« Le saviez-vous ?

Les débuts de l’accidentologie motocycliste

La responsabilité de cette recherche tombe dans les mains de Harry Hurt. Ce dernier, un ancien pilote de transport pour la marine américaine lors de la guerre de Corée est avant tout, depuis son jeune âge, un amateur de moto. Hurt, alors âgé de 49 ans, enseigne à l’Université du sud de la Californie dans laquelle il a obtenu une maîtrise en ingénierie aéronautique.

Sa passion pour la moto et son expertise scientifique vont lui permettre d’entreprendre un projet jamais réalisé auparavant : une large étude détaillée d’accidents de moto associée à une compilation et une interprétation scientifique des données. À sa disposition, un budget important de 502 000 $ américains qui équivaudrait à un montant de 2 800 000 $ aujourd’hui.

Dans un premier temps, Hurt collige une multitude d’informations, rapports, études et dossiers pertinents pour mieux en identifier leurs faiblesses. Il décide que son projet tiendra alors compte du facteur de l’exposition au risque (kilométrage parcouru), un test de référence (comparaison avec un échantillon non accidenté) et un test de statistique dit du Khi deux.

Pour monter son équipe de recherche, Hurt fait appel à des ingénieurs, des médecins, des psychologues et des spécialistes en statistiques. Chaque membre de l’équipe doit avoir une expérience en conduite motocycliste et suivre un cours en reconstruction d’accident étalé sur une période de six mois. Son équipe obtient le droit d’accès aux dossiers d’accidents des forces de l’ordre, des services ambulanciers des services d’incendie, des dossiers médicaux hospitaliers et des rapports de coroners.

Une équipe de recherche s’est rendue sur place pour plus de 900 scènes d’accidents motocyclistes à toute heure du jour et de nuit tous les jours de la semaine durant une période de 24 mois (1976-1977). Pour chacun des 900 accidents, presque 1 000 données spécifiques seront enregistrées. En parallèle, sont colligés 3 600 rapports d’accidents des corps policiers pour établir des données de référence.

Toujours dans le but d’affiner les données, des cellules de recherche retournent plus tard sur 505 des 900 scènes. Elles enregistrent le flux de la circulation générale et motocycliste, photographient les motos de passage et immobilisent 2 310 motocyclistes pour les interviewer. Ces enquêtes de rattrapage ont lieu dans des conditions équivalentes (jour, heure, conditions météo) à celles de l’accident initial. Ces données serviront principalement à comparer l’échantillon des cas impliqués dans un accident et ceux qui ne l’ont pas été.

Hurt choisit de concentrer son enquête dans la ville de Los Angeles et ses environs convaincu que la grandeur de son échantillon lui permettra d’appliquer ses conclusions à l’ensemble de la population motocycliste des États-Unis. Il faudra attendre vingt ans pour qu’une étude (MAIDS) aussi significative soit entreprise en Europe.

NB : Cet article est le premier d’une série de trois. Suite et conclusions du rapport dans les prochains épisodes.

* Officiellement intitulé « Motorcycle Accident Cause Factors and Identification of Countermeasures », l’étude a été commandée par le Department of Transportation’s National Highway Traffic Safety Administration des États-Unis. Le mandat est confié à l’University of Southern California Traffic Safety Center (USC) sous la direction de Harry Hurt (1927-2009).

Une réponse à “Le rapport Hurt (1/3)”

  1. Noël-André SCANO

    Bonjour Jean-Pierre,
    Excellente idée de rappeler l’historique de ce rapport Hurt. Hélas, du côté SAAQ, un rapport de cette envergure n’est pas pour demain.
    Et pourtant, il permettrait de faire la lumière sur un sujet d’actualité : les causes principales d’accidents en 2024 et les principaux responsables.
    Y a-t-il eu des changements de comportement des antagonistes impliqués ? Les facteurs d’accidents sont-ils toujours les mêmes ? Comment améliorer le bilan en réduisant le taux d’accidents impliquant une moto ? Certainement pas en augmentant les primes d’assurances sous prétexte qu’un accidenté de la route en moto, coûte plus cher que ce qu’il paie.
    J’invite toute personne intéressée à lire ce rapport d’accidentologie.

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