Pour le style et le plaisir de piloter !
Publié le 8 juin 2018
Avec ses Vitpilen et Svartpilen, la compagnie suédoise Husqvarna, propriété du groupe KTM, a décidé de réinterpréter les styles Café Racer et Scrambler à la mode hipster. Avec un parti pris assumé pour le look dénudé et futuriste. Et force est de reconnaître que ses machines ont de la gueule. Mais quand est-il de leurs performances dynamiques ? Nous avons essayé une Vitpilen 401 pour en avoir le cœur net.
Photos : Didier Constant (statiques), Dave Beaudoin (action), Husqvarna (studio)
« Chez Husqvarna, on fait du style ! Pas du réchauffé ! » C’est en ces termes qu’un responsable européen de la marque a présenté les nouvelles routières suédoises lors d’une émission moto française diffusée sur Internet. Pourtant, s’il est vrai que l’allure de la Vitpilen (la flèche blanche, en suédois) est inédite, le reste — c’est-à-dire la mécanique — est emprunté à l’étonnante KTM 390 Duke que nous avons eu la chance d’essayer une semaine plus tôt.
Les deux partagent la même base. À tel point que leurs fiches techniques sont identiques, à la virgule près. Même moteur, même cadre treillis tubulaire, même géométrie, mêmes suspensions WP, mêmes pneumatiques Metzeler M5 Interact, mêmes freins ByBre. Seul l’habillage, le coloris et les jantes changent. Des bagatelles donc. Ah ! Point important. J’oubliais le tarif, qui est gonflé de 1100$ sur la Husqvarna, sans qu’on puisse vraiment comprendre pourquoi. D’autant que la carrosserie — seul élément vraiment distinctif — est encore plus minimaliste que celle de la KTM. Les voies du marketing sont impénétrables.
Roadster sportif ou Néo Café Racer ?
Autant il est facile de classer la KTM 390 Duke dans la catégorie des roadsters sportifs, autant je reste dubitatif quand vient le temps de catégoriser la Husqvarna Vitpilen 401. Avec ses guidons bas, qui placent le pilote dans une position radicale, fortement basculée vers l’avant, elle s’apparente aux sportives. Dénudée, certes, mais sportive quand même. Pourtant, son allure, soulignée par sa superbe coque réservoir/selle d’un seul tenant, taillée à la serpe, suggère les Café Racers. Interprétés à la sauce Néo Rétro. Il n’est donc pas farfelu de la ranger dans la famille des Néo Café Racer ou Néo Sports Café — à votre guise — qui ne comprend pour l’instant qu’un seul membre : la Honda CB1000R 2018.
Pour ce qui est du look minimaliste de la 401 — on le doit au designer français Maxime Thouvenin, du studio Kiska —, personnellement, j’aime bien. Il est rafraîchissant et audacieux. Pourtant, il ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté moto. Pour schématiser, disons qu’il plait généralement aux jeunes et à certains vieux esthètes. Les autres y sont plutôt hermétiques.
Café latte
Comparée aux Café Racers purs et durs, ceux qui sont réalisés dans des ateliers sombres, au fond de ruelles malfamées, à grand coup de meuleuse, de marteau et de soudeuse, la Vitpilen fait figure de moto BCBG. Propre de sa personne. Un Café latte en quelque sorte. Au goût édulcoré, adouci, plus facile à digérer. Ce qui ne l’empêche pas d’être originale, avec son énorme phare rond à DEL, ses demi guidons bas, son cadre treillis en acier peint en noir, sa selle tronquée, ses sublimes jantes à rayons et son garde-boue arrière futuriste. La fourche massive à poteaux de 43 mm lui confère un air sérieux, musculaire même. Et sa carrosserie blanche, avec des filets jaunes, lui permet de se distinguer de la masse.
L’épreuve de la route
Quand j’enfourche la Vitpilen pour la première fois, je suis surpris. Bien que sportive, la position de conduite est moins radicale que l’avais anticipé de prime abord. Le réservoir court de la Husky ne m’oblige pas à me coucher sur la moto, bras étirés. L’appui sur les poignets est raisonnable. Cependant, comparativement à la 390, la 401 possède une direction plus lourde, en raison de ces mêmes guidons bas. C’est vraiment notable quand on passe d’une machine à l’autre. Cette impression disparait progressivement au fur et à mesure que la vitesse augmente. Quand on se concentre sur la route et qu’on oublie la machine sur laquelle on est assis, les sensations sont similaires à celles ressenties sur l’Autrichienne. Ce qui est tout à fait logique en fin de compte.
La selle, qui a l’air spartiate, est plutôt confortable. Pour le pilote, en tout cas. Pour le passager, c’est acceptable. Comme sur la KTM en fait. On accepte d’y prendre place par amour du pilote. Ou parce qu’on n’a pas vraiment le choix. Mais certainement pas par plaisir, à moins d’être sado-maso. Et pas pour longtemps. Plus de 100 km, c’est la torture.
La selle est haute (830 mm) et large à l’embase. Du haut de mon mètre soixante-dix-sept, il faut que je m’étire les jambes pour toucher le sol des pieds. La moto est relativement logeable, pour mon gabarit et mes jambes ne sont pas trop repliées. Bilan plutôt positif en ce qui a trait à l’ergonomie.
En action, la Husquvarna est en tout point similaire à la KTM. On retrouve la même rigueur de châssis, la même agilité, la même vivacité. En un mot, le même plaisir de piloter.
Le poids plus reporté sur l’avant, donne l’impression que le train avant est plus précis que celui de la 390 Duke. Mais sa direction est moins vive. La « flèche blanche » est un poil plus stable dans les grandes courbes rapides, mais marginalement moins agile dans les épingles et les enchaînements. Une impression qui s’estompe quand on commence à piloter agressivement, en appui de tout son poids sur les repose-pieds, les genoux collés au réservoir et les coudes écartés. À haute vitesse ! La Husqvarna flirte avec les 170 km/h en vitesse de pointe.
Sur les routes secondaires sinueuses, la 401 est un vrai scalpel, découpant les trajectoires avec précision. Avec sa taille de guêpe et ses pneus collants, pas trop larges, elle danse dans les virages, lents ou rapides, et saute de l’un à l’autre comme une puce. Ultra réactive et affûtée. Un véritable outil qui permet de prendre des angles de fou sans se mettre en danger. La puissance du mono n’est pas assez importante pour que l’on se fasse éjecter de la selle à la remise des gaz, en sortie de courbe. Même en l’absence de traction control.
En fait, la Suédoise se conduit en finesse. Comme un deux temps. En gardant le monocylindre dans sa bande de puissance efficace, soit entre 4000 et 9000 tr/min. Elle se contrôle à l’accélérateur et au frein. En soignant ses trajectoires.
Addictive
Quand on commence à attaquer, la Vitpilen se révèle. Passé 90 km/h, la pression du vent soulage le buste et les poignets du pilote qui se sent soudain plus à l’aise. Quand il ouvre en grand, il adopte naturellement une position de recherche de vitesse, les genoux collés au réservoir, sous les protubérances esthétiques. Il baisse la tête derrière le guidon, resserre les coudes et offre le moins de prise à l’air possible. Et là, pour peu que la route s’y prête, que les virages s’enchaînent comme par magie, il est pris dans une danse lascive avec sa monture, dans un corps à corps sensuel qui lui fait perler la sueur dans le dos et sur le front. Le souffle court. Le cœur battant. Pas besoin de 200 chevaux pour se faire plaisir, surtout sur des routes de campagne au tracé parfait.
Les suspensions WP fonctionnent parfaitement et procurent un comportement dynamique imperturbable à la moto. Cette dernière se montre un poil moins confortable que la 390 en raison de sa position de conduite plus sportive, mais, globalement, elle s’avère aussi agréable à piloter, même sur de moyennes distances. Seule sa faible capacité d’emport l’empêche de vous adonner au tourisme léger à son guidon.
Les freins ByBre sont à la hauteur de la tâche qui leur incombe et permettent toutes sortes de figures acrobatiques : freinages de bûcheron, stoppies, travers et glissades en tout genre. Un vrai jouet !
Moins à l’aise en ville que la KTM, la Husqvarna brille autant sur les routes secondaires. Mais s’ennuie davantage sur les voies rapides rectilignes.
La Husqvarna Vitpilen 401 est une moto à sensations, dont le facteur fun est inversement proportionnel à sa cylindrée et à son poids. Une machine pour pilotes avertis et esthètes convaincus. Ceux qui prétendent qu’elle est destinée aux débutants ne l’ont certes pas essayée.
Sublime, racée et éminemment originale, la Vitpilen est plus qu’un exercice de style. C’est une Néo Sports Café efficace. Une moto équilibrée, performante et addictive. Que l’on prend plaisir à piloter à la limite, sur les routes adéquates.
Il ne reste plus qu’à résoudre l’énigme du tarif. Peut-être que ce sont les magnifiques jantes à rayons, au fini bronze anodisé, qui font grimper la facture ? Bien qu’elles ne soient pas tubeless ? Ou le fait que, contrairement à la KTM 390 Duke, elle n’est pas fabriquée en Inde, mais assemblée en Autriche ? Allez savoir…
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids à sec : 148 kg
- Hauteur de selle : 835 mm
- Capacité essence : 9,5 L
- Consommation : 4,0 L/100 km
- Autonomie : environ 240 km
- Durée de l’essai : environ 300 km
- Prix : 6999 $
- Coloris : blanc
MOTEUR
- Moteur : Monocylindre vertical 4 temps, double ACT et 4 soupapes, refroidi par eau
- Puissance : 44 ch à 9 000 tr/min
- Couple : 27,3 lb-pi à 7 000 tr/min
- Cylindrée : 373 cc
- Alésage x course : 89 x 60 mm
- Rapport volumétrique : 12,6:1
- Alimentation : injection électronique Bosch EFI à corps de 46 mm
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Cadre : treillis en acier
- Boucle arrière : treillis en acier
- Suspension : fourche inversée WP, ø 43 mm dépourvue de réglages. Monoamortisseur WP réglable en précontrainte
- Empattement : 1 357 mm
- Chasse/Déport : 25 degrés/95 mm
- Freins : 1 disque de 320 mm et étrier radial ByBre à 4 pistons; simple disque de 230 mm avec étrier ByBre simple piston. ABS Bosch 9MB à deux canaux (débrayable)
- Pneus : Metzeler M5 Interact
110/70 – 17 à l’avant;
150/60 – 17 à l’arrière.
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- Le moteur (c’est celui de la 390 Duke)
- Le freinage efficace
- La partie cycle homogène
- L’agilité incroyable
ON AIME MOINS
- La position de conduite radicale
- La selle haute (830 mm)
- La conduite en duo
- Les pneus tube type (à chambre à air)
- Le prix (difficile de justifier l’écart de 1100 $ avec la KTM 390 Duke)