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Non, le V-twin sportif n'est pas mort !

par Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Ducati, Costa Mouzouris

Si vous suivez attentivement l’actualité moto — particulièrement celle en provenance d’Italie —, vous avez peut-être eu l’impression que Ducati renonçait définitivement au moteur V-twin sur ses supersportives modernes. En effet, en 2018, l’iconique constructeur italien a introduit un V4 surpuissant sur la Panigale rompant ainsi avec la tradition des Superbike italiens propulsés par un bicylindre en V à 90 degrés. Une tradition qui remonte au début des années 1970. Puis, en 2019, comme pour confirmer sa décision, Ducati a lancé la Panigale R Final Edition, une supersportive produite en édition limitée qui « célèbre le bicylindre qui a marqué l’histoire du Championnat du Monde de Superbike ».

Si vous êtes comme moi et que vous aimez le rythme syncopé du V2, un profil étroit et une plage de couple large et linéaire, vous serez soulagé d’apprendre que le V-twin est toujours bien vivant. Il trouve en effet place dans la récente Ducati Panigale V2 2020 qui n’est pas une moto inédite, mais plutôt une copie rajeunie de l’ancienne Panigale 959. Elle utilise une version recalibrée du V-twin de 955 cc de cette dernière, qui développe une puissance de 155 chevaux et un couple qui culmine à 76,7 lb-pi.

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Il n’y a pas si longtemps, une moto cubant à plus ou moins un litre et développant près de 160 chevaux était considérée comme un Superbike de classe ouverte. Pourtant, Ducati qualifie la Panigale V2 de « poids super moyen », car les supersportives de classe ouverte actuelles produisent plus de 200 chevaux. Le V4 de Ducati, par exemple, avale 1 100 cc d’air à chaque deux tours de vilebrequin et crache 220 chevaux. La dernière itération du V-twin qu’il remplace — et plus précisément celui qui équipe la Panigale R Final Edition — cube à 1 285 cc et dépasse ce chiffre magique. On conviendra donc qu’un V2 de 160 bourrins est juste « moyen ».

Bien qu’elle partage certaines composantes de son moteur et de son châssis avec la 959, la Panigale V2 reçoit un accastillage complètement redessiné qui se rapproche visuellement de celui de la V4. Sans les ailerons aérodynamiques, mais avec des flancs de carénage plus lisses. Le nez est doté d’entrées d’air béantes qui réduisent les pertes de pression d’admission. La selle est rallongée de 20 millimètres, ce qui facilite les manœuvres sur piste. De plus, la V2 est dotée d’un sublime monobras oscillant habituellement réservé aux supersportives haut de gamme de Ducati. La suspension arbore un amortissement revu et corrigé censé améliorer le confort sur route. Pour terminer, la nouvelle « Panigalette » revendique un poids en ordre de marche de 200 kg.

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Outre son apparence, le changement le plus significatif sur la V2 est le recours intensif à l’électronique. Elle bénéficie désormais d’un système ABS effectif en virage, d’un antipatinage évolué, d’un antiwheelie, d’un frein moteur ajustable et d’un sélecteur de vitesses électronique qui permet de changer de rapport sans utiliser l’embrayage. Tous ces paramètres, à l’exception du Quick Shifter, sont réglables individuellement, dans les trois modes de conduite (Course, Sport et Route). Bien que le contrôle de traction puisse être désactivé, la législation européenne interdit désormais aux constructeurs de déconnecter complètement l’ABS, à moins que la moto soit conçue uniquement pour une utilisation sur piste ou en hors route. L’ABS offre néanmoins trois configurations ; la moins intrusive désactive l’antiblocage à l’arrière pour vous permettre de déraper dans les virages, à la manière des pilotes de MotoGP.

La gestion de l’électronique se fait par l’intermédiaire de l’écran TFT de 4,3 pouces qui utilise le commutateur de clignotant pour sélectionner les différents menus et un commutateur à bascule séparé pour faire défiler les options de haut en bas. Ducati a eu de l’aide d’Audi pour concevoir cette l’interface. La modification des paramètres est intuitive, il ne faut que quelques minutes pour l’assimiler, sans aide extérieure ni manuel d’instructions.

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Même si vous prétendez avoir des aptitudes dignes d’un pilote de Grand Prix, maîtriser une moto de plus de 200 chevaux sollicite gravement vos synapses et nécessite une force et une endurance d’Olympien pour rouler à la limite sur circuit.

Bien sûr, piloter une machine qui vous enfonce les yeux dans le crâne à l’accélération est une expérience exaltante, mais cela exige également un niveau de concentration qui met votre cerveau à rude épreuve. À moins d’être salarié d’une équipe de MotoGP, deux simples séances de maltraitance sur un circuit local nous donneront à nous, simples mortels, le sentiment d’être des chiffes molles.

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Et c’est là que la Panigale V2 est réellement pertinente. Ducati affirme que la moto est conçue pour être plus accessible et plus facile à piloter sur route comme sur piste qu’une sportive de classe ouverte. Après avoir complété cinq séances sur le circuit particulièrement exigeant de Jerez en Espagne, je peux certifier que la Panigale V2 est effectivement plus facile à conduire qu’un gros cube. Il s’agit d’une moto sur laquelle vous pouvez accélérer en grand en sortie de virage sans passer proche de mourir à chaque tour. Le moteur tire fort, mais sa puissance linéaire le rend relativement facile à gérer sans risque de voir la roue avant se lever dans les airs de façon intempestive. Et ce n’est pas seulement la puissance réduite à 160 chevaux qui facilite la conduite ; l’électronique avancée fonctionne de façon transparente, en arrière-plan, pour que vous restiez en selle.

Le seul problème que j’aie rencontré avec cette moto concerne les freins. Bien qu’ils offrent une bonne réaction, ils ont tendance à manquer de mordant en fin de séance et le levier se rapproche de plus en plus du guidon au fil des tours.

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La Ducati Panigale V2 n’est peut-être pas considérée comme une supersportive de classe ouverte, mais elle reste très, très rapide. Un des pilotes présents à ce lancement a également testé la Panigale V4 R de 221 chevaux sur cette piste, l’an dernier. Il avait alors enregistré un chrono plus rapide de seulement une seconde aux commandes de la V4R.

La V2 est une Italienne terriblement sexy dans sa robe rouge moulante qui souligne ses courbes de façon suggestive. Pourtant elle est accessible et plutôt sociable. C’est une moto exotique que le commun des mortels peut apprécier sur un circuit et qui n’est pas réservée exclusivement aux super pilotes.

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FICHE TECHNIQUE

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INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits : 200 kg
  • Hauteur de selle : 840 mm
  • Capacité essence : 17 L
  • Consommation : N.C.
  • Autonomie : N.C.
  • Durée de l’essai : 5 séances de 20 min sur le circuit de Jerez, en Espagne
  • Prix : 18 995 $

MOTEUR

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  • Moteur : Bicylindre en L, quatre temps, refroidi au liquide, distribution desmodromique, DACT, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 155 ch à 10 750 tr/min
  • Couple : 76,7 lb-pi à 9 000 tr/min
  • Cylindrée : 955 cc
  • Alésage x course : 100 x 60,8 mm
  • Rapport volumétrique : 12,5 : 1
  • Alimentation : injection électronique
  • Transmission : six rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE-CYCLE

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  • Cadre : monocoque en aluminium
  • Suspension : fourche inversée Showa BPF 43 mm entièrement réglable. Monoamortisseur Sachs entièrement réglable
  • Empattement : 1 436 mm
  • Chasse/Déport : 24 degrés/94 mm
  • Freins : 2 disques de 320 mm et étriers Brembo Monobloc, 4 pistons radiaux M4.32 à l’avant; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS de série.
  • Pneus : Pirelli Diablo Rosso Corsa II
    120/70ZR17 à l’avant
    180/60ZR17 à l’arrière

Galerie

Vidéoclip