Crapuleusement adorable !
Publié le 1 mai 2023
En 2022, Yamaha a présenté une nouvelle itération de sa XSR900 — le porte-étendard de la famille « Faster Sons » — qui constitue une déclinaison délinquante et un brin rétro de la MT-09. Un roadster encore plus joueur que son cousin. Nous avons eu l’occasion d’accumuler près de 1 000 kilomètres à son guidon l’été dernier. Pour notre plus grand plaisir !
Photos : Didier Constant, Nathalie Renaud, Denis Vayer, Yamaha
La XSR900 est l’interprétation néoclassique de la MT-09. Une machine destinée à célébrer l’héritage sportif de la marque en alliant l’allure rétro des motos qui ont fait sa légende et les technologies modernes. Sortie en 2016, la XSR900 était due au coup de crayon inspiré de Roland Sand Design. Aujourd’hui, Yamaha réinterprète l’instigatrice du segment Sport Heritage en soulignant l’esprit pionnier de la marque et en puisant davantage dans son passé en compétition avec ce coloris inspiré des mythiques YZR 500 Yamaha Sonauto pilotées, entre autres, par le légendaire Christian Sarron et notre Miguel Duhamel national, en GP500.
Une allure clivante
Comme sa devancière, la nouvelle XSR900 possède une allure qui ne fait pas unanimité. Certains adorent, d’autres détestent, mais personne ne reste indifférent. Personnellement, je trouve la ligne de la XSR900 plus réussie en personne qu’en photo. Il faut dire que Yamaha n’avait pas la tâche facile en tentant de redynamiser la signature visuelle de son roadster néo-rétro, tant le design original était réussi et équilibré, même s’il divisait. En reprenant le coloris Bleu légende inspiré de la livrée Gauloises Blondes qui ornait les YZR500 de l’écurie française dans les années 90 — une des plus belles décos de course de cette époque-là —, qui a marqué toute une génération de pilotes sportifs, moi inclus, la firme d’Iwata City a frappé dans le mille.
Le réservoir de 15 litres est doté d’admissions d’air à l’avant qui contribuent non seulement à améliorer l’efficacité du moteur, mais aussi à créer une sonorité d’admission plaisante. Beaucoup d’attention a été portée sur la forme des pièces avec lesquelles le pilote est en contact, telle que le réservoir, la selle et le guidon. La selle matelassée offre une position de conduite plus allongée, avec une assise presque au-dessus de la roue arrière qui contribue à améliorer le comportement dynamique et à créer une ergonomie inédite. Les panneaux latéraux compacts et ventilés offrent un look minimaliste à la XSR900. Le bouchon de remplissage du réservoir inspiré de la course souligne l’héritage sportif de la moto.
Le poste de pilotage est valorisé par un té supérieur taillé dans la masse, des bouchons de fourche percés et un logo XSR en aluminium. Parmi les autres caractéristiques, on trouve une plaque arrière en aluminium, des commandes au pied forgées, des réservoirs de liquide de frein noirs et des rétroviseurs en bout de guidon.
Dans ce tableau idyllique, la selle détone, voire perturbe, avec son arrière tronqué que d’aucuns jugent disgracieux. Car le reste de la ligne a peu changé dans l’ensemble. Elle a simplement évolué dans le détail. On note aussi les repose-pieds passager originaux qui se replient sous la selle, discrètement. Là, j’applaudis.
Pour ce qui est du poste de pilotage, il est dans la veine des anciennes MT-09 et n’est donc pas très original. Sobre et efficace, cependant. Comme les commandes que l’on retrouve sur d’autres motos de la famille MT, dont les récentes Tracer 9 GT et MT-09 SP. On distingue aussi la présence d’un régulateur de vitesse et les réglages des diverses assistances électroniques.
Un moteur connu
La XSR900 profite d’un moteur CP3 de 889 cc plus puissant de 4 chevaux (119 ch à 10 000 tr/min), produisant un couple plus élevé et linéaire (68,6 lb-pi à 7 000 tr/min), pour une accélération exceptionnelle. L’allongement de la course de 3 mm apporte un gain de cylindrée de 43 cc. Ainsi, la plupart des principaux composants internes ont été repensés et allégés.
Ce moteur CP3 dérivé de celui de la MT-09 est complété par une boîte de vitesse à 6 rapports bien étagée, dotée d’un quickshifter bidirectionnel fluide, d’un embrayage antidribble assisté et d’un échappement produisant une mélopée sonore envoûtante au-delà de 5 000 tr/min.
Des béquilles classiques
Au niveau de l’électronique, la XSR900 affiche un tableau de bord à écran TFT couleur de 3,5 pouces, avec compte-tours à barres et affichage configurable. Elle adopte également une centrale inertielle IMU à 6 axes avec aides au pilotage, un accélérateur électronique avec capteur sous la poignée de gaz, pour une sensation classique, quatre modes de conduite, un régulateur de vitesse, un ABS actif en virage, un antipatinage (TCS) ainsi que le contrôle de la glisse (SCS) et du cabrage (LIFt). Rien de farfelu ou de complexe, on est dans la continuité et l’uniformisation de la gamme.
Une partie cycle éprouvée
La partie cycle s’articule autour de l’emblématique cadre Deltabox en aluminium de Yamaha. Sa rigidité longitudinale, latérale et en torsion a été considérablement améliorée, pour une meilleure stabilité en ligne droite, sans affecter l’agilité. La colonne de direction est située 30 mm plus bas qu’auparavant pour de meilleures sensations en virage. Le guidon peut ainsi être monté plus bas pour donner à la XSR900 une position plus agressive. En combinaison avec les autres modifications apportées au châssis, l’inertie autour de l’axe de direction a été réduite de 14 %, ce qui permet au pilote de prendre les virages rapidement, précisément et en toute confiance. Le bras oscillant allongé de 55 mm améliore la stabilité en ligne droite, tandis que les boulons de fixation de l’axe du bras oscillant et les supports de moteur ont été optimisés.
La suspension est constituée d’une fourche inversée KYB entièrement réglable, à la finition dorée qui rehausse l’allure de la moto et rappelle les composants premiums Öhlins. La suspension arrière à biellettes est également dotée d’un amortisseur KYB réglable incliné vers l’avant, virtuellement dissimulé pour donner à l’arrière une allure épurée.
Le freinage est assuré par un nouveau maître-cylindre radial Brembo et deux disques de 298 mm pincés par des étriers quatre pistons, à l’avant. Derrière, on trouve un simple disque de 245 mm pincé par un étrier double piston.
Les nouvelles jantes SpinForged en aluminium de la XSR900, à 10 bâtons, sont plus légères et réduisent de 11 % le moment d’inertie à l’arrière pour une plus grande réactivité. Elles sont chaussées de pneus sportifs Bridgestone Battlax S22 à gomme tendre. Voilà pour les présentations.
Sur la route
C’est l’heure de vérité. En prenant possession de la XSR900 chez Yamaha Canada, je suis agréablement surpris par sa présence physique. En personne, la moto semble plus équilibrée et plus homogène que ce que les photos laissent percevoir. La position de conduite est moins radicale que ce à quoi je m’attendais — on est assis bas et plutôt droit, le buste légèrement penché vers l’avant, mais sans appui excessif sur les poignets, les bras à peine tendus et les jambes relativement dépliées —, mais l’inconfort de la selle est immédiatement notable. La position du guidon est ajustable, tout comme celle des repose-pieds qui peuvent être repositionnés 15 mm plus haut et 5 mm plus en l’arrière, ce qui permet d’altérer l’ergonomie de la Yamaha.
La prise en main de la Yamaha est instinctive. On est en présence d’une moto étroite et plutôt légère (193 kg TPF). Une moto qui se révèle instantanément vive et maniable. Joueuse aussi.
Sur les routes secondaires, la XSR900 ravit son pilote. Par son trois cylindres CP3 vif, dynamique et parfaitement équilibré qui reprend bas dans les tours, sans cogner et grimpe dans les révolutions élevées avec une aisance et une vivacité bluffantes, malgré une puissance de 119 chevaux somme toute modeste selon les standards actuels. Le tricylindre offre un punch époustouflant à haut régime ainsi qu’un couple riche et utilisable à mi-régime. Un mélange presque parfait de dynamisme et de facilité, désormais soutenu par une centrale inertielle à 3 axes dans 6 directions et des aides au pilotage sensibles à l’inclinaison.
À ce chapitre, en conduite sportive je me calais systématiquement sur le mode de conduite 1, le plus sportif des quatre, avec la puissance du moteur automatiquement réglée au maximum. C’est un mode un peu brusque, mais on lui pardonne ce trait de caractère à l’attaque tant il se montre efficace et enivrant. En balade, sur l’autoroute et en ville, je sélectionnais de préférence les modes 2 ou 3, lesquels offrent aussi la puissance maxi du moteur, mais avec une livrée plus civilisée et une réponse plus progressive de l’accélérateur. Le mode 4 réduit la puissance et fournit la réponse à l’accélérateur la plus douce pour les conditions de faible traction, comme sur chaussée humide, par exemple. Il équivaut au mode « Pluie » d’autres marques.
La réponse incisive de l’accélérateur, le couple élevé à bas régime et la sonorité rauque de l’échappement sont addictifs et incitent les pilotes à profiter du punch du tricylindre sur toute la plage de régime. Il offre en effet une accélération fougueuse à partir de 7 000 tr/min et vous tire les bras au-delà de 9 500 tr/min. Le trois cylindres tire sans faiblir jusqu’à la zone rouge qui s’étend de 11 000 à 13 000 tr/min.
Comme le veut le slogan cher à Pirelli « la puissance n’est rien sans contrôle ». Heureusement, le châssis redessiné de la XSR900 permet d’exploiter cette puissance en toute sécurité. Le cadre Deltabox en aluminium moulé sous pression, repris de la MT-09, et le bras oscillant allongé emprunté à la Tracer 9 GT, monté dans le cadre, optimisent la rigidité et la stabilité de la partie cycle. La XSR plonge dans les virages avec précision et assurance. Elle bénéficie d’un train avant prévisible, bien qu’il soit vif, grâce à sa géométrie de direction relativement sportive (chasse/déport : 25 degrés/108 mm — empattement : 1 495 mm), mais aussi à ses excellents pneus à gomme sportive qui garantissent une adhérence et une motricité à toute épreuve. Une monte d’origine performante en toute circonstance, qui monte rapidement en température et s’adapte à toutes les utilisations routières imaginables.
Les bosses et les irrégularités de la chaussée ne déstabilisent plus la XSR comme c’était le cas auparavant. Elle est précise et va simplement là où vous la pointez. Le train avant suit fidèlement l’impulsion initiale du pilote et s’adapte facilement aux ajustements de trajectoire en milieu de virage.
Les suspensions participent également à ce comportement affûté. Elles combinent confort en usage routier et précision à l’attaque. Elles ne sont ni trop molles ni trop dures et sont réglables en précontrainte, en compression et en détente sur la fourche ; en précontrainte et en détente sur l’amortisseur. Cependant, l’absence de réglage de compression sur l’amortisseur rend ce dernier un peu sec, particulièrement sur les bosses prononcées et fait sautiller l’arrière.
Sur les routes secondaires, la XSR est un vrai jouet. Elle virevolte d’un virage à l’autre avec la grâce d’une ballerine et la stabilité d’un TGV. La fourche résiste bien aux freinages appuyés. La Yamaha ne se relève pas trop au freinage et reste stable sur l’angle et à l’accélération. Même inclinée en courbe, elle ne perd pas son aplomb et reste imperturbable en toute circonstance. Parfaitement plantée. Ce qui ne l’empêche pas d’être agile et précise dans les virages serrés et dans les épingles. Elle inspire totalement confiance à son pilote. Il faut vraiment pousser la Yamaha dans ses derniers retranchements pour ressentir des mouvements du châssis, particulièrement sur chaussée dégradée. Le reste du temps, elle est imperturbable.
Le frein avant est un exemple d’efficacité, de modularité et de précision. Sûrement grâce à son maître-cylindre radial Brembo. Toujours est-il que la sensation au levier est parfaite et qu’il offre une excellente rétroaction, permettant au pilote d’être constamment alerté de la puissance de freinage disponible et de la marge de sécurité dont il dispose. L’arrière offre suffisamment de mordant et complète bien l’avant. Il est parfait pour placer la moto sur la trajectoire idéale ou pour asseoir l’arrière de la moto. En revanche, l’ABS est sensible, surtout si l’on freine comme un trappeur ou que l’on rétrograde brusquement.
Sur voie rapide, la Yamaha se tire bien d’affaire dans l’ensemble. Elle n’est pas bridée par ses performances qui sont superbes, mais par l’absence de protection — ça tire dans le cou au-dessus de 130 km/h —, par les vibrations dans le guidon et les repose-pieds au-delà de 5 000 tr/min et par l’inconfort notoire de sa selle qui vous empêche d’entreprendre de longs périples à son guidon, à moins d’avoir un cou de taureau et un cul d’acier. De plus, à part un petit sac de réservoir et un sac de selle minimaliste, il est difficile de lui ajouter des bagages. Tout ça grève son potentiel de moto de tourisme. Sans oublier qu’elle n’est pas non plus très accueillante en duo. La selle est petite, étroite, haut perchée, mais aussi très ferme, tandis que les repose-pieds sont relevés, forçant l’éventuel passager à adopter une position recroquevillée plutôt inconfortable. Qui plus est, il n’a pas de poignées auxquelles se retenir à l’accélération ou au freinage, seulement une sangle à l’avant de la selle.
En ville, la XSR900 met à profit son agilité, sa maniabilité et le punch de son moteur pour se faufiler dans la circulation urbaine avec une aisance déconcertante. Seul son rayon de braquage élevé la handicape à ce chapitre. C’est un outil incroyable éminemment agréable à piloter dans cet environnement. Et un aimant à commentaires. En effet, elle ne laisse personne indifférent et les badauds se retournent immanquablement sur votre passage, n’hésitant pas à venir vous poser des questions, parfois au péril de leur sécurité. La Yamaha vous fera incontestablement briller au Dairy Queen ou à la terrasse d’un café du centre-ville.
Bilan
Yamaha a réussi le tour de force de bonifier son Café Racer néo-rétro et d’en faire une machine plus aboutie, particulièrement au niveau du châssis, tout en conservant son caractère rebelle intact. La XSR900 se démarque de la MT-09 par son style unique, mais aussi par sa suspension plus rigide, son empattement plus long et son côté joueur, voire délinquant. Il s’agit d’un authentique roadster sportif d’inspiration classique, performant et original, mais hyper agréable à piloter. Une usine à sensations, grâce à son moteur caractériel et à sa partie cycle affûtée. En plus, sa plastique est avantageuse et sa livrée Yamaha Gauloises Blondes sublime. Une vraie réussite !
Personnellement, la Yamaha est l’un de mes coups de cœur de la saison dernière. Avec elle, impossible de s’ennuyer ou de trouver la vie triste. Plaisir et irrévérence au rendez-vous ! Et ça, j’aime bien !
La XSR900 est disponible dans les coloris Bleu légende (bleu, cyan et jaune avec fourche et jantes dorées), ainsi qu’en noir corbeau avec reflets rouges et fourche et commandes noires. Elle est proposée au tarif de 12 799 $.
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids TPF : 193 kg
- Hauteur de selle : 810 mm
- Capacité essence : 14 litres
- Consommation : 5,8 L/100 km
- Autonomie : 259 km
- Durée de l’essai : 990 km
- Prix : 12 799 $ (modèle 2023)
MOTEUR
- Moteur : Trois cylindres en ligne, 4-temps, DACT, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 119 ch à 10 000 tr/min
- Couple : 68,6 lb-pi à 7 000 tr/min
- Cylindrée : 889 cc
- Alésage x course : 78 x 62,1 mm
- Rapport volumétrique : 11,5:1
- Alimentation : Injection électronique Mikuni à corps de 41 mm
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche inversée KYB, diam 41 mm, réglable en précontrainte, en compression et en détente ; amortisseur Monocross réglable en précontrainte et en détente.
- Empattement : 1 495 mm
- Chasse/Déport : 25 degrés/108 mm
- Freins : 2 disques de 298 mm avec étriers 4 pistons à l’avant ; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière.
- Pneus : Bridgestone Battlax S22
120/70ZR17 à l’avant
180/55ZR17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- Caractère moteur
- Partie cycle homogène et joueuse
- Suspensions bonifiées
- Freinage puissant et modulable
ON AIME MOINS
- Design clivant
- Selle plutôt ferme
- Rayon de braquage élevé
Équipement du pilote
- Casque : Airoh GP 550 S
- Blouson : Furygan Nitros
- Bottes : Forma Hyper
- Gants : Spidi Carbo 3
- Chaussettes : Sixs Base Layers Mot S
- Couche de base : maillot/pantalon Forcefield Tornado 2