… le monde s’incline !
Publié le 16 avril 2024
Une moto ne change pas de direction aussi facilement et rapidement qu’une automobile. Un changement de direction pour une motocyclette implique plusieurs forces en interaction. Comme tout véhicule de type monovoie, une motocyclette doit obligatoirement être inclinée pour compenser l’inertie engendrée par un changement de direction.
Photos © Motoplus.ca
L’inclinaison de la moto génère un couple, c’est-à-dire une force appliquée à un levier. Cette force correspond à la gravitation terrestre exercée sur centre de gravité combiné de l’ensemble moto-pilote. La distance latérale entre ce centre de gravité combiné et la surface de contact des pneus avec la route constitue le levier. En virage, le produit de ce couple doit équilibrer la force centrifuge qui pousse ce centre de gravité combiné moto-pilote vers l’extérieur du virage. La variation de la longueur de ce levier horizontal devient la source principale sur lequel le pilote peut intervenir. En virage, l’angle d’inclinaison doit être ajusté en fonction de la vitesse et du rayon du virage. En fonction du rayon donné d’un virage et de la vitesse spécifique de la moto, il n’existe qu’un seul angle d’inclinaison approprié.
Il faut donc provoquer un basculement sur l’axe du roulis vers le côté où on veut aller en entreprenant le changement de direction. Ce basculement est principalement généré par le pilote avec un pivot momentané du guidon dans la direction opposée à la direction d’intention. L’effort requis de la part du pilote pour faire pivoter le guidon dépend de l’inertie de rotation de la roue avant. La poussée sur le guidon devra être proportionnellement plus importante quand la masse de la roue et sa vitesse de rotation sont grandes. Une roue avant légère ou d’un faible diamètre tend à rendre la direction plus nerveuse.
Le contre-braquage
À l’aide du guidon, le pilote contrôle l’emplacement de la partie inférieure de la moto en contact avec le sol par rapport à la localisation du centre de gravité combiné moto-pilote. Lorsque la moto est en mouvement, le pivotement du guidon modifie la trajectoire du pneu avant sur la route. Comme la trajectoire du pneu change avant que ne change celle du centre de gravité combiné moto-pilote qui cherche à poursuivre son mouvement rectiligne, ce déplacement latéral vers l’extérieur du point de contact du pneu devient la source principale mettant en œuvre un changement de direction pour une moto. Cette technique porte le nom de contre-braquage dans le domaine de la formation motocycliste.
L’effet gyroscopique
Au contre-braquage s’ajoute celui de l’effet gyroscopique généré par la roue avant qui tend à incliner la moto vers le centre de la courbe. À l’amorce du pivot du guidon, la roue avant affiche une certaine résistance momentanée à changer de direction avant que l’effet gyroscopique entre en action. L’effet gyroscopique constitue le deuxième facteur d’importance sur l’inclinaison d’une moto. Il n’est toutefois pas essentiel. Sur d’autres véhicules de type monovoie utilisant un ski à l’avant et encore de toutes petites roues comme les trottinettes, l’inclinaison peut être provoquée par le simple déplacement latéral vers l’extérieur du point de contact au sol.
La géométrie de la fourche avant
Il existe un autre déplacement, plus subtil, qui est produit par le déport de la roue avant. Comme le point de contact du pneu est situé en arrière du pivot de la direction, une rotation de la direction crée un déplacement latéral de l’axe de direction par rapport au point de contact du pneu, qui est momentanément fixe. Comme le pivot de direction est solidement fixé au châssis, il s’ensuit que le centre de masse du châssis se déplace avec le pivot de direction. Cet effet est indépendant de la vitesse et se produit même à l’arrêt.
Cette capacité de maintenir en équilibre un véhicule à deux roues à l’arrêt par le contrôle du guidon est souvent démontrée par les trialistes quand ils se préparent à attaquer un obstacle. On observera que lorsqu’ils font du « sur place », ils effectuent de fréquentes corrections d’équilibre avec le guidon.
Il est bon de noter que l’effet du déplacement du centre de gravité combiné par le levier virtuel que constitue le déport de la roue provoque un déplacement de ce centre dans la même direction que celle de la roue. Cet effet est donc opposé au précédent (contre-braquage) et à celui obtenu par l’action gyroscopique. À très basse vitesse, il est dominant puisqu’il est constant et actif même quand la vitesse est zéro alors que les deux autres, nuls à l’arrêt, croissent rapidement avec la vitesse. C’est pourquoi on parle de tourner le guidon dans le sens de la direction d’intention à basse vitesse et en direction opposée à haute vitesse. La vitesse de transition entre les deux modes de conduite dépend de la géométrie de la direction, de la hauteur du centre de masse, du moment d’inertie et du diamètre de la roue avant. Cette vitesse est très basse pour la plupart des motos.
La remise à la verticale
Pour redresser une moto qui est inclinée alors qu’elle est en train d’effectuer un changement de direction, le pilote doit rétrécir la trajectoire de la roue avant en orientant le guidon vers le côté intérieur du virage. Une fois l’angle d’inclinaison désiré (la verticale pour une trajectoire rectiligne) atteint, le pilote oriente momentanément le guidon vers l’extérieur du virage avant de le neutraliser. Cette caractéristique spécifique au véhicule de type monovoie est connue depuis longtemps.
Le déplacement du pilote
Le changement de position du pilote libre de modifier l’emplacement de son corps ou d’une partie de son corps peut techniquement influencer un changement de direction sur une moto. Cette modification du centre de gravité moto-pilote n’a cependant qu’un effet très limité. Si la direction de la moto n’était pas articulée (direction bloquée), il faudrait une distance considérable pour observer un faible changement de direction causé par un déplacement du corps du pilote.
L’influence d’un déplacement soudain du corps du pilote quand la direction est libre, même si le pilote ne touche pas au guidon, aura plus d’effet que dans le premier cas. L’effet sur le centre de gravité sera le même, mais la légère inclinaison fera pivoter le guidon libre à cause de la géométrie de la fourche dans le sens opposé à la direction d’intention déclenchant ainsi un contre-braquage.
Quand un pilote se penche vers l’intérieur du virage en gardant contact avec le guidon, il pousse souvent sans s’en rendre compte sur le guidon ce qui provoque un contre-braquage. Dans une telle situation, il est souvent facile de surévaluer le rôle du déplacement du corps du pilote dans un changement de direction.