Univers parallèle !
Publié le 26 avril 2023
C'est essai est une collaboration avec le magazine français Trail Adventure qui nous a permis de republier son essai de la Suzuki V-Strom 800 DE réalisé à l'occasion du lancement de presse international de la nouvelle aventurière de Suzuki, tenu en Sardaigne, en mars dernier.
Texte: Francois Barrois — Photos : Simon Palfrader, Suzuki
En proposant, il y a déjà 4 ans, une aventurière de moyenne cylindrée économique, équipée d’un bicylindre compact baptisé Ténéré 700, Yamaha a su reconquérir le marché avec panache. La réponse de la concurrence s’est fait attendre, laissant alors le champ libre à la marque aux trois diapasons qui a fait de la T7 un véritable best-seller. Mais, depuis peu, la résistance s’est organisée. En 2023, Suzuki se mêle, enfin, à la bataille avec cette V-Strom 800 DE qui nous intéresse aujourd’hui. Sans s’en cacher, les ingénieurs de la marque ont su s’inspirer des solutions techniques qui ont fait leurs preuves sur le marché : un bicylindre parallèle compact de moyenne cylindrée équipé d’un calage de vilebrequin à 270°, un cadre en acier tubulaire permettant de réduire l’encombrement de la machine, des suspensions entièrement réglables à grands débattements et une jante de 21 à l’avant pour le franchissement…
Une authentique nouveauté
La nouvelle V-Strom table clairement sur un assaut frontal avec la Yamaha ! Suzuki y ajoute même quelques arguments impactants comme une poignée de chevaux supplémentaires (84 au total), une offre électronique plus complète (contrôle de traction pensé pour le tout-terrain, mode moteur, shifter) et un cadre robuste en deux parties boulonnées… Sans oublier une affiliation au monde du rallye-raid avec un look rappelant la Big DR.
Même à l’arrêt, posée sur la béquille latérale, cette 800 DE sent bon l’évasion et sa bouille sympathique donne clairement envie de partir à son guidon. « Avanti ! », comme on dit ici en Italie. Confortablement installé sur sa selle moelleuse à deux étages, je découvre une machine des plus accueillantes mais, placée à 850 mm du sol, son assise large permet tout juste à mon mètre 75 de poser les deux pointes de pied au sol, pas plus. Le large guidon s’avère légèrement avancé vers le pilote, ce qui permet d’adopter une position “buste droit” très naturelle pour parcourir nos premiers kilomètres sur les petites routes tortueuses qui nous mènent au cœur de l’île sarde.
D’emblée, la machine apparaît équilibrée et les suspensions à grands débattements réglées souples permettent d’enchaîner les virages dans un confort certain, tout en conservant une étonnante rigueur. Entièrement réglables, ses éléments Showa offrent un bon ressenti sur la route et fleurent bon la qualité. Malgré sa jante de 21 à l’avant, la V-Strom ne souffre pas non plus d’une inertie exagérée à la mise sur l’angle. La jante de 17 pouces à l’arrière y est sans doute pour quelque chose. Lors des freinages appuyés, la commande du frein avant présente une attaque plutôt douce. De bon augure pour attaquer les chemins qui nous attendent un peu plus loin, mais lors d’un freinage d’urgence sur route, les étriers deux pistons à fixation axiale apparaissent un peu timides pour stopper rapidement les 230 kilos de la bête tous pleins faits. Il n’empêche, malgré un réservoir en acier haut placé, ce poids indiqué sur la fiche technique ne se ressent guère une fois que la Suzuki est lancée sur route. Emmenée à bon rythme, la V-Strom 800 DE offre même un sérieux mélange de rigueur et de plaisir. Son cadre en acier tubulaire et son long bras oscillant aluminium font en effet preuve d’une excellente stabilité et permettent de profiter pleinement de ce nouveau moteur qui propulse l’ensemble avec entrain.
Un moteur à deux visages
Vif et coupleux dès les bas régimes, le twin Suzuki est clairement bien né. Relativement linéaire dans ses montées en régime, il s’avère assez docile sous les 7 000 tr/mn et reprend sans peine sous les 3 000 tr/mn. On appréciera cette onctuosité dans le cadre d’une rando touristique, qui plus est en duo. Dur à la tâche, ce bon ouvrier sait aussi se retrousser les manches si le besoin s’en fait sentir et se la jouer sportif en approchant de la zone rouge. Exempt de vibrations, ce bloc est bien secondé par une commande d’embrayage souple et une boîte de vitesses douce, assistée d’un shifter efficace. Les plus joueurs lui reprocheront simplement une sonorité un peu étouffée… mais les aventuriers raisonnés sauront apprécier ce silence de fonctionnement à sa juste valeur. Faire moins de bruit, c’est aussi mieux interagir avec son environnement et profiter plus sereinement de son voyage, en préservant ses oreilles et celles des autres.
Sur un terrain de jeu aussi amusant que les chemins arides de la Sardaigne, notre V-Strom continue sa démonstration de polyvalence. Si le fin sabot en plastique d’origine invite à éviter les ornières les plus profondes, la garde au sol de 220 mm apparaît pourtant suffisante.
Les suspensions affichent un débattement identique. Et si les réglages d’origine correspondent à une philosophie orientée confort, la V-Strom en avale beaucoup tout en gardant sainement le cap. Son guidon large permet un excellent guidage et au moment de faire demi-tour, le rayon de braquage ultra court facilite grandement les manœuvres. À plus grande vitesse, le bras oscillant long offre un bon ressenti et une maîtrise certaine de la glisse à l’accélération grâce à la présence du contrôle de traction engagé sur le mode Gravel. Il est bien sûr possible de déconnecter cette assistance pour jouir d’embardées encore plus spectaculaires car dans les tours, ce moteur incite à jouer avec lui.
Sur sol sec, les Dunlop Trailmax Mixtour, réalisés spécifiquement pour ce modèle avec une profondeur de rainurages augmentée, font le travail pour un pneu polyvalent, sans plus. D’ailleurs, en descente, l’avant n’offre pas une accroche franche, ce qui s’avère un peu pénalisant car c’est dans ces phases que le poids haut placé de la moto se fait le plus sentir.
Dans les rares parties humides, la prudence sera également de mise. Mais comme ces pneus sont équipés de chambres à air, on pourra abaisser la pression à sa guise pour gagner un peu en grip. Du coup, attention aux pincements ! Enfin, en cas de petites chutes, comme on a pu l’observer chez nos confrères peu habitués à la pratique du sentier, les carénages ont été pensés pour limiter les coûts de remplacement.
Une rivale à surveiller
De retour sur la route, notre convoi de journalistes heureux profite des derniers rayons de soleil pour longer le bord de mer. Ce bout d’asphalte avalé à bonne allure permet de constater que la bulle étroite peine à protéger efficacement la tête du pilote. Le buste reste toutefois bien à l’abri et les pare-mains ont été étudiés pour dévier légèrement le flux d’air au niveau des épaules. Mais on grelotte d’avance en s’imaginant roulant dans le froid sur autoroute en France… Une bulle large existe au catalogue et sera sans doute à négocier à l’achat pour ceux qui envisagent un usage régulier sur voie rapide ou pour les longs trajets.
À l’issue de cette première prise en main, difficile cependant de masquer notre sourire : Suzuki revient en force avec une aventurière polyvalente, efficace et sérieuse. Bien équipée, bien suspendue et surtout bien motorisée, cette 800 DE affiche donc toutes les qualités pour aller se frotter à ses rivales désignées. La Suzuki risque de donner du fil à retordre à la Yamaha T7 qui a finalement peu évolué et demeure moins puissante. Elle a aussi de quoi se frotter à la revenante KTM 790 Adventure, désormais fabriquée en Chine, et à l’Aprilia Tuareg 660 dont le succès commercial n’est toujours pas au rendez-vous. À priori plus routière, la Honda Transalp 750 (non offerte au Canada), dont le tarif est plus bas que celui de la Suzuki, constituera néanmoins une autre proie que la 800 DE aimerait bien accrocher à son tableau de chasse. Notre prochain comparatif s’annonce chaud, très chaud !
Verdict
On a aimé
- Moteur vivant
- Confort/aspects pratiques
- Tarif
On a moins aimé
- Poids important
- Absence de régulateur
- Protection perfectible