« Essais

Le chant du cygne du cruiser sportif italien?

Texte : Costa Mouzouris Photos : Alex Photo, Ducati

La Ducati XDiavel V4 est l’une de ces motos difficiles à classer. Ce n’est ni une moto sportive, ni une moto de tourisme, ni un cruiser. Il fut un temps où elle aurait pu rivaliser avec des motos, telles que la Yamaha V-Max ou certains modèles V-Rod plus agressifs de Harley. Mais ces cruisers puissants ont depuis longtemps disparu, laissant la XDiavel seule survivante dans une catégorie principalement destinée aux motards nord-américains. Sa concurrente la plus proche est la Triumph Rocket 3, qui est elle-même une anomalie avec son énorme moteur de 2,5 litres, plus puissant que la plupart des VUS compacts. Cependant, la XDiavel est plus agile en comparaison, avec un poids inférieur de 88 kilos à celui de la grosse Triumph. Ducati qualifie officiellement la XDiavel V4 de «sport cruiser», et son héritage sportif est immédiatement perceptible dès que l’on tourne la poignée et que l’on s’engage dans une série de virages.

Le retour de la XDiavel

La Ducati XDiavel fait son retour après deux ans d’absence, mais, cette fois-ci, elle exhibe deux cylindres supplémentaires et une puissance accrue. Son ancien bicylindre en V Testastretta DVT de 1 262 cc a été remplacé par le quatre cylindres en V Granturismo de 1 158 cc de Ducati, qui développe 168 chevaux et 93 lb-pi de couple, contre 159 chevaux et 95 lb-pi pour le bicylindre en V. Il s’agit du même moteur dérivé de la Multistrada qui équipe la Diavel V4. Grâce à un système de contrôle électronique du lancement (Launch Control, en anglais), il est assez puissant pour propulser la XDiavel de 0 à 100 km/h en « moins de trois secondes », selon Ducati. À l’autre extrémité du spectre électronique, elle est dotée d’un système de désactivation des cylindres qui coupe les cylindres arrière au ralenti ou à basse vitesse afin de réduire la chaleur et d’économiser du carburant.

Ce qui différencie la nouvelle XDiavel de sa devancière, outre le moteur V4, c’est son tout nouveau style. Elle est munie d’un phare à DEL plus rond que celui de la Diavel, ses épaules sont plus larges que celles de l’ancienne XDiavel et le réservoir d’essence est allongé et incurvé, donnant presque l’impression d’avoir été fondu sur le dessus de la moto. Le guidon est 20 mm plus bas et 14 mm plus en arrière que sur la XDiavel précédente, ce qui offre une position de conduite plus détendue.

Les éléments sportifs de ce cruiser musclé comprennent une fourche inversée entièrement réglable de 50 mm, un monoamortisseur entièrement réglable et des étriers avant Brembo Stylema avec des disques de 330 mm. Elle est également équipée d’un ABS en virage et d’un contrôle de traction, d’un contrôle de wheelie, de modes de conduite et de puissance sélectionnables et d’un quickshifter bidirectionnel. Tous les réglages et modes de conduite sont sélectionnables via un écran TFT couleur de 6,9 pouces dont les commandes sont situées sur le commutateur gauche. Il s’agit d’un système intuitif auquel on s’habitue en quelques minutes seulement.

Comment se comporte cette sportive?

Malgré ses composants dignes d’une Superbike, tout le reste de la XDiavel indique qu’elle devrait être plus à l’aise en ligne droite qu’en virage : elle a un empattement long (1 620 mm), un pneu arrière large de 240 mm et une position de conduite avancée typique des cruisers. Mais parmi les astuces que Ducati a intégrées pour l’aider à changer de direction efficacement, on trouve un vilebrequin contrarotatif, qui, associé à un cadre monocoque en aluminium (auparavant en treillis d’acier) et à une géométrie de direction relativement sportive, rend la moto étonnamment agile. Bien qu’elle gagne 35 mm de débattement de suspension arrière pour aider à réduire le talonnage et augmenter le dégagement en virage, la hauteur de selle est de 20 mm plus basse qu’auparavant, à 770 mm.

Le long empattement de la moto, associé à son large pneu arrière, ralentit la direction et résiste aux virages serrés. Elle tourne bien, avec un effort modéré au niveau du guidon, mais il faut maintenir une pression constante sur le guidon intérieur pour la maintenir inclinée dans les virages, et elle a tendance à déraper si le virage se resserre. Il est toujours possible de resserrer l’arc de la moto, mais cela demande un certain effort. Elle offre néanmoins une conduite plus neutre et est beaucoup moins encline à se redresser dans les virages que les Harley dotées de gros pneus que j’ai conduites, qui donnent l’impression de s’appuyer sur un ressort dans les virages. Les seules caractéristiques de maniabilité qui trahissent sa nature sportive sont une tendance à déraper en sortie de virage et un angle de braquage limité à 39 degrés des deux côtés, par rapport à une moto «naked» ou sportive.

Il y a quelque chose dans la XDiavel qui m’a incité à sélectionner le mode Sport chaque fois que je l’enfourchais. C’est peut-être le ronronnement du V4, ou simplement le fait que c’est une Ducati, mais tout au long de la journée, presque chaque fois que je me remettais en selle, je roulais les pieds dans le vide, cherchant désespérément à atteindre les repose-pieds situés très en avant.

Je ne suis pas un adepte des repose-pieds avancés, et même s’ils peuvent être reculés ou avancés de 20 mm par rapport à leur position standard, je ne suis pas devenu plus amateur pour autant; je préfère de loin les commandes centrales de la Diavel. Cependant, j’ai remarqué que mes genoux se glissaient parfaitement derrière le réservoir sculpté, protégés du vent par ses côtés bombés. Cela a éloigné le vent de mes jambes et ne les a pas écartées, comme sur toutes les autres motos pourvues de repose-pieds avancés que j’ai conduites. 

Un moteur souple et puissant, mais est-ce le bon choix?

À vitesse constante, le moteur est presque totalement exempt de vibrations. Cependant, il suffit de tourner légèrement la poignée de droite pour sentir la puissance vous allonger les bras. Je ne suis toutefois pas encore convaincu que le V4 soit le moteur idéal pour la XDiavel. Ne vous méprenez pas, c’est un superbe moteur qui roule en douceur et qui, lorsqu’on le laisse respirer, développe une puissance explosive dès que le compte-tours dépasse les 6 000 tr/min. Cependant, il lui manque la puissance instantanée à bas régime que l’on attend lorsqu’on accélère sur un cruiser, quel qu’il soit.

La XDiavel n’est pas le premier cruiser de Ducati, cet honneur revenant à l’horrible et mal conçue Indiana du milieu des années 1980. Elle avait été spécialement produite pour le marché américain, qui à l’époque, dévorait les cruisers aussi vite que le Japon pouvait les produire. La XDiavel V4 s’inscrit dans cette lignée et vise à répondre à la demande nord-américaine de cruisers, certes en baisse, mais toujours présente. Bien qu’elle soit presque la seule dans la catégorie des cruisers sportifs, la Ducati n’en demeure pas moins une moto authentique, avec une puissance impressionnante, un style saisissant et même deux couleurs inédites, dont le rouge brulant de série et le noir lave en option (300 $). Ces deux couleurs sont peu conventionnelles pour Ducati, mais elles sont profondes et riches.

 Conclusion

Alors que les cruisers étaient autrefois légion, ils ont aujourd’hui pratiquement disparu. Honda a retiré de son catalogue sa gamme Shadow. Kawasaki ne propose plus que deux modèles Vulcan. Suzuki continue tant bien que mal avec quelques anciens modèles Boulevard. Quant à Yamaha, elle n’offre plus qu’une seule véritable cruiser, la petite V-Star 250, destinée aux débutants. Les cruisers puissants appartiennent désormais presque entièrement au passé, ce qui fait de la XDiavel une proposition unique. Celle-ci est toutefois proposée à un prix musclé, puisque la XDiavel V4 est vendue à partir de 33 995 $. Mais si le prix est l’une de vos priorités lors de l’achat d’une moto, vous n’êtes probablement pas à la recherche d’une moto italienne exclusive et exotique.