Le Streetfighter civilisé
Publié le 13 juillet 2021
Après avoir lancé la RS 660, Aprilia, fidèle à son habitude, commercialise un roadster, basé sur sa sportive, baptisé Tuono 660, patronyme rendu célèbre par l’iconique Tuono V4 1100. Une recette qui a fait ses preuves. J’ai eu la chance d’essayer l’Aprilia Tuono 660 à la fin du mois de juin dernier…
Photos par Didier Constant, Patrick Laurin, Gigi Soldano, Aprilia
L’Aprilia Tuono 660 est l’une des plus belles motos du millésime 2021 selon moi. Plus encore que la RS 660 dont elle est issue. Je la trouve affriolante, particulièrement dans sa livrée noire/rouge en vedette dans cet essai. Je trouve juste dommage qu’on la qualifie de moto de débutant, surtout après avoir essayé la sportive. Car elle est tout, sauf cela. Tout comme sa concurrente directe, la Yamaha MT-07 d’ailleurs. Un commentaire qui vaut également pour les Honda CB650, Kawasaki Z650, KTM 890 Duke, Suzuki SV650, Suzuki GSX-S 750, Triumph Trident 660 et Triumph Street Triple 765. Ces machines, bien qu’elles soient faciles à prendre en main et plutôt dociles, sont des motos performantes et efficaces aux mains d’un pilote aguerri. Lequel trouve rapidement son bonheur à leur guidon.
En reprenant le patronyme Tuono, Aprilia marque la filiation des motos de la série 660 avec celles de la famille V4. C’est intelligent, mais aussi risqué. La Tuono V4 1100 a une telle réputation sur le marché que le constructeur italien n’a pas le droit à l’erreur avec la Tuono 660. Elle se doit d’être aussi efficace que sa grande sœur et aussi proche que possible de la RS 660, la sportive dont elle est issue, en matière de performances et de qualité.
J’ai eu l’occasion de vérifier les prétentions de la Tuono 660 lors d’un essai sur piste, à l’Autodrome Montmagny, dans le cadre de la prise de contact de l’Aprilia RS 660 que j’ai organisée en collaboration avec le concessionnaire Aprilia SM Sports de Québec et Pierre Bolduc, propriétaire de l’école Pete Moto.
Points communs et différences avec la RS 660
De prime abord, on pourrait croire que la Tuono 660 est une RS 660 dont on a modifié le carénage et sur laquelle on a installé un guidon tubulaire relevé. Ce qui n’est vrai qu’en partie. En effet, une foule de petits détails diffèrent et ont une importance notable sur le comportement du petit roadster de Noale.
Commençons par le plus évident : l’accastillage. La Tuono adopte un carénage 3/4, à flancs ajourés et ailerons aérodynamiques intégrés, avec un nez distinctif et une bulle courte légèrement relevée. Le large guidon tubulaire à diamètre variable est également rehaussé et procure une position de conduite plus détendue et plus ergonomique, Les repose-pieds caoutchoutés (plus épais de 1 mm) sont légèrement avancés et abaissés pour une position plus détendue des jambes. Ils amortissent les vibrations et offrent un meilleur grip que ceux tout métal de la RS 660 qui sont très glissants. Sur la piste de Montmagny, j’ai passé le plus clair de mon temps à avoir les bottes qui dérapaient des repose-pieds lors des changements d’angle. Pas très rassurant. Là, sur la Tuono, j’étais parfaitement en confiance. Et ça se voyait.
Pour ce qui est du maniement de la Tuono, il est instinctif et encore plus agile, plus vif que celui de la RS 660, en partie à cause du guidon tubulaire qui procure un bon effet de levier et facilite les transitions, mais aussi de la réduction de 2 mm du déport du té de fourche et du raccourcissement du débattement de la fourche (-10 mm), dont les réglages ont été regroupés sur un seul tube. Enfin, le moteur est utilisé comme élément porteur dans le cadre et comporte un ancrage de moins que sur la RS, ce qui permet d’obtenir une plus grande flexibilité du cadre, gage d’un confort accru en usage routier.
Le bicylindre parallèle aussi a légèrement été altéré. La puissance s’établit à 100 ch à 10 500 tr/min et le couple à 49,4 lb-pi à 8 500 tr/min, mais ce dernier se manifeste plus tôt que sur la RS 660. D’autant que la transmission finale a été raccourcie. La Tuono perd un peu de vitesse de pointe, mais gagne en gniaque, particulièrement en sortie de courbe. Tout ça favorise les accélérations, et, conséquemment, le caractère moteur.
Enfin, notons que sur la Tuono, la centrale matricielle (IMU) est en option, tout comme le quickshifter.
Comportement dynamique
Contrairement à la RS 660, je n’ai pas pu essayer la Tuono 660 sur route. Sur le circuit de Montmagny, le roadster Aprilia est intuitif, facile à prendre en main et me met immédiatement en confiance. Dès les premiers tours, je suis capable de rouler à ma vitesse de confort et de faire frotter mes nouveaux sliders Moto-D, en bois sans forcer outre mesure.
Bien que son châssis soit plus flexible, la Tuono 660 est plutôt stable dans les virages rapides où la moto reste en appui pendant de longues secondes. Elle danse légèrement sur ses suspensions réglées plus souples que sur la RS 660, mais ne se désunit jamais. Pour un usage intensif sur piste, un remplacement des suspensions serait suggéré, mais pour des journées de roulage occasionnelles, les suspensions d’origine sont tout à fait utilisables. En revanche, elles sont bien adaptées à un usage routier. Dans les courbes serrées et dans les enchaînements, la Tuono se montre maniable et alerte, changeant d’angle d’une simple poussée sur le guidon. À ce chapitre, elle est plus vive que la sportive, mais reste intègre et affûtée. Son comportement rapide et agile est apprécié dans les virages, mais sa stabilité en ligne droite en fait une machine très homogène.
Malgré sa position de conduite adoucie, en regard de celle de la RS 660, la Tuono 660 démontre quand même une agressivité tout italienne. La position des repose-pieds qui restent relevés et reculés, pour un roadster, on s’entend, induit une position athlétique du bas du corps, ce qui aide à pousser l’Aprilia dans les transitions rapides, en conduite sportive. Et le haut du corps, légèrement penché vers l’avant, favorise une conduite agressive quand l’environnement le réclame. L’appui sur les poignets est réduit et on ne ressent pratiquement aucune vibration dans le guidon. J’adore la position de la Tuono pour dévorer la piste, même si elle risque d’être marginalement moins confortable en usage quotidien ou en voyage.
La sensation et l’adhérence accrue des Pirelli Diablo Rosso Corsa II permettent à l’Aprilia d’aller encore plus loin dans ses prouesses et de jouer les sportives sur circuit. La traction des gommes italiennes et leur tenue sur l’angle sont impressionnantes. Les Pirelli sont en fait le complément idéal des Aprilia RS 660, et Tuono 660.
À un rythme plus détendu, l’Aprilia est parfaite pour la balade bucolique et, dotée de bagages souples, elle se transforme même en moto de tourisme léger, prête à vous faire découvrir le pays dans ses moindres recoins.
Pour ce qui est du moteur, ses performances et son comportement sont en tout point similaires à ceux de la RS 660, avec une bande de puissance légèrement décalée sur le roadster. Le bicylindre parallèle reste coupleux et se révèle dès que l’on franchit les 4 000 tr/min. Il possède une belle allonge et tire sans fléchir jusqu’à la zone rouge située à 11 500 tr/min. Il pardonne les erreurs de sélection — quand on sort en sous-régime d’une courbe, par exemple — et donne de la voix comme le V4 de sa grande sœur. On dirait un ténor faisant ses vocalises. Ce moteur est une belle réussite et trouve parfaitement sa place dans le châssis de la Tuono, comme dans celui de la RS… et bientôt de la Tuareg, mais là, j’extrapole.
Il en va de même pour la dotation électronique qui est pléthorique. La Tuono 660 fait cependant l’impasse sur l’IMU et le quickshifter qui sont offerts seulement en option. Sinon, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.
En fin de compte
Pour revenir à la question que je me posais en introduction, il est clair, pour moi, que la Tuono 660 est la digne héritière de la Tuono V4 1100 et qu’elle n’a pas à rougir de ses prestations qui sont à tout point de vue superlatives. Le petit roadster de Noale est un Streetfighter civilisé qui respire le savoir-faire technologique d’Aprilia et l’ADN sportif de la marque, que ce soit en Grand Prix ou en Superbike, de ses ailettes aérodynamiques intégrées aux caches latéraux à la fonction laptimer accessible via l’écran TFT couleur.
Avec la sublime KTM 890 Duke et l’étonnante Yamaha MT-07, la Tuono 660 est l’un de mes coups de cœur de la saison 2021. C’est une moto joueuse et performante qui se révèle autant sur piste, où elle ne dépare pas de la RS 660, que sur route où elle demeure fidèle à son légendaire patronyme.
La Tuono 660 est déclinée en trois coloris iconiques de la marque de Noale : jaune acide — noir/rouge — gris iridium/rouge. Elle se détaille 12 795 $ (13 095 $ pour le modèle jaune acide). Pour plus d’informations, visitez le site d’Aprilia Canada.
Pour finir, je tiens à remercier Johann Plancque, directeur des ventes chez le concessionnaire Aprilia SM Sports de Québec, et Pierre Bolduc, propriétaire de l’école Pete Moto pour avoir rendu possible cet essai à l’Autodrome Montmagny.
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 183 kg
- Hauteur de selle : 820 mm
- Capacité essence : 15 L
- Consommation : 6,0 L/100 km
- Autonomie : 250 km
- Durée de l’essai : 120 km (route) — 5 séances de 20 min à l’Autodrome Montmagny
- Prix : 12 795 $ (13 095 $ pour le modèle jaune acide)
- Coloris : jaune acide — noir/rouge — gris iridium/rouge
MOTEUR
- Moteur : bicylindre parallèle 4-temps, DACT, 4 soup./cylindre, refroidissement liquide, Euro 5
- Puissance : 100 ch à 10 500 tr/min
- Couple : 49,4 lb-pi à 8 500 tr/min
- Cylindrée : 659 cc
- Alésage x course : 81 x 63,93 mm
- Rapport volumétrique : 13,5:1
- Alimentation : injection électronique, deux papillons de 48 mm, Ride-by-Wire
- Transmission : 6 rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE CYCLE
- Fourche inversée KYB de 41 mm réglable en précontrainte du ressort, détente et compression, débattement 110 mm. Bras oscillant asymétrique en aluminium, amortisseur monoshock réglable en précontrainte du ressort et détente, débattement 130 mm
- Empattement : 1 378 mm
- Chasse/Déport : 24,1°/104,6 mm
- Freins : 2 disques de 320 mm et étriers radiaux quatre pistons Brembo à l’avant ; simple disque de 220 mm avec étrier double piston Brembo à l’arrière. ABS ;
- Pneus : Pirelli Diablo Rosso Corsa II
120/70ZR17 à l’avant
180/55ZR17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- La position de conduite ;
- Le confort ;
- L’efficience des assistances électroniques ;
- Le caractère et la personnalité du moteur ;
- La sonorité, particulièrement haut dans les tours ;
- Le freinage ;
- La facilité et la vivacité de la partie cycle ;
- Les Pirelli Diablo Rosso Corsa II.
ON AIME MOINS
- La suspension perfectible ;
- Le prix élevé ;
- L’omniprésence de l’électronique.
ÉQUIPEMENT DU PILOTE
- Combinaison Rev’It! Hyperspeed
- Casque X-Lite X803RS Ultra Carbon
- Bottes Daytona EVO Voltex GTX
- Gants FIVE RFX1Replica
- Sous-vêtement Sixs Superlight Carbon
Galerie
Vidéoclip
Ce qui change par rapport à l’Aprilia RS660
- Le carénage 3/4 à flancs ajourés et ailerons aérodynamiques
- La position de conduite plus ergonomique
- Les repose-pieds caoutchoutés (plus hauts de 1 mm)
- Le déport du té de fourche réduit de 2 mm
- Les ancrages du châssis modifiés pour plus de flexibilité du cadre
- La fourche raccourcie (débattement -10 mm) avec réglages sur un seul poteau
- La puissance réduite de 5 chevaux
- La transmission finale plus courte (vitesse de pointe réduite)
- La centrale IMU et le quickshifter en option