Retour aux origines du mythe !
Publié le 3 février 2020
Notre collègue Costa Mouzouris a été invité à Marbella, dans le sud de l’Espagne, pour découvrir la nouvelle Suzuki V-Strom 1050XA. Voici le compte-rendu détaillé de sa rencontre avec la belle aventurière au look néo rétro directement issue des années 80.
Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Costa Mouzouris, Suzuki
La Suzuki V-Strom n’a jamais vraiment retenu mon attention jusqu’à présent. Pas parce qu’il ne s’agit pas du bonne moto, mais tout simplement parce qu’elle ne s’est jamais vraiment démarqué comme étant une machine exceptionnelle par rapport aux autres aventurières. Contrairement à la grosse GS de BMW qui existe depuis que « Call Me! » de Blondie s’est hissé en tête des hit-parades. Au fil des décennies, l’Allemande s’est imposé comme l’archétype de la moto d’aventure
KTM, quant à elle, est spécialisée dans les motos tout-terrain et compte une flopée de victoires au Dakar pour asseoir sa réputation ; ses modèles Adventure sont réputés pour leurs prouesses hors route. Pas loin derrière on trouve la nouvelle Honda Africa Twin, qui, malgré son arrivée plus récente dans le créneau, démontre un potentiel certain en tout-terrain, tout en affichant un comportement routier exemplaire. Il y a quelques autres motos d’aventure remarquables — et puis, jusqu’à aujourd’hui, il y avait la modeste Suzuki V-Strom.
Mais cette dernière a bien plus à offrir désormais. La Suzuki a fait peau neuve cette année. Deux modèles sont offerts : la V-Strom 1050A de base et la V-Strom 1050XA — celle que j’ai eu l’occasion d’essayer en Andalousie — le modèle haut de gamme luxueusement doté.
La XA est équipée d’un arceau de protection, de protège-mains, d’un sabot moteur, d’une béquille centrale, de supports pour sacoches latérales, d’un pare-brise ajustable sans outil, d’une prise 12 volts sous le siège passager, d’une selle ajustable, de clignotants à DEL, et d’un boîtier électronique plus complet par rapport au modèle de base. Elle possède également des roues à rayons sans chambre à air alors que la 1050A dispose de jantes en fonte. Une version 1050XA Adventure, légèrement accessoirisée, est également disponible avec des sacoches en aluminium installées par le concessionnaire et un top case, mais son prix n’a pas encore été publié.
Quel nez mes aïeux !
« C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! » * Voici comment, avec sa verve légendaire, Cyrano de Bergerac aurait décrit le nez de la nouvelle V-Strom s’il avait assisté à ce lancement. Un nez qui, comme celui de Cléopâtre, aurait changé toute la face du monde s’il eût été plus court ! **
La V-Strom 1050 affiche en effet un look immédiatement reconnaissable en raison de cet appendice nasal. Et nul besoin d’être historien ès moto pour reconnaître le bec de l’iconique Suzuki DR750S 1988 — mieux connue sous le nom de DR Big — sortie six ans avant la première BMW GS à « bec de canard » (petite note historique à l’attention de ceux qui affirment sur les réseaux sociaux que Suzuki copie BMW à ce chapitre).
En fait, mon impression initiale de la V-Strom était un peu biaisée. En ce qui concerne ses performances sur route et son rapport qualité/prix, la V-Strom remaniée marque de gros points. Après l’avoir conduite, je dois humblement admettre qu’il n’y a aucune raison pour négliger cette moto d’aventure — à moins que vous ayez l’intention de vous lancer à l’assaut des sentiers —, auquel cas les KTM et BMW précédemment mentionnées constituent assurément une meilleure option. Mais si vous êtes du genre « roule toujours » et que vous accumulez des milliers de kilomètres sur route — conduite sportive, tourisme au long cours, navettage — avec des incursions occasionnelles dans les chemins de gravier, alors, la V-Strom 1050XA 2020, avec sa position de conduite confortable et droite, sa protection adéquate contre les intempéries, ses aptitudes sportives et sa maniabilité digne d’un vélo —, correspond vraiment à vos besoins.
L’éclairage DEL, y compris le phare, le feu arrière et (sur le XA, au moins) les clignotants, fait également partie de la mise à jour. Une nouvelle selle deux pièces remplace l’ancien perchoir monopièce. Sur la XA, la section pilote est ajustable en deux positions (850 et 870 millimètres), bien que vous ayez besoin de quelques outils pour ça.
La géométrie du bras oscillant et du châssis est inchangée (pourquoi réparer quelque chose s’il n’est pas cassé ?). La suspension est pratiquement identique à celle du modèle précédent. Elle inclut une fourche inversée de 43 mm entièrement ajustable et un monoamortisseur ajustable en détente et en précontrainte. Le tarage des amortisseurs est modifié par un ressort légèrement plus ferme et un amortissement de compression à haute vélocité accru lors de la course initiale. Cela résout en fait la dureté de l’ancien modèle puisque l’amortisseur remonte maintenant plus haut dans sa course.
Le bicylindre en V à 90 degrés de 1037 cm3 — il origine de la sportive TL1000 qui existe depuis des lustres — reçoit de nouveaux arbres à cames, des corps de papillon ayant un alésage plus grand et un accélérateur à commande électronique. Ce moteur est désormais conforme à la norme Euro 5, tout en produisant six chevaux de plus, pour une puissance qui s’établit désormais à 105 ch. Le couple maxi (74 lb-pi) est en légère baisse d’une demi-livre. La consommation de carburant reste inchangée, les spécifications Euro revendiquant 4,9 L/100 kilomètres.
Un arsenal technologique bonifié
Le point sur lequel la nouvelle Suzuki évolue le plus est l’électronique. La V-Strom 1050XA est livrée de série avec un contrôle de traction à détection d’angle et un système ABS, tous deux ajustables. Elle dispose également de réglages de l’accélérateur, du sélecteur de mode de conduite (SDMS) de Suzuki, d’une fonction de démarrage en côte et d’un ABS qui ajuste la pression de freinage et la décélération selon la charge et l’inclinaison de la pente. Pour plus de commodité, on trouve maintenant une prise USB 5 volts localisée sur le tableau de bord — un excellent emplacement pour recharger les GPS et les téléphones — ainsi qu’une prise 12 volts sous le siège pour alimenter d’autres accessoires électroniques. Enfin, la XA dispose d’un régulateur de vitesse, une caractéristique que les passionnés de V-Strom réclamaient depuis des années.
Le démarrage du V-twin de la nouvelle V-Strom s’effectue dans un grondement riche et profond. L’effort à l’embrayage est léger et la boîte de vitesses est précise et douce. Des trois paramètres SDMS — A, B et C — j’ai préféré le mode B pour sa réponse plus douce, Le mode A est trop brusque, tandis que le mode C, idéal sous la pluie ou sur chaussée sale, est pratiquement inutile dans des conditions normales d’utilisation. La maniabilité de la V-Strom n’est pas exceptionnelle — elle n’offre pas la précision chirurgicale d’une supersportive sur route sinueuse —, mais elle est stable sur l’autoroute et se montre relativement agile en virage pour peu qu’on pousse sur le guidon avec entrain.
La nouvelle selle déçoit et s’avère moyenne. Bien qu’elle soit plate et large, elle est trop ferme pour empêcher votre postérieur de quémander une pause après environ une heure de route. Le pare-brise ajustable en hauteur protège très bien le haut du corps du vent. Dans sa position la plus élevée, il génère de légères turbulences au niveau du casque, lesquelles sont cependant tout à fait tolérables. En raison du positionnement du levier de réglage du pare-brise, à l’avant, il est impossible d’ajuster celui-ci en roulant, contrairement à la V-Strom 1000 actuelle.
La V-Strom mérite des louanges pour la façon dont les modes de conduite, le contrôle de traction et les paramètres ABS fonctionnent. Vous pouvez configurer l’affichage pour que les trois paramètres — SDMS, TC ou ABS — s’affichent toujours sur l’écran numérique, Vous pouvez effectuer les différentes sélections, à la volée, à l’aide d’un bouton et d’un interrupteur à bascule. Pas besoin de recourir aux menus ; appuyez simplement sur le commutateur Mode pour mettre en surbrillance le paramètre que vous souhaitez modifier ; s’il s’agit d’un mode de conduite ou du contrôle de traction, fermez simplement l’accélérateur, faites défiler jusqu’à la sélection souhaitée, et c’est tout. Pas besoin de confirmation supplémentaire. L’ABS, qui s’ajuste sur deux niveaux, doit être sélectionné à l’arrêt et il ne peut pas être désactivé. La V-Strom mérite des félicitations supplémentaires pour conserver toutes vos sélections, même après avoir coupé le contact. Pas besoin de reconfigurer l’électronique au redémarrage. Pour ce qui est des points négatifs, j’ai remarqué que l’écran du tableau de bord se rayait assez facilement.
Pour une moto de cette gamme de prix, il y a cependant quelques omissions. Comme l’absence de clignotants à annulation automatique. En revanche, l’absence de poignées chauffantes de série, en particulier sur la version premium de la moto d’aventure de Suzuki, est inexcusable.
Tous ces changements font grimper les prix. La Suzuki V-Strom 1050A 2020 se détaille à 14 399 $ — contre 13 499 $ pour la version 2019. La 1050XA, plus équipée, commence à 16 099 $, soit une hausse de 2000 $. Malgré quelques défauts, la V-Strom 1050XA 2020 a tout ce qu’il faut pour attirer l’attention des acheteurs potentiels de motos d’aventure. Après l’avoir finalement essayée, je dois admettre qu’elle a retenu la mienne.
*Tirade du nez, Cyrano de Bergerac, Acte 1, Edmond Rostand
** « Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, toute la face du monde aurait changé. » — Pascal