La Harley-Davidson Pan America 1250 Special affronte l’impériale BMW R 1250 GS !
Publié le 18 février 2022
L’été dernier, nous avons profité de la présence de ces deux aventurières dans le garage de Motoplus pour les comparer à l’occasion d’un essai de plus de 1000 kilomètres. Un match très intéressant et plutôt révélateur dans lequel la reine du segment s’est fait chahuter par la nouvelle venue. Un crime de lèse-majesté ?
Photos © Didier Constant, Patrick Laurin, BMW Motorrad, Harley-Davidson
Devant le succès rencontré par les BMW GS/GSA qui figurent parmi les meilleures ventes dans de nombreux marchés, mais aussi devant la bonne performance des aventurières en général, aucun constructeur ne peut se permettre d’ignorer ce segment juteux du marché. Pas même Harley-Davidson qui sort ici de sa zone de confort et nous présente la Pan America 1250, son interprétation toute personnelle de la grosse aventurière moderne. D’où l’idée de réaliser ce face-à-face hors normes.
En 2020, la BMW R 1250 GS a fêté son 40e anniversaire. Elle peut s’enorgueillir d’avoir à elle seule créé un segment qui est aujourd’hui le plus porteur de l’industrie et que chaque constructeur veut investir.
En 2021, Harley et sa Pan America 1250 sont les derniers en date à vouloir remettre en question l’hégémonie de l’aventurière allemande. Pourtant, beaucoup d’autres motos s’y sont cassé les dents dans le passé (Aprilia Caponord, Honda Varadero, KTM 950/990/1190 Adventure, Moto Guzzi Stelvio 1200 NTX, Suzuki V-Strom 1000, Triumph Explorer 1200, Yamaha Super Ténéré 1200). La BMW les a ridiculisées. Celles qui ont réussi à éviter le massacre ont intelligemment contourné l’obstacle GS. Je parle des Ducati Multistrada, au profil plus routier, et des KTM Adventure 1090/1290, qui brillent en tout-terrain et ne rencontrent quasiment aucune concurrence dans leur niche.
Il faut reconnaître que beaucoup de chemin a été parcouru depuis la toute première R 80 G/S (pour « Gelände/Strasse », soit « tout-terrain/route » en français), une machine conçue à l’origine comme une grosse moto d’enduro dérivée des routières de la marque bavaroise. À ses débuts, la G/S a été décriée par l’ensemble de la presse spécialisée — trop grosse, trop lourde et pas assez maniable pour une moto de hors route, pas assez protectrice et pas assez équipée pour une routière, position de conduite incongrue. Tous les spécialistes lui prédisaient un avenir sombre. Pourtant, le public a suivi et la R 80 G/S a sonné le glas des gromonos, Honda 500 XLS, Suzuki DR650 et Yamaha XT500 en tête, qu’elle a également battus à plates coutures au Paris-Dakar l’année suivante, avec Hubert Auriol aux commandes. Le Français a remis le couvert en 1983, imité par Gaston Rahier en 1984 et 1985. Quatre victoires historiques qui vont asseoir à jamais la légende de la GS.
Aujourd’hui, forte de ses 40 ans d’expérience et d’évolution continue, la GS est au sommet de son art, mais aussi du créneau des grosses aventurières. Indétrônable !
Elle est la polyvalence incarnée. Mais aussi une grande voyageuse bonne à tout faire : boulot, rando, solo, duo, aventure, vacances. La recette semble simple, mais personne n’a réussi jusqu’à présent à la reproduire aussi bien.
Puis arrive la Pan America 1250. Harley-Davidson n’a aucune expérience en la matière et n’a jamais produit autre chose que des customs et des cruisers, quoi que la firme de Milwaukee en dise. La Pan America 1250 est donc en quête de légitimité et pour l’acquérir, elle n’a qu’une seule solution : affronter la GS sur son terrain. Malgré son profil ingrat qui la fait ressembler à un croisement entre une jeep Willys et une Münch Mammut de la première heure, la Pan America arrive avec des caractéristiques attrayantes et des solutions techniques innovantes, comme l’Adaptive Ride Height (ARH), un système de suspension intelligent (en option sur la version S) qui passe automatiquement de sa hauteur de conduite normale lorsque la moto est en mouvement à une position basse à l’arrêt.
En fait, le succès qui a accompagné la sortie du maxi-trail de Milwaukee (un néologisme cher à mes compatriotes d’outre-Atlantique) est largement dû à l’histoire que le modèle raconte aux motocyclistes aventuriers et qui est en décalage complet avec celle de la BMW. En Amérique du Nord, la presse spécialisée a plébiscité la Harley, parfois de façon excessive, parce que ça flattait sa fibre patriotique. Les journalistes américains voulaient voir le Petit Poucet Yankee vaincre l’Ogre allemand. Et rétablir l’orgueil bafoué de l’Oncle Sam. Ça vous rappelle quelque chose ?
Par rapport au modèle que nous avons essayé en 2019, la BMW R 1250 GS a évolué par petites touches, principalement au niveau de l’esthétique et de l’équipement, surtout dans le cas de cette version 40e anniversaire.
De son côté, la Harley-Davidson Pan America 1250 est inédite. Il s’agit d’un beau risque pour la firme américaine. Quand on essaye la Pan de façon intensive — particulièrement en opposition à la GS —, on se rend compte que le pari est en voie d’être réussi. Pour vous expliquer dans quelle mesure, nous avons comparé les deux protagonistes point par point. Voici nos observations. En toute subjectivité.
Look/Style
1 R 1250 GS — 2 Pan America
Le sens du beau n’est pas également réparti dans la population. De plus, la beauté est un concept purement subjectif. Ainsi, je reconnais que la BMW n’est pas forcément la plus belle moto du marché, mais à côté de la Harley, il n’y a pas photo. Personnellement, je trouve la Pan America laide, au point où son look est l’unique facteur qui m’empêcherait de l’acheter. Aujourd’hui, qui est assez superficiel pour juger une moto sur son seul look, me direz-vous ? Et bien moi ! Mea culpa ! Je ne pourrais tout simplement pas croiser son regard chaque matin dans mon garage. D’autant que son allure n’est pas statutaire, contrairement à celle de la GS. Désolé Miss America, mais vous n’êtes pas la plus belle pour aller rouler.
Finition/Qualité
1 R 1250 GS — 2 Pan America
Là encore, l’expérience et la longévité de la BMW payent. Sa finition est irréprochable. La GS respire la qualité. Et cette version 40e anniversaire est tout simplement sublime. Sa peinture deux tons noir et jaune est parfaitement réalisée et nous fait voyager dans le temps en évoquant les premières GS de notre jeunesse. Aucune faute de goût sur la Bavaroise.
De son côté, la Pan America n’est pas là pour faire de la figuration et n’est pas une moto réalisée dans l’urgence. Cependant, elle pêche par une finition perfectible et par quelques détails qui laissent à désirer. À commencer par une bulle réglable à la main, sans outils, qui fait bon marché et dont le mécanisme d’ajustement est difficile à manipuler. De plus, elle est trop flexible et vibre beaucoup en roulant, au point de devenir bruyante à haute vitesse. Ensuite vient la béquille latérale qui est difficile d’accès, étant placée trop loin en avant, mais surtout un poil longue, ce qui force le pilote à se contorsionner pour la replier. Notons également les durites et les câbles disgracieux sur le côté gauche du V-Twin, le tableau de bord moins chic, les commodos basiques ou des soudures inesthétiques à certains endroits. Enfin, n’oublions pas les protège-mains en plastique de piètre qualité qui se déboîtent facilement.
Équipement de série
1 R 1250 GS — 2 Pan America
Si on fait exception des packs d’options (Dynamic, Enduro, Touring) qui complètent merveilleusement la GS, mais font malheureusement grimper sa facture, la BMW est quand même richement dotée. Elle inclut des phares DEL automatiques et adaptatifs en virage, des poignées chauffantes, une prise de courant accessoire, une béquille centrale, une bulle réglable et un échappement chromé. En option, BMW propose une console pour GPS BMW Motorrad et des supports de montage pour le coffre à bagages.
Notre GS d’essai comprenait une selle confort, des valises latérales noires, en aluminium, mais aussi le groupe de finition 40e anniversaire avec sa magnifique peinture noir métallique avec accents jaunes, un cadre noir mat, des étriers de frein noirs, un guidon doré, des protège-mains jaunes, des jantes or à rayons croisés et les accessoires de l’Option 719, dont un couvre-culasse Shadow.
De son côté, la Pan possède des composants qualitatifs : étriers radiaux monoblocs Brembo, grosse fourche inversée Showa pilotée électroniquement au niveau de l’hydraulique, jantes à rayons sublimes, bulle réglable à la main, sans outils, béquille centrale, sabot moteur en aluminium, arceaux de protection, pare-mains, pédale de frein ajustable, amortisseur de direction et éclairage adaptatif à DEL. Cependant, elle ne possède pas de vide-poches pour ranger de menus accessoires voire accueillir votre téléphone intelligent. Notre modèle d’essai n’incluait pas non plus l’ensemble de bagagerie optionnelle.
Électronique
Ex Æquo R 1250 GS — Pan America
Sur nos deux belligérantes, l’arsenal électronique est pléthorique. Tout ou presque peut être paramétré, personnalisé et même contrôlé par votre téléphone intelligent. Et les commodos des deux machines sont victimes d’une éruption de boutons qui complexifie leur utilisation. Au guidon de ces maxi-trails, il faut faire preuve d’une attention de tous les instants et ne pas quitter la route des yeux trop longtemps, même si votre regard est attiré par les tableaux de bord bavards et les commandes envahissantes.
La BMW propose la désormais classique molette multifonction située sur le guidon gauche et qui donne accès à tous les menus ainsi qu’un système de connectivité Bluetooth. Grâce à sa centrale inertielle, on a accès à une foule de caractéristiques standard : ABS BMW Motorrad Integral débrayable, modes de pilotage (Route, Pluie, Enduro, Dynamique), antipatinage, système Hill Start Control (HSC) pour des démarrages faciles en côte et ordinateur de bord avec écran TFT couleur, haute résolution, de 6,5 pouces. Mais aussi à d’autres équipements optionnels dont un contrôle de la pression des pneus, un système antivol, un contrôle dynamique de la traction, un réglage électronique de suspension ESA Dynamic Next Generation, un système de démarrage sans clé Keyless Ride, un régulateur de vitesse et des modes de conduite Pro (Dynamic Pro, Enduro Pro, HSC Pro, ABS Pro, contrôle de freinage dynamique et quickshifter Pro).
Sur la Harley on trouve un tableau de bord avec écran TFT couleur à matrice active, tactile et inclinable, de 6,8 pouces de large, un ordinateur de bord, un module de connectivité mobile Bluetooth, une prise USB-C et un régulateur de vitesse. Grâce à la centrale inertielle 3D sur 6 axes, on a accès à un accélérateur électronique Ride-by-Wire, à sept modes de conduite — Route, Sport, Pluie, Off-Road, Off-Road Plus et deux modes paramétrables par le pilote —, une aide au démarrage en côte, un ABS, un antipatinage, un antiwheelie, un antistoppie et un antiglisse qui prennent en compte l’inclinaison de la moto. Sur notre Special d’essai, on trouve également des suspensions semi-actives intégrant un contrôle automatique de la charge, des feux de virage adaptatifs, un capteur de pression des pneus, des poignées chauffantes et l’excellent système ARH (Adaptative Ride Height) optionnel. Difficile de faire plus complet. Le seul bémol concerne le tableau de bord qui est difficilement lisible en raison des informations qui s’affichent dans des caractères de petite taille. Selon la luminosité, ils sont parfois ardus à discerner.
Ergonomie/Position de conduite/Protection
Ex Æquo R 1250 GS — Pan America
Les deux motos offrent une position de conduite typée aventurière, dos droit, bras légèrement écartés et repliés, jambes peu fléchies. Très comparables quand on examine les photos de près.
Les deux sont pourvues d’un large guidon tubulaire relevé offrant une prise en main naturelle et un bon effet de levier qui facilite la mise sur l’angle. Par ailleurs, elles affichent un gabarit en tous points similaire. Elles sont lourdes — 249 kg pour la BMW, 254 kg pour la Harley — et possèdent un empattement conséquent de 1515 mm et de 1580 mm respectivement. Même chose pour la géométrie de direction, avec des valeurs de chasse/déport de 25,7°/100,6 mm pour la BMW et de 25 degrés/108 mm pour la Harley.
La BMW est haute sur pattes. Sa selle culmine à 850 mm en position basse (870 mm en position haute) et pose un problème de taille aux pilotes handicapés par un déficit de verticalité. Heureusement, la GS est relativement fine à la jonction entre le réservoir et la selle.
Dans sa version Special, la Harley est un poil moins haute. En position basse, sa selle atteint 830 mm (850 mm en position haute). Avec l’ARH (Adaptative Ride Height) proposé en option sur la Special, la hauteur de selle diminue à l’arrêt. Heureusement, là encore, le réservoir est fin à la jonction avec la selle.
La protection offerte est bonne sur les deux machines, avec un léger avantage pour la BMW cependant. En effet, quand on règle le pare-brise en position haute sur la Harley, ce dernier vibre beaucoup et dirige un flux d’air turbulent sur le haut du corps et sur le casque du pilote. Avec un niveau sonore plus élevé.
En ce qui a trait au confort, on est bien traité sur ces deux aventurières de classe Pullman. La selle confort qui équipait notre GS 40e anniversaire est un vrai sofa et autorisait de longues excursions sans aucune plaie de fesse.
En duo, les jambes du passager ne sont pas repliées à l’excès. Les poignées de maintien sont parfaitement situées. La protection dont il bénéficie est supérieure sur la BMW et il ne ressent aucun retour d’air dans le dos, contrairement à la Harley.
Sur la Pan, la selle pilote est bien rembourrée et s’avère confortable au long cours. Ce qui est moins le cas pour le siège passager. Son assise est plus courte et plus dure. Le passager, haut perché, a les jambes passablement repliées. De plus, les poignées de maintien sont mal conçues et il est difficile de s’y agripper pour contrer les accélérations et les freinages intempestifs. Par ailleurs, le passager ressent davantage les vibrations dans les pieds.
Moteur
1 R 1250 GS — 2 Pan America
Si on se fie aux fiches techniques, la Harley gagne la bataille des chevaux, mais perd celle du couple. Sauf qu’à l’usage, ses 14 chevaux supplémentaires ne lui donnent pas un avantage marqué. En effet, le flat-twin de la BMW délivre une puissance supérieure du ralenti jusqu’à 6 000 tr/min environ. Et il fait preuve d’un couple supérieur qui permet à la GS d’être hyper plaisante à piloter, particulièrement entre 2 000 et 6 000 tr/min. Et d’être plus caractérielle. Elle offre des accélérations plus franches et une douceur de roulement incroyable. Un vrai régal. En plus, elle fait preuve d’un caractère très élastique et vibre peu. Le shifter de la BMW est efficace à pleine charge et à hauts régimes. Ailleurs, il se montre parfois récalcitrant et manque de fluidité. Personnellement, j’utilisais quand même l’embrayage pour une conduite plus souple, particulièrement pour rétrograder, et j’essayais d’adopter une conduite coulée en décomposant les mouvements. La Bavaroise n’aime pas trop être brusquée.
À l’inverse, le V-Twin américain n’affiche pas autant de rondeur que le Boxer sous la barre des 5 000 tr/min. Il manque de souplesse et cogne un peu bas de 2 000 tr/min. Il faut dépasser les mi-régimes pour qu’il s’exprime pleinement, devienne joueur et profite de son surplus de puissance pour vous offrir des sensations fortes. Malheureusement, c’est à ce moment-là que les vibrations apparaissent. On les ressent dans les mains, mais aussi dans les pieds, autant pour le pilote que le passager. Elles sont très perceptibles au-delà de 120 km/h, au point de devenir rédhibitoires à vitesse d’autoroute stabilisée. Par ailleurs, la Harley ne dispose pas de shifter, pas même en option. Ce qui est dommage sur une machine de ce calibre.
Au chapitre de la sonorité, les deux échappements d’origine émettent une mélopée envoûtante, riche, mais pas trop agressive.
En ce qui concerne de la consommation, nos deux belligérantes font presque jeu égal (5,1 L/100 km sur la GS et 5,5 L/100 km sur la Pan) pour une autonomie d’environ 390 km sur les deux machines.
Une petite note propos de la Harley. La chaleur dégagée par le collecteur d’échappement du cylindre arrière, du côté droit du moteur, est importante et particulièrement inconfortable dans la circulation urbaine, l’été.
Transmission
1 R 1250 GS — 2 Pan America
Aujourd’hui, la BMW est l’une des rares aventurières à encore proposer une transmission par cardan, avec la Moto Guzzi V85TT et la Triumph Tiger 1200. Une solution plus complexe et plus lourde, certes, mais aussi plus conviviale et quasiment sans entretien, un avantage non négligeable pour qui voyage loin et longtemps.
La Harley adopte une chaîne, une incongruité pour une moto de Milwaukee. En effet, les Harley ont généralement recours à une courroie sans entretien. Cependant, une telle solution serait potentiellement fragile, voire dangereuse, spécialement en tout-terrain.
Les deux solutions fonctionnent bien sur leurs machines respectives. Mais j’avoue avoir une préférence pour le cardan.
Freinage
Ex Æquo R 1250 GS — Pan America
À ce chapitre, la BMW comme la Harley adoptent des solutions éprouvées et du matériel de qualité.
L’Allemande utilise un système de freinage Brembo à deux disques de 305 mm, pincés par des étriers quatre pistons radiaux à l’avant et un simple disque de 276 mm mordu par un étrier double piston à l’arrière. Elle bénéficie de l’ABS Pro Integral BMW Motorrad (partiellement intégral), débrayable de série.
L’Américaine, quant à elle, fait confiance à un double disque de 320 mm avec des étriers radiaux Brembo à quatre pistons jumelé à un simple disque de 280 mm avec étrier Brembo à simple piston à l’arrière. Le système est complété par un ABS couplé et débrayable. Le frein arrière est un peu faiblard et il faut appuyer fort sur la pédale pour l’engager. On note également un léger manque de mordant du freinage en conduite sportive sur l’Américaine.
En matière de performance et d’efficacité, les deux systèmes sont très comparables. Assez pour ne pas les départager
Suspensions
Ex Æquo R 1250 GS — Pan America
Les deux machines de ce match au sommet disposent de suspensions semi-actives réglables électroniquement qui se révèlent très efficaces en usage routier, particulièrement en duo et lourdement chargé.
La BMW fait appel à une fourche Telelever de 37 mm, avec un amortisseur ajustable en précontrainte et en détente, offrant un débattement de 190 mm. Personnellement, j’adore le toucher de route du Telelever, et ce depuis son lancement, en 1993. Je sais que c’est un goût acquis et que ceux qui n’y sont pas accoutumés le trouvent déroutant. Ce système sépare les tâches de suspension et d’amortissement de celles liées au réglage de la géométrie du train de roulement, procurant un confort royal et un ressenti très particulier. Finie la plongée de la fourche, même au freinage. À l’arrière, on retrouve un combiné Paralever EVO avec jambe de suspension WAD, ajustable en précontrainte et en détente. Il dispose d’un débattement de 200 mm. De plus, notre GS 40e anniversaire était pourvue de l’excellente suspension électronique ESA Dynamic Next Generation optionnelle.
De son côté, la Pan America est amortie par une fourche inversée Showa de 47 mm réglable en détente, compression et précontrainte, affichant un débattement 190 mm. À l’arrière, on retrouve un bras oscillant en aluminium, relié à un amortisseur Showa réglable en précontrainte, détente et compression, disposant d’un débattement de 190 mm. L’Américaine aussi est pourvue de suspensions semi-actives à réglage électronique.
Au-delà des préférences personnelles de chacun des pilotes, les deux machines se sont avérées aussi confortables et aussi efficaces en matière de suspension. Parfaites pour traverser le continent en solo ou en couple, avec armes et bagages.
Ville
1 R 1250 GS — 2 Pan America
En ville, nos deux aventurières sont un peu handicapées par leur gabarit. Surtout avec les valises installées qui leur confèrent une largeur importante et limitent leur aptitude à se faufiler dans la circulation urbaine.
La GS est mieux équilibrée et plutôt maniable. Son Boxer évolue sur un filet de gaz, tout en souplesse et bénéficie d’un couple important.
A contrario, la Pan America est moins à l’aise. D’abord, elle est plus lourde, moins agile et son rayon de braquage demande plus d’attention dans un environnement urbain. Son V-Twin est moins souple et dégage beaucoup de chaleur.
Sur routes secondaires
1 R 1250 GS — 2 Pan America
La majeure partie du temps, je réglais la GS en mode Dynamic Pro, lequel se montre très réactif, optimise le couple et durcit les suspensions. Si la BMW s’avère carrément affûtée dans ce mode, voire sportive, elle perd un peu de la douceur de roulement qui la caractérise. Pour certaines balades champêtres sur revêtement défoncé, j’optais alors pour le mode Road qui est parfait dans ces conditions. La réactivité de l’accélérateur est idéale et le confort tout simplement royal. La conduite se calme, même si le rythme reste très soutenu !
Le Boxer ronronne comme un gros chat, reprenant dès 1500 tr/min, sur tous les rapports, sans broncher. Il est plus silencieux que le V-Twin de la Harley. Plus rempli également à bas et moyen régimes. Quand on tire les rapports, le flat bavarois pousse très fort sur toute la plage de régime. Il distance l’Américaine à l’accélération et offre et des reprises plus franches, particulièrement en mode Dynamic Pro. Il est aussi efficace à bas régime, sur un filet de gaz, qu’à haut régime, quand on se lance à l’assaut de la zone rouge.
Sur route inégale, les suspensions ESA gomment les irrégularités de la chaussée comme par miracle et procurent un confort digne d’un Pullman, aussi bien pour le pilote que le passager. On peut les régler facilement et rapidement, à l’aide de la commande située sur le commodo gauche. Elles se caractérisent par leur aptitude à ajuster automatiquement la précontrainte en temps réel, en fonction du mode choisi. À ce sujet, la différence entre les modes Road et Dynamic Pro est flagrante. On note immédiatement les caractéristiques particulières de chacun. Dans cet environnement, la partie cycle est saine, vive et agile dans les courbes serrées, impériale dans les grands « sweepers ». La BMW est la plus facile à emmener rapidement, grâce en partie à son centre de gravité bas et à son moteur coupleux et onctueux.
Sur la Pan America, j’utilisais le plus souvent le mode Sport, le plus réactif et le plus apte à concurrencer la BMW en mode Dynamic Pro. À mon avis, c’est celui qui sert le mieux la Harley. En effet, les modes étant non seulement liés aux performances du moteur, mais aussi aux réglages de la suspension, du frein moteur et de l’ABS, le mode Sport rendait la Harley plus affûtée à tout point de vue, sur routes secondaires sinueuses en tout cas. La suspension semi-active est bien amortie. Elle est juste assez ferme pour être efficace en cas de freinage et d’accélération brusques, avec juste ce qu’il faut d’enfoncement et de plongée pour transférer efficacement le poids et offrir une excellente sensation de traction aux deux extrémités. La partie cycle de l’Américaine est saine et parfaitement équilibrée. Vive dans les sections serrées et dans les enfilades, elle est précise et stable dans les grands virages rapides. Et si le revêtement se détériore et secoue la Harley, son amortisseur de direction entre en action. À titre indicatif, la BMW aussi bénéficie d’une amortisseur de direction.
Tourisme
1 R 1250 GS — 2 Pan America
En mode tourisme, la BMW impressionne par son équilibre global, son moteur doux et coupleux, exempt de vibrations, son confort royal, la bonne protection qu’elle procure autant au pilote qu’au passager — les jambes du pilote sont particulièrement bien protégées —, ses suspensions moelleuses, son régulateur de vitesse efficace et son maniement facile et instinctif. C’est l’archétype de la voyageuse au long cours, celle à laquelle toutes les autres aventurières sont mesurées.
La Harley est légèrement en retrait et pêche par un niveau de vibrations élevé à moyen et haut régimes qui vient entacher son confort global. Sinon, le moelleux de la selle, l’équilibre des suspensions et ses prestations routières sont de haute facture.
Tout-terrain
Ex Æquo R 1250 GS — Pan America
Ni la BMW ni la Harley ne sont des machines d’enduro, mettons bien les choses au clair. Cependant, grâce à leurs suspensions à grand débattement et à leur garde au sol importante, elles permettent de se débrouiller honorablement dans les chemins non asphaltés ouverts, roulants, au revêtement sec et compact. Surtout avec les pneus d’origine (Bridgestone Battlax Adventure A41 et Michelin Scorcher Adventure) des gommes mixtes à vocation routière qui limitent leurs prétentions de baroudeuses.
En raison de leur monte pneumatique d’origine, nous n’avons pas fait de hors route intensif avec les deux aventurières, seulement une sortie dans les sentiers roulants du parc du Mont Tremblant où l’Allemande et l’Américaine ont fait jeu égal. Dans les deux cas, leurs gabarits et leurs poids élevés constituent un handicap, lequel n’est pas insurmontable, pour peu que vous possédiez un gros niveau de pilotage en tout-terrain.
Tarif
1 Pan America — 2 R 1250 GS
Là, on aborde le point qui fâche. Un sujet sensible, essentiel pour certains, accessoire pour les autres. La BMW est la plus chère des deux, quelle que soit la version choisie. Le modèle de base, celui que personne n’achète vraiment, se détaille 21 550 $. Le modèle que nous avons essayé, avec sa finition 40e anniversaire, ses bagages, sa selle confort et son groupe d’options, atteint 29 207 $. Ça commence à piquer.
La Harley de base, quant à elle, se négocie à 20 999 $. Et le modèle Special mis à notre disposition avec ses suspensions électroniques, mais sans kit de bagagerie, se vend 24 199 $. Donc un montant moins élevé de près de 5 000 $. Ce qui commence à compter et permet de s’offrir une foule d’accessoires voire faire un beau voyage.
Conclusion
La Bavaroise reste la baroudeuse absolue. Une référence indéboulonnable depuis quatre décennies. À la fois moto de tourisme, GT sportive sur échasses, voyageuse au long cours, aventurière, elle se plie à toutes mes exigences et satisfait tous mes fantasmes. Avec elle, je sais où je vais, mais aussi que je reviendrais. En un morceau. Repu. Comblé. Et prêt à reprendre la route à tout moment.
La GS et moi, c’est une histoire parallèle empreinte d’admiration, de respect et de désir. Nous avons débuté nos carrières respectives à quelques années d’intervalle. Je roulais depuis trois ans quand elle est apparue sur le marché suscitant immédiatement en moi un intérêt qui ne s’est pas estompé depuis. J’ai été biberonné à la GS pendant 40 ans. Elle m’a fait rêver, m’a accompagné dans mes aventures les plus folles, en solo comme en duo et est rattachée à une multitude de souvenirs merveilleux.
Au cours de ma carrière, j’ai eu la chance d’essayer toutes les versions de la GS/GSA, de la toute première R80 G/S, à cette récente R 1250 GS 40e anniversaire. Difficile dans les circonstances de ne pas l’aimer. En fait, chaque fois que je la retrouve, c’est comme si on s’était quitté la veille.
La Harley, de son côté, est une moto aboutie qui vient chahuter la GS dans ses fondements, sans pour autant la détrôner. Beaucoup d’observateurs, moi le premier, n’attendaient pas un tel niveau de sophistication ni un tel degré de maîtrise de la Pan America, compte tenu de ses origines et de sa jeunesse. C’est un excellent maxi-trail qui fait jeu égal avec l’Allemande sur plusieurs aspects (ergonomie, électronique, moteur, sonorité), même s’il est en retrait sur d’autres. De peu, mais en retrait quand même. En fait, elle ne prend pas l’ascendant sur la BMW, même si elle s’en approche par moments. Les seuls domaines dans lesquels elle fait mieux, ce sont le tarif et l’originalité. Dans plusieurs autres, soit la finition, la qualité perçue, la conduite en duo, le look et le niveau d’équipement, elle marque le pas. À sa décharge, il faut rappeler que c’est la première incursion de Harley dans ce créneau. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Il faut bien en convenir. En fait, c’est la première moto à vraiment menacer l’hégémonie de la GS. J’ai hâte de voir comment elle va évoluer dans les années à venir. Et si nous allons développer une belle complicité au fil des ans.
Ces deux sublimes machines sont hyper polyvalentes et désirables. Elles offrent des prestations routières de haute volée et sont d’étonnantes motos à avaler de la borne en tout confort, sur tout type de routes, avec un niveau de performance élevé qui n’a rien à voir avec celui des routières du siècle dernier. On vit vraiment une époque magnifique !
FICHE TECHNIQUE BMW R 1250 GS 40e Anniversaire
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids pleins tous faits : 249 kg
- Hauteur de selle : 850/870 mm
- Capacité essence : 20 L
- Consommation : 5,1 L/100 km
- Autonomie : 390 km
- Durée de l’essai : 1050 km
- Coloris : Noir tempête/Noir mat/Jaune (édition 40e Anniversaire)
- Prix : 21 550 $ (de base) — 29 207 $ (telle que testée)
MOTEUR
- Moteur : bicylindre à plat (Boxer), 4-temps, refroidissement air/eau
- Distribution : DACT, 4 soupapes par cylindre, 1 arbre d’équilibrage, distribution à calage variable d’admission BMW ShiftCam
- Puissance : 136 ch à 7 750 tr/min
- Couple : 105,47 lb-pi à 6 250 tr/min
- Cylindrée : 1 254 cc
- Alésage x course : 102,5 x 76 mm
- Rapport volumétrique : 12,5 : 1
- Alimentation : Injection électronique
- Transmission : 6 rapports
- Entraînement : par cardan
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche Telelever 37 mm ; combiné Paralever EVO avec jambe de suspension WAD, ajustable en précontrainte et en détente. Suspension électronique ESA Dynamic Next Generation en option
- Empattement : 1 514 mm
- Chasse/Déport : 25,7°/100,6 mm
- Freins : 2 disques de 305 mm et étriers 4 pistons radiaux à l’avant ; simple disque de 276 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS Pro Integral BMW Motorrad (partiellement intégral) débrayable de série.
- Pneus : Bridgestone Battlax Adventure A41
120/70R19 à l’avant
170/60R17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- Le moteur coupleux et puissant ;
- Le châssis intègre ;
- La facilité de conduite bluffante ;
- La qualité et la finition supérieures ;
- Le confort royal ;
- Le niveau de raffinement inégalé.
ON AIME MOINS
- La selle haut perchée ;
- Le poids conséquent ;
- Le prix élevé avec les différents groupes d’options.
Galerie BMW R 1250 GS 40e Anniversaire
FICHE TECHNIQUE HARLEY-DAVIDSON PAN AMERICA 1250 SPECIAL
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 254 kg
- Hauteur de selle : 830/850 mm
- Capacité essence : 21,2 L
- Consommation : 5,5 L/100 km
- Autonomie : environ 385 km
- Durée de l’essai : 1050 km
- Prix : 20 999 $ — (Special) 24 199 $
- Coloris : Noir, Bronze — (Special) Noir, Gris métallique, Vert Deadwood, Orange/Blanc
MOTEUR
- Moteur : Revolution Max 1250. Bicylindre en V 4 temps, double ACT et 8 soupapes, refroidi par eau
- Puissance : 150 ch à 9 000 tr/min
- Couple : 94 lb-pi à 6 750 tr/min
- Cylindrée : 1252 cc
- Alésage x course : 105 x 72 mm
- Rapport volumétrique : 13,0 : 1
- Alimentation : injection électronique séquentielle ESPFI
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Cadre : Treillis tubulaire en acier, structure intermédiaire en aluminium forgé, moteur en élément porteur
- Suspension : Fourche inversée de 47 mm réglable en détente, compression et précontrainte, débattement 190 mm. Bras oscillant en aluminium, amortisseur réglable en précontrainte, détente et compression, débattement 190 mm.
- Empattement : 1 580 mm
- Chasse/Déport : 25 degrés/108 mm
- Freins : Double disque de 320 mm et étriers radiaux Brembo à 4 pistons ; simple disque de 280 mm avec étrier Brembo ; simple piston. ABS couplé et débrayable à l’arrière.
- Pneus : Michelin Scorcher Adventure
120/70 – 19 à l’avant ;
170/60 – 17 à l’arrière.
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- La personnalité moteur
- Les performances globales
- La partie cycle affûtée
- Les suspensions efficaces
- Le rapport qualité/prix
- Le confort général
ON AIME MOINS
- Le look décalé
- La finition perfectible
- La selle haute
- L’absence de Quickshiter (pas même en option)
- Les vibrations très présentes
- La chaleur dégagée par le moteur
- La béquille latérale mal située
ÉQUIPEMENT DU PILOTE
- Casque Icon Variant Pro Ghost Carbon
- Ensemble Klim Carlsbad
- Gants Dainese D-Explorer 2
- Bottes Rev’It! Discovery OutDry
- Vêtements thermiques Forcefield Base Layer Tech 2