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Un roadster classique et sophistiqué à la fois

Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Gareth Harford, Chippy Wood, Kingdom Creative, Triumph

Pour mieux aligner la Street Twin sur sa grande sœur plus sportive, la Speed Twin 1200, Triumph a changé son nom en Speed Twin 900 en 2022. Mais le nom peut être un peu trompeur, car cette élégante bicylindre britannique de style classique n’est pas à propos de vitesse. Il s’agit d’inspirer confiance aux nouveaux motocyclistes. De donner un sentiment de nostalgie aux plus expérimentés sans les ennuyer avec des performances ternes. Il s’agit de créer un lien émotionnel avec son pilote, non pas par un style flashé et avant-gardiste, des performances élevées ou une technologie éblouissante, mais plutôt par un mélange bien équilibré de cool rétro, de maniabilité aisée et de prix abordable.

Triumph a retravaillé sa moto classique moderne la plus vendue (plus de 47 000 unités ont été commercialisées depuis le lancement de la Street Twin en 2016). La dernière révision remonte à 2019 et, à l’exception de la peinture et des couleurs de finition, elle est restée inchangée depuis (sauf le nom) jusqu’à présent. Pour 2025, la Speed Twin 900 se dote d’une silhouette plus sportive et d’un caractère plus vif, dans son ensemble. Elle présente une position de conduite révisée et un châssis, une suspension, des aides à la conduite et des freins améliorés. Mais avant de nous plonger dans les changements, nous allons jeter un coup d’œil à la caractéristique la plus attrayante de la plus petite Speed Twin : son moteur de 900 cm3.

Après près de 10 ans de production, le bicylindre parallèle à refroidissement liquide et couple élevé s’est révélé à toute épreuve. Si le twin vertical à 270 degrés reste le même à l’intérieur, il est différent à l’extérieur. Tout comme celui de sa grande sœur, la Speed Twin 900 est dotée de nouveaux carters de moteur, dont les lignes angulaires leur donnent plus de définition que les carters lisses précédents. Elle revendique 64 chevaux et un couple percutant de 59 lb-pi, dont la majeure partie est produite en dessous de 3 800 tr/min. Peut-être à cause de ce couple généreux à bas régime, elle ne dispose toujours que de cinq vitesses, même si, après avoir roulé avec les premières et maintenant les deuxièmes générations de la moto, je peux dire qu’il n’est pas nécessaire d’en ajouter une sixième. Le rapport volumétrique de 11,0:1 permet au moteur de fonctionner avec du carburant ordinaire, et les intervalles de jeu des soupapes sont fixés à 32 000 km. Le bicylindre est également assez économe, avec une consommation de 4,0 L/100 km (j’ai vu 4,5 L sur la route). Si la puissance est inchangée par rapport au modèle sortant, le nouveau moteur est désormais conforme à la norme Euro 5+. 

Les changements

Certains changements visuels sont subtils, d’autres sont plus audacieux. Parmi les premiers, on peut citer un réservoir d’essence redessiné, qui s’associe à une selle plus plate, une partie arrière plus fine et des caches latéraux redessinés pour donner à la moto une apparence plus sportive et plus «pointée vers l’avant». Un phare plus compact contient désormais une ampoule DEL, et un nouveau compteur TFT remplace le compteur de vitesse analogique de la moto précédente. Je suis de la vieille école et je préfère l’ancien indicateur, même si les informations sur le nouveau sont plus faciles à lire et qu’il affiche désormais un compte-tours à barres permanent, alors que le précédent avait un compte-tours numérique paramétrable.

Les plus grands changements ont été apportés entre les essieux. Le nouveau design à huit rayons des roues semble plus discret et les roues sont plus légères (100 grammes chacune). Les pneus Pirelli Phantom Sportscomp au look rétro qui équipaient la moto depuis son lancement ont été remplacés par des Michelin Road Classics au look moderne. Marzocchi fournit désormais les composants de suspension. Pour plus de rigidité à l’avant, une fourche inversée non réglable de 43 mm remplace la fourche classique de 41 mm. Malheureusement, les soufflets de fourche, qui donnaient à la moto une touche rétro pleine de caractère, ont également disparu. À l’arrière, on trouve des amortisseurs à bonbonne, toujours réglables uniquement en précontrainte. Leurs ressorts sont plus rigides qu’auparavant et l’amortissement en compression a été revu pour un meilleur contrôle. 

Le châssis est renforcé par un bras oscillant en aluminium moulé, plus léger et plus rigide que celui en acier qu’il remplace. Il est plus court de 15 mm, ce qui réduit d’autant l’empattement, désormais de 1 435 mm. Les modifications apportées au châssis et à la suspension sont conçues pour conférer à la Speed Twin 900 une maniabilité plus sportive. Le disque de frein avant est plus grand (320 mm contre 310) et l’étrier à quatre pistons est désormais monté radialement au pied de la fourche. La configuration du frein arrière reste inchangée, avec un étrier à deux pistons et un disque de 255 mm.

Nouvelles fonctions

L’électronique révisée comprend un certain nombre de fonctions supplémentaires. La partie inférieure du nouveau tableau de bord peut afficher plusieurs éléments, que l’on peut sélectionner avec le bouton situé sur le commodo gauche. Outre l’heure, les données de l’odomètre, du compteur journalier et de la consommation de carburant, les nouvelles informations comprennent une jauge de température du liquide de refroidissement et, lorsque la connectivité Bluetooth en option est activée, la navigation pas à pas (par votre téléphone). Le modèle précédent était équipé d’un port USB, qui, bien que pratique pour recharger un téléphone, était situé sous la selle, ce qui n’était pas commode. Il a été déplacé sur le côté gauche du tableau de bord, ce qui permet d’alimenter facilement d’autres accessoires, et il a été remplacé par un port USB-C, plus contemporain. La moto dispose toujours des modes Pluie et Route, bien que l’ABS et l’antipatinage aient été améliorés avec une centrale inertielle à six axes et soient désormais sensibles à l’inclinaison, ce qui constitue une grande amélioration par rapport aux systèmes précédents. Autre nouveauté cette année : le régulateur de vitesse optionnel à bouton unique, qui nécessite l’achat d’un interrupteur gauche accessoire (360 $) et la programmation par un concessionnaire. 

La conduite

Notre balade dans le sud de l’Espagne nous a fait emprunter des routes très variées, des autoroutes lisses comme des pistes de course aux tronçons d’asphalte criblés de nids-de-poule, en passant par des routes de montagne sinueuses. La position de conduite a été modifiée pour mieux convenir aux pilotes plus grands. Le guidon est 15 mm plus haut et légèrement plus en avant, tandis qu’une selle plus épaisse et des repose-pieds repositionnés ont ajouté 20 mm d’espace supplémentaire pour les jambes. La selle plus haute augmente la hauteur d’assise de 15 mm pour atteindre 780 mm, ce qui reste tout à fait gérable grâce à la partie centrale étroite de la moto. Une selle basse en option (315 $) permet de réduire la hauteur d’assise de 20 mm. Dans l’ensemble, la position de conduite est détendue, avec une bonne prise sur le guidon et juste assez d’espace pour mes jambes afin d’éviter de me tortiller constamment après quelques heures en selle. La position de conduite étroite et naturelle mettra tout nouveau motocycliste à l’aise, d’autant plus qu’il est très facile de soulever la moto de sa béquille latérale. 

La première chose que l’on remarque en démarrant la nouvelle Speed Twin 900, c’est son bruit. Je ne sais pas comment les gens de Hinckley ont fait, mais, malgré les nouvelles normes d’émissions, la Speed Twin 900 a un son d’échappement profond, guttural et difficile à ignorer. On dirait presque qu’elle a un système d’échappement de remplacement — vous pouvez donc économiser votre argent pour d’autres accessoires. La facilité d’utilisation des commandes est également remarquable. L’éloignement des deux leviers est réglable et la traction de l’embrayage est légère, comme sur une moto pour débutant, avec un point d’engagement large; il en va de même pour le levier de vitesses, qui a des courses courtes et légères. Il faut un certain patinage de l’embrayage pour faire avancer la moto, car la première vitesse est assez longue, mais le couple abondant du moteur le gère facilement sans caler. 

Une fois en mouvement, on se sent immédiatement à l’aise avec la machine, car elle est si facile à conduire. La réponse de l’accélérateur est douce et prévisible; la direction est neutre et légère. Elle se faufile sans effort dans la circulation urbaine et prend rapidement de la vitesse sur quatrième et cinquième rapports, lorsqu’on s’engage sur l’autoroute. Le couple est plus que suffisant pour dépasser les véhicules plus lents à vitesse d’autoroute sans rétrograder. Bien sûr, c’est une moto nue, donc le confort à long terme sur voies rapides sera compromis. 

La moto est tout simplement merveilleuse sur les routes sinueuses. Sa large plage de puissance vous permet d’étirer les vitesses plus haut entre les virages, et elle se dirige avec précision et confiance avec peu d’effort. Malgré l’absence de réglages de l’amortissement, la suspension fonctionne exceptionnellement bien, gardant la moto stable et sans dureté sur les bosses et le châssis libre de se balancer dans les virages rapides. Le seul réglage que j’ai fait a été d’ajouter de la précontrainte à l’arrière pour compenser mon poids (en saisissant simplement le ressort et la bague de réglage et en les tournant à la main), ce qui a permis d’augmenter la garde au sol dans les virages, tout en améliorant un peu la direction. Et les ingénieurs semblent avoir trouvé le bon équilibre avec les réglages d’amortissement, qui offrent une grande souplesse sur les bosses et un bon contrôle sans patinage dans les transitions de virage. 

 

Malgré le passage d’un étrier avant Brembo réputé à un modèle J.Juan moins connu, les modifications apportées au frein avant ont amélioré la puissance et la sensation; il a une forte prise initiale et une très forte puissance de freinage avec une traction modérée en cas de besoin. 

Le mot de la fin

En matière de finition, Triumph semble avoir une longueur d’avance sur les autres constructeurs de motos. La peinture est exceptionnelle, la qualité des fixations irréprochable et le passage des câbles et des fils est très bien exécuté : propre, net et discret. Cela est d’autant plus remarquable si l’on considère le prix de la Speed Twin 900, qui commence à 11 795 $. Bien qu’elle coûte 600 $ de plus que l’année dernière, elle reste 300 $ moins cher que la Kawasaki W800 et ne coûte que 300 $ de plus que la Moto Guzzi V7 Stone. 

Il ne reste plus beaucoup de motos rétro sur le marché, et, si vous pensez que Triumph est allé trop loin dans la modernisation de la Speed Twin 900, il y a toujours la T100, qui a un style plus traditionnel et qui est censée le rester, du moins dans un avenir proche. Les modifications apportées à la 900 l’ont orientée davantage vers le côté contemporain des motos rétro, tant en termes de style que de maniabilité. Pourtant, malgré les technologies supplémentaires et les nouvelles lignes, elle reste une machine d’une simplicité rafraîchissante, avec un style sobre et un tempérament charmant qui plaira aussi bien aux novices qu’aux vétérans.

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