N’est pas pistarde qui veut !
Publié le 7 août 2017
Profitant d’une rare belle journée d’été et de la tenue d’une journée de roulage à l’Autodrome Saint-Eustache, j’ai décidé d’aller user les Bridgestone S20 de la Yamaha FZ-09 sur circuit, question de voir si la délinquante trois cylindres de la firme d’Iwata City s’était mutée en pistarde à la suite de sa mise à jour.
Photos : Didier Constant, Pierre Desilets et Dave Beaudoin
Lors de la sortie de la FZ-09 originale, en 2014, je l’avais déjà essayée à l’Autodrome Saint-Eustache. Après avoir relu l’excellent reportage de mon confrère Zef Enault sur le lancement de presse de la version revue et corrigée du roadster Yamaha et m’être ennuyé à mourir sur les routes du Québec aux commandes de cette machine qui mérite mieux qu’un réseau routier digne d’une république bananière et d’une météo qui fait passer la Bretagne pour une destination soleil, j’ai décidé de réitérer l’expérience. Une idée d’autant plus judicieuse que j’ai conservé toutes mes notes de l’époque. Comme quoi être atteint de syllogomanie peut avoir des avantages insoupçonnés.
Tournez manèges !
Je ne reviendrais pas sur les modifications apportées au millésime 2017 de la Yamaha, Zef les a abordées en détail et avec brio dans sa présentation. Pourtant, les changements effectués sur les suspensions, la position de conduite et l’injection laissaient présager d’un comportement plus sportif que celui de l’ancien modèle, spécialement sur piste.
Une brève prise de contact routière m’a confirmé la bonification du comportement de la Yamaha. Bien qu’elle soit toujours aussi explosive, sa tenue de route s’est amendée. La direction est plus prévisible et moins nerveuse qu’auparavant, la suspension plus efficace quoique toujours trop souple, la position de conduite moins radicale et l’injection mieux maîtrisée. Presque débarrassée de son hoquet convulsif.
Après un premier rendez-vous manqué en raison de la pluie, je me retrouve donc à Saint-Eustache à la fin du mois de juillet pour un roulage organisé par Moto Nation. Je suis accompagné de Patrick Laurin, mon inséparable compère de piste, qui vient valider les derniers changements effectués sur sa Yamaha YZF-R3.
Après avoir préparé la Yamaha pour la piste et passé l’inspection technique, puis fait les photos de détail et d’ambiance de rigueur, je me mets en ligne pour la première sortie de la journée dans le groupe « Rouge », celui qui compte le moins de pilotes. La température est idyllique et le soleil est au rendez-vous, pour une fois. Curieusement, je ne ressens aucune pression. Ce n’est pas mon habitude.
Dès les premiers tours de roue, les sensations que j’avais éprouvées avec le modèle précédent me reviennent avec précision. La machine s’est peaufinée, il n’y a pas de doute. On le sent immédiatement. Mais elle a gardé ses traits de caractère intacts. Pour le meilleur et pour le pire.
Pour le meilleur…
Réglée sur le mode de conduite « A », le plus agressif, la FZ-09 se montre beaucoup moins nerveuse que par le passé. La réponse à l’accélérateur s’est adoucie, sans être parfaite pour autant, et les transitions gaz ouvert/gaz fermé se font désormais sans hoquet désagréable. On parvient même à gérer le filet de gaz sans à-coup, sans brutalité. Bonne progression par rapport au modèle 2014.
En sélectionnant l’antipatinage (TCS) sur le mode le plus permissif, il est possible de rouler fort sur piste sans que le TCS se mette en action inopinément. En fait, il est presque transparent. Tout comme l’ABS qui sait se faire oublier la plupart du temps pour n’intervenir qu’en cas d’absolue nécessité. L’électronique remplit donc parfaitement son rôle sans chercher à se mettre en valeur.
La boîte de vitesses verrouille bien et permet de passer les rapports à la volée sans problème. Elle est parfaitement secondée par le nouvel embrayage doté de ressorts plus souples et qui se révèle plus progressif.
Le moteur n’a pas changé. Il est toujours aussi rageur, puissant. Souple, il reprend dans les tours dès 1 500 tr/min. Il fait preuve d’un couple important à bas et moyen régimes ce qui favorise les sorties de virage agressives. La puissance surgit dès 7 500 tr/min et le trois cylindres tire sans fléchir jusqu’à la zone rouge qui débute à 11 250 tr/min dans un véritable feu d’artifice. Sur les trois premiers rapports, une simple sollicitation de l’accélérateur propulse la roue avant dans les airs, même si vous n’êtes pas un spécialiste de ce genre de figure acrobatique. Impossible de rester stoïque au guidon du roadster Yamaha. La fougue d’un cheval sauvage.
… et pour le pire !
Passons maintenant aux sujets qui fâchent. Comme c’était le cas sur le modèle précédent, la nouvelle FZ-09 remue du popotin, frétille du train avant et danse sur ses suspensions comme une 2CV surchargée sur la route des vacances. En utilisation route, ce n’est pas un problème insoluble, mais sur piste c’est une autre histoire. Même réglées au plus ferme, les suspensions, bien qu’elles aient progressé, travaillent de façon bizarre. Trop lentes en début de course, sèches sur les bosses et enclines à pomper. Pour tirer le meilleur profit du cadre au demeurant efficace, il faut les remplacer par des composants haut de gamme Öhlins, Andreani, Race Tech ou EMC, par exemple.
Par ailleurs, en raison de sa géométrie de direction radicale pour un roadster et de son large guidon tubulaire, la FZ-09 est légèrement floue en entrée de virage. On la sent sous-vireuse, pas franche du collier. Un comportement renforcé par les pneus Bridgestone S20 dont la vocation est plus routière que sportive. On peut toujours tenter de corriger la situation avec le frein arrière, pour ramener la Yamaha sur la bonne trajectoire, mais ce n’est pas l’idéal.
Sur le circuit de Saint-Eustache, la moto bougeait non seulement dans le Carroussel et dans le virage donnant accès à la piste d’accélération, mais aussi dans les esses, c’est-à-dire lors des changements d’angles rapides. Jamais franchement instable, mais pas bien plantée non plus. Difficile dans les conditions d’avoir pleinement confiance et d’attaquer sans retenue. D’autant que la garde au sol est insuffisante sur circuit et que les repose-pieds frottent rapidement.
Lors de freinages appuyés, là encore la moto bouge légèrement. Qui plus est, les freins offrent beaucoup de mordant, mais ils sont un peu brusques ce qui, ajouté à la mollesse de la fourche, accentue l’effet de bascule lors des phases de freinage et d’accélération.
Roadster délinquant, mais routier
La position de conduite de la Yamaha n’a que très légèrement évoluée Il suffit de comparer les photos réalisées avec les deux versions de la FZ-09, au même endroit et avec le même pilote pour s’en convaincre. Le pilote est assis droit, bras tendus, jambes relaxes. Difficile dans ces conditions de bien charger l’avant et d’avoir un retour d’information clair, précis. D’autant que l’absence de protection et la largeur du guidon relevé influencent le comportement de la machine.
La FZ-09 est un roadster performant, délinquant avec lequel on peut entreprendre des voyages de courtes durées ou des sorties occasionnelles sur piste. Pour prétendre à plus sur circuit, il faudrait installer un amortisseur de direction, remplacer les suspensions par des composants haut de gamme, changer les pneus pour la nouvelle génération de gommes sportives route/piste — Bridgestone Battax RS10, Continental SportAttack 3, Dunlop Q3, Metzeller M7RR, Michelin Power 2CT ou Pirelli Diablo Supercorsa SC — et installer des commandes reculées. Ainsi équipé, le roadster Yamaha pourrait devenir une pistarde à grand guidon, à mi-chemin entre supermotard et sportive. Il faudrait également changer le pot catalytique, laid et volumineux par une ligne d’échappement du commerce, de marque Akarapovic, Hindle ou Yoshimura, par exemple. À ce moment-là, le ramage de la FZ-09 sera à la hauteur de son plumage…
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 193 kg
- Hauteur de selle : 820 mm
- Capacité essence : 14 L
- Consommation : Non mesurée
- Autonomie : Non mesurée
- Durée de l’essai : 250 km + 5 sessions de piste à l’Autodrome Saint-Eustache/
- Coloris : gris, rouge, blanc
- Prix : 9 749,00 $
MOTEUR
- Moteur : Trois cylindres en ligne, 4-temps, DACT, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 115 ch à 10 000 tr/min
- Couple : 64,3 lb-pi à 8 500 tr/min
- Cylindrée : 847 cc
- Alésage x course : 78 x 59,1 mm
- Rapport volumétrique : 11,5 : 1
- Alimentation : Injection électronique à corps de 41 mm/
- Transmission : six rapports (shifter en option)
- Entraînement : par chaîne
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche télescopique inversée Kayaba, diam 41 mm, réglable en précontrainte, détente et compression ; amortisseur Monocross réglable en précontrainte, détente et compression.
- Empattement : 1 440 mm
- Chasse/Déport : 25 degrés/103 mm
- Freins : 2 disques de 298 mm avec étriers 4 pistons à l’avant ; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS de série
- Pneus : Bridgestone S20
120/70ZR17 à l’avant
180/55ZR17 à l’arrière
PRINCIPALES AMÉLIORATIONS EN 2017
- Nouvel embrayage anti-dribble
- Nouveau système antipatinage (2 modes, plus OFF)
- Fourche inversée de 41 mm révisée avec nouveau réglage d’amortissement de la compression
- Freins ABS
- Phares à DEL à « deux yeux » très menaçants
- Feux de gabarit à DEL
- Prises d’air latérales pour le radiateur
- Selle repensée
- Feu arrière à DEL
- Garde-boue arrière fixé au bras oscillant, avec porte-plaque d’immatriculation
- Prévue pour accueillir le système d’embrayage rapide accessoire
Plus
- Légèreté
- Maniabilité
- Vivacité
- Caractère moteur
Moins
- Carter moteur droit trop large, frotte sur le mollet
- Injection perfectible en mode A
- Suspensions inadaptées au circuit
- Pneus inadaptés au circuit