie sur les rapports d’accidents en Californie et sur l’analyse comparative des statistiques des sociétés d’assurance américaines pour étayer sa thèse.
Les deux études soulignent également les bénéfices découlant de la légalisation de la remontée interfiles (fluidification de la circulation, réduction des émissions polluantes, baisse des accidents en zone urbaine et périurbaine…). Elles insistent également sur la nécessité de bien enseigner la pratique de la remontée interfiles aux motocyclistes et aux automobilistes, mais aussi de l’encadrer en définissant les conditions auxquelles elle serait permise.
Circulation dans les couloirs de bus
Plusieurs villes, en Grande-Bretagne notamment, mais aussi en France et dans d’autres pays européens, autorisent les DRM à circuler dans les couloirs réservés aux bus, toujours dans le but d’alléger la circulation. D’autres aménagent des espaces à l’avant des lignes d’arrêt, aux feux de circulation ou aux stops, afin de permettre aux DRM de se positionner à l’avant du trafic lorsque celui-ci est arrêté. Les DRM démarrant plus rapidement que les autos, ils peuvent ainsi s’élancer plus rapidement et libérer l’espace pour les automobiles. Tout le monde y gagne…
Stationnements pour deux-roues
Dans plusieurs pays européens, le stationnement des DRM est facilité dans le but d’encourager leur utilisation. Soit les villes aménagent des stationnements réservés aux motos et scooters (ils sont alors identifiés par une signalétique ad hoc), soit les DRM sont autorisés à se garer sur les trottoirs, dans la mesure où cela n’entrave pas les déplacements des piétons, ni la circulation. Ce qui est le cas en Belgique qui vient d’adopter une loi en ce sens. Peu coûteuses, ces mesures sont par ailleurs très faciles à mettre en place.
Autres mesures favorisant l’utilisation des DRM
Depuis 2009, la France et la Grande-Bretagne mènent une campagne intéressante afin de favoriser la mobilité des chômeurs. Reconnaissant qu’un demandeur d’emploi qui n’a ni permis, ni véhicule réduit son rayon de recherche à trois kilomètres de son domicile, le gouvernement met à sa disposition, sous certaines conditions, un scooter afin qu’il puisse étendre ses recherches à 30 kilomètres. L’état peut également aider ces chômeurs à financer leur permis de conduire, toujours dans le but d’accroître leur mobilité et leurs chances de trouver un emploi.
Et chez nous?
Au Canada et au Québec, malheureusement, les autorités publiques, les élus et les hommes politiques font toujours la sourde oreille à nos revendications qui, soit dit en passant, profiteraient à l’ensemble de la population, pas seulement aux motocyclistes. Il nous incombe alors de faire la preuve de notre bonne foi et de promouvoir l’utilisation des motos et scooters, dans notre entourage immédiat, dans un premier temps et auprès du grand public et des autorités, dans un deuxième temps. C’est à nous de nous prendre en main et d’agir. Pour y parvenir, commençons par changer certains de nos comportements. Cela incitera peut-être les pouvoirs publics à nous prendre au sérieux et à nous écouter.
Londres autorise les motos dans les voies réservées aux bus
L’organisme public Transport Of London (TfL), responsable de la circulation dans la capitale britannique, vient d’autoriser le partage des voies réservées aux bus avec les deux-roues. Cette mesure entrera en vigueur le 23 janvier 2012.
Selon un responsable de TfL, «des essais menés à deux reprises, pendant 18 mois ont montré une réduction des temps de trajets, mais aussi des bénéfices environnementaux, ceci sans incidence significative sur la sécurité des motocyclistes et des autres usagers vulnérables de la route».
Londres fait figure de précurseur dans le domaine. Cependant, plusieurs autres grandes villes européennes, dont Paris, Barcelone et Rome, qui participent avec la capitale britannique au projet eSUM (European Safer Urban Motorcycling) — voir vidéoclip ci-dessous —, suivront à la loupe les résultats de cette mesure et pourraient l’adopter, à moyen terme.