Acier et authenticité
Publié le 27 janvier 2017
Notre collègue Zef Enault de Fast&Lucky était invité au lancement de la toute nouvelle Kawasaki Z900 (aussi appelée 900 Z1 en Europe) dans la région d’Alméria, dans le sud de l’Espagne et il nous livre ses impressions sur le roadster au nom mythique.
Photos : DR, Kawasaki
Grande mode du moment, tout le monde se réclame de l’authenticité. Avec plus ou moins de mauvaise foi… Kawa s’était fait coincer quelques mois avant le salon le dernier de salon de Milan, en novembre, laissant filtrer l’info selon laquelle une nouvelle Z900 se dévoilerait pour 2017. Et tout monde de se jeter dans des esquisses prémonitoires de néo-rétro, puisqu’elles sont ‘tendance’. Quand on a une histoire, autant s’en gausser. Déception ou surprise, Kawa montrait finalement un roadster sportif de nouvelle génération : comme la Z650 et la Ninja 650, il posséderait un cadre en tubes d’acier. Le reste n’a rien de néo-rétro et conserve le design si détesté par certains, façon manga, désigné sugomi par Kawasaki. Un design inspiré de la culture japonaise ne participe-t-il pas de la plus haute authenticité ?
Puis, réflexion faite (il faut toujours un peu de temps pour ça), quoi de moins néo-rétro dans l’esprit « authentique » qu’une Triumph Bonneville ou une Honda CB 1100 actuelles ? Elles célèbrent d’anciens prestiges, sans toutefois véhiculer l’esprit d’époque. Une Bonneville en 1963 était une moto sportive, comme la CB 900 Bol d’Or en 1981.Le choix de faire de la nouvelle Z900 une moto plutôt sportive correspond mieux à ce que fut la Z1 900 dès 1972. Soit une moto performante, bien que l’ancienne Z1 était en son temps plus performante dans le monde de la moto que ne l’est la nouvelle Z900 face aux sportives ou autres roadsters méchants comme la KTM 1290 Super Duke.
Plus étrange et intéressant, le retour à un cadre en tubes d’acier, alors que depuis 1985 et la sortie de la GSX-R 750 avec son cadre à double longeron en aluminium, les constructeurs japonais ne juraient plus que par cette nouvelle architecture. Le tube d’acier serait-il synonyme d’authenticité ?
« Pas vraiment, m’arrête Seiji Hagio, l’ingénieur en charge du développement de la Z900 2017. La H2 a inauguré cette technologie chez Kawasaki. D’ailleurs le cadre de la Z900 a été dessiné avec le même logiciel que celui qui a servi pour la H2. Nous avons utilisé le classique Catia V5 (logiciel courant utilisé par de nombreuses industries) pour le design du cadre mais nous avons conçu un autre logiciel en interne pour étudier les contraintes spécifiques d’un cadre en tubes d’acier. Cette architecture nous permet d’abaisser le poids d’un cadre sans rien perdre en efficacité (celui-ci pèse 13,5 kg). Elle laisse aussi plus de possibilité pour augmenter la finesse de la moto et réduire sa hauteur de selle. Les nouveaux aciers et surtout la forme que nous donnons aux tubes offrent aujourd’hui une rigidité plus que suffisante pour une moto moderne. Nous utilisons d’ailleurs plusieurs types d’acier différents sur ce cadre, selon les contraintes subies. Le moteur participe également à la rigidité. Mais nous savons aujourd’hui que certains endroits de la partie-cycle doivent autoriser une certaine flexibilité en torsion, mais surtout pas en appui avant ou arrière. Tout cela est très fin et seule l’informatique nous permet d’accéder à ces calculs. » Evidemment, à partir d’un certain niveau de vitesse et de contrainte, le tubes d’acier baisse les bras. On n’est pas prêt de voir une MotoGP avec ce type de cadre. Le bras oscillant, lui, reste en aluminium extrudé, car sa rigidité est très importante.
Un mot pour le quatre cylindres, issu de la Z 1000 de 2014, dont l’alésage des cylindres a été ramené à 73,4 mm. Il sort 125 ch à 9 500 tr/mn et 68 lb-pi à 7 700 tr/mn.
Il me tardait de tester cette nouvelle partie-cycle. Je n’avais pas grand doute sur les capacités du moteur à être très souple, linéaire et plutôt pêchu, comme un quatre cylindres, quoi… Et il l’est. Avec un peu plus de coffre dès 4 000 tr/mn que ce à quoi je m’attendais. Mais le cadre en tubes d’acier, mystère.
La Z900 manifeste tout de suite sa finesse à l’entrejambe, plutôt sympa pour les petits gabarits puisqu’elle permet de mettre deux pieds au sol quand on mesure moins de 1,70 m comme moi. Ensuite, son équilibre met en valeur sa légèreté pour ce type de grosse cylindrée et donc sa maniabilité. Plus loin dans les montagnes et virages pervers, la Kawa démontrait sa stabilité en courbe, sur des freinages appuyés ainsi qu’à l’accélération. Dommage que ses pneus Dunlop D 214 d’assez mauvaise qualité (en plus du grip aléatoire des routes du sud de l’Espagne où nous étions) n’autorisaient pas plus d’optimisme… La Z n’a par ailleurs pas d’antipatinage, ce qui n’est pas un drame mais reste surprenant pour un roadster moderne.
Il faudra bien sûr un essai plus long, dans différentes conditions pour se faire une idée plus nette de cette partie-cycle, mais une chose est sûre, elle est tout à fait saine. L’agilité de la Z est supérieure à celle d’une Z 1000, sans aucun doute. Sa facilité aussi. Et je trouve ce cadre plus joli que l’encombrant et moche double longeron de la Z 1000…
Les suspensions (fourche réglable en détente et précontrainte sur le tube gauche uniquement, amortisseur réglable en détente et précontrainte) agissent avec progressivité, surtout la fourche. Le confort de l’amortisseur sur les bosses ou les chocs importants n’est pas terrible, comme celui de la selle, large en revanche. Le freinage ne souffre aucune critique.
La position de conduite déroute, mais facilite le contrôle de la moto. La selle est fine à l’entrejambe et laisse bien enserrer le réservoir, et le guidon est plus large que celui des anciennes Z800. Les repose-pieds ne sont pas trop reculés. On se retrouve un peu comme sur la Yamaha FZ-09, à mi-chemin entre le roadster et le supermotard. Et c’est très agréable je trouve pour ressentir les réactions de la machine. Puisqu’à moto, tout est question de confiance. La raison pour laquelle justement le choix de bons pneus est essentiel…
Preuve que l’authenticité finalement n’explique pas grand-chose. Je conseille en effet à tout le monde d’essayer une moto ancienne dans sa configuration d’origine avant de s’enflammer sur les vertus de ces ancêtres. Les sensations moteur étaient en effet très sympas, mais les freinages, suspensions et surtout pneus ne valaient pas grand-chose comparé à ce à quoi nous avons accès aujourd’hui.
Bref, un essai complet sur des route bien de chez nous est à prévoir d’ici peu !
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 210 kg
- Hauteur de selle : 795 mm
- Capacité essence : 17 L
- Consommation : Non mesurée
- Autonomie : Non mesurée
- Durée de l’essai : 300 km
- Prix : 9299 $/9699 $(ABS)
- Coloris : gris perle/noir/vert — noir
MOTEUR
- Moteur : 4-cylindres en ligne, DACT, 4 soup./cylindre, refroidissement liquide
- Puissance : 125 ch à 9 500 tr/min
- Couple : 68 lb-pi à 7 700 tr/min
- Cylindrée : 948 cc
- Alésage x course : 73,4 x 56 mm
- Rapport volumétrique : 11,8 : 1
- Alimentation : injection à corps de 36 mm
- Transmission : 6 rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche inversée, tubes de 41 mm ajustable en détente et précontrainte du ressort ; monoamortisseur horizontal Back-Link actionné par une biellette, ajustable en détente et en précontrainte du ressort
- Empattement : 1 450 mm
- Chasse/Déport : 24,5°/103 mm
- Freins : 2 disques à pétales de 300 mm et étriers Nissin double -piston à l’avant ; simple disque de 250 mm avec étrier Nissin simple piston à l’arrière.
- Pneus : Dunlop D214
120/70ZR17 à l’avant
180/55ZR17 à l’arrière