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Routière sportive ou supersportive ?

Photos : Ray Gauger, Courtney Gauger, Joseph Agustin

Arrivé à San Francisco, la veille de l’événement, sous un soleil radieux, je suis extatique. Cette prise de contact dans la Vallée de Napa s’annonce glorieuse. Mais j’aurais dû me méfier. En effet, mes deux vols avec United, se sont passés sans anicroche. Je suis même arrivé en avance sur l’horaire prévu et mes bagages se sont rendus à bon port, malgré une escale de courte durée à Chicago. Toutefois, la Loi de Murphy finit toujours par nous rattraper, quoi qu’on fasse. Le lendemain matin, en me réveillant, je constate qu’il pleut à verse et le thermomètre affiche un maigre 5 °C. Autant dire que j’ai plus envie de rester au lit, bien au chaud sous la couette, que d’aller me geler sous la drache, sur un circuit que je ne connais pas et sur lequel les motos ne roulent pas habituellement, quand il pleut. Pour couronner le tout, j’ai oublié mon habit de pluie. Pourtant, je sais par expérience qu’il faut toujours en traîner un avec soi, ne serait-ce que pour conjurer le sort.

Nous arrivons au magnifique circuit de Sonoma Raceway (appelé Sears Point, à sa création en 1968, puis rebaptisé Infineon Raceway en 2002, avant de prendre son nom actuel en 2012) sous une pluie battante. Le tracé de 4,06 km comporte douze virages, dont deux en dévers, et plusieurs changements d’élévation. 

Nous nous retrouvons tous dans la grande salle de réunion, près des garages, pour prendre notre petit-déjeuner. La pluie tombe sans interruption, rendant le tracé brillant, et d’énormes flaques d’eau se forment. Plus le temps passe, plus la pluie prend de la vigueur. Les prévisions locales sont peu encourageantes et, même si on regarde notre écran de téléphone toutes les cinq minutes, elles ne changent guère. 

Après deux heures d’attente, les autorités du circuit ouvrent officiellement la piste. Les techniciens de Yamaha mettent les couvertures chauffantes sur les pneus pluie Bridgestone Battlax Racing W01 et démarrent les motos. Entre-temps, le responsable presse de Yamaha USA fournit à ceux qui n’en ont pas — je ne suis pas le seul à avoir fait preuve d’un excès d’optimisme — une combinaison imperméable Alpinestars. Ainsi armé, je m’élance en piste sur la magnifique R9 bleue Team Yamaha qui m’est dévolue.

Ce lancement s’est déroulé en deux vagues. La première, qui regroupait une dizaine de journalistes, principalement des sites américains et des Youtubers, a eu lieu deux jours plus tôt sous une température idyllique. La deuxième vague regroupe les représentants des principaux magazines américains et canadiens. Elle compte une dizaine de journalistes très rapides, dont deux ayant participé plusieurs fois au Tourist Trophy de l’île de Man et à la course de Pikes Peak, ainsi que Brett McCormick,qui fut champion CSBK sur une BMW S1000RR (2011), en plus de piloter en AMA Superbike pour l’écurie Jordan Suzuki (2010) et en WSBK (2011/2012), pour l’écurie Effenbert Liberty Racing, sur une Ducati Panigale 1199.

Josh Hayes en action sur la Yamaha YZF-R9, sur le circuit de Sonoma

Josh Hayes, qui a remporté quatre fois le titre suprême en Superbike AMA (2010, 2011, 2012, 2014), et d’autres distinctions, ainsi que Rich Oliver, vainqueur de cinq titres AMA (GP250, SuperSport, Superbike), représentent tous deux la marque aux trois diapasons en tant qu’ambassadeurs. Pour ma part, je suis le plus âgé de ce groupe select, et l’un des moins véloces. Dire que je suis victime du syndrome de l’imposteur est un euphémisme. Mais, comme mes neuf autres collègues, je dois affronter une piste détrempée et glissante, ce qui réduit pas mal les écarts de niveau entre les pilotes. Quelque part, ça m’arrange bien.

Comme nous sommes peu nombreux, nous avons chacun une moto attitrée, réglée selon nos préférences. Nous pouvons donc sortir en piste aussi souvent que nous le désirons et y rester à notre guise. Piste ouverte de 10 h à 17 h, avec une pause déjeuner entre midi et 13 h 30. Difficile de faire mieux dans les circonstances. 

Une chose est sûre : la YZF-R9 est une moto importante pour Yamaha, comme en témoigne la présence d’une armada d’ingénieurs venus du Japon. Parmi ceux-ci, Kouji Tsuya, le chef de projet de la R9, qui était ingénieur châssis dans l’équipe Yamaha de MotoGP en 2008/2010, avec Valentino Rossi et Jorge Lorenzo. Un trio de techniciens KYB qui nous aident à régler nos suspensions sont également de la partie. Et Bridgestone a fourni à Yamaha un lot important de pneus pour cette prise de contact, dont des pneus de pluie que nous allons utiliser exclusivement pour cette journée de piste.

Une SuperSport accessible

La R9 est certainement le secret le moins bien gardé de l’industrie. On en parle depuis presque 10 ans déjà, soit depuis le lancement de la FZ-09 originale, l’ancêtre de la MT-09. Même s’il n’y a eu aucune fuite d’information à son sujet, elle est très attendue par les aficionados de la classe SuperSport remaniée, particulièrement depuis le dévoilement récent de la Ducati Panigale V2, sa principale concurrente. S’inspirant des R1 et R6, qu’elle ne remplace pas, la R9 emprunte la signature visuelle de la série R, reconnaissable à sa prise d’air en forme de «M» et à son aileron arrière. Elle partage aussi les feux de position à DEL à angle oblique, et une aérodynamique évoluée avec des ailerons fonctionnels. 

La R9 franchit un nouveau seuil au sein de la célèbre gamme de motos sportives de Yamaha. Ce n’est pas une moto recherchant la performance sur piste à tout prix, mais un concept unique qui représente une évolution continue du segment SuperSport, avec des performances accessibles, comme la YZF-R7 avant elle. Elle représente, selon les ingénieurs de la firme d’Iwata City, l’équilibre parfait entre performances sportives sur route et capacités de pistarde de classe mondiale.

Un moteur connu et apprécié

La plateforme CP3, composée du roadster MT-09, de la sportive GT Tracer 9 GT, de la sportive rétro XSR900 et maintenant de la supersportive R9, est presque terminée. Il ne lui manque qu’une aventurière pour l’être tout à fait. Cette logique de plateforme que Yamaha a déjà appliquée avec succès au bicylindre CP2 (MT-07, XSR700, Tracer 7, Ténéré 700, R7) permet de rationaliser la gamme et de réaliser des économies d’échelle. Cependant, contrairement à la R7, qui est en fait une MT-07 à laquelle Yamaha a greffé un carénage et des guidons bracelets, la R9 n’est pas une vulgaire MT-09 vêtue d’un accastillage de course. Il s’agit en réalité d’une authentique sportive, disposant de son propre cadre Deltabox coulé par gravité, de suspensions KYB haut de gamme entièrement réglables, de freins Brembo Stylema, de jantes en aluminium forgé issues de la R6, dotées de valves coudées et de pneus sportifs Bridgestone Battlax Hypersport S22. Sans compter un arsenal électronique à la fine pointe de la technologie.

Le moteur est le fameux trois cylindres de 890 cm3, refroidi par liquide, de la MT-09. Ce dernier, qui est commun à toute la famille CP3, est utilisé sans modification dans la R9, si ce n’est de l’utilisation d’une cartographie distincte de l’unité de contrôle électronique (ECU),  pour tenir compte des aides à la conduite et de la nature plus agressive de la R9, d’un radiateur incurvé plus large, d’un papillon des gaz à rotation plus rapide qui atteint la pleine ouverture plus vite et d’une démultiplication allongée (pignon de sortie de boîte de 16 dents et couronne arrière de 43 dents), ce qui favorise la vitesse de pointe. À ce sujet, l’ECU des modèles canadiens diffère de celle des modèles américains que nous avons en essai, mais nous n’avons pas eu plus de détails à ce sujet. Nous vous en dirons plus à ce sujet lors de l’essai du modèle canadien, cet été.

Le tricylindre développe toujours une puissance de 119 ch à 10 000 tr/min et un couple de 68,6 lb-pi à 7 000 tr/min. Il a recours à un système électronique de la commande des gaz Yamaha (YCC-TMD), à un embrayage antidribble assisté et est combiné à une boîte de vitesse à six rapports, pourvue de série d’un excellent quickshifter bidirectionnel de troisième génération (QSS).

Une partie cycle inédite

Ce moteur est logé dans un cadre léger en aluminium coulé par gravité développé spécifiquement pour la R9. Selon Yamaha, ce cadre est le plus léger utilisé sur une sportive de la marque. Néanmoins, par rapport à celui de la MT-09, il est plus rigide : +37 % en rigidité longitudinale, +16 % en rigidité latérale et +18 % en rigidité torsionnelle. Il a été minutieusement réglé afin de procurer une conduite souple et prévisible à basse vitesse, ainsi que la précision d’une SuperSport pour une maniabilité ultra-précise à des vitesses de course.

Par ailleurs, la R9 possède une géométrie de colonne de direction assez radicale avec une chasse de 22,6° (24° sur la R6 2020 ou la MT-09 2024), et un déport de 94 mm (contre 97 mm pour la R6 ou 108 mm pour la MT). L’empattement mesure 1 420 mm, soit 25 mm de plus qu’une R7 et 46 mm de plus que la R6. Avec une répartition des masses presque parfaite (50/50), la R9 est affûtée, légère et fiable. De ce fait, elle s’adapte à tous les types de pilotes et niveaux d’expérience.

La suspension est assurée par des éléments KYB développés spécifiquement pour la R9. À l’avant, on retrouve une fourche SDF (Separate Damping Force ) entièrement réglable, de 43 mm, séparant les deux fonctions hydrauliques (détente dans le tube droit, compression dans le tube gauche). À l’intérieur de la fourche, une valve a été ajoutée du côté détente pour plus de soutien lors des freinages brusques et pour assurer une transition plus douce lorsque la fourche passe de la compression à l’extension. Elle dispose de réglages de basse et haute vitesse pour la compression, en plus de recevoir un traitement antifriction Kashima. À l’arrière, un amortisseur évolué KYB, à bonbonne séparée, est réglable en compression à haute et basse vitesse, détente et en précontrainte du ressort, à l’aide d’une molette. Il intègre une valve pivotante qui contrôle efficacement le débit d’huile lors de l’amortissement à très basse vitesse. Cette technologie utilisée en course, fait ses débuts sur une moto de série. Les débattements s’établissent respectivement à 120 mm à l’avant et 118 mm à l’arrière.

À l’avant, des étriers de frein monobloc Brembo Stylema assurent le freinage avec un maître-cylindre radial Brembo, un double disque de 320 mm, des durites de frein en acier tressé et des plaquettes au composé agressif. Cela confère à la R9 un freinage puissant et un ressenti exceptionnel. À l’arrière, on trouve un simple disque Brembo de 220 mm avec un étrier double piston. L’ABS est désactivable à l’arrière, manuellement, dans les paramètres de l’écran. Pour les motocyclistes qui roulent principalement sur piste, un accessoire Yamaha GTYR est disponible pour désactiver l’ABS à l’avant. Cette fonctionnalité n’est pas encore offerte au Canada.

Une électronique de pointe

L’arsenal électronique de la R9 est exhaustif. Il intègre une centrale inertielle (IMU) évoluant sur 6 axes, s’inspirant de celle que l’on retrouve sur la YZF-R1. Cette centrale sophistiquée donne accès à des assistances électroniques sensibles à l’angle d’inclinaison qui sont paramétrables à souhait. Un pavé avec des flèches directionnelles et un joystick, localisé sur le commodo gauche, permet de naviguer dans les divers menus. 

La fonction Yamaha Ride Control (YRC) donne la possibilité aux pilotes de sélectionner les caractéristiques de puissance du moteur et le degré d’intervention des diverses aides électroniques en fonction de leurs préférences personnelles ou des conditions de la chaussée. En plus des trois modes préréglés (Sport, Street, Rain), il existe deux modes personnalisables (Custom 1 / Custom 2) et quatre pour la conduite sur piste (Track 1 / Track 2 / Track 3 / Track 4). Les modes Track permettent de désactiver l’ABS arrière.

L’application Yamaha MyRide, quant à elle, tient compte de ces paramètres pour interpréter et gérer les données recueillies par l’IMU et par les capteurs de vitesse de roue. Celles-ci permettent la mise au point d’un ensemble d’aides au pilotage évoluées, dont le système de commande d’antipatinage (TCS) à neuf modes, le système de contrôle du glissement latéral (SCS) à trois modes, le système de contrôle de cabrage (LIF) à trois modes, le système de gestion du freinage (BC) et un contrôle de démarrage (launch control). Chacun de ces paramètres peut être ajusté en fonction des préférences du pilote et peut également être activé ou désactivé au choix pour offrir un maximum de polyvalence et de contrôle dans diverses conditions météorologiques et routières. Toutes ces fonctionnalités s’ajustent grâce à un écran couleur TFT de 5 pouces, fournissant une série d’informations sur le véhicule. Le pilote peut personnaliser l’affichage en choisissant entre quatre thèmes pour la route et un thème pour la piste. 

Les thèmes d’affichage, les données sur le véhicule, les connexions et les outils électroniques de la R9 sont accessibles au moyen des tout derniers commodos intégrés au guidon. La forme et la sensation des boutons ont subi de grands changements afin d’apporter au pilote des commandes intuitives, bien agencées et faciles à utiliser. 

Enfin, les pilotes peuvent connecter leur téléphone intelligent au nouvel écran TFT au moyen de l’application Y-Connect afin de recevoir des notifications de message et des appels, et de pouvoir écouter de la musique (à l’aide d’un casque à connexion Bluetooth non fourni). Grâce à cette connectivité sans fil, l’application Y-TRAC, reliée au GPS intégré, collecte les données calculées par la centrale IMU, dont les décélérations et accélérations, les traduit en graphiques et les transmet à l’application pour analyse. 

Un système de navigation détaillée est disponible par l’intermédiaire de l’application Garmin StreetCross. 

L’équipement de base se compose d’un régulateur de vitesse, d’un limiteur de vitesse réglable Yamaha (YVSL), d’un chargeur USB-C, de clignotants à annulation automatique et d’un système de changement de vitesse rapide (QSS) connecté au levier de vitesses, avec deux positions pour ajuster la transmission en mode route ou inversée (GP), en quelques instants.

Mais, trêve de bavardages, il est maintenant temps de mettre la R9 à l’épreuve. 

Sur la piste

Dans le garage, une douzaine de R9 reposent sur leurs béquilles de course. Les moteurs tournent depuis quelques minutes déjà et sont à température optimale. Les pneus pluie Bridgestone Battlax Racing W01 sont chaussés de couvertures chauffantes. Pour ce lancement, les R9 étaient équipées de Bridgestone RS11, des pneus de route hypersportifs, mais ces gommes ont été remplacées à la dernière minute en raison des conditions météorologiques sévères sévissant sur la région. 

Avant notre première sortie, les techniciens Yamaha nous aident à choisir les meilleures options — mode de conduite, affichage, antipatinage, ABS, type de sélection des rapports. Personnellement, je règle le sélecteur de vitesses sur la position route et je sélectionne le mode Track 4, avec le réglage de puissance sur 2, l’antipatinage presque au maximum (8 sur 9), l’ABS arrière et le BSR désactivés. Ce n’est pas le temps d’aller tâter du bitume devant un parterre aussi prestigieux.

Avec ses ailerons fonctionnels dérivés du MotoGP qui ajoutent à la force d’appui de la moto, gardant la roue avant stable et bien ancrée au sol, tout en réduisant au maximum la traînée aérodynamique, la R9 est non seulement magnifique, mais aussi svelte et joliment profilée.

La position de pilotage supersportive est moins radicale que celle de la R1 ou de la R6, mais plus que celle de la R7, même si elle demeure orientée piste. Elle a été optimisée afin d’apporter une excellente maniabilité et une profonde harmonie entre la moto et le pilote, tout en préservant la proximité du guidon, l’espace pour jambes et une hauteur de selle raisonnable (830 mm) pour maximiser le confort dans divers scénarios de pilotage. La selle est confortable et permet au pilote de s’avancer ou de se reculer à loisir. Les bracelets situés sous le té supérieur ne causent pas d’appui excessif sur les poignets, sur piste à tout le moins. Les repose-pieds s’ajustent sur deux hauteurs, afin de maximiser la garde au sol, sur piste. La bulle permet de s’abriter des turbulences à vitesse élevée, en se couchant sur le réservoir, mais elle aurait pu être un poil plus haute pour offrir une protection optimale. Quant au poste de pilotage dominé par l’écran réglé en mode course, il est superbe.

Pour ma première sortie, j’ai revêtu mon «condom» Alpinestars afin de protéger ma combinaison que j’inaugure pour l’occasion. Après avoir effectué un tour de reconnaissance du circuit en auto, avec Josh Hayes, qui connait bien le tracé pour y avoir souvent couru — toujours sur le sec cependant —, et écouté ses conseils judicieux au niveau des trajectoires, je décide, pour cette première séance en tout cas, d’opter pour une conduite de type routière afin de découvrir la moto en toute sérénité, sans prendre de risque inconsidéré.

Dès les premiers tours de roue, je reconnais le caractère joueur du trois cylindres Yamaha, sa souplesse, son couple élevé grâce auquel on ressort des courbes avec autorité, même si on n’est pas forcément sur le rapport optimal et sa capacité à pardonner les approximations au niveau du pilotage. Cependant, quand on tire les rapports, on arrive vite au rupteur qui s’engage à 10 500 tr/min. Après quelques tours, je prends l’habitude de passer les rapports à mi-régime et de conduire sur le couple, même si ça signifie passer les rapports plus fréquemment qu’on le ferait sur une supersportive de type R1 ou R6. L’opération est facilitée par l’excellent quickshifter qui fonctionne à merveille, à la montée comme à la descente des rapports. C’est l’un des meilleurs que Yamaha a produit à ce jour. 

L’électronique fonctionne bien et je n’ai pas de surprise, même lors de fortes accélérations sur l’eau. Le pneu arrière reste bien collé à l’asphalte. Pour ce qui est du freinage, aucune alerte non plus. Mais il faut dire que je reste prudent et que j’essaie de freiner progressivement, toujours en position droite, afin de ne pas tester les limites de l’ABS et du pneu pluie. Je prends le temps de bien décomposer toutes les phases de pilotage pour ne pas déstabiliser la moto. Une vraie conduite routière, sur chaussée mouillée. 

Au fil des tours, à mesure que la piste s’assèche tranquillement, je découvre un châssis bien né, précis, rigide et qui permet d’exploiter le trois cylindres au mieux. Ma confiance dans cette partie cycle affûtée, mais maniable, ainsi que dans l’adhérence des Bridgestone Battlax Racing W01, m’incite à augmenter le rythme et à attaquer les virages de façon plus agressive, en adoptant des trajectoires de course. Dans ces conditions, la R9 reste parfaitement stable et sécurisante. Maniable, elle se pilote du regard et change facilement d’angle. Imperturbable!

Le freinage est excellent. La puissance de ralentissement est phénoménale. Presque trop, en regard de la puissance modeste du moteur. Facile de déclencher des «stoppies» avec un tel freinage. Cependant, les freins sont faciles à moduler sur le circuit détrempé et ne nous prennent pas en traître.

J’enchaîne les sorties en piste pratiquement sans interruption, m’arrêtant pour m’éclaircir les idées, prendre des notes, me désaltérer et me vider la vessie. Après deux sorties, la pluie a cessé et je me défais de ma combinaison imperméable. Je respire enfin. Et comme la température atteint maintenant la dizaine de degrés, je suis bien. J’ai le temps de compléter deux autres sessions d’une vingtaine de minutes avant le déjeuner. L’accalmie nous donne de l’espoir de pouvoir chausser les pneus de route en après-midi. Mais c’était sans compter sur la sempiternelle Loi de Murphy…

Alors que nous nous apprêtons à repartir à l’assaut du magnifique tracé californien, la pluie se remet de la partie et inonde le circuit qui s’était asséché. Retour à la case départ et aux pneus pluie pour deux séances sans photographes. Deux heures plus tard, une éclaircie nous permet de faire quelques tours en piste derrière le véhicule de ces derniers pour l’incontournable séance de photos et vidéos en suivi — qui donne rarement des résultats spectaculaires selon moi — et nous fait perdre plus d’une heure de roulage. Il est déjà 15 h 30. Il nous reste donc trois ou quatre occasions d’aller rouler sur la piste qui s’assèche rapidement, mais pas suffisamment pour passer aux pneus DOT.

Nous pouvons néanmoins accélérer le rythme et cerner le potentiel réel de cette supersportive nouveau genre. Plus la vitesse augmente, plus les qualités dynamiques de la R9 s’affirment Et plus mon pilotage devient incisif. Agile, la R9 est facile à mettre sur l’angle et maintient sa trajectoire sans broncher. Dans les deux pif paf du circuit, elle virevolte d’un virage à l’autre facilement, d’une simple poussée sur le guidon-bracelet. Elle inspire immédiatement confiance, même si l’adhérence est toujours précaire par endroit.

Le moteur gorgé de couple permet de ressortir des courbes avec autorité. On note un léger creux à l’accélération, entre 5 500 et 6 000 tr/min, mais au-delà, il tire sans fléchir jusqu’à la zone rouge. Bien qu’il ne soit pas aussi rageur que le quatre cylindres de la R6, qui atteint un régime maxi de près de 16 000 t/min, le CP3 permet de s’amuser sans se faire peur, tout en se montrant très véloce cependant. De plus, sa sonorité à l’accélération est envoûtante. Je n’ose imaginer ce que ce serait avec un pot d’échappement de remplacement. 

Dans ces conditions, le quickshifter confirme la première impression qu’il m’a donnée. Il est précis, rapide — comme son nom l’indique — et permet de bien exploiter l’étalonnage de la boîte. L’embrayage antidribble est transparent, même lors de rétrogradages virils, et empêche la roue de bloquer subrepticement.

Comme je l’ai dit plus haut, le freinage est superlatif et c’est encore plus notable sur un revêtement sec. Impressionnant! Le ressenti est précis, grâce au maître-cylindre radial Brembo et le freinage est aussi facile à moduler qu’il est puissant. Même à l’arrière. De plus, la moto reste parfaitement stable au freinage, particulièrement en position verticale, ce qui permet de bien se caler contre le réservoir. Les suspensions, parfaitement calibrées pour mon poids (le ressort est taré pour un pilote de 65 à 85 kg), ne nécessitaient aucun réglage de ma part. À un rythme plus élevé, il aurait peut-être fallu rehausser l’arrière. Mais là, je chipote. 

Dans les parties bosselées ou au passage des changements de revêtement, la moto ne se déstabilise jamais et ne montre aucun signe de mouvement de la colonne de direction. Sans être aussi incisif que celui d’une R6, le train avant est stable, bien planté et inspire confiance, surtout quand on a de bons pneus. Le comportement de la R9 est loin de celui de la MT-09 à ce chapitre. 

Au terme de cette prise de contact sur le superbe circuit de Sonoma, toutes mes craintes du matin ont disparu. Grâce à sa douceur, à son équilibre global et à sa facilité de prise en main, la R9 s’est montrée complaisante, docile et performante. Le trois cylindres est toujours aussi attachant et fait preuve d’une grande adaptabilité. J’ai hâte de l’essayer sur route cet été, mais aussi sur un circuit avec lequel je suis familier. Et, bien entendu, de la comparer à ses principales concurrentes.

La nouvelle Yamaha YZF-R9 2025 sera déclinée en deux coloris, soit bleu Team Yamaha ou noir corbeau mat. Elle arrivera chez les concessionnaires au printemps 2025, en petites quantités, au prix de 15 999 $. Une gamme d’accessoires optionnels, comprenant un protecteur de radiateur, un protège-réservoir, un ensemble de grips de réservoir, des poignées chauffantes, une bulle de carénage fumée et des capots de selle, est proposée pour la R9. De quoi la personnaliser à votre goût.

En conclusion

La YZF-R9 est une bonne sportive qui brille sur piste et demande peu de modifications pour devenir une machine à gagner des courses, comme le démontre la première victoire de Stefano Manzi, sur sa Yamaha R9 Ten Kate, lors de la première course de la manche australienne du Championnat du monde WorldSSP, à Philipp Island. L’Italien confirme avec une belle deuxième place dans la seconde course, démontrant le potentiel de sa machine. 

À mon humble niveau, la R9 m’a impressionné par sa facilité de prise en main et sa conduite intuitive. Moins exigeante qu’une R6, elle est presque aussi performante, aux mains d’un coureur expérimenté, et ne surprendra pas un pilote de niveau intermédiaire ou débutant désireux de s’initier aux sportives de moyennes cylindrées. Elle se révèle confortable, nerveuse, agile et très agréable à piloter sur circuit. Plus performante qu’une Aprilia RS660, une Suzuki GSX-8R, une Triumph Daytona 660 ou une Yamaha R7, elle rivalise, sur papier, avec une Ducati Panigale V2, une Kawasaki ZX6R, une KTM 990 Duke R, une MV Agusta F3 800 ou une Triumph Street Triple 765, en se montrant tout aussi équipée et plus abordable que plusieurs des dernières susnommées. Sans oublier qu’elle a tout pour briller également sur route, même si nous n’avons pas pu le vérifier lors de cette prise de contact. L’énoncé de ses principales concurrentes éveille en moi le désir irrépressible d’un match comparatif entre toutes ces machines qui parlent encore à mon cœur de jeune homme.

Ce lancement sur piste m’a permis de découvrir une sportive accessible, aussi bien au niveau du pilotage, que des performances et du prix. Il s’agit d’une machine qui pourrait aider à relancer le créneau des sportives, moribond depuis la crise financière de 2008. La principale raison de cette mauvaise tenue des sportives neuves est leur prix, qui est devenu stratosphérique au fil des ans. Quand on observe les chiffres du marché, on s’aperçoit pourtant que les sportives d’occasion se vendent toujours bien, même si les coûts d’assurance et d’immatriculation jouent un rôle non négligeable dans cette désaffection du public. Ces deux facteurs constituent un frein à l’achat, certes, mais ne sont pas forcément rédhibitoires, si le prix reste correct. C’est du moins là-dessus que mise Yamaha avec la R9.

Si on tient compte de son allure de sportive réussie, des performances de son trois cylindres, de la qualité de son arsenal électronique, de l’efficacité de ses suspensions, de ses freins, de sa facilité de prise en main, mais surtout de sa polyvalence, elle pourrait bien garantir un avenir brillant aux motos de cette classe SuperSport réinventée. C’est tout le mal qu’on lui souhaite!

Fiche technique

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids TPF : 195 kg
  • Hauteur de selle : 830 mm
  • Capacité essence : 14 litres
  • Consommation : non mesurée
  • Autonomie : non mesurée
  • Durée de l’essai :1 journée d’essai libre sur le circuit de Sonoma
  • Coloris : Bleu Team Yamaha, Noir corbeau mat
  • Prix : 15 999 $

MOTEUR

  • Moteur : Trois cylindres en ligne, 4-temps, DACT, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 119 ch à 10 000 tr/min
  • Couple : 68,6 lb-pi à 7 000 tr/min
  • Cylindrée : 889 cm3
  • Alésage x course : 78 x 62,1 mm
  • Rapport volumétrique : 11,5:1
  • Alimentation : Injection électronique Mikuni à corps de 41 mm
  • Transmission : six rapports, avec quickshifter bidirectionnel (QSS)
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE CYCLE

  • Cadre : Deltabox en aluminium
  • Suspension : fourche inversée KYB SDF (Separate Damping Force), diam 43 mm, réglages séparés de la compression et de la détente; amortisseur Monoamortisseur KYB à bonbonne séparée, réglable en précontrainte, détente et compression lente et rapide. Débattements : 120 mm/118 mm
  • Empattement : 1 420 mm
  • Chasse/déport : 22,6 degrés/94 mm
  • Freins : 2 disques de 320 mm avec étriers Brembo Stylema 4 pistons à fixation radiale et maître-cylindre Brembo radial à l’avant; simple disque Brembo de 220 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS désactivable
  • Pneus : Bridgestone Battlax Hypersport S22 (RS11 et Battlax Racing W01 pour le lancement)
    120/70ZR17 à l’avant
    180/55ZR17 à l’arrière

VERDICT RAPIDE

ON AIME BIEN

  • Caractère moteur
  • Partie cycle efficace
  • Suspensions bonifiées
  • Freinage puissant et modulable

ON AIME MOINS

  • Position sportive pour la route (parfaite pour la piste)
  • Manque d’allonge du CP3

ÉQUIPEMENT DU PILOTE

Galerie de photos