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Sportive, mais pas pistarde !

Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Triumph

À une époque, les journalistes du monde entier décernaient le prix de la moto internationale de l’année à la machine la plus méritante, selon une grille de critères bien établis. Celle qui recevait le plus de points, toutes catégories confondues, était couronnée. En 2006, Triumph présenta la Daytona 675 Supersport, à laquelle j’avais décerné mon vote comme moto de l’année. Apparemment, d’autres journalistes étaient du même avis, car la Daytona avait remporté le titre cette année-là. À propos de la Triumph, j’avais dit : « c’est un bijou inattendu, doté de performances qui égalent celles des meilleures supersportives de moyenne cylindrée, avec un moteur à trois cylindres au grondement riche et mélodieux, mais aussi un design svelte et distinctif qui capture l’essence du terme “exotique”, mais sans le prix qui est généralement associé ». 

La catégorie est moribonde de nos jours, mais elle revient cependant sur le devant de la scène grâce à des machines recentrées pour offrir une expérience de conduite plus polyvalente que les sportives radicales d’antan. Dans le passé, la conception et la cylindrée des motos sportives de moyenne cylindrée étaient principalement dictées par les règles de la catégorie Supersport, et il s’agissait par conséquent d’armes de piste très ciblées, coûteuses, à quatre cylindres en ligne de 600 cc, qui représentaient un compromis sur la route ; elles avaient une ergonomie inconfortablement agressive et des suspensions plutôt rigides. Cette catégorie destinée à la course a disparu depuis, et les constructeurs disposent de facto d’une plus grande marge de manœuvre dans la conception, la cylindrée et la configuration moteur des sportives de moyenne cylindrée. Il semble que cette nouvelle formule fonctionne grâce à l’apparition de motos originales et diversifiées parmi lesquelles l’Aprilia RS660, la Honda CBR650R, la Kawasaki Ninja 650R, la Suzuki GSX-8R et la Yamaha R7.

La Triumph Daytona 660 de 2025 (oui, les gourous du marketing de Triumph ont devancé d’un an la date de livraison) est la dernière arrivée dans cette catégorie, et elle affronte une rude concurrence. C’est le troisième modèle basé sur le trois cylindres en ligne de 660 cc de Triumph, après la Trident et la Tiger Sport. Cependant, son moteur a été modifié pour produire 94 chevaux et 51 lb-pi de couple, contre 80 chevaux et 47 lb-pi pour les deux autres motos. Ce résultat est obtenu grâce à des pistons à plus haute compression (12,05:1 contre 11,95:1), des cames à levée plus importante, des soupapes d’échappement plus grandes et trois corps de papillon de 44 mm au lieu d’un seul corps de 39 mm. Le moteur respire également à travers une boîte à air de plus grand volume et un nouveau système d’échappement, sans oublier un radiateur plus volumineux pour gérer la chaleur supplémentaire produite par le nouveau moteur. Les intervalles d’entretien sont fixés à 16 000 km et les intervalles de réglage des soupapes à 32 000 km. 

Elle ronronne comme un triple sait le faire

Contrairement aux tricylindres des motos ADV de Triumph qui disposent d’un vilebrequin en T (deux manetons sont placés à 180 degrés l’un de l’autre, le troisième à 90 degrés) qui fournit un couple plus large, plus approprié pour les excursions hors route, le moteur de la Daytona 660 conserve les manetons conventionnels à 120 degrés, ce qui donne au moteur un ordre d’allumage régulier et un grondement riche et mélodieux. La boîte de vitesses a elle aussi été revue avec des rapports plus serrés : la première et la deuxième vitesses sont plus longues, la quatrième et la cinquième plus courtes. La transmission finale est également raccourcie grâce un un pignon comptant 15 dents. L’embrayage antiglissement a été revu pour une traction encore plus légère. Un quickshifter bidirectionnel est disponible en option. 

La Daytona est basée sur la Trident, qui, à part les nouvelles 400 monocylindres, est la moto la moins chère de la gamme Triumph. Le cadre tubulaire en acier de la Daytona est très similaire à celui de la Trident, bien que pour lui donner une allure plus sportive, il soit dissimulé par des caches en plastique qui lui confèrent l’apparence d’un cadre en aluminium moulé. Le cadre a un angle de direction plus prononcé et a été retravaillé pour s’adapter à la boîte à air plus grande et aux trois corps de papillon de la Daytona. L’angle de chasse plus prononcé s’associe à une réduction du déport pour donner une géométrie de direction plus sportive. Bien que le bras oscillant semble être en aluminium, il s’agit en fait du même élément en acier estampé que celui utilisé sur la Trident. L’empattement est plus long de 24 mm, à 1 425 mm, et la Daytona pèse 12 kilos de plus, à 201 kg en ordre de marche. 

Abordable, mais pas bon marché

Pour rendre la Daytona plus accessible, elle est construite avec un souci d’économie évident, comme le reflètent beaucoup de ses composants et caractéristiques. Parmi les mesures de réduction des coûts prises par Triumph, notons l’utilisation d’une suspension basique, qui n’est réglable qu’en précontrainte arrière. Showa fournit la fourche inversée de 41 mm à gros piston et à fonction séparée (l’amortissement est contrôlé dans un tube, le ressort dans l’autre), et le monoamortisseur. Les composants de freinage sont signés J.Juan et comprennent des étriers radiaux à quatre pistons à l’avant et des disques de 310 mm, ainsi qu’un étrier à un piston à l’arrière et un disque de 220 mm. L’ABS et l’antipatinage sont de série (l’antipatinage est commutable, l’ABS ne l’est pas), et il existe trois modes de conduite : « Pluie », « Route » et « Sport ». Le tableau de bord est basique et compact, avec un affichage DEL pour le compte-tours, la jauge de carburant et la vitesse numérique, et un petit écran TFT carré pour l’indicateur de rapport engagé, l’heure et d’autres informations sur la conduite. La moto est équipée de clignotants à annulation automatique et les quatre clignotants scintillent en cas de freinage d’urgence.

Le guidon de la Daytona est plus bas, plus étroit, plus avancé et incliné vers le bas, tandis que les repose-pieds sont plus hauts. La position de conduite est modérément agressive — elle n’est pas aussi détendue et droite que celle de la CBR650R, de la Ninja 650 ou de la GSX-8R, ni aussi agressive que celle de la RS660 ou de la R7 de type supersportif. Alors que le guidon est peu avancé et bas, les repose-pieds sont suffisamment bas pour offrir un large espace aux jambes. La hauteur de la selle est de 810 mm, et une selle basse optionnelle la ramène à 795 mm.

Une conduite haut de gamme

Sur les routes sinueuses au nord-ouest d’Alicante, en Espagne, la Daytona 660 a révélé que si les coûts ont été réduits dans certains domaines, la conduite est définitivement premium. La plage de puissance est suffisamment large pour rendre le changement de vitesse facultatif ; j’ai passé la majeure partie de la journée à utiliser principalement la troisième vitesse sur les routes sinueuses, en roulant sur l’accélérateur et en le relâchant entre les virages. Pardonnez mon analogie, mais le 660 triple est comme un mulet — vous savez, cette coiffure masculine stylisée des années 80, courte devant et longue derrière. Le moteur de la Daytona est tout ce qu’il y a de plus sérieux, avec suffisamment de couple pour lui permettre d’accélérer en douceur à partir de 2 500 tr/min, et une véritable explosion de puissance au-dessus de 8 000 tr/min, tirant fort et sans relâche jusqu’à ce que le rupteur se déclenche à 12 650 tr/min. Le moteur est étonnamment puissant au-dessus de 8 000 tr/min. Mon impression est qu’il tire plus fort que celui de la GSX-8R, de la Ninja 650, de la R7 et même de la Honda CBR650R à quatre cylindres. À déterminer lors d’une confrontation directe…

La boîte de vitesses est légère et positive, avec des leviers courts, bien que nos motos étaient équipées du sélecteur rapide optionnel (460 $), qui fonctionne suffisamment bien pour que l’embrayage soit relégué à un rôle de démarrage. La Daytona tourne avec un effort modeste au guidon étroit, mais elle est neutre lorsqu’on l’incline et maintient la trajectoire sans autre intervention. Elle fait preuve d’une stabilité digne d’un rail, et ne bouge jamais la tête lorsqu’on la penche sur une chaussée bosselée, même si, il faut bien l’admettre, il n’y en avait pas beaucoup dans les parages. 

La suspension est suffisamment souple pour offrir une conduite confortable et contrôlée, que ce soit à un rythme urbain lent ou modérément rapide sur route. La selle, étroite à l’avant pour faciliter l’accès au sol, et large, mais enveloppante à l’arrière, s’est avérée confortable lors de notre essai de 200 km. 

Quel moteur !

En réalité, toutes les concurrentes de la Daytona sont d’excellentes motos. Aucune d’entre elles n’a de comportements indésirables qui en font de mauvaises motos. La Daytona, cependant, possède une caractéristique qui la fait sortir du lot : son moteur. Sur la route, le tricylindre est un véritable régal, avec beaucoup de caractère, une note d’échappement envoûtante et une puissance douce, mais soutenue, qui la rend éminemment plaisante à conduire. Même dans le mode « Sport » le plus agressif, l’injection est douce, sans aucune brusquerie dans la réponse à l’accélérateur. 

Nous n’avons pas eu l’occasion de rouler sur circuit avec la Daytona, car c’est là que des traits de maniabilité indésirables auraient pu se manifester. Mais si l’on se réfère à ma virée en Espagne, je n’ai aucun doute sur le fait qu’un amateur occasionnel s’amusera beaucoup sur une piste de course, avec les pneus appropriés, bien sûr. Le pneu d’origine est le Michelin Power 6, qui se comporte très bien sur la route, bien que la chaussée espagnole soit souvent polie par l’usure et parfois irrégulière ; l’arrière a donné quelques avertissements subtils lors du passage de quelques ronds-points glissants, bien que l’antipatinage soit là pour aider à gérer ce genre de mésaventures. 

La Triumph Daytona 660 2025 n’est ni trop chère, ni trop ciblée. Elle se situe dans la partie inférieure de la gamme des motos sportives de moyenne cylindrée, qui comprend la Kawasaki Ninja 650R à 10 099 $ et l’Aprilia RS660 à 13 995 $. Le prix de départ de la Daytona (11 295 $) correspond au modèle à la livrée blanche ; pour les versions rouge, ou noir satiné, comme sur ma moto d’essai, ajoutez 125 $. Une garantie de deux ans est offerte de série.

La concurrence acharnée rend difficile le choix d’une sportive de moyenne cylindrée ; elles sont toutes performantes et elles sont toutes d’excellentes machines d’entrée de gamme dans la catégorie des sportives de moyenne cylindrée modernes et sobres. La position de conduite de la Daytona est un peu trop agressive, et son réservoir de 14 litres est un peu petit, avec une autonomie potentielle de 286 km sur la base de la consommation de carburant annoncée de 4,9 L/100 km (spécifications européennes). En tant que moto sportive, cependant, ce qui fait la différence pour moi — et peut-être — c’est le merveilleux moteur distinctif de la Daytona et son grondement riche et mélodieux. Le fait qu’il soit l’un des plus puissants n’est pas pour me déplaire.