Le VUS haute performance sur deux roues
Publié le 12 novembre 2024
Ducati a récemment procédé au lancement de la dernière Multistrada, dans la ville de Gubbio, dans la région d’Ombrie, en Italie. Les montagnes entourant cette ville médiévale ont fourni le cadre idéal pour découvrir la Multistrada V4S 2025, la moto de tourisme d’aventure la plus technologique de Ducati.
Par Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Ducati
Les Italiens pratiquent l’aventure tout-terrain d’une manière un peu différente de nous. Même si, techniquement, une Lamborghini Urus est un VUS à quatre roues motrices, il est peu probable que vous en voyiez une escalader des rochers dans les Rocheuses. De même, les chances de voir une Ferrari Purosangue se vautrer dans la boue lors d’une partie de chasse sont quasiment nulles. Ces voitures sont italiennes ; elles doivent être conçues avec flair et avec une forte dose de hautes performances. Ce sont les équivalents Supercars des VUS.
Un peu d’histoire
Dans ce créneau, Ducati a la Multistrada. Il s’agit d’une moto d’aventure, mais à la manière typiquement italienne, c’est la Superbike du genre. Elle est très puissante et il est plus probable qu’on la trouve en train de sillonner des canyons que d’explorer les forêts du Grand Nord canadien. La Mutistrada V4S 2025 rafraîchie est toutefois beaucoup plus performante lorsque le bitume s’arrête que l’une ou l’autre de ses cousines italiennes à quatre roues.
La Multistrada originale — la DS1000 conçue par Pierre Terblanche — a été inaugurée en 2003. Terblanche a dessiné certaines des Ducati les plus séduisantes au cours de ses 11 années passées au sein de la société. Cela inclut la MH900e, les modèles SportClassic, l’Hypermotard et le sunlime Supermono. Cependant, il a également réussi à faire échouer la DS au look excentrique. Elle était disgracieuse, haute et d’une esthétique, disons, peu conventionnelle. Cependant, avec une suspension à long débattement capable de gérer les routes accidentées, une position de conduite droite et une certaine protection contre le vent, cette moto était la plus polyvalente de la gamme Ducati, qui, à l’époque, ne comprenait que des sportives et des roadsters extrêmes. Sa promesse d’être capable d’explorer « de nombreuses routes » (une traduction libre de Multistrada) a converti une multitude de non-Ducatisti à la marque.
La Multistrada a fait un pas de géant en matière de performance et de style en 2010, lorsque Ducati a lancé la Multistrada 1200. L’entreprise italienne ayant un long passé en course motocycliste, elle a souligné cet héritage en puisant dans ses supermotos pour la puissance. Le bicylindre en V de 1 198 cc de cette Multi de deuxième génération a été emprunté à la supersportive 1098, bien qu’il ait été détourné pour produire une modeste puissance de 150 chevaux. C’était la moto la plus puissante de sa catégorie, avec près de 40 chevaux de plus que sa plus proche concurrente.
L’avènement du V4 Granturismo
En 2020, Ducati a rompu la tradition de propulser les Multistradas exclusivement avec des bicylindres en V en introduisant le moteur V4 Grantourismo. Lui aussi emprunté aux supermotos de la firme, avec une cylindrée de 1 158 cc et un réglage de moto d’aventure, il produit 167 chevaux et 91,5 lb-pi de couple — de véritables chiffres de supermoto contemporaine. La Multistrada V4S 2025 affiche toujours ces chiffres impressionnants, bien qu’elle soit homologuée selon la nouvelle norme Euro 5+ spécifique à la moto.
Le Granturismo V4 présentait une différence notable par rapport au V4 de la Panigale : il était dépourvu de la distribution desmodromique emblématique de la marque, remplacée par un système conventionnel de ressorts de soupape. Jusqu’à l’arrivée récente du tout nouveau moteur V2 de 890 cc, la Mutistrada V4 était la seule Ducati équipée de ressorts de soupape — et cela inclut la nouvelle moto de motocross Desmo 450. Ce changement est rentable pour le fabricant et pour le propriétaire, car il simplifie le réglage des soupapes et permet d’augmenter l’intervalle de réglage du V4 à tous les 60 000 km. À ma connaissance — et à l’exception des motos équipées de poussoirs hydrauliques —, aucune autre moto n’a un intervalle d’entretien aussi long.
Pour 2025, le système de désactivation des cylindres du V4, qui permet de réduire les émissions et la consommation de carburant, a été étendu pour fonctionner au-delà du ralenti, en continuant d’activer uniquement les cylindres avant à faible vitesse et à faible charge. Ce système fonctionne en toute transparence et contribue à réduire de 6 % la consommation de carburant et les émissions de gaz d’échappement.
Des premières technologiques
Au fil des ans, les différentes évolutions de la Multistrada ont donné lieu à quelques premières en matière de motocyclisme. En 2010, elle a été la première moto à intégrer des modes de conduite sélectionnables, qui sont désormais standard sur la plupart des motos. Trois ans plus tard, elle a été la première moto à être équipée de la suspension semi-active « Skyhook ». En 2021, elle a été la première à être équipée d’un radar orienté vers l’avant et d’un régulateur de vitesse adaptatif.
La 2025 V4S possède toutes ces caractéristiques, ainsi qu’une foule d’autres nouvelles technologies. Le régulateur de vitesse adaptatif et le moniteur d’angle mort font leur retour sur la V4S ; la nouveauté est un avertisseur de collision qui fait clignoter les indicateurs en rouge si une menace est détectée à l’avant.
Une autre nouveauté que de nombreux pilotes apprécieront — en particulier ceux qui ont un entrejambe plus court — est l’ajout du dispositif d’abaissement automatique de Ducati. Disponible uniquement sur la V4S, il réduit automatiquement la précontrainte du ressort arrière lorsque l’on évolue à moins de 10 km/h, ce qui entraîne un abaissement de la hauteur de la selle de 15 à 30 mm en fonction de la charge. Du haut de mon mètre quatre-vingt-dix, la hauteur de la selle s’est suffisamment abaissée pour me permettre de plier modérément les genoux à l’arrêt. Il faut environ une demi-seconde pour que la suspension arrière s’abaisse, et environ 1,5 seconde pour qu’elle se relève dès que la vitesse dépasse 50 km/h. Sur la route, le système est transparent, bien que la direction devienne marginalement plus lourde jusqu’à ce que vous franchissiez le seuil des 50 km/h. Si vous n’en avez pas besoin, vous pouvez le désactiver.
La hauteur de selle standard est comprise entre 840 et 860 mm, mais si vous souhaitez atteindre le sol encore plus facilement, une selle basse optionnelle permet de réduire cette hauteur de 30 mm. Vous pouvez également combiner cette option avec un kit d’abaissement de la suspension installé par le concessionnaire (comprenant des ressorts de fourche et d’amortisseur ainsi qu’une béquille latérale plus courte) qui permet de réduire la hauteur de 15 mm supplémentaires, pour atteindre 795 mm.
La sorcellerie MotoGP appelée Ducati Vehicle Observer (DVO) a été incorporée dans la V4S. Développé par l’équipe de course Ducati Corse, le système surveille les données de 70 capteurs et gère les systèmes d’intervention électroniques de la moto pour réagir en temps réel à l’environnement de conduite. Il gère également la suspension semi-active à réglage électronique de la Multistrada, qui intègre désormais la détection des bosses : les capteurs de la fourche surveillent la vitesse et la longueur de sa course lorsqu’elle heurte une bosse, et l’ECU ajuste alors l’amortissement de l’amortisseur pour le préparer à la même bosse.
Un mode Wet (pluie) a été ajouté aux modes Urban, Sport, Touring et Enduro existants. Autre changement bienvenu, l’amortissement de la suspension peut désormais être réglé indépendamment du mode de conduite ; auparavant, les réglages d’amortissement étaient prédéfinis en fonction du mode de conduite sélectionné. Par exemple, en mode Sport, vous pouvez désormais choisir un réglage plus souple que le réglage par défaut. La précontrainte arrière est toujours réglable électriquement et indépendamment.
Sur la route
Sur la route, le moteur V4 de Ducati est une merveille. Il est doux, avec seulement une légère vibration qui fait trembloter les rétroviseurs à vitesse élevée. Vous pouvez vous balader en ville sans effort, avec une réponse claire et prévisible de l’accélérateur électronique à bas régime, quel que soit le mode de conduite sélectionné, ou vous pouvez laisser l’aiguille du compte-tours grimper et laisser la puissance linéaire vous propulser dans le prochain virage — si quelqu’un se plaint que la Multistrada n’est pas assez puissante, c’est qu’il n’a probablement jamais tourné l’accélérateur au-delà de la moitié de sa course. Le quickshifter bidirectionnel de série fonctionne très bien, même à basse vitesse, avec seulement un léger raffermissement du levier de vitesses lorsque l’on passe sans l’embrayage.
J’ai piloté deux motos différentes pendant le test ; l’une était équipée de pneus à crampons Pirelli Scorpion Trail, l’autre de pneus Pirelli Scorpion Rally STR, plus routiers, destinés aux motos d’aventure. J’ai commencé la journée sur cette dernière, et j’ai remarqué que la moto avait tendance à se relever dans les virages, un effet secondaire des pneus au profil plus large. Je m’y suis habitué après quelques kilomètres et je ne l’ai plus vraiment remarqué avant de passer à la moto chaussée de pneus à crampons, qui tournent beaucoup plus brusquement et restent neutres en virage.
La suspension semi-active Marzocchi est étonnamment souple en mode Sport, et carrément moelleuse en mode Enduro. La moto absorbe les irrégularités de la route sans aucune trace de dureté sur le bitume. La suspension arrière est désormais autonivelante, ce qui lui permet d’ajuster automatiquement la hauteur de conduite en fonction de la charge transportée.
La tendance de la moto à piquer du nez en cas de freinage brusque dans les virages est une caractéristique de maniabilité incontournable. Une autre est l’arc de cercle que votre corps décrit lors des transitions serrées dans les virages. Ces deux caractéristiques sont dues à la suspension à grand débattement de la moto (170 mm à l’avant, 180 mm à l’arrière), mais cela ne nuit pas à la maniabilité, et la contrepartie est une conduite confortable, même sur chaussée dégradée. En mode Sport, même avec des pneus plus larges, la V4S peut rouler assez vite pour faire honte aux pilotes de sportives — installez des pneus de route sur la Multistrada V4S, ajoutez quelques bosses sur la route, et les motos de sport n’auront aucune chance.
La protection contre le vent est très bonne avec la bulle réglable dans sa position la plus haute ; seuls vos bras sont exposés au souffle du vent, et il y a très peu de turbulences autour du casque à vitesse d’autoroute. Avec la bulle relevée, j’ai souvent roulé avec la visière de mon casque ouverte dans le brouillard et je n’ai pas eu à plisser les yeux. Elle se relève et s’abaisse sans effort en pressant une languette de verrouillage en son centre ; un système beaucoup plus simple, plus fiable et plus léger que n’importe quel écran ajustable électriquement.
Les selles du pilote et du passager sont plus longues, tandis que les sacoches et le top case en option ont été déplacés vers l’arrière pour offrir plus d’espace au passager. J’ai fait un bref séjour sur la selle arrière, laquelle est spacieuse, et malgré le fait que le pilote auquel je m’accrochais était aussi grand que moi, j’étais à l’aise et me sentais en confiance.
La section tout-terrain de notre randonnée n’a duré qu’une vingtaine de kilomètres, mais elle était rocailleuse et humide en raison de la pluie de la veille. Le mode tout-terrain est réglé par défaut sur 114 ch, mais il peut être ajusté à la pleine puissance par le biais du menu des réglages — plus de 110 ch suffisent amplement en hors route, je l’ai donc laissé tel quel. Ce mode assouplit également la suspension et met l’ABS en mode tout-terrain, ce qui augmente son intervention à l’avant et la désactive à l’arrière. Il désactive également le nouveau frein combiné arrière-avant de Ducati, qui est par ailleurs géré par le DVO. Le frein avant est également lié à l’arrière.
Les gens de Ducati ont vraiment peaufiné la suspension, car elle absorbe les bosses, les ornières et les trous avec très peu de transfert au pilote. La moto peut gérer un rythme rapide en tout-terrain avec confiance, et elle ne s’affaisse pas sur les grosses bosses, même si j’ai trouvé que le retour d’information du train avant était un peu vague à travers le guidon. Elle s’est bien comportée sur la partie terre de la balade et j’aurais aimé que celle-ci soit plus longue. Son réservoir de 22 litres devrait permettre à la Ducati de parcourir environ 330 km (consommation estimée à 6,6 L/100 km) sur un plein, tout en étant confortable et rapide.
Conclusion
Malgré tout, la Multistrada V4S n’est pas une moto d’aventure pure et dure. Il s’agit plutôt d’une moto orientée vers la route avec des capacités tout-terrain modérées, dans la lignée de motos comme la Harley-Davidson Pan America, la Triumph Tiger 1200, la Yamaha Super Ténéré ES et la KTM 1390 Super Adventure S. Ces motos sont des sportives aptes au tourisme moderne, aussi capables de se frotter aux sportives sur des routes sinueuses que de parcourir de longues distances presque aussi confortablement qu’une routière de luxe. Et la Multistrada fait ces choses exceptionnellement bien. D’ailleurs, si vous voulez vraiment vous salir les bottes sur une machine italienne, vous pouvez toujours choisir l’un des modèles DesertX ultracompétents de Ducati.
Et puis, il y a le prix. La Multistrada V4 commence à 24 295 $. C’est presque raisonnable, me direz-vous. Oui, c’est vrai. La V4S, en revanche, est proposée à partir de 31 635 $. C’est peut-être une grosse somme pour certains, mais vous bénéficierez des derniers gadgets électroniques et de la merveilleuse suspension Skyhook. En outre, si vous considérez le coût de l’un de ces VUS haute performance fabriqués en Italie, c’est de la menue monnaie — et la Multistrada V4S rend les voyages beaucoup plus agréables.
Fiche technique
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 243 kg ;
- Hauteur de selle : 840 – 860 mm ;
- Capacité essence : 22 L ;
- Consommation : 6,6 L/100 km ;
- Autonomie : 333 km ;
- Prix : à partir de 31 635 $
MOTEUR
- Moteur : V4 Granturismo ouvert à 90°, 4-temps, 4 soupapes par cylindre, vilebrequin contrarotatif, ordre d’allumage Twin Pulse, refroidissement liquide ;
- Puissance : 170 ch à 10 750 tr/min ;
- Couple : 92 lb-pi à 9 000 tr/min ;
- Cylindrée : 1158 cc ;
- Alésage x course : 83 x 53,5 mm ;
- Rapport volumétrique : 14,0:1 ;
- Alimentation : Système d’injection électronique de carburant, corps de papillons elliptiques Ø 46 mm avec système Ride-by-Wire ;
- Transmission : six rapports, Shifter bidirectionnel DQS ;
- Entraînement : par chaîne.
PARTIE CYCLE
- Cadre : monocoque en aluminium ;
- Suspension : Fourche inversée Ø 50 mm entièrement réglable, réglage électronique de l’amortissement en compression et en détente avec le système Ducati Skyhook Suspension. Débattement : 170 mm ;
- Monoamortisseur entièrement réglable, réglage électronique avec le système Ducati Skyhook Suspension, bras oscillant double en aluminium. Débattement : 180 mmv
- Empattement : 1 566 mm ;
- Chasse/déport : 24,2 degrés/100,6 mm ;
- Freins : 2 disques de 330 mm et étriers Brembo Monobloc, 4 pistons radiaux M50 Stylema à l’avant ; simple disque de 280 mm avec étrier Brembo double piston à l’arrière. Cornering ABS de série ;
- Pneus : Pirelli Scorpion Rally STR (route) — Pirelli Scorpion Trail II (tout-terrain)
120/70ZR9 à l’avant ;
170/60 ZR17 à l’arrière.