La nouvelle reine des aventurières ?
Publié le 1 septembre 2022
Notre collègue Costa Mouzouris rentre tout juste du lancement nord-américain de la Ducati DesertX qui s’est déroulé du côté d’Aspen, au Colorado. Il nous livre ses premières impressions sur la nouvelle aventurière de la firme de Borgo Panigale.
Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos © Gregor Halenda, Scott Rounds
Il semble que tout le monde fabrique des motos d’aventure de nos jours. Cependant, leurs dimensions et leur poids importants signifient que, bien qu’elles soient capables d’affronter des situations difficiles, il est ardu de les conduire dans des conditions extrêmes. C’est pourquoi la majorité des motos d’aventure de grosse cylindrée actuelles passent la plupart de leur temps sur le bitume. Bien sûr, certains pilotes peuvent s’aventurer à leur guidon sur des routes de gravier, mais soyons honnêtes, même une Gold Wing peut le faire.
Il existe cependant quelques grosses motos conçues pour le tout-terrain, comme la Honda Africa Twin, la Husqvarna Norden 901 et sa cousine, la KTM 890 Adventure R. Sans oublier la Yamaha Ténéré 700. Mais les constructeurs de ces machines ont une histoire imprégnée de tout-terrain ; tous ont participé avec succès à des compétitions de motocross, d’enduro et de rallye, et tous ont produit des machines double usage sérieuses. Il n’est donc pas surprenant que leurs motos d’aventure soient d’authentiques machines de tout-terrain.
Ce qui est surprenant, c’est qu’une entreprise italienne spécialisée dans les roadsters extrêmes, les motos sportives et les supersports fabrique une moto ayant un fort penchant pour la terre. Cette société c’est Ducati et la moto en question est la nouvelle DesertX.
Réminiscences du Dakar
Alors que la plupart des Ducatis ont l’air d’être prêtes à s’attaquer aux routes de montagne sinueuses ou aux circuits de course, la DesertX semble prête à affronter le Rallye Dakar. Elle est dotée d’un carénage monté sur le cadre, inspiré des rallyes, d’une suspension à long débattement et de roues adaptées au tout-terrain. Cela peut sembler inhabituel pour une entreprise qui a été la première à mettre des ailerons aérodynamiques sur ses machines de MotoGP, mais Ducati a une certaine légitimité en tout-terrain, bien qu’elle date d’il y a longtemps. En 1990, le pilote italien Edi Orioli a remporté l’éprouvant rallye Paris-Dakar à bord d’une Cagiva Elefant, un exploit qu’il a réitéré en 1994. Ducati a appartenu au groupe Cagiva de 1985 à 1996, et l’Elefant était donc propulsée par un bicylindre en V Ducati de 900 cm3. Maintenant vous savez.
Ducati a d’abord révélé un concept DesertX à l’EICMA en 2019. Bien que ce concept soit basé sur un Scrambler 1100, la DesertX est une machine entièrement nouvelle, et son moteur est le bicylindre en V Testastretta 11° de 937 cm3 à refroidissement liquide que l’on retrouve sur le Monster, et non sur le moteur de 1 079 cm3 à refroidissement par air du Scrambler. Vous trouverez le même moteur dans l’Hypermotard, la Multistrada V2 et la Supersport, mais Ducati l’a retravaillé pour la DesertX. Il revendique 110 chevaux et 68 lb-pi de couple, et les changements incluent des modes de conduite et de puissance dédiés, ainsi qu’une transmission modifiée. Les rapports de la première à la cinquième vitesse sont plus courts que sur les autres motos (la sixième reste inchangée pour la conduite sur autoroute), tandis que la première et la deuxième vitesse sont encore plus courtes pour gérer une conduite plus serrée en hors route — la première est plus courte de 14,3 % et la deuxième de 8,7 %. Les intervalles de réglage des soupapes sont fixés à 29 000 kilomètres.
La DesertX utilise un cadre treillis tubulaire rigide, en acier, avec un sous-châssis tubulaire boulonné, aussi en acier. Elle est équipée de suspensions Kayaba entièrement réglables aux deux extrémités : à l’avant, une fourche inversée de 46 mm, et à l’arrière, un monoamortisseur avec un bouton de précontrainte à distance situé sur le côté droit de la moto, juste sous la selle. Le débattement de la suspension est de 230 mm à l’avant et de 220 mm à l’arrière.
La suspension haute offre un dégagement de 250 mm sous la moto, mais elle la rend également haute. La hauteur de selle standard est de 875 mm, avec une selle basse en option (347 $) qui réduit cette hauteur de 10 mm. Si vous souhaitez un contact encore plus facile avec le sol, vous pouvez abaisser davantage la selle à 845 mm en combinant la selle basse avec un kit d’abaissement, qui comprend des ressorts de fourche et d’amortisseur et une béquille latérale plus courte (345 $). Une selle plus haute est également disponible et porte la hauteur à 880 mm.
Pour mieux affronter les terrains accidentés, la DesertX adopte une roue de 21 pouces à l’avant et de 18 pouces à l’arrière, et les jantes sont à rayons croisés, sans chambre à air. Ces tailles de roues offrent également un meilleur choix de pneus tout-terrain. La DesertX est équipée de série de pneus Pirelli Scorpion Rally STR, qui offrent une excellente traction sur les sols durs et modérément mous, ainsi qu’une adhérence remarquable et une conduite sans vibrations sur le bitume. J’ai déjà roulé avec ces pneus, et ils ne sont pas aussi bons dans le sable ou la boue, mais Ducati approuve d’autres pneus pour cela. Vous pouvez opter pour les pneus Scorpion Rally plus agressifs pour des excursions hors route extrêmes, ou si vous comptez rester sur l’asphalte, vous pouvez opter pour un jeu de pneus Scorpion Trail II.
Une suite électronique exhaustive
Ducati a monté l’écran d’instrumentation TFT de 5 pouces verticalement, ce qui est censé faciliter la lecture en position debout, tout en offrant une meilleure lecture lorsque vous utilisez la navigation Bluetooth en option par l’intermédiaire de votre téléphone. L’écran est grand et facile à lire, et la disposition change en fonction du mode de conduite sélectionné, mettant en évidence les informations pertinentes pour chaque mode.
L’ABS à détection d’inclinaison et l’antipatinage, le contrôle du dérapage, le frein moteur réglable, le régulateur de vitesse et le quickshifter sont tous de série. La DesertX dispose de quatre modes route (Sport, Touring, Urbain, Pluie) et de deux modes tout-terrain (Enduro et Rallye), ainsi que de quatre niveaux de puissance, tous sélectionnables par le tableau de bord. Le mode Enduro limite la puissance à 75 chevaux, règle la réponse de l’accélérateur sur dynamique, désactive l’anti-enrayage et réduit le contrôle de la traction au niveau 3 de 8 et l’intervention de l’ABS au niveau 2 de 3 (l’ABS arrière est désactivé).
Le réservoir contient 21 litres de carburant, mais si vous prévoyez de vous rendre dans des endroits plus reculés, Ducati propose un réservoir auxiliaire de 8 litres (1 875 $) qui s’installe à l’arrière de la moto. Ce réservoir alimente le réservoir principal via un interrupteur. Lorsque le niveau de carburant dans le réservoir principal descend suffisamment bas pour accepter les 8 litres supplémentaires, le pilote est invité à allumer le réservoir auxiliaire par l’intermédiaire du tableau de bord, et le carburant supplémentaire est alors pompé dans le réservoir principal.
Sur la terre ferme
Notre boucle d’essai de 140 kilomètres serpentait autour des montagnes entourant Aspen, et environ 85 % du parcours n’était pas asphalté. Une bonne partie de la section non pavée était rugueuse et rocailleuse, et à un moment donné, elle passait par une pente de ski assez raide par endroits. Nos hôtes ont installé quelques-uns des accessoires disponibles chez Ducati sur nos motos de test, bien que cela soit également fait pour aider à protéger les motos des dommages encourrus, puisque notre trajet était assez difficile. Les accessoires comprenaient des barres de sécurité (875 $), un sabot moteur plus grand (625 $, monté solidement sur le cadre par des supports, plutôt que sur les carters moteur), et un silencieux Termignoni.
Le poids à vide annoncé est de 223 kg, et bien que la moto soit haute, elle semble légère lorsqu’on la soulève de la béquille latérale. La selle est étroite à l’avant pour faciliter le contact avec le sol, et s’élargit considérablement à l’arrière pour offrir un bon soutien. Je mesure 1,80 m et, avec la selle standard, je pouvais poser un pied à plat sur le sol et l’autre sur mes orteils. Mais comme j’ai passé la majeure partie de la journée debout sur les repose-pieds en hors route, je ne peux pas vraiment me prononcer sur le confort à long terme de la selle. Le carénage protège votre torse du souffle du vent, bien que le pare-brise de tourisme plus haut (288 $) soit un bon investissement pour les longs trajets sur l’autoroute.
Quelques minutes après le début de notre randonnée, nous avons quitté le bitume, et il n’a pas fallu longtemps pour que la DesertX s’affirme comme une véritable machine double usage plutôt que comme une moto d’aventure lourde et pataude. Mon mode hors route préféré est le mode Rallye. Il réduit l’intervention de l’ABS au minimum (toujours sans intervention de l’arrière), et l’antipatinage au niveau 2, bien que même ce réglage ne soit pas idéal pour un rythme vraiment rapide. Heureusement, les six modes de conduite sont personnalisables individuellement, j’ai donc désactivé le contrôle de la traction et sélectionné le réglage de l’accélérateur plus souple que le réglage dynamique standard. Mon seul problème avec les modes de conduite est la façon dont ils sont sélectionnés. Vous devez maintenir enfoncé le bouton « mode » sur le commutateur de gauche pendant quelques secondes pour faire apparaître le menu de sélection des modes dans le tableau de bord, puis faire défiler jusqu’au mode souhaité, puis appuyer à nouveau sur le bouton « mode », et enfin fermer l’accélérateur pour confirmer votre sélection. Avec de la pratique, cela peut être fait en quelques secondes pendant que vous conduisez, mais c’est un processus distrayant et fastidieux qui pourrait être simplifié. Heureusement, la moto conserve les modes de conduite sélectionnés chaque fois que le contact est coupé et remis.
Avec ce réglage modifié du mode Rallye, le train arrière glisse facilement dans les virages sur la terre, et la roue avant se soulève sans effort au-dessus des obstacles. Avec les coudes en l’air et en mode attaque, la DesertX dévore les rochers, les bosses et les ornières sans broncher, en gardant une ligne solide et inébranlable, et en contournant facilement tout ce que je devais éviter — elle semblait être une moto beaucoup plus légère que son poids réel ne le suggère. Le train avant est solide, et la moto n’a jamais tremblé, même après que la roue avant ait été frappée par des bosses successives à grande vitesse.
La suspension a été ajustée pour mon poids de 100 kilos, tout habillé, et elle a absorbé les grands virages et les bosses sans s’affaisser et avec une douceur digne d’une moto de tout-terrain. J’ai augmenté l’amortissement en détente de quelques clics par rapport aux réglages initiaux aux deux extrémités, car la fourche avait talonné violemment à quelques reprises lorsque la roue s’est soulevée après quelques sauts, et l’arrière s’est un peu affaissé lors de la négociation de transitions de virages serrés — la moto s’est comportée parfaitement après cela.
Cependant, la DesertX m’a vraiment impressionné lorsque nous avons grimpé à près de 3 500 mètres sur un sentier escarpé, rocheux et sinueux lequel nous a menés au sommet d’une piste de ski. C’est à ce moment-là que le rapport plus court est devenu un atout, surtout les deux premiers rapports. Il est vrai que l’écart entre la première et la deuxième vitesse est un peu large, ce qui oblige à changer fréquemment de vitesse lorsqu’on ralentit pour entrer dans un virage, mais le quickshifter rend cette opération d’une facilité déconcertante.
Sur le bitume, la DesertX révèle ses racines Ducatiesque. À un rythme rapide, elle négocie les virages avec une stabilité inspirant confiance, bien que sa suspension haute rende la transition en virage difficile. En raison de sa roue avant de 21 pouces et du long débattement de sa suspension, elle préfère une approche délibérée et calculée des virages, plutôt qu’un style de conduite sportif, à l’emporte-pièce. Si vous bloquez les deux Brembos M50 en entrée du virage, ce long débattement sera rapidement absorbé. Sinon, elle suivra facilement le rythme des motos sportives, surtout si la chaussée devient rugueuse.
Un nouveau joueur dans le bac à sable
La Ducati DesertX est une compétitrice avec laquelle il faudra compter dans cette catégorie où la compagnie italienne a apparemment peu d’expérience. Mais après l’avoir testée sur route et en sentiers, dans des conditions difficiles, elle s’est révélée être une concurrente digne de ce nom, ressemblant davantage à une machine double usage qu’à une véritable moto d’aventure. Elle est cependant coûteuse. Commercialisée à partir de 19 695 $, elle est beaucoup plus chère que la Honda Africa Twin (16 999 $), la Husqvarna Norden 901 (15 199 $) et la KTM 890 Adventure R. Cela peut rendre le choix difficile, mais une chose est sûre : Ducati est peut-être nouveau dans le domaine du tout-terrain, mais la DesertX peut facilement rivaliser avec n’importe laquelle de ces concurrentes, surtout quand les choses deviennent vraiment difficiles.
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 223 kg
- Hauteur de selle : 875 mm
- Capacité essence : 21 L
- Consommation : 6 L/100 km
- Autonomie : 350 km
- Durée de l’essai : N.C.
- Prix : 19 695 $
MOTEUR
- Moteur : bicylindre en L Ducati Testastretta 11° ouvert à 90°, quatre temps, refroidi au liquide, distribution desmodromique, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 110 ch à 9250 tr/min
- Couple : 68 lb-pi à 6500 tr/min
- Cylindrée : 937 cc
- Alésage x course : 94 x 67,5 mm
- Rapport volumétrique : 13,3:1
- Alimentation : injection électronique Bosch. Corps de papillon de 53 mm de diamètre avec commande Ride-by-Wire.
- Transmission : six rapports avec quickshifter bidirectionnel DQS (Ducati Quick Shift)
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Cadre : en acier, treillis tubulaire
- Suspension : fourche inversée KYB 46 mm, réglable en précontrainte, détente et compression. Débattement : 230 mm. Monoamortisseur KYB relié au bras oscillant en aluminium. réglable en précontrainte, détente et compression. Débattement : 220 mm.
- Empattement : 1 608 mm
- Chasse/Déport : 27,6 degrés/122 mm
- Freins : 2 disques de 320 mm et étriers radiaux Brembo M50 à l’avant ; simple disque de 265 mm. ABS de virage Bosch de série
- Pneus : Pirelli Scorpion Rally STR
90/90R21 à l’avant
150/70R18 à l’arrière